Il existe mille moyens d'aborder un sujet de société, en particulier au cinéma. Pour évoquer la solitude et les rapports amoureux, le grec Yorgos Lanthimos a choisi de passer par le biais de la fable dystopique avec "The lobster" (si ce titre avait été traduit, nous aurions eu un film nommé "Le homard"). Avec Colin Farell dans le premier rôle et quelques acteurs très bankables derrière lui, ce film est pourtant passé sous les radars de pas mal de spectateurs, malgré quelques jolies récompenses (dont le prix du jury à Cannes).
David vient d'être quitté par sa femme, à son grand désespoir. La vie en couple étant devenue la norme, il se voit obligé de séjourner dans un hôtel où il a quarante-cinq jours pour trouver un ou une partenaire. Si, dans ces délais, il n'est pas tombé amoureux, il sera transformé en animal.
A l'extérieur, des rebelles prônent la vie en solitaire et s'interdisent toute relation sentimentale. Découvrant les bienfaits de l'absence d'amour, David s'enfuit, les rejoint, mais rien n'est simple...
Le moins que l'on puisse dire, c'est que le pitch de "The lobster" est original, voire culotté. Pointer du doigt les permanentes injonctions au bonheur, forcément à deux, est un parti-pris inattendu au cinéma, art où la romance est souvent reine. Dans sa première partie, celle qui se passe au sein de cet hôtel pour le moins original, on se régale souvent, on grince parfois des dents, bref : on est dans la satire, et elle est plutôt réussie. Dans des décors remarquables (on remerciera une nouvelle l'Irlande d'être un aussi joli pays), les séquences souvent délectables font souvent mouche. Qu'il s'agisse de la chasse aux solitaires ou des exposés mettant en évidence les avantages à n'être pas seul(e), "The lobster" réussit à dénoncer nombre des standards de nos sociétés.
Mais, dans sa deuxième partie, celle qui se déroule hors de l'hôtel, l'intérêt du film décroît rapidement, comme si Lanthimos avait utilisé tous ses arguments précédemment et n'avait plus rien à dire ou ne savait pas comment conclure son raisonnement. Une fois dehors, le héros apathique (remarquablement interprété par Colin Farell) ne semble pas pour autant libéré du carcan où l'on voulait l'enfermer, tout comme le scénario tourne souvent à vide. La fable grinçante initiée par l'arrivée de David dans l'hôtel perd alors de sa saveur acide, et c'est bien dommage.
On regrettera d'autant plus cette deuxième moitié de film ratée que "The lobster" dispose d'une vraie identité, tant esthétique que sonore et que son interprétation est elle aussi remarquable. Qu'il s'agisse du déjà nommé Colin Farell, de la délicieuse Rachel Weisz, de Ben Wishaw ou de John C. Reilly (et encore, je ne nomme pas tous les seconds rôles), tous ceux qui donnent vie à cette fable sont remarquables, ou presque.
S'il avait conservé du début à la fin le ton grinçant et souvent drôle de sa première partie, "The lobster" aurait été une comédie dystopique caustique et très réussie. Hélas, sa seconde moitié plombe très sérieusement ce film et, à force de pesanteur, n'en fait qu'une demi-réussite, ou un demi-échec, c'est selon.
Je vois que tu es aussi très peu convaincu par la seconde partie. Dommage ça commençait bien.
RépondreSupprimerEffectivement..comme tu l'as lu, j'ai trouvé que le film ne tenait pas la distance.
SupprimerJe ne comprends pas non plus tout l'aura critique autour de ce film finalement très imparfait et qui ne tient pas longtemps la route.
SupprimerLes voies des critiques sont parfois impénétrables, camarade ;-)
SupprimerBonjour Laurent, oui, dommage que le film ne se termine pas à la fin de la première partie. Le film aurait été très bien. Bonne après-midi.
RépondreSupprimerBonsoir Dasola. C'est exactement ce que j'ai pensé au visionnage...belle soirée à toi !
SupprimerPour ma part j'ai bien aimé ce film (même si je trouve que Léa Seydoux joue aussi bien qu'un sac poubelle) même s'il a quelques longueurs et un thème musical un peu trop répétitif. Je trouve que les deux parties se répondent bien et donnent un bon aperçu sur le thème de l'amour. Finalement, je trouve que le film dénonce bien ce qui se passe dans notre monde actuellement, ce n'est pas si exagéré que ça même si le ton est a priori loufoque.
RépondreSupprimerTu as remarqué que je n'ai pas évoqué la "prestation" de Léa Seydoux ;-)
SupprimerContent que tu aies apprécié le film dans son ensemble : un avis plus positif est toujours bienvenu.
Léa Seydoux est en effet d'un charisme incroyable dans ce film. Les émotions tout ça tout ça...
SupprimerC'est par charité que je n'ai pas parlé de la piètre interprétation de Léa Seydoux, dont on se demande encore une fois ce qu'elle fait là.
SupprimerOu plutôt, on ne se le demande pas ;-)
J'ai trouvé ça tellement bizarre... Autant l'histoire (qui, traitée par Gondry ou Wes Anderson aurait pu être intéressante, vu sa fantaisie) est effectivement originale, autant j'ai trouvé la réalisation froide et maladroite. Le début est surprenant en effet, et puis ça tombe dans un truc mou du genou et qui devient de plus en plus convenu.
RépondreSupprimerLe décalage entre l'histoire et son traitement est effectivement gênant...merci du passage, GirlyMamie !
SupprimerFinalement, il est assez logique de trouver deux parties dans une fable dystopique. Et il est naturel de préférer l'une des deux moitiés à l'autre. La deuxième partie est plus sombre et plus déstabilisante mais pas de moindre qualité que le début du film.
RépondreSupprimerAu point d'avoir classé The Lobster en 8ème position de mon Top 2015 : https://incineveritasblog.wordpress.com/2016/02/05/the-lobster-une-singularite-de-regard-cinematographique-confirmee/
Même si je ne partage pas totalement cet enthousiasme (la seconde partie me semble vraiment un cran en-dessous de la première), je suis content de voir que ce film a ses admirateurs. Merci du passage.
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