jeudi 30 mai 2019

Du vent dans mes mollets (2012)





Les films traitant de l'enfance sont légion. Certains s'adressent à un public enfantin, quitte à adopter un style et un langage qui les éloignent du public adulte. D'autres font l'inverse. Enfin, il en est qui s'efforcent de fédérer et de réunir, devant une toile de cinéma, parents et enfants (et parfois même d'autres générations). Ces films familiaux contournent souvent les thèmes graves, mais il est parfois des œuvres qui les affrontent, interloquant à la fois parents et enfants. Parmi eux, à sa sortie, "Du vent dans mes mollets" avait été accueilli plutôt froidement par certains critiques. Son succès public avait été moindre, également. Alors, avons-nous été injustes avec ce film ?

Rachel, neuf ans, est une petite fille comme tant d'autres. Entre sa mère, très protectrice, et son père, qui semble détaché de tout, Rachel s'interroge sur la vie, parce que ça n'a pas l'air simple, de grandir. Sa psychologue, Madame Trébla, ne répond pas à ses questions et c'est l'arrivée dans sa vie de Valérie, une intrépide petite fille, qui va tout changer. Ensemble, les deux fillettes vont faire les quatre cents coups, et découvrir bien des choses...


Il y a plein de raisons de se pencher sur ce petit film, adapté d'un roman -bande dessinée  : d'abord parce qu'il pas puéril et se permet d'aborder des sujets graves sans prendre un ton bêtifiant. Ce n'est pas parce qu'il met des enfants en vedette qu'il se permet d'être niais. Vu à hauteur d'enfant, le monde qui entoure Rachel est déroutant, parfois drôle, souvent tragique et compliqué et la réalisatrice réussit, la plupart du ton, à mêler fantaisie et drame sans donner la nausée au spectateur. 

Et puis, il y a le casting, formidable : qu'il s'agisse d'Agnès Jaoui (plus ça va, plus j'aime cette femme), de Denis Podalydès (remarquable et souvent touchant), d'Isabelle Carré (dans un de ses meilleurs rôles) et, surtout, des enfants qui ne donnent pas l'impression d’ânonner bêtement un texte appris par cœur. Petit bonus : dans un rôle presque accessoire, la grande Isabella Rosselini, en psy pleine de sagesse, nous offre quelques scènes superbes.

Certes, quelques maladresses (souvent formelles) sont à déplorer, mais, bon an mal an, l'équilibre subtil entre drame et fantaisie (avec quelques vrais moments burlesques) est réussi : c'est bien plus que la moyenne, en matière de comédies françaises (et là, je ne donnerai pas de noms, par charité).

On a parfois pointé du doigt la période à laquelle sortit ce film et sa concurrence avec le très surestimé (à mes yeux, en tout cas) "Camille redouble". Mais le fait est que l'accueil frileux qui fut le sien paraît aujourd'hui bien injuste.


samedi 25 mai 2019

Venise sous la neige (2015)


Maintes fois, le septième art a choisi d'adapter le sixième, à savoir le théâtre. Ce fut parfois une grande réussite  (je songe notamment à "Cyrano de Bergerac" ou au "Limier", pour ne choisir que deux exemples très différents) et à un beau succès populaire. D'autres fois, ça marche moins bien et le film qui naît de l'adaptation passe sans susciter l'attention des spectateurs. Dans le cas de "Venise sous la neige", réalisé en 2015 par Elliott Covrigaru, ils sont rares, ceux qui se déplacèrent en salle. Alors, sommes-nous passés à côté d'une jolie adaptation ?


Dramaturge incompris, Christophe cherche à faire financer sa prochaine création, dont le rôle principal est promis à Patricia, sa compagne. Pour ce faire, il va rendre visite à un de ses amis, sur le point de se marier et disposant des moyens nécessaires. Seulement, Patricia, fâchée envers Christophe a décidé de ne plus décrocher un mot. Les ennuis commencent. 

Premier long-métrage d'Elliott Covrigaru, "Venise sous la neige" ne cache pas son ascendance : ce film affiche clairement son statut, au point qu'on songe souvent à du théâtre filmé. C'est embêtant, car on se demande rapidement où et la plus-value du passage au grand écran.

Déjà maintes fois tenté (et souvent réussi), l'exercice avait quelque attrait. Mais, pour qu'il soit réussi, il aurait fallu qu'il innove et apporte un petit plus qui donne le sentiment d'être face à un film et non devant une pièce somme toute assez médiocre. 

Car, ne nous ne le cachons pas, "Venise sous la neige" n'est pas très drôle et est même parfois franchement gênant. Les gags sont usés et tombent le plus souvent à plat, les répliques ne font que rarement mouche et les acteurs en font des tonnes, en vain.

Particulièrement caricatural et souvent poussif, "Venise sous la neige" n'a pas grand chose pour lui. Bien souvent, je me suis réfugié, lorsqu'un film me paraissait peu intéressant, dans la contemplation de ses interprètes. Dans le cas de "Venise sous le neige", point de consolation à trouver de ce côté-là. Dans des rôles caricaturaux, les acteurs en font des tonnes. Ce qui aurait pu passer sur les planches (et encore !) ne passe définitivement pas au grand écran, ni même au petit. Seule Juliette Arnaud semble tirer son épingle du jeu, mais on sent qu'elle s'ennuie profondément, tout comme le spectateur.

Quitte à voir une pièce de théâtre, autant se rendre au théâtre, justement et, si c'est possible, on choisira une pièce digne d'intérêt. Ce "Venise sous la neige" ne mérite pas sa deuxième séance (ni sa première, d'ailleurs).


lundi 20 mai 2019

Trois enterrements (2005)




Un peu partout, les murs se dressent, ces dernières années, pour empêcher ceux qui le voudraient d'accéder à des jours meilleurs. Le cinéma s'est parfois emparé du thème de l'immigration de façon plus ou moins heureuse (on se souviendra, ou pas, du balourd "Droit de passage", par exemple). En 2005, avant même qu'on imagine l'accession d'un certain président aux Etats-Unis, Tommy Lee Jones avait réalisé "Trois enterrements" qui évoquait le sort d'un immigrant mexicain au travers d'un voyage funèbre et néanmoins initiatique. Salué par la critique et récompensé de plusieurs prix, ce film eut cependant peu d'audience dans les salles : serait-ce le moment de le (re)voir ?

Au Texas, tout près de la frontière mexicaine, on retrouve le corps de Melquiades Estrada, un vaquero entré aux Etats-Unis illégalement. Parce que c'est un clandestin, l'enquête officielle est enterrée en même temps que le corps du malheureux. Parce que c'était son meilleur ami, Pete Perkins va plus loin. Après avoir mis la main sur le garde-frontière qui a, par erreur, abattu Melquiades, il va le forcer à exhumer le cadavre puis à l'emmener avec lui jusqu'au village natal de son ami, au Mexique. Commence alors un voyage dont ils ne sortiront pas intacts.

On pouvait frissonner en voyant s'afficher, parmi les producteurs, le nom d'Europacorp, synonyme de revenge-movies écrits au pochoir. Cependant, la présence au générique du scénariste Guillermo Arriaga (déjà à l'écriture de "21 grammes", par exemple) avait de quoi rassurer. De plus, la présence derrière la caméra (pour son premier film de cinéma) du grand Tommy Lee Jones achève de convaincre. En posant sa caméra à hauteur d'homme (et de femme), celui qui fut révélé au grand public avec "JFK" et "Le fugitif" donne ici vie à tout un pan de la population américaine qui n'a pas souvent droit au chapitre. Dans la petite bourgade frontalière où se déroule l'action, toutes et tous portent un regret, un échec et des aspirations non abouties. Échoués là, les protagonistes de "Trois enterrements" (dont le titre original était "The Three Burials of Melquiades Estrada"), confrontés aux immigrants mexicains qui tentent de franchir la frontière, ont peur de ce que leur réserve la vie et se raccrochent au peu qu'il leur reste. 



Pour interpréter ces êtres humains plus ou moins cassés, Tommy Lee Jones a fait le choix du vrai. Qu'il s'agisse des premiers rôles ou des personnages d'arrière-plan, la distribution  fait montre d'une belle authenticité. Dans le rôle de Pete Perkins, l'acteur-réalisateur est impérial, une nouvelle fois et démontre qu'il n'est pas, loin s'en faut, qu'une "gueule".
Est-ce un clin d’œil malicieux de Tommy Lee Jones ? Toujours est-il que l'auteur du tir malheureux qui abat Melquiades Estrada est interprété par Barry Pepper, qui jouait le sniper illuminé de "Il faut sauver le soldat Ryan". Féroce image d'une Amérique ayant échoué, le jeune garde-frontière en quête de rédemption malgré lui en dit long sur son époque, alors que l'on ne dressait pas encore de murs entre les hommes.

En plus d'être remarquablement interprété, "Trois enterrements" est filmé de manière magistrale. Pour son (quasiment, puisqu'il avait déjà tourné pour le petit écran) premier film, Tommy Lee Jones réussit ici un coupe de maître. Chapeau (texan), l'artiste !




mercredi 15 mai 2019

Souvenirs de Marnie (2014)



Il y a quelque temps, un joli billet de l'ami Martin m'a donné envie de revoir "Souvenirs de Marnie", dessin animé qui m'avait fait belle impression lors de son premier visionnage. Quel ne fut pas ma surprise lorsque, par acquis de conscience, j'allai m'informer sur le sort de ce film : son peu de succès, dans son pays d'origine ou en France, avait conduit le célèbre studio Ghibli à marquer une pause dans la production de films d'animation.

Anna, jeune fille timide et maladive, vit avec ses parents adoptifs depuis le décès de son père et de sa mère. Quand elle est envoyée pour l'été à la campagne, Anna ne sait pas encore qu'une étrange aventure commence pour elle. Une étrange maison, située sur la plage, et dont il est dit qu'elle est hantée. Quand la jeune fille, habituée à se réfugier dans son imaginaire et ses dessins, rencontre là l'étrange Marnie, c'est le premier pas d'un voyage inattendu.

Ceux qui considéraient encore que l'animation japonaise ne produit que des films simplistes en seront pour leurs frais. Le très subtil "Souvenirs de Marnie", loin d'être un dessin animé destiné aux seuls enfants, est une oeuvre à ranger aux côtés de plusieurs autres produites par les studios Ghibli, comme "Arriety, le petit monde des chapardeurs" (du même réalisateur) ou "La colline aux coquelicots". 

Encore une fois, c'est à un  petit bijou de l'animation japonaise que nous avons affaire, venu tout droit d'un des meilleurs créateurs du genre, Hiromasa Yonebayashi, dont la "patte" se sent dans chaque séquence, faite de sensibilité. 
Rarement un film d'animation aura su autant me toucher, je l'avoue. Pour son deuxième long métrage (après le déjà cité "Arrietty, le petit monde des chapardeurs"), le réalisateur affirme son style et les explications quant au peu de succès de "Souvenirs de Marnie" m'échappent. Fut-il mal vendu ? Mal distribué ? Son thème, nimbé de mystère, joua-t-il contre lui ? Au (re)visionnage de ce film d'animation, on ne peut qu'être surpris qu'il ait failli causer le naufrage des studios Ghibli, tant il est pourtant réussi, techniquement ou narrativement parlant. 

Amateurs (ou non) d'animation (japonaise ou non), je ne peux que vous engager à suivre Anna dans les "Souvenirs de Marnie". L'histoire qui vous y sera contée mérite d'être suivie et la façon dont elle est narrée ne fait qu'ajouter au charme de ce dessin animé.


vendredi 10 mai 2019

Irène (2002)


Une fois de temps en temps, on a le droit d'avoir un moment de faiblesse : il m'arrive de visionner des films très prévisibles, dont la fin ne fait aucun doute, juste parce que leur réalisateur est dans mes bonnes grâces ou parce que les acteurs et actrices qui y jouent font partie de mes préférés, par exemple. Dans le cas de "Irène", c'est essentiellement la présente souriante de Cécile de France qui m'a fait pencher sur ce film, le premier réalisé par Ivan Calbérac (essentiellement connu pour "L'étudiante et Monsieur Henry"). 

Irène a trente ans, un métier intéressant à Paris, des parents qui l'aiment en province. Mais Irène a un problème : elle est toujours célibataire et, selon elle, il est temps que ça change. Alors qu'elle s'installe dans son nouvel appartement et acquiert enfin sa liberté, elle se lance dans sa quête de l'homme idéal. Terminées, pour elle, les histoires qui ne durent pas... Alors qu'elle engage François pour repeindre son logement, elle se lance dans cette quête, cherchant partout, s'y prenant souvent mal. Et si l'amour était pourtant sous ses yeux ?

Vous l'aurez aisément deviné : nous sommes, avec "Irène", sur le terrain très balisé et rarement surprenant de la comédie romantique, qui plus est dans sa catégorie "française" (celle qui peut rarement se targuer d'audace). Les protagonistes, mis en scène dès les premières séquences, doivent franchir quelques obstacles pour parvenir à la conclusion imposée. En l’occurrence, les obstacles qui se présentent aux deux tourtereaux sont surtout le fait même de l'héroïne : le caractère d'Irène, pas franchement facile, ses aspirations et exigences, tout conspire à la faire échouer dans sa recherche du prince charmant. Cela dit, rien de neuf sous le soleil de la romcom. Tant pis, ou tant mieux, c'est selon les attentes du spectateur. 

C'est surtout la divine Cécile de France qui est le plus bel atout de "Irène", comédie romantique à la française, très prévisible. Tour à tour boudeuse ou enthousiaste, l'héroïne de ce petit film entraîne dans son sillage le spectateur (qui, de son côté, est tour à tour agacé ou attendri par elle). Face à elle, les seconds rôles, essentiellement masculins, s'en tirent avec les honneurs, leurs rôles fussent-ils parfois caricaturaux. Qu'il s'agisse de Bruno Putzulu, en faux naïf, d'Olivier Sitruk, en amant mystificateur, ou de Patrick Chesnais, dans le rôle d'un boss dépassé, pour ne citer qu'eux, font "le job", comme on dit, et servent un scénario parfois à la limite du minimalisme, oscillant entre charme et légèreté. 

Bref, "Irène", petit film léger et souvent sucré, est de ceux qui se regardent sans peine et s'oublient rapidement. N'eut été le charme de ses interprètes, il serait fort dispensable.


dimanche 5 mai 2019

The highwaymen (2019)





Curieux destin que celui de "The Highwaymen", film initialement envisagé pour Paul Newman et Robert Redford. Lâché par Universal, c'est finalement chez Netflix qu'il fut produit, marquant du coup un drôle de signe des temps. En tête d'affiche de ce film, on retrouve Kevin Costner et Woody Harrelson, endossant les rôles de deux ex-Texas Rangers sur le retour. Sans passer par les salles obscures, "The Highwayme" méritait-il cependant mieux que son sort parallèle ? Sur la prescription du bon docteur Ronnie, je me suis penché sur ce film.

Alors que Bonnie et Clyde parcourent les Etats-Unis dans une cavale sanglante, les autorités sont prêtes à tout pour arrêter le couple de bandits. Quand tout semble avoir échoué, Miriam Ferguson, gouverneure de l'état du Texas. choisit de faire appel à Frank Hamer et Maney Vault, deux Texas Rangers en retraite. Commence alors une longue traque où les deux chasseurs vont suivre Bonnie et Clyde, adulés par nombre d'Américains de la Grande Dépression. 

John Lee Hancock, réalisateur de "The Highwaymen", est plus connu pour son activité de scénariste. Dans le cadre de celle-ci, on lui doit quelques scripts majeurs, dont certains mis en images par Clint Eastwood. On se souviendra, par exemple, de "Minuit dans le jardin du bien et du mal" ou du très beau "Un monde parfait", où Kevin Costner avait eu l'un de ses plus beaux rôles. 
La boucle est bouclée, puisque c'est ce dernier qui est la plus belle raison de voir "The highwaymen" : le duo qu'il forme avec Woody Harrelson est simplement parfait. Plus ça va, plus je trouve que ces acteurs se bonifient avec l'âge. Le cas de Costner est exemplaire : propulsé en quelques films au rang de star numéro un, puis chutant brutalement de son piédestal, on le retrouve régulièrement dans des rôles, parfois secondaires, où il peut montrer toute l'étendue de son talent, quitte à prendre des risques (et je ne parle pas d'erreurs comme "3 days to kill"). Aux côtés de Costner, Woody Harrelson est lui aussi remarquable, dans son rôle d'homme dépassé par son époque. On notera également quelques jolies prestations dans les seconds rôles, dont celui de Kathy Bates, trop rare au cinéma.

Mais c'est surtout la peinture de l'époque qui est impressionnante dans "The highwaymen" : les Etats-Unis d'après le krach de 1929 sont décrits ici avec une minutie remarquable. Utilisant une lumière souvent froide, Hancock livre le portrait d'années de misère, plongeant ses héros au milieu de ceux qui vécurent la Grande Dépression de l'intérieur. La réalisation, sobre et efficace, est elle aussi de très haut niveau. Le budget conséquent du film (pas loin de 50 millions de dollars) fut utilisé avec intelligence : ce film n'a rien à envier à bon nombre de blockbusters.

A n'en pas douter, "The Highwaymen" aurait mérité de sortir dans les salles obscures, tant son thème, son décor, sa réalisation et (surtout) son interprétation en faisaient un film intéressant. On peut s'interroger sur le sort de ce long métrage, quand d'autres films, de bien moindre épaisseur, ont droit à plus d'égards.