dimanche 27 décembre 2015

Ao, le dernier Neandertal (2010)


Il m'aura fallu une conférence sur la disparition de l'homme de Neandertal, pour que je m'intéresse à "Ao, le dernier Neandertal", film de Jacques Malaterre, connu pour ses documentaires (notamment "L'odyssée de l'espèce"). Abondamment cité par le conférencier, ce long-métrage n'avait pas, en son temps, séduit les foules. On peut le regretter, d'autant que les tentatives d'offrir au public des films à caractère documentaire, a fortiori s'il s'agit d'évoquer nos lointains ancêtres préhistoriques.

A l'aube de l'humanité, Ao, homme de Neandertal dont la tribu a été massacrée par des homo sapiens, erre seul dans ce qui sera plus tard l'Europe. Hanté par la vision d'Oa, son frère jumeau, il cherche à retrouver le clan de son enfance. En chemin, il est capturé par des homo sapiens et rencontre Aki, une jeune femme elle aussi prisonnière et promise à un funeste destin. Tous deux réussiront à s'évader : commence alors un long périple où les deux hominidés apprendront à se connaître. 


Un film mettant en scène la préhistoire et nos ancêtres, voilà qui est chose rare. Qu'il soit en plus didactique et ne se permette pas (ou peu) de fantaisies sous prétexte d'épicer son scénario, c'est encore plus rare. C'était donc avec une bonne dose d'indulgence que j'abordai "Ao, le dernier Neandertal", inspiré d'un roman de Marc Klapczynski.

La reconstitution est de bonne facture, et l'on saluera le talent de Jacques Malaterre pour ce qui y est de recréer un monde et des personnages disparus. Ao prend vie sous nos yeux, incarné avec foi par Simon Paul Hutton (assez peu remarqué pour sa carrière jusqu'à présent), autant qu'Aki, interprétée par la très dynamique Aruna Shields. Mais, hormis l'aspect documentaire soigné de "Ao, le dernier
Neandertal", force est de constater qu'il reste peu  de chose à se mettre sous la dent. Notre lointain ancêtre (dont la relation très forte avec la nature aurait gagné à être plus exploitée) et ses aventures n'emportent que peu le spectateur. Sans réussir à s'affranchir du genre documentaire et à offrir au public un véritable film d'aventures, pleinement assumé et cependant réaliste.

Enfin, le plus gros défaut du film est la présence horripilante des voix off, sensées décrire les pensées et sentiments des deux protagonistes. Là où une réalisation savante aurait suffi à mettre en évidence leurs états d'âme, la lourdeur de ces commentaires met en évidence le défaut majeur du film : sa narration.

Même avec trente années de plus, le remarquable "La guerre du feu" reste plus convaincant que cette épopée de l'espèce. Ao, lointain ancêtre oublié, aurait mérité mieux que ce film bien en-deçà des espérances qu'il générait.




mardi 22 décembre 2015

En solitaire (2013)


Il est des acteurs qui portent en eux un capital sympathie. François Cluzet, à mes yeux, est de ceux-là. Engagé, sincère, l'homme m'est sympathique et j'ai toujours plus d'indulgence pour un film où il joue. Le récent "En solitaire", en plus d'un décor assez rare au cinéma (puisque prenant place lors du Vendée-Globe), semblait porteur d'un thème social très en phase avec l'actualité. Ce film où il retrouvait Guillaume Canet, après deux gros succès au box-office ("Ne le dis à personne" et "Les petits mouchoirs") n'attira pas autant de spectateurs que ses prédécesseurs, loin s'en faut, 

Parce son ami Frank Drevil a été victime d'un accident, Yann Kermadec, marin comme lui, prend sa place au départ du Vendée-Globe. Très vite, le navigateur prend la tête de la course, jusqu'à une avarie qui le contraint à faire étape aux Canaries. Ce n'est que plus tard qu'il va se rendre compte qu'il n'est plus seul à bord. Un jeune garçon venu de Mauritanie s'est en effet glissé sur le voilier et compte bien rejoindre la France.
Pour le skipper, les choses se compliquent, quand il découvre le passager clandestin.


Premier film de Christophe Offenstein, "En solitaire" est une entreprise ambitieuse. Avec un tournage qui se déroula souvent dans les conditions réelles de la course à la voile, il offre des images souvent saisissantes des éléments déchaînés, tout en offrant un bel aperçu de la vie du marin en solitaire. La trajectoire des navigateurs a rarement fait l'objet d’œuvres cinématographiques, mais mériterait cependant qu'on s'y intéresse plus souvent, tant elle est fascinante.

La plus grande réussite de Christophe Offenstein est sans conteste le choix de son interprète principal. François Cluzet, endossant les habits du marin, prouve, s'il en était besoin, l'immense étendue de son talent. Face à lui, Guillaume Canet se montre presque convaincant (alors qu'il aurait pu contrebalancer le capital positif de l'acteur principal, à mes yeux), tandis que Virginie Efira se montre d'une belle sobriété, prouvant au passage qu'on peut lui confier autre chose qu'un rôle de comédie facile. Enfin, dans le rôle du jeune réfugié, Samy Seghir, découvert dans "Neuilly sa mère", tout en retenue, donne ici une belle prestation. Les interprètes de "En solitaire" sont, à n'en pas douter, son meilleur atout.

On peut cependant trouver nombre de défauts ou de faiblesses à "En solitaire", mais là où le bât blesse le plus, à mes yeux, est qu'il ne va pas jusqu'au bout de ses promesses et qu'il ne surprend que peu son spectateur. Les intrigues sportives et humaines se révèlent peu exploitées et on aurait aimé que le film s'aventure en des eaux plus tourmentées. Là où l'on pouvait s'attendre à un discours humaniste ou politique, on a droit à un propos trop consensuel et confortable. Ne se mettant jamais en danger (sur quelque thème que ce soit), "En solitaire" déroule son intrigue comme on s'y attend et franchit les vagues et le gros temps sans qu'on ait peur de sombrer. 

Même s'il ne convainc pas tout à fait, faute d'aller sur un terrain plus dangereux, "En solitaire" présente quelques bons moments. Ce n'est pas le film qu'on était en droit d'attendre, mais son visionnage peut se faire sans déplaisir.


jeudi 17 décembre 2015

Les mots pour lui dire (2014)


En visionnant, tout récemment, "Les mots pour lui dire", film qui n'eut même pas les honneurs d'une sortie en salles (du moins en France), j'ai eu le sentiment d'être devant le prototype même du film pour lequel ce blog fut créé. En effet, cette quatrième collaboration entre Hugh Grant et Marc Lawrence (après "Le come-back", "L'amour sans préavis" et "Où sont passés les Morgan ?") pouvait paraître victime d'un traitement injuste : non content de passer sous les radars des spectateurs, il a eu droit à un de ces ré-étiquetages absurdes dont les distributeurs ont le secret : "The rewrite" est devenu "Les mots pour lui dire" et fut doté d'une affiche annonçant (de façon mensongère) qu'il s'agissait d'une comédie romantique. Existe-t-il manière plus efficace de saborder un film ?

Depuis qu'il a décroché l'Oscar du meilleur scénario, il y a quinze ans, Keith Michaelsn'a plus rien produit. Sa vie familiale est à l'image de sa carrière, puisqu'après son divorce, il n'a plus revu son fils, qui était pourtant sa plus belle réussite.
Parce qu'il faut bien vivre, Keith accepte donc un poste de professeur à au fond de la Nouvelle-Angleterre., bien loin d'Hollywood. Là, il va devoir enseigner l'art du scénario à de jeunes étudiants (et surtout à de belles étudiantes, d'ailleurs). Parmi ses élèves, se trouve Holly, mère célibataire qui n'a pas sa langue dans sa poche...

Soyons clair : "Les mots pour lui dire", en plus d'avoir été honteusement re-titré en français, n'est pas une comédie romantique, mais un film doux-amer où l'on suit la métamorphose d'un homme. Hugh Grant, autour duquel le film tourne, est égal à lui-même et ravira ses admirateurs tout autant qu'il exaspérera ses détracteurs. On pourra cependant regretter qu'il se contente d'une prestation "confortable", alors qu'il a prouvé récemment qu'il pouvait faire autre chose (j'en veux pour preuve sa prestation dans "Cloud Atlas", par exemple). Face à lui, on remarquera la prestation de Marisa Tomei, pleine d'une énergie hélas sous-exploitée. De même, on pourra regretter que certains seconds rôles ne soient pas plus mis en avant : JK Simmons et Chris Elliott, pour ne citer qu'eux, auraient mérité plus que les quelques scènes où ils brillent.

Ce sont ses longueurs qui sont le premier défaut majeur de ce film : au vu de son intrigue prévisible (mais ça n'est pas forcément un défaut), il aurait finalement gagné à être plus court d'une bonne vingtaine de minutes. L'autre défaut qui empêche "Les mots pour lui dire" de prétendre à la réussite est son statut bancal entre plusieurs genres qu'il ne fait qu'effleurer, sans en assumer aucun. Caressant tour à tour la romance, le thème du mentor (la référence au "Cercle des poètes disparus" est clairement affichée) et la reconstruction  du héros (au sens moral du terme).

Ces défauts mis de côté, il reste heureusement quelques atouts dans l'inventaire de "Les mots pour lui dire" : ses interprètes et son ton bienveillant. Cela ne suffit hélas pas à faire de ce film une oeuvre inoubliable. Trop paresseux et dénué des ambitions qui en auraient fait un grand film, "Les mots pour lui dire" est typiquement le genre de film qu'on oublie vite après son visionnage. Si au moins il avait eu un générique de début tel que celui du "Come back" (ce sera le plaisir coupable du jour)...


samedi 12 décembre 2015

Microbe et Gasoil (2015)




Michel Gondry n'est pas un cinéaste comme les autres. Le réalisateur de "Eternal sunshine of the spotless mind", réputé pour sa fantaisie et son goût du bricolage, a ses admirateurs et aussi ses détracteurs. On avait cru le perdre quand il prit en charge l'adaptation de "The green hornet", mais c'était mal le connaître. L'homme a su rebondir et nous est revenu avec "L'écume des jours", qui déçut pas mal de ses fans, puis avec "Microbe et Gasoil", sorte de road-movie en territoire d'enfance. Hélas, ce n'est pas encore avec ce film qu'il touchera un grand public.

Daniel, adolescent timide et doux, est surnommé "Microbe" par les enfants de sa classe. Lorsque Théo, alias "Gasoil", bien plus expansif que lui débarque dans sa classe, les deux garçons, souvent mis à l'écart, se prennent d'amitié. Alors que les vacances d'été commencent, Microbe et Gasoil décident de partir, mais pas n'importe comment. S'armant de leur débrouillardise et de leur imagination, ils construisent de toutes pièces une voiture faisant également office de maison et partent sur les routes de France.

Adepte du bricolage, de mise en scène parfois innovante et surtout, d'une immense (et salutaire !) bienveillance envers ses personnages, Michel Gondry a sa touche personnelle, et l'affirme une fois de plus dans "Microbe et Gasoil", même si on ne retrouve pas ici les trouvailles visuelles d'opus précédents (comme "Soyez sympas rembobinez"). En grande partie inspiré par ses souvenirs d'enfance, le réalisateur s'offre (et nous offre) ici un voyage en territoire d'adolescence, dans des années vues au travers de son prisme personnel.

Lors de ce périple improbable, le spectateur apprend à découvrir et à aimer les deux personnages
principaux, interprétés par deux jeunes acteurs absolument remarquables de naturel et de spontanéité. Ange Dargent et Théophile Baquet, débutants (ou presque) crèvent l'écran et accrochent l'affection presque immédiatement, laissant dans l'ombre les autres interprètes (dont Audrey Tautou).

Sans être une grande cuvée, "Microbe et Gasoil" est un film dans lequel on reconnaît la patte de Michel Gondry, mais sans outrance. Posant un regard d'une grande tendresse sur ses personnages, interprétés par deux gamins bourrés de naturel, ce voyage au pays imaginaire est celui qu'effectuerait un Peter Pan des temps modernes.

Lorsque le voyage prend fin, et avec lui le rêve, force est de constater qu'il fut agréable et qu'on est bien contents d'avoir retrouvé Michel Gondry. Porté par l'énergie du rêve et le talent de ses jeunes acteurs, le réalisateur nous offre ici l'un de ses plus beaux films.


lundi 7 décembre 2015

Puzzle (2014)


Pour une fois, je me dois de commencer cet article en saluant l'élégante traduction d'un titre de film. "Third person", le dernier long métrage de Paul Haggis, auréolé d'un Oscar pour "Collision" est en effet devenu "Puzzle" lorsqu'il arriva dans les salles hexagonales. Hélas pour lui, cela ne fut pas suffisant pour assurer son succès critique

Paris, New York, Rome : dans ces trois villes, des couples se font, se défont, s'aiment, se mentent, se trahissent. Il y a l'écrivain en panne d'inspiration et sa maîtresse, manipulatrice mais fragile. Il y a cet espion industriel et une étrange gitane qui semble jouer avec lui, tout en cherchant à retrouver sa fille. Il y a aussi cette jeune femme perdue, qui ferait tout pour revoir son fils, que la justice lui interdit de rencontrer. Tous ces individus sont en proie à l'amour, sous toutes les formes qu'il puisse revêtir, et en souffrent...
Et si ces destins étaient liés entre eux ? 


Une accroche ambitieuse, un casting de prestige : il est  a priori étonnant que "Puzzle" ait rencontré un tel échec public (et critique) lors de sa sortie en salles. Paul Haggis avait, auparavant, rencontré un beau succès avec son "Collision" ou avec "Million dollar baby". L'échec est donc inattendu, de la part de pareil réalisateur. Il est pourtant tangible et, une fois le film visionné, finalement mérité.

En effet, une fois arrivé le générique de fin, après plus de deux heures de film (et deux heures, c'est long), on peut n'être pas convaincu de la réussite de l'entreprise. Le twist qu'on attend depuis 137 minutes laisse le spectateur sur sa faim, au point qu'on a juste envie de se demander "et alors ?". Certes, on a eu droit à de très belles images (qui laissent à penser que Rome, New York ou Paris sont des villes dignes de catalogues), à une distribution haut de gamme, mais dans quel but ?

Que nous ont raconté Paul Haggis et ses acteurs, qu'il s'agisse de Liam Neeson, d'Olivia Wilde, de James Franco, d'Adrien Brody, de Mila Kunis, de Maria Bello ou de Kim Basinger (quand je vous parle de casting exceptionnel, le mot n'est pas galvaudé) ? Les malheurs que s'infligent (souvent eux-mêmes, d'ailleurs) des femmes et des hommes qui voudraient être aimés, tout simplement ? Les tourments de l'écrivain face à ses fantômes ? Rien n'est clair (ce qui n'est pas foncièrement répréhensible) mais aucun indice n'est donné au spectateur pour se faire son idée (ce qui est plus discutable). 

Alors, certes, "Puzzle" est beau et bien filmé, mais regorge de clichés et en devient souvent caricatural. Mais ce n'est pas là son plus grand défaut. Quand le rideau tombe sur ce "Puzzle" de luxe, une impression demeure : celle de s'être trouvé face à un casse-tête auquel il manquerait tellement de pièces qu'il devient finalement inintéressant d'y perdre son temps. Annonçant crânement un film choral dont les personnages ont un destin lié par un lourd secret, "Puzzle", malgré ses belles images et son casting haut-de-gamme, fait l'impression d'une baudruche qui se dégonfle au fur et à mesure de son déroulement. 


samedi 5 décembre 2015

Blogger Recognition Award



L'ami Martin m'a fait un grand honneur en me "taggant," tout récemment : cette reconnaissance m'est allée droit au cœur. Si j'ai bien compris, il s'agit de donner un petit coup de pouce à un ou plusieurs blog(s) que l'on apprécie, après avoir narré l'histoire du sien, ainsi que son principe de fonctionnement. A la gentille invitation de Martin, donc, je me prête au jeu.

L'histoire de Deuxième Séance est simple. Fan de cinéma depuis tout petit, j'ai aimé quantité de films dont certains n'ont jamais connu la gloire qu'ils auraient mérité (à mes yeux).Tout naturellement, une idée s'est imposée à moi : celle de donner un coup de projecteur sur des films mal-aimés du public ou des critiques (voire des deux), et éventuellement de tenter de leur offrir une nouvelle chance.Ajoutez à cela une véritable envie d'écriture et de communication : il était inévitable que naisse ce blog.

L'idée principale de Deuxième Séance est et reste une grande bienveillance. La critique dévastatrice y est minoritaire, le principe restant de rendre, en quelque sorte, justice à des films mal traités lors de leur sortie. Certes, quelquefois, je suis sujet à de véritables colères, mais c'est parce que je suis déçu. Chaque fois qu'un film a échoué à séduire, je cherche à mettre en avant ses atouts plutôt que ses défauts. 

Je serais bien en peine de livrer tout de go des conseils imparables à ceux voulant se lancer dans l'aventure du blog. Quelques ingrédients me semblent incontournables si l'on veut éviter l'échec : être régulier, porter attention à ses lecteurs (et à leurs commentaires) et (surtout) prendre plaisir à communiquer. Ne courez pas après l'audience ou les clics monétisables : aimez ce que vous faites et respectez ceux qui vous lisent. 

Je passe donc le témoin à quelques amis blogueurs et dont je hante régulièrement les colonnes, toujours avec plaisir (je n'oublie pas les autres, mais il semble qu'ils ont déjà fait l'objet d'un "parrainage") : Mel, Borat, Inglourious Cinema et Ronnie, c'est à vous de jouer (si le coeur vous en dit, bien évidemment !).  

mercredi 2 décembre 2015

Wild (2014)


Jean-Marc Vallée, réalisateur notamment du chaleureux "C.R.A.Z.Y.", semble avoir du mal à être reconnu de ce côté-ci de l'Atlantique. Certes, son "Dallas buyers club" a connu chez nous un joli succès critique, mais on pourrait se demander pourquoi il ne remplit décidément pas les salles. Récemment, "Wild", malgré un joli succès aux Etats-Unis, n'a pas drainé les foules dans les salles hexagonales. Ce sort était-il mérité ?

Un jour, Cheryl Strayed a décidé de parcourir à pied la côte est des Etats-Unis. Sa vie est un naufrage : son couple a échoué, elle ne s'est jamais remise de la mort de sa mère, et s'est perdue, corps et âme. Sans préparation physique, avec sur le dos un sac aussi lourd qu'elle, la jeune femme commence un périple tout aussi physique qu'intérieur. 
Affrontant tant la nature parfois hostile que les fantômes qui la hantent, Cheryl n'est pas au bout de ses peines...


Pour incarner l'héroïne (sans mauvais jeu de mots) de "Wild", Jean-Marc Vallée a fait appel à Reese Witherspoon, Ce qui pourrait passer pour un pari risqué est finalement une des plus belles idées du film. Celle à qui l'on a trop longtemps collé l'étiquette de la bimbo écervelée met ici tout le monde d'accord. N'hésitant pas à se mettre en danger (et je ne parle pas ici du danger physique, quoi qu'il ait sans doute été présent lors du tournage), Reese Witherspoon fait montre d'un talent évident et porte le film à bout de bras, non contente d'avoir été à l'initiative du projet. On saluera également la belle prestation de Laura Dern, décidément trop rare au cinéma. 

Trop souvent vendu comme un "Into the wild" au féminin, "Wild" présente cependant de nombreuses différences avec le film de Sean Penn. Cheryl, l'héroïne du présent long métrage, entame une marche au cours de laquelle elle cherche la rédemption, alors que le personnage central de "Into the wild" était en quête de la solitude. La comparaison, en plus d'être inadaptée, a joué en la défaveur du film de Jean-Marc Vallée et cela est bien dommage.

Au cours de la longue marche de Cheryl, on comprend mieux les motivations de la jeune femme, on souffre avec elle, parce que la route est difficile et parce que l'épreuve qu'elle s'impose est de celles qu'on traverse douloureusement. Filmé au plus près de son interprète principale, "Wild" emmène son spectateur en voyage, sans s’embarrasser d'angélisme. Quasiment documentaire, le film pose quelques questions, sans donner de réponses toutes faites. On pourra lui reprocher ce ton, mais d'aucuns (dont je suis, et j'assume) sauront se retrouver dans le public auquel il s'adresse.

Il est finalement dommage que "Wild" n'ait pas eu l'audience qu'il méritait, du moins dans nos contrées. Porté par une Reese Witherspoon qui gagne à l'occasion des galons qu'on aurait pu jusqu'alors rechigner à lui accorder, ce voyage initiatique et très physique est de ceux qui ne s'oublient pas.