mardi 1 août 2017

Legend (1985)


La fantasy a longtemps été l'un des parents pauvres du cinéma. A l'instar de la littérature, ce genre, pourtant riche d’œuvres faisant figure de culte auprès de quelques amateurs éclairés, a souvent été exploré dans des films dits "mineurs", réservés aux aficionados du genre. Il aura fallu le grand succès du "Seigneur des Anneaux" pour que le grand public découvre le chaudron où sont mélangés les mythes venus de cultures lointaines et l'imaginaire d'auteurs prolifiques souvent méprisés de leur vivant (qui se souvient de Poul Anderson, par exemple ?). Tout le monde a entendu parler de "Game of Thrones", par exemple, mais qui se souvient de la tentative de Ridley Scott d'évoquer la féerie, il y a plus de trente ans ? Le film "Legend", qui s'aventurait sur ce territoire alors quasiment vierge, reste un de ses plus grands échecs. 

Dans une époque et une contrée où la magie règne, la jolie et insouciante princesse Lili a séduit Jack, un jeune homme proche de la nature et des êtres qui y vivent. Mais Darkness, terrible et maléfique créature, convoite aussi la jeune femme. Quand elle provoque la mort d'une des deux licornes et devient la captive de Darkness, la princesse entraîne Jack (et de facétieux lutins) dans une quête pour empêcher que le crépuscule et l'hiver ne s'abattent sur le monde. 

La première chose qui saute aux yeux lorsqu'on visionne "Legend" est sa beauté formelle et la richesse graphique de ce film, particulièrement soignée, comme tout ce que Ridley Scott produisait à l'époque. C'est souvent très beau, surtout lorsqu'on se rend compte que ce film a plus de trente ans. Qu'il s'agisse des décors (à l'époque, point de fonds bleus ou verts) ou des maquillages, c'est tout simplement remarquable. Celui qui affuble Tim Curry, dans le rôle de Darkness, finalement pas assez présent dans le film au regard de sa puissance visuelle, marque d'une pierre rouge l'histoire des effets spéciaux. 

L'immersion dans l'univers féerique proposé ici par Ridley Scott est réussi : on est embarqué dans un pays aux confluents des contes d'autrefois et des romans ayant posé les fondations du genre, de Tolkien à Dunsany. Cette atmosphère et l'interprétation des acteurs sont à mettre au crédit du film. En tête de distribution, le tout jeune Tom Cruise (pas encore propulsé star grâce au jet de "Top Gun", l'année suivante) est plutôt convaincant, autant que la délicieuse Mia Sara, que le toujours étonnant David Bennent et l'immense Tim Curry. 

Mais c'est du côté du scénario que "Legend" pêche le plus : l'histoire narrée là est loin d'être complexe, et on pourrait même la qualifier de minimaliste. Les surprises sont rares et l'étonnement n'est finalement généré que par les trouvailles visuelles déjà citées. Du coup, l'enchantement ne fonctionne qu'à demi. 
L'ambiance générale, assez sombre (même avant le meurtre de la licorne) rend également ce film difficile à classer : son intrigue simple, voire simpliste, le dirige vers un public assez jeune, mais la noirceur qui le recouvre contredit cette approche. Assis entre deux chaises, "Legend" ne séduisit finalement personne ou presque. 

Si vous souhaitez absolument voir ce film (ce que je peux concevoir), évitez à tout prix la version sortie aux Etats-Unis pour préférer la version européenne. Sur cette dernière, la bande originale reste celle composée par Jerry Goldsmith, alors que la version américaine a été musicalisée par le groupe Tangerine Dream, sans doute pour plaire plus au public adolescent de l'époque. Ce n'est décidément pas la première fois que Scott subissait les caprices des studios (on se souvient des versions successives de son film précédent, un certain "Blade Runner").

Il était sans doute trop tôt pour que l'heroic-fantasy fasse ses preuves dans les salles obscures. Avec cette demi-réussite, "Legend" ne généra qu'une frustration bien compréhensible pour les amateurs d'un genre plus complexe qu'il n'en a l'air. 


10 commentaires:

  1. Legend est un film pour le moins sous-estimé, rien que pour les magnifiques décors et la prestation de Curry.

    RépondreSupprimer
  2. Après n'oublions pas que le groupe Tangerine Dream a signé des ost monumentales que ce soit pour Sorcerer, Thief ou Risky Business. C'était donc assez prestigieux même si différent. :)
    Pour le reste, Legend est un film magnifique peut être le meilleur en terme de direction artistique avec Blade runner. Il n'y a qu'à voir la différence de look fantastique entre ce qui est merveilleux et les ténèbres. Puis il y a Tim Curry en Darkness, une des meilleures créatures de fantasy. Après l'ensemble peut être vu comme assez niais, mais ce n'est pas déplaisant. Reste que Tom Cruise n'est pas encore le grand acteur que nous connaissons à cette époque.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. J'ai un peu de mal avec les BO remplies d'électronique, lorsqu'il s'agit de films de fantasy (je songe notamment à celles de "Princess Bride" ou de "LadyHawke"). Mais ça vient sûrement de moi ;-)

      Supprimer
    2. Je ne me souviens pas de celle de Ladyhawke et je n'ai jamais vu Princess Bride. Donc je ne peux pas te dire. ;)

      Supprimer
    3. Alors, je te recommande ce petit bijou qu'est "Princess Bride". Même avec une BO discutable, tu devrais te régaler.

      Supprimer
  3. Bonjour Laurent, ton billet me fait penser qu'il faudrait que je revois ce film qui m'avait plu, il y a 32 ans. Je l'avais vu sur très grand écran: magnifique. Bonne journée.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonsoir Dasola... je suis content que mon billet t'évoque de bons souvenirs de cinéma.
      Bonne soirée !

      Supprimer
  4. Un film qui mérite d'être redécouvert tant il est vraiment réussit. Je ne suis pas un fan d'héroic fantasy mais Ridley Scott réalisait ici une très belle oeuvre.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Sa réussite est surtout visuelle, à mon goût.
      Merci du passage.

      Supprimer

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.