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mercredi 23 octobre 2019

Un village presque parfait (2015)



En matière de comédie sociale, le modèle britannique est-il indépassable ? Bien souvent, en effet, le cinéma hexagonal s'est aventuré sur ce territoire, affrontant les mètres-étalons du genre, et faisant bien souvent pâle figure, face à des films comme "The full monty" ou "La part des anges". La plupart du temps, ne nous mentons pas, la réussite n'était pas au rendez-vous, non plus que le succès public ou critique. Passant du petit au grand écran, Stéphane Meunier, essentiellement connu pour "Les yeux dans les bleus", le célèbre documentaire sur la Coupe du Monde de Football 1998, réalisa "Un village presque parfait". Le thème, celui des déserts médicaux, se prêtait particulièrement bien à l'exercice de la comédie sociale. Allait-il réussir son coup ?


Saint-Loin la Mauderne, dans les Pyrénées, est un village sinistré. L'usine qui faisait vivre la population a fermé et c'est grâce aux aides sociales que ses habitants vivent tant bien que mal. Pour financer le projet de réouverture de l'usine, le maire du village conclut un contrat avec les autorités européennes : il obtiendra son financement si Saint-Loin se dote d'un médecin. Mais quel praticien acceptera de venir s'enterrer loin de tout ?

Pour sa première réalisation au grand écran, après une carrière déjà fournie au petit écran, Stéphane Meunier s'attaque au remake d'un film québécois ("La grande séduction") : il faut croire que les "déserts médicaux" sont (hélas !) un mal sans frontières, puisque "Un village presque parfait" fut à son tour l'objet d'un remake en Italie.

Le thème de ces villages, cherchant désespérément un praticien pour veiller sur la santé de ses habitants, est d'actualité. A l'heure où les services de santé sont sinistrés, il était logique que le cinéma s'empare du sujet, comme on l'a vu avec le très peu réussi "Bowling". Dans le cas de "Un village presque parfait", on se rend rapidement compte que l'équilibre qui fait souvent défaut aux tentatives françaises de comédie sociale n'est pas loin d'être atteint.

Certes, les situations dans lesquelles Stéphane Meunier plonge parfois les protagonistes touchent souvent à l'incongru, et cèdent au besoin du gag, mais l'ossature qui sous-tend le film est solide : le scénario a un objectif à atteindre et ne le perd jamais de vue. Cela donne à l'ensemble une cohérence qui fait souvent défaut aux essais ratés dans cette catégorie.

Les personnages sont hauts en couleurs et souvent caricaturaux, mais on a malgré tout une vraie tendresse pour eux, malgré l'antipathie qu'ils peuvent parfois susciter. C'est sans doute la clé du succès que nombre de films n'atteignent pas, que de confier la réussite à des personnages qui touchent le spectateur. Pour les interpréter, les acteurs choisis sont suffisamment bien dirigés pour ne pas partir en vrille et faire leur numéro chacun dans leur coin : le risque était grand, surtout au vu du pedigree de certains d'entre eux. Qu'il s'agisse de Didier Bourdon, de Lorànt Deutsch, d'Elie Semoun, de Denis Podalydès ou de Lionnel Astier, aucun ne tire la couverture à lui, fort heureusement. S'il aurait été souhaitable d'avoir plus de personnages féminins majeurs, on pourra se satisfaire du résultat obtenu, en regard de ce que cela aurait pu donner.

Si "Un village presque parfait" n'est pas tout à fait la comédie sociale qui bousculera les ténors du genre, ce film a le mérite de faire parfois sourire, tout en faisant appel à un thème grave. Je ne suis pas sûr qu'il ait eu (ou ait encore) une portée revendicatrice forte, mais il a le mérite de faire passer un moment plaisant. C'est déjà ça de pris.




jeudi 30 mai 2019

Du vent dans mes mollets (2012)





Les films traitant de l'enfance sont légion. Certains s'adressent à un public enfantin, quitte à adopter un style et un langage qui les éloignent du public adulte. D'autres font l'inverse. Enfin, il en est qui s'efforcent de fédérer et de réunir, devant une toile de cinéma, parents et enfants (et parfois même d'autres générations). Ces films familiaux contournent souvent les thèmes graves, mais il est parfois des œuvres qui les affrontent, interloquant à la fois parents et enfants. Parmi eux, à sa sortie, "Du vent dans mes mollets" avait été accueilli plutôt froidement par certains critiques. Son succès public avait été moindre, également. Alors, avons-nous été injustes avec ce film ?

Rachel, neuf ans, est une petite fille comme tant d'autres. Entre sa mère, très protectrice, et son père, qui semble détaché de tout, Rachel s'interroge sur la vie, parce que ça n'a pas l'air simple, de grandir. Sa psychologue, Madame Trébla, ne répond pas à ses questions et c'est l'arrivée dans sa vie de Valérie, une intrépide petite fille, qui va tout changer. Ensemble, les deux fillettes vont faire les quatre cents coups, et découvrir bien des choses...


Il y a plein de raisons de se pencher sur ce petit film, adapté d'un roman -bande dessinée  : d'abord parce qu'il pas puéril et se permet d'aborder des sujets graves sans prendre un ton bêtifiant. Ce n'est pas parce qu'il met des enfants en vedette qu'il se permet d'être niais. Vu à hauteur d'enfant, le monde qui entoure Rachel est déroutant, parfois drôle, souvent tragique et compliqué et la réalisatrice réussit, la plupart du ton, à mêler fantaisie et drame sans donner la nausée au spectateur. 

Et puis, il y a le casting, formidable : qu'il s'agisse d'Agnès Jaoui (plus ça va, plus j'aime cette femme), de Denis Podalydès (remarquable et souvent touchant), d'Isabelle Carré (dans un de ses meilleurs rôles) et, surtout, des enfants qui ne donnent pas l'impression d’ânonner bêtement un texte appris par cœur. Petit bonus : dans un rôle presque accessoire, la grande Isabella Rosselini, en psy pleine de sagesse, nous offre quelques scènes superbes.

Certes, quelques maladresses (souvent formelles) sont à déplorer, mais, bon an mal an, l'équilibre subtil entre drame et fantaisie (avec quelques vrais moments burlesques) est réussi : c'est bien plus que la moyenne, en matière de comédies françaises (et là, je ne donnerai pas de noms, par charité).

On a parfois pointé du doigt la période à laquelle sortit ce film et sa concurrence avec le très surestimé (à mes yeux, en tout cas) "Camille redouble". Mais le fait est que l'accueil frileux qui fut le sien paraît aujourd'hui bien injuste.


lundi 28 janvier 2019

Le grand méchant loup (2013)


Le couple et l'adultère, voilà un thème rebattu. Pour surprendre le spectateur et éviter de copier les grands classiques du théâtre de boulevard (celui avec les portes qui claquent et les "Ciel, mon mari !"), les scénaristes doivent faire preuve d'inventivité. Après avoir réalisé "La personne aux deux personnes" (qui mériterait sans doute un billet sur ce blog), Nicolas Charlet et Bruno Lavaine, réalisateurs travaillant en duo, se sont attaqués à un registre pour le moins usé, tout en évoquant d'autres grands classiques, venus des contes pour enfants. Le grand public a sans doute pris peur du grand méchant loup, car le succès ne fut pas au rendez-vous.

Ils sont trois frères, Riri, Fifi et Loulou, ou plutôt Henri, Philippe et Louis, et chacun d'eux a une vie bien différente. Un jour, leur mère est victime d'un accident. C'est alors que leurs existences vont faire un drôle de virage.
Et si ces trois frères, avec leurs maisons de bois, de paille ou de pierre, étaient les trois petits cochons ? Et si le grand méchant loup portait jupon et s'apprêtait à souffler doucement sur leurs vies ?

Inspiré du conte des trois petits cochons (de Charles Perrault), mais également du film éponyme du Québecois Patrick Huard (réalisateur de "Starbuck"), "Le grand méchant loup" offre un triple point de vue sur les affres du cœur (et du corps) lorsque la quarantaine arrive et que la vie (et la mort, sa consœur) fait des siennes. L'air de rien, tout en gardant (ou presque) le ton qui est le leur, Nicolas et Bruno, les créateurs des excellents "Messages à caractère informatif", nous offrent ici un film choral plutôt malin.

En suivant la trajectoire des trois petits cochons (qui portent les noms des trois petits canards de Disney, mais c'est drôle), le film est tour à tour touchant, drôle, sarcastique et dramatique. Sa réussite (partielle) tient en grande partie à une réalisation plutôt élégante, à un scénario habile, et à une distribution au cordeau. Les interprètes de ce conte pour grands enfants sont tous remarquables, sans doute parce qu'ils sont excellemment dirigés : qu'il s'agisse de Benoît Poelvoorde, de Fred Testot ou de Kad Merad, le trio de comédiens qui mène le bal prouve qu'avec un bon script, ils peuvent donner le meilleur. Derrière eux, les seconds rôles sont tout aussi méritoires : de Charlotte Lebon à Zabou Breitman, en passant par Valérie Donzelli (et je ne cite pas tout le monde), les acteurs croient à ce qu'ils jouent, cette histoire fût-elle parfois fantaisiste.  Ce casting, finalement très équilibré, est le plus bel atout du film.

Si "Le grand méchant loup" aurait gagné à être un peu plus court (en consacrant peut-être moins de temps au personnage incarné par Benoît Poelvoorde), il n'en reste pas moins qu'il est d'une belle efficacité, parce qu'il se permet quelques audaces bienvenues.







lundi 24 décembre 2018

Monsieur et Madame Adelman (2017)


J'évoquais tout récemment le problème que peuvent représenter les taglines élogieuses dont les affiches de certains films sont affublées. Il est des cas où la dithyrambe est contre-productive. Dans le cas récent de "Monsieur et Madame Adelman", réalisé par Nicolas Bedos et le mettant en scène aux côtés de sa compagne Doria Tillier, le film serait, si l'on en croit les critiques (enfin, celles sélectionnées pour figurer sur l'affiche), romanesque, brillant, drôle, grinçant, sexy, émouvant et incroyable. 
Ça fait beaucoup pour un seul film, non ? Pour en avoir le cœur net, le mieux est d'y jeter un œil. 

Alors qu'on enterre Victor Adelman, le célèbre écrivain, son épouse Sarah raconte à un journaliste sa vie aux côtés du grand homme. Quarante années de vie commune, de la rencontre à la fin, voilà ce qui reste d'un couple, avec ses éclats de bonheur et ses plongées sordides. A travers les décennies et malgré les épreuves, c'est la chronique d'un couple, d'une ascension vers le succès et de deux personnalités fortes qui va s'écrire...
Tout commence à Paris dans les années 1970...

On aime ou on n'aime pas Nicolas Bedos. Il semble que cet homme de média n'inspire pas la tiédeur. Et, quand il se met en scène, qui plus est aux côtés de sa compagne, dans un film qu'il a écrit, ses détracteurs devraient prendre la fuite. Néanmoins, le thème annoncé du film, à savoir la description, vue de l'intérieur, d'un couple, peut attirer l'attention. J'avoue être agacé par le personnage public qu'est Nicolas Bedos, mais faisant fi des préjugés, j'ai lancé à "Monsieur et Madame Adelman" sa chance. Alors, ce film est-il une grande fresque romanesque ou un récit très auto-centré ? J'avoue - hélas ! - pencher pour la deuxième hypothèse.

Ce n'est pas tant la réalisation qui est à mettre en cause : quelques séquences sont particulièrement réussies, d'un point de vue technique, et le pari (risqué) de couvrir plusieurs décennies est plutôt réussi. Les défauts du film sont à chercher du côté du scénario et, surtout, de l'impression gênante d'ego-trip qu'il laisse en fin de visionnage. 
Le problème principal de ce film (en dehors de l'omniprésence de son réalisateur-scénariste-acteur principal) est qu'il n'aborde l'histoire du couple souvent que sous un angle. Tenté par l'utilisation du twist final, Nicolas Bedos oublie d'en faire le pivot de son histoire et nous impose un retournement finalement sans grand intérêt, comme s'il cherchait à allumer un dernier contre-feu, destiné à détourner un instant l'attention, comme s'il voulait prouver qu'il y a autre chose que de l'auto-contemplation dans ce film. Le procédé est un peu balourd et ne prend pas. Et puis, à l'image du psychanalyste, qui suit des années durant Victor, on aimerait pouvoir lui dire stop. 

Trop long, trop redondant, "monsieur et Madame Andelman", excessivement auto-centré, donne l'impression souvent gênante de regarder la vie d'un couple qu'on n'envie pas forcément, malgré sa fortune et sa réussite.


dimanche 19 novembre 2017

Marie-Francine (2017)



Ca ressemble à une longue quête : depuis des années, je cherche désespérément la comédie française qui me fera rire aux éclats, telle celles du temps passé. Suis-je devenu un spectateur exigeant ou le niveau du cinéma français, dans ce domaine, a-t-il chuté à ce point ? Toujours est-il que ça ne me paraît pas simple de sourire, voire de franchement se marrer, dans les salles obscures hexagonales, ces dernières années. On en aurait pourtant besoin. Quand l'amusante Valérie Lemercier a débarqué, il y a peu, avec sa "Marie-Francine", qu'elle mettait en scène, en plus de l'avoir écrit et d'y jouer (en tenant deux rôles, en plus), à en croire nombre de critiques, on pouvait y croire. A tort ou à raison ?


Pas de bol, pour Marie-Francine, la cinquantaine fatiguée. Non seulement son mari la quitte, mais en plus, elle perd son travail de chercheuse en génétique. La voilà obligée de retourner chez ses parents, qui vont devoir l'accueillir et entamer une cohabitation pas toujours évidente.
Quand son père propose à Marie-Francine d'ouvrir une boutique de cigarettes électroniques, elle hésite, puis se lance. Quand elle rencontre Miguel, un cuisinier dans la même situation qu'elle, elle hésite moins...

En visionnant "Marie-Francine", le spectateur peut vite avoir un étrange sentiment : celui de voir un film dont le scénario a été écrit au fur et à mesure du tournage, tant les péripéties de sa principale protagoniste s'enchaînent sans souci de vraisemblance. Sur une idée de base loin d'être originale mais qui aurait pu donner lieu à un traitement comique efficace (le choc des générations, ça reste un ressort, fût-il détendu), Valérie Lemercier arrive rapidement au bout de ses ressources. Alors, pour ne pas tourner à vide et pédaler dans la semoule (ce que se permettent pas mal d'autres films, soit dit en passant), elle embraye sur une autre voie, finit en cul-de-sac, puis repart sur une autre, jusqu'à avoir fait le tour des possibilités et se résoudre à finalement clôturer son film.

Quand se pointe le générique de fin, on est loin, très loin des intentions de départ, parce que le scénario a baguenaudé de ci, de là, sans cependant avoir emmené son spectateur bien loin. De plus, et c'est sans doute le plus embêtant, on n'a pas ri, tout juste souri une fois ou deux. Pour ce qui se voulait une comédie, c'est plutôt embêtant. 

On pourra se consoler avec les prestations des acteurs, comme souvent. Ici, ce sont essentiellement ceux qui interprètent les parents de Marie-Francine qui sont à saluer : Hélène Vincent, se débarrassant enfin de sa panoplie de Madame Le Quesnoy (de "La vie est un long fleuve tranquille"), et surtout Philippe Laudenbach, l'un des grands seconds rôles français, qui se fait visiblement plaisir en incarnant un père maniéré. C'est une piètre consolation, vous en conviendrez. 

Malgré l'immense sympathie qu'on peut avoir pour Valérie Lemercier, il faut se rendre à l'évidence : "Marie-Francine" n'est pas très drôle et, le plus souvent, on s'y ennuie. Tout porte donc à croire que ma quête d'une vraie comédie française n'est pas terminée...


mercredi 14 décembre 2016

L'amour est un crime parfait (2014)



Les romans de Jean-Philippe Djian ont déjà plusieurs fois donné lieu à des adaptations cinématographiques. On pense, bien entendu, au célèbre "37°2 le matin", moins à "Bleu comme l'enfer" d'Yves Boisset ou au récent "Elle" de Paul Verhoeven. Son roman "Incidences" a été adapté par les frères Larrieu (repérés avec "Peindre ou faire l'amour") sous le titre "L'amour est un crime parfait". Ce film avait reçu des critiques mitigées et un accueil public plutôt froid, malgré un joli casting. Méritait-il mieux ?

Professeur de littérature dans la très moderne Université de Lausanne, Marc est ce qu'on appelle un Don Juan et fait des ravages parmi ses étudiantes. Après avoir passé la nuit avec l'une de ses élèves, Barbara, c'est aux côtés de son corps sans vie qu'il se réveille. 
Que s'est-il vraiment passé ? Quel rôle a tenu Marianne, la sœur de Marc, qui entretient une relation fusionnelle avec lui ? Et que cherche vraiment Anna, la belle-mère de Barbara ? Et, au fond, qui est vraiment Marc ?


Avec un pitch pareil, on comprend que certains critiques aient parlé de thriller hitchcockien. C'est cependant sans compter avec le malaise qui planait tout au long des pages du roman de Djian. Pour donner à leur film un ton étonnant, qui peut désarçonner. En utilisant le décor (la présence de la neige, l'architecture), le comportement des personnages, leur rapport aux autres, Jean-Marie et Arnaud Larrieu s'approprient l'oeuvre pour livrer un film étrange, mais finalement bancal. 

Étrange, parce qu'il oscille entre plusieurs genres, du polar au drame psychologique en louchant parfois sur la comédie, parce qu'il ne rend aucun de ses personnages sympathiques et qu'on n'arrive pas à éprouver grand chose pour eux. Bancal, parce qu'à jouer sur plusieurs tableaux, "L'amour est un crime parfait" échoue sur tous. 

Certes, le malaise s'installe, par le comportement des personnages, par leurs décisions, par le jeu volontairement (enfin, j'espère) distancié des acteurs, mais on peine à entrer dans l'intrigue ténue qui tient lieu de colonne vertébrale au film. Il faudrait sans doute se contenter d'observer la faune étrange qui nous est présentée par les frères Larrieu, faune essentiellement féminine, en orbite autour d'un mâle dominant auquel peu résistent. Pour ma part, ce n'est pas à cet exercice d'observation que j'avais choisi de me prêter. 

Alors, finalement assez prétentieux, ce pseudo-polar souvent pénible est à réserver à ceux que le cinéma français, dans ses mauvais jours, ne laisse pas froids. Il doit en rester quelques-uns.


mardi 10 juillet 2012

Les âmes grises (2004)




On pourrait disserter à l'infini, ou presque, sur le bien-fondé et la réussite des adaptations de roman au cinéma. Se nourrissant parfois sans vergogne des oeuvres littéraires, le septième art ne rend pas toujours justice aux livres dont il s'inspire. Combien de « Frankenstein » massacrés, de « Gentlemen extraordinaires » bâclés, pour un « L.A. Confidential » réussi ? Le romancier Philippe Claudel, auteur des remarquables « La petite fille de M. Linh » et du « Rapport de Brodeck », a vu, en 2004, son roman le plus connu, « Les âmes grises », transposé au cinéma par Yves Angelo (réalisateur du « Colonel Chabert », entre autres). Quand on connaît l'intensité des romans de Claudel, la force avec laquelle il fouaille l'âme humaine, ses bassesses et ses tourments, on pouvait douter de la pertinence d'une adaptation au cinéma de ce roman. Cependant, la dite adaptation étant l'œuvre conjointe du romancier et du réalisateur, on pouvait espérer un grand film, grave et humain, d'autant plus que le casting était à la hauteur. Pensez donc : Jacques Villeret (dans un de ses derniers rôles), Jean-Pierre Marielle, Marina Hands, Michel Wuillermoz, Denis Podalydès, et quantité de seconds rôles épatants...


Difficile de résumer en peu de mots le scénario du film (relativement fidèle au roman, soulignons-le). L'histoire des « Ames grises » se déroule sur fond de Première Guerre Mondiale. Suite à la découverte du corps sans vie d'une fillette, alors que l'enquête officielle est vite bouclée, un gendarme local en vient vite à soupçonner certains des notables du village.
Malheureusement, force est d'avouer que la subtile alchimie nécessaire à la réussite d'un film (et, bien souvent, à son succès) ne fonctionne pas. Où est passée l'intensité, la force poignante du roman ? Etait-il donc impossible transposer au grand écran l'épaisseur, l'humanité des « Ames grises » de Claudel ?



A mon humble avis (mais je reste ouvert tout débat), la faute en incombe en partie à la réalisation (dont certains choix, notamment l'utilisation ponctuelle de la caméra à l'épaule, m'ont semblé mal adaptés), mais surtout au fait que ce roman était difficile, voire impossible à adapter. En effet, dans le livre originel, la majeure partie de l'action (si l'on peut se risquer à employer ce terme) se déroule dans l'esprit et l'âme des personnages. Leurs tourments, leurs chagrins, leurs colères, pour intenses qu'elles soient, sont décrites de façon subtile et éloquente sur le papier, mais tenter de les retranscrire au grand écran est chose impossible ou presque. Et Yves Angelo s'est cassé les dents sur cette adaptation (comme bien d'autres l'auraient fait d'ailleurs, n'allez pas croire que je l'accable). Malgré de superbes décors et une distribution fabuleuse, il ne parvient qu'à livrer un film auquel il manque l'essentiel du roman : l'âme (un comble !).


Beau, mais sans ce quelque chose qui vous empoignait le coeur à la lecture du roman (déjà couvert de récompenses), ce film offre cependant un spectacle appréciable à ceux qui ont aimé le livre, tant il lui est fidèle, esthétiquement parlant. Je ne le conseille donc qu'à ceux qui ont déjà lu le roman (que je conseille à tous, d'ailleurs, comme tous les livres de Philippe Claudel), s'ils souhaitent voir ces âmes prendre (un tout petit peu) vie.