lundi 3 mars 2014

La stratégie Ender (2013)


Bien qu'étant l'auteur de plusieurs séries de romans de science-fiction ("Alvin le faiseur" et le cycle d'Ender, par exemple), le mormon Orson Scott Card avait jusqu'à présent été épargné par la frénésie d'adaptations cinématographiques. L'an dernier, après des années de négociation et de travail de préproduction, "La stratégie Ender" prit corps, devant la caméra de Gavin Hood (qui commit il y a quelques années "X-Men origins : Wolverine"). Le romancier ayant été très tôt été impliqué dans le projet (il est d'ailleurs au rang des producteurs), on avait tout lieu de croire à la réussite du projet. Il faut, hélas, croire que public et critiques ne furent pas de cet avis puisque le film fut une des nombreuses déceptions de 2013.

Cinquante ans plus tôt, la Terre a failli périr sous l'assaut des Doryphores, une race extraterrestre belliqueuse qui n'échoua que grâce à Mazer Rackham, qui assura la victoire des humains.
Pour que la prochaine guerre contre les Doryphores ne sonne pas le glas de l'espèce humaine, le Colonel Graff a en charge la formation de ceux qui défendront la Terre. Parmi eux, le jeune Ender Wiggin a des dispositions hors du commun. Graff voit en lui le futur sauveur de l'humanité. A force d'entraînement et de simulations, il va s'efforcer d'en faire le commandant des forces armées destinées à sauver la Terre, lorsque les Doryphores reviendront...

Quel curieux film de science-fiction que celui là ! L'essentiel de "La stratégie Ender", en effet, ne se déroule pas en plein espace, mais dans la station spatiale où les cadets recrutés par le Colonel Graff subissent un entraînement qui (par moments) n'a rien à envier à celui décrit dans "Full metal jacket". Amateurs de space opera flamboyant et de lasers étincelants , vous pouvez donc passer votre chemin.

L'évolution du personnage d'Ender, poussé par son mentor à devenir un officier implacable et prêt à tout face à l'ennemi qui approche, est surtout un parcours initiatique, même si le cadre en est futuriste. On pourrait longtemps gloser sur l'idéologie évoquée dans "La stratégie Ender" et les multiples controverses dont Orson Scott Card fait l'objet : en d'autres temps, "Starship troopers" fut également accusé de mille maux, à tort. Faute de recul, le film de Gavin Hood n'a pas un propos aussi critique que celui de Paul Verhoeven. C'est sans doute son plus grand défaut, et il est majeur.

Du côté de la réalisation, après le très mitigé "X-Men Origins  Wolverine", on pouvait craindre le pire. Gavin Hood se contente du minimum syndical et réussit à ne pas perdre le spectateur, sans cependant l'enthousiasmer et sans prendre le risque de porter un regard cynique sur ce qu'il filme. Là aussi, c'est regrettable.

Il fut un temps où la simple présence d'Harrison Ford dans un film suffisait pour assurer son succès. Depuis plusieurs années, cependant, le nom de celui qui incarna entre autres Indiana Jones ou Han Solo n'est plus synonyme de triomphe assuré. Dans un rôle important, mais secondaire, Harrison Ford joue tout en sobriété et réussit à s'affirmer face au jeune Asa Butterfield, assez remarquable pour son âge. Embarqué dans un conflit qui le dépasse, l'interprète du jeune Ender s'en sort avec les honneurs.

Alors, qu'est-ce qui laisse chez le spectateur cette impression d'échec, alors que tout est réuni, ou presque, pour obtenir un grand film de science-fiction ? Sans doute s'agit-il d'un simple malentendu : "La stratégie Ender", loin d'être un film de space-opera, décrit l'éducation militariste d'un jeune cadet pris au piège de son destin de guerrier. Sans prendre le recul nécessaire, Gavin Hood laisse (sciemment ou non) son spectateur faire la part des choses.

Malgré la froideur apparente du film, malgré ses scènes souvent vides d'émotion et d'implication, on pourra trouver dans "La stratégie Ender" un véritable propos qui aurait mérité d'être plus développé et un regard critique. faute d'aller plus loin, Gavin Hood ne fait que frôler la réussite et laisse une cruelle impression de rendez-vous manqué.




14 commentaires:

  1. J'ai bien aimé ce film. Pas extra-ordinaire, et je ne m'en souviendrai peut-être plus dans quelques temps, cependant j'ai passé un bon moment devant. Il est sûr que si les spectateur s'attendent à des guerres dans l'espace ce sera une déception pour eux : Stratégie Ender est basé sur l'entraînement de Ender, pas sur des guerres spatiales.
    Il y a pas mal de choses intéressantes dans ce film, mais comme tu le dis elles ne sont pas approfondies, et c'est bien dommage. Pour couronner le tout j'ai malheureusement compris ce qui se passait lors de "l'examen" final (je l'avais senti à des kilomètres...).

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    1. Effectivement, ce film avait un potentiel plutôt riche et disposait d'une approche plutôt inédite. Hélas, rien de tout cela n'est exploité, et le résultat s'en ressent.
      Merci de ton passage.

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  2. Les trois-quarts du film sont pas mal et montrent un propos franchement intéressant sur les enfants-soldats. Mais paf tout part en couille dans la dernière demi-heure. (attention spoilers) Quand tu amène tout l'Etat-major c'est pour une banale partie de jeu? Est-ce cohérent que la reine se trouve à quelques mètres de la base alors que logiquement ils ont tout éradiqué dans le coin? Pas crédible une seconde. (fin des spoilers).

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    1. C'est tout à fait cela. Un début intriguant et prometteur et une conclusion bâclée, qui gâche le potentiel qu'avait le film.Les points que tu soulèves dans tes spoilers sont de beaux exemples, merci.

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    2. Sans compter la fin ouverte et pour quoi? Faire une série qui sera plus une déclinaison du film qu'une suite!

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    3. La fin, volontairement ouverte, m'a paru cohérente au regard du roman (je ne l'ai pas lu, mais j'ai glané ça et là des éléments sur le Net) qui est le premier tome de la saga, dans laquelle le destin d'Ender prendra toute sa tournure.
      Quoiqu'il en soit, je pense que l'échec du film cloue le cercueil de cette hypothétique saga à l'écran.

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    4. Le problème et c'est ce que je disais déjà sur Harry Potter c'est que parfois il est totalement inutile de suivre le roman ou d'adapter tome par tome. Il faut aussi savoir faire un travail d'adaptation car ne l'oublions pas le cinéma est aussi une réécriture. Le film n'a pas été tant un échec c'est juste qu'il n'a pas assez fait de chiffres par rapport aux attentes des producteurs.

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    5. Ses recettes ont été, c'est vrai, très en-deça de ce qu'espéraient ses producteurs. Cela dit, il est question d'utiliser cette franchise pour en faire une série télévisée. La créativité étant plutôt dans le petit écran, on peut espérer quelque chose de cela...
      A surveiller !

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    6. Le problème c'est ce que je disais plus haut: ce ne sera probablement pas une suite, mais plutôt une déclinaison et en plus, vu que le budget du film allait massivement dans les sfx je ne pense pas que le petit écran soit le bon endroit.

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    7. Au vu de ce que donnent certaines séries (je pense évidemment à l'incontournable "Game of Thrones"), j'ai plus confiance dans le petit écran que dans le grand pour donner de la substance à cette œuvre.
      On verra bien...

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  3. Un honnête essai, finalement. Je m'attendais à un viol du matériau original, il est extrêmement condensé, mais respecté. Presque tout est là, même si le contexte sentimental est un peu raté. Pas sur la déshumanisation, mais plutôt sur l'humanisation d'Ender à des moments où il n'éprouvait tout simplement aucune émotion dans le livre.
    Bonne critique, même si je suis finalement un peu plus clément dans mon bilan. Une commande plutôt bien honorée.

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    1. N'ayant pas lu les romans dont est tiré le film, je suis bien en peine de juger de ce critère et ne livre ici qu'un ressenti de spectateur. J'ai trouvé que ce film n'était pas aussi mauvais qu'on avait pu le lire ça et là et qu'il aurait mérité mieux que son accueil tiède (doux euphémisme, surtout dans nos contrées).
      Merci d'être passé !

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  4. Il ne m'intéresse pas du tout ce film. Mais je trouve vraiment ta critique excellente et hyper agréable à lire. Bravo !

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    1. Mille mercis : ce genre de commentaire est toujours agréable.
      Merci de ton passage !

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