dimanche 26 avril 2020

Amitiés sincères (2012)


Le "film de potes" est un genre à part entière avec ses grandes réussites et ses ratages. Chacun classera à son gré "Les petits mouchoirs", "Le cœur des hommes" et "Mes meilleurs copains", pour n'en citer que deux qui reviennent régulièrement dans ces colonnes. Adapté de la pièce de théâtre éponyme par ceux-là même qui l'écrivirent, "Amitiés sincères", avec un casting plutôt bankable n'eut pas le succès de ses illustres (ou pas) prédécesseurs.

Propriétaire d'un grand restaurant, Walter aime la vie, ses amis et sa fille. Pour lui, l'amitié, c'est sacré et rien n'est plus important que le repas hebdomadaire avec Paul et Jacques, sauf peut-être Clémence, sa fille, la prunelle de ses yeux, qui commence à lui échapper et devenir indépendante. Tout à ses activités professionnelles, Walter, homme pressé, ne songe pas un instant que Clémence peut tomber amoureuse d'un homme. Quand, finalement il apprend que cet homme est Paul, son meilleur ami, l'amitié des trois hommes survivra-t-elle ?

Un trio d'amis solide mis à l'épreuve par les tourments du cœur, l'équation qui est le noyau de "Amitiés sincères" était prometteuse. Si cette partie de l'intrigue met un certain temps à prendre sa place dans le film, qui s'égare parfois dans des chemins rappelant le théâtre, ce n'est peut-être pas plus mal. Durant les premières séquences, on a ainsi le temps de faire connaissance avec la petite bande de potes formé par trois acteurs parfaitement en phase avec le rôle qu''on leur a confié. Stephan Archinard et François Prévôt Leygonie, les deux réalisateurs, pour leur premier film, choisissent en quelque sorte la sécurité, aux dépens de l'équilibre de l'ensemble.

Surtout centré sur le personnage incarné par Gérard Lanvin, le film laisse de côté les tourments de Jacques, libraire mal dans son cœur, qui offrait pourtant un beau potentiel dramatique. Plus qu'un film sur l'amitié, "Amitiés sincères" narre surtout les secousses d'un père qui voit sa fille s'éloigner de lui, et pratique la colère plus souvent qu'à son tour. Souvent en roue libre, l'acteur excelle dans ce registre, mais ne surprend pas, tandis qu'en retrait, Wladimir Yordanoff et Jean-Hugues Anglade ne donnent pas la pleine mesure de leur immense talent. La touche féminine du casting, donnée par Zabou Breitman et Ana Girardot, tente de s'affirmer tant bien que mal, mais reste à la portion congrue face au trio qui mène le bal.

S'il avait été plus équilibré, "Amitiés sincères" aurait pu être un joli "film de potes" et faire un peu plus qu'évoquer ses illustres ancêtres. Manquant souvent de chaleur et parfois encombré par les tensions qui règnent entre les trois hommes, le film est en-deçà des grandes réussites du genre (mais au-dessus de certains représentants de ce registre, si vous voulez mon avis). La grande sympathie qu'on peut avoir pour les interprètes de cette ode à l'amitié ne suffira pas à faire de "Amitiés sincères" un film inoubliable. 






mardi 21 avril 2020

L'ex de ma vie (2013)



En ces temps compliqués, on peut légitimement s'accorder une petite pause et avoir envie de légèreté. Il y a des tas de films qui peuvent répondre à cette demande. Certains rempliront leur mission avec efficacité et d'autres échoueront. Au rayon des comédies romantiques, il est des pépites sucrées qui tomberaient à pic. Le méconnu "L'ex de ma vie", avec en vedette la pétillante Géraldine Nakache, pourrait-il faire partie de ces friandises bienvenues ? Lors de sa sortie, il passa presque inaperçu, en tout cas. C'est le moment de lui offrir une deuxième séance !

Parce que Christen, chef d'orchestre réputé, veut l'épouser, Ariane, violoniste de renom, doit régler un tout petit problème : elle doit d'abord divorcer de Nino. Son futur ex-mari, un instituteur italien, est tout l'opposé de Christen et, bien qu'encore épris de la belle, consent à la suivre à Paris où ils pourront divorcer en huit jours. Ce séjour dans la ville-lumière va s'avérer rempli de péripéties et pourrait bien changer la donne entre les deux ex-futurs époux : entre eux deux, tout est-il vraiment terminé ?



Deuxième long métrage de Dorothée Sebbagh, sa réalisatrice (après "Chercher le garçon"), ce film est également son dernier à ce jour. En visionnant "L'ex de ma vie", on  peut comprendre qu'elle ait modifié son parcours. Cette comédie romantique à la française a beau respecter pas mal des critères du genre, elle ne peut satisfaire les amateurs du genre. 

Alors, oui, les protagonistes sont charmants, oui, ils ont des métiers qui font rêver, oui, ils évoluent dans un Paris de carte postale, oui, on sait comment ce petit jeu va se terminer (à quelques détails près), mais il ne suffit pas de remplir quelques-unes des cases pour qu'un romcom fonctionne. En l'occurrence, "L'ex de ma vie" manque singulièrement de charme et de drôlerie. L'énergie dilapidée par les personnages à se courir après et à claquer des portes aurait été mieux employée si elle se communiquait au film.

C'est embêtant pour les acteurs qui tiennent l'affiche (Géraldine Nakache en particulier) et font de leur mieux avec un scénario qui part dans tous les sens et une mise à scène sans queue ni tête. Mais quand il n'y a rien à sauver, hormis de jolies images assemblées tant bien que mal, toute la bonne volonté du monde n'y peut rien : le bateau coule. Rarement drôle et excessivement prévisible, "L'ex de ma vie" a aussi contre lui d'être plutôt mal fichu, tant de ce qui est de sa réalisation que de son montage, pour ne citer que deux de ses défauts. Ce n'est pas encore cette fois qu'on trouvera matière à réconfort dans une comédie française (et aussi italienne, dans le cas de ce film).


jeudi 16 avril 2020

Qui vive (2014)


Certains films s'efforcent de rester dans le réel, le quotidien, alors que d'autres se font forts de permettre à leurs spectateurs de s'évader. C'est à la première catégorie qu'appartient "Qui vive", le premier (et unique, à ce jour) film de Marianne Tardieu, ancienne chef-opératrice et scénariste (entre autres métiers du cinéma). S'attachant au parcours d'un homme en proie aux difficultés du quotidien, incarné par Reda Kateb, ce film n'eut pas une grande audience lors de sa sortie (limitée) en salles. Penchons-nous un instant sur son sort...

Chérif, la trentaine, est retourné vivre chez ses parents, faute de moyens. Il est vigile dans une grande surface et, après son travail, prépare le concours d'infirmier, parce qu'il veut se sortir de cette précarité. Affrontant chaque jour les ados désœuvrés qui s'en prennent à lui , il tient bon. Et puis, il y a la belle Jenny, qu'il vient de rencontrer et qui lui redonne foi en la vie. 
Mais Chérif n'est pas à l'abri d'une erreur...



C'est un film court (1 h 20 environ) que ce "Qui vive" mais, malgré sa simplicité, on ne s'y ennuie guère, pour peu qu'on apprécie le cinéma dit "social". La quête de bonheur et d'accomplissement que mène Chérif, interprété par l'excellent Reda Kateb, est un parcours simple, comme il en existe probablement des centaines. Filmé au plus près, quasiment comme un documentaire, "Qui vive" est un film très réaliste et crédible, choix qui pouvait s'avérer risqué. Cependant, Marianne Tardieu sait utiliser son expérience pour communiquer à son film la petite étincelle qui le rend vivant. Cette étincelle se situe dans l'énergie qui habite les protagonistes de cette histoire ordinaire.

Choisir de filmer le quotidien, quitte à se mettre à dos une partie du public (celle venue justement échapper au quotidien), c'est aussi prendre le risque de finalement ne pas raconter grand chose. Le scénario de Marianne Tardieu n'échappe pas tout à fait à ce piège et, en essayant de "gonfler" un peu son histoire, commet quelques erreurs : la romance qui se dessine entre Chérif et Jenny n'apporte que peu de choses à l'intrigue, par exemple. Ces défauts, apparents, sont cependant mineurs et ne plombent pas définitivement "Qui vive". 

En plus de sa forme sobre et parfaitement adaptée au sujet (ou plutôt de son absence d'artifices), "Qui vive" est interprété de façon magistrale par les acteurs qui donnent vie à ses protagonistes ordinaires. En tête d'affiche, le (encore une fois) remarquable Reda Kateb, dans un rôle presque symétrique à celui qu'il avait dans "Hippocrate". Face à lui, on notera aussi la présence (dans la partie la moins "utile" du scénario) d'Adèle Exarchopoulos, tout juste auréolée du succès de "La vie d'Adèle".

Malgré sa fin abrupte et ses quelques maladresses narratives, "Qui vive" fait partie de ces films "vrais", qui savent capter l'air du temps. A réserver aux amateurs de cinéma social à la française, il mérite un (re)visionnage, en grande partie grâce à son interprète principal (grandement apprécié dans ces colonnes, vous l'aurez compris).



samedi 11 avril 2020

Vie sauvage (2014)


Refuser la normalité, pourquoi pas ? On peut comprendre que certain(e)s décident de vivre en marge et choisissent un autre mode d'existence. Quand ce choix implique des enfants, le débat mérite d'être ouvert : peut-on imposer à sa progéniture de s'écarter du modèle social ? Rassurez-vous, je n'ouvre pas dans ces colonnes un tel débat : l'endroit serait mal choisi. Mais, avec "Vie sauvage", Cédric Kahn s'était penché sur la question. Tiré de faits réels, ce film, porté par Matthieu Kassovitz, ce film n'avait pas déchaîné les foules à sa sortie. Mérite-t-il une séance de rattrapage ? 

Paco et Nora ont voulu vivre en marge, avec leurs deux fils, Tsali et Okyesa. Et puis, un jour, Nora en a eu assez et a voulu retrouver le monde. Elle a fui la vie sauvage et s'est réfugiée chez ses parents avec ses enfants. Mais Paco, idéaliste et opiniâtre, décide un jour de prendre ses fils en charge et de ne pas les ramener à leur mère. Commence alors pour le père et ses enfants une vie clandestine, souvent en pleine nature ou dans des communautés qui les acceptent. Paco et ses enfants sont libres, mais en cavale. 

Cédric Kahn, cinéaste du réel, s'attache souvent à la vie de personnages qui tentent quelque chose. On se souviendra de "Une vie meilleure", par exemple, qui voyait un jeune couple se fracasser sur la réalité. Les protagonistes de "Vie sauvage" voient également leurs idéaux confrontés au réel : elle a renoncé, tandis qu'il s'entête, et l'on serait bien en peine de donner raison à l'un ou à l'autre. C'est sans doute plus sage, de la part du réalisateur, que d'être resté neutre et de n'avoir pas brossé un tableau idéalisé d'un choix plutôt que d'un autre. Pour autant, cette chronique d'une cavale, devenant presque documentaire, peut laisser le spectateur sur le bord du chemin. 

Après quelques scènes démonstratives, témoignant à la fois des bienfaits du retour à la vie sauvage et de ses inconvénients, le film tourne un peu en rond, et doit se réfugier dans l'affrontement interne à cette drôle de famille. La deuxième partie du film est la moins réussie, se résumant à l'affrontement entre le père et ses fils, puis avec la mère et celui qui fut son mari. La vie décrite alors, pour sauvage qu'elle soit, retrouve le monde des hommes, loin de l'intention initiale. Quant à sa conclusion, qui n'a plus grand chose à voir avec la vie sauvage annoncée, elle pourra paraître hors-sujet, si l'on se fie uniquement au titre et à la promesse qu'il implique.

Incarné par des acteurs inspirés et remarquablement dirigés, "Vie sauvage" n'est pas tout à fait conforme à la promesse faite sur son affiche et dans son titre. Vue en coupe d'une famille déchirée par les choix qu'en firent ses fondateurs. Sans doute à réserver à celles et ceux qui sont curieux de découvrir pareille histoire, ce film n'embarquera pas les autres dans sa démarche.


lundi 6 avril 2020

La cerise sur le gâteau (2012)




Si le public connaît Laura Morante, c'est essentiellement pour son rôle dans "La chambre du fils" de Nanni Moretti, Palme d'Or à Cannes en 2001. Cependant, la belle Italienne a une impressionnante filmographie et a tourné avec nombre de réalisateurs renommés. Ce que l'on sait moins, c'est qu'elle s'est essayée à la réalisation, avec "La cerise sur le gâteau", comédie plutôt romantique qu'elle avait coscénarisée et interprétée, sans cependant attirer le succès. Avec comme complices sur l'affiche Pascal Elbé et Isabelle Carré, ce film avait pourtant quelques beaux atouts dans sa manche...

Amanda devrait être heureuse, mais s'efforce malgré elle de ruiner toute histoire d'amour qui s'offre à elle. Son mal a un nom : c'est l'androphobie. Florence, sa meilleure amie, veut la voir heureuse, malgré elle. A l'occasion du Nouvel An, Florence invite donc Amanda, en lui promettant que tous les hommes présents seront mariés, mis à part Maxime, qui est gay. Au dernier moment, ce dernier renonce à la soirée. De son côté, Antoine se rend à cette soirée seul, sa femme et lui ayant rompu...

Comme vous l'aurez compris en lisant le pitch, il y a de la comédie romantique dans l'air, et du quiproquo comme déclencheur. Effectivement, c'est le postulat de base que Laura Morante a choisi pour évoquer la difficulté des relations entre femmes et hommes. Basée sur un malentendu (qu'aucun des protagonistes ne cherche cependant à dissiper, contre toute vraisemblance), l'histoire qui se construit entre les deux personnages principaux est extrêmement prévisible et suit grosso modo la trame classique de la romcom. Le film n'oublie pas, au passage, de cocher quelques cases du cahier des charges de ce registre : les protagonistes ont un train de vie confortable (même si on ne sait pas trop comment ils gagnent leur vie), évoluent dans un décor parfait (Paris a rarement été aussi joli) et sont vraiment charmants. 

Mais, le charme des interprètes et de belles images ne suffisent pas à faire un bon film. En l'occurrence, "La cerise sur le gâteau" est même plutôt raté. En empilant les clichés les uns sur les autres et en se souciant comme d'une guigne de la solidité de son scénario (même dans le registre de la romcom, l'édifice doit tenir debout), Laura Morante livre une succession de scènes parfois touchantes, souvent ennuyeuses et même gênantes pour certaines. On a souvent le sentiment de se trouver face à une pièce de théâtre de boulevard et non devant un film. Si on ajoute à cela une direction d'acteurs assez moyenne, tout est dit. Aussi charmants soient les acteurs et actrices de cette drôle de comédie romantique, prétendant taquiner le genre tout en l'assumant, on a vite l'impression de tourner en rond. 

Il est des films dont on attend peu, si ce n'est qu'ils puissent être une bonne surprise. Dans le cas de "La cerise sur le gâteau", cette dernière n'est pas au rendez-vous. Il ne reste à l'arrivée qu'un petit film très oubliable. 


mercredi 1 avril 2020

Arrêtez-moi là (2014)


La descente aux enfers d'un homme comme les autres peut être terrifiante. On frémit parfois à la pensée d'erreurs judiciaires dramatiques, qui brisèrent des vies, basées sur un rien. Souvent couchées sur le papier, ces histoires ont parfois donné lieu à des films. Ainsi, "Arrêtez-moi là", réalisé par Gilles Bannier, était tiré d'un roman, lui-même inspiré de faits réels. Pour son premier long métrage, ce réalisateur, œuvrant essentiellement pour le petit écran, ne rencontra pas un grand succès. Le moment est venu de se pencher sur ce film.

Samson, chauffeur de taxi à Nice, n'aurait pas du accepter cette course. Pourtant, entre sa cliente et lui, le courant est bien passé. Quand la fille de cette femme disparaît, et contre toute attente, les preuves s'accumulent contre Samson. 
En un rien de temps, le paisible chauffeur de taxi mélomane va devenir le coupable idéal. Pourra-t-il encore prouver qu'il est innocent, alors que la machine judiciaire se met en marche et s'apprête à le broyer ?

Les faits réels inspirant le roman originel s'étaient déroulés aux Etats-Unis et, pour en tirer "Arrêtez-moi là", Gilles Bannier, scénariste en plus d'être réalisateur, a sans doute procédé à quantité d'aménagements. Cela dit, la première partie du film, celle où l'étau se resserre sur le pauvre Samson, est plutôt réussi. Le quotidien d'un homme ordinaire y est décrit avec une précision quasiment documentaire, laissant le spectateur s'attacher au héros, avant de projeter ce dernier dans les affres de l'erreur judiciaire. Avoir confié le premier rôle au très talentueux Reda Kateb est d'ailleurs une des meilleures idées du film, tant cet acteur donne vie à son personnage. 

C'est dans la deuxième moitié de "Arrêtez-moi là" que commencent les problèmes, avec notamment l'arrivée de personnages qui nuisent à l'intrigue. Celui de l'avocat commis d'office pour défendre le cas de Samson, et qui apporte une dose incongrue d'humour dans ce qui est avant tout un drame, est à ce titre exemplaire. Ensuite, on peut déplorer que le scénario se focalise sur les démêlés judiciaires de Samson et sur les démarches lui permettant d'envisager sa vie après ce drame, tout en délaissant complètement le rapt dont il est accusé. Même si le propos principal concerne le personnage incarné par Reda Kateb, il en ressort un déséquilibre qui nuit à l'ensemble du film. 
Si le film tient finalement debout, c'est surtout grâce à Reda Kateb (oui, je me répète) qui, par son immense talent, sauve les scènes les moins convaincantes de "Arrêtez-moi là" et incite le spectateur à l'indulgence. Derrière lui, les prestations des autres interprètes paraissent bien pâles, qu'il s'agisse de Léa Drucker ou d'Erika Sainte (une actrice qu'on aimerait voir plus souvent, cela dit).

Malgré un dénouement un poil décevant et un scénario maladroit, "Arrêtez-moi là" tient une bonne partie de ses promesses. Mais c'est surtout son interprétation qui sauve ce film de l'oubli. Ce n'est ni la première, ni la dernière fois.