lundi 20 mai 2019

Trois enterrements (2005)




Un peu partout, les murs se dressent, ces dernières années, pour empêcher ceux qui le voudraient d'accéder à des jours meilleurs. Le cinéma s'est parfois emparé du thème de l'immigration de façon plus ou moins heureuse (on se souviendra, ou pas, du balourd "Droit de passage", par exemple). En 2005, avant même qu'on imagine l'accession d'un certain président aux Etats-Unis, Tommy Lee Jones avait réalisé "Trois enterrements" qui évoquait le sort d'un immigrant mexicain au travers d'un voyage funèbre et néanmoins initiatique. Salué par la critique et récompensé de plusieurs prix, ce film eut cependant peu d'audience dans les salles : serait-ce le moment de le (re)voir ?

Au Texas, tout près de la frontière mexicaine, on retrouve le corps de Melquiades Estrada, un vaquero entré aux Etats-Unis illégalement. Parce que c'est un clandestin, l'enquête officielle est enterrée en même temps que le corps du malheureux. Parce que c'était son meilleur ami, Pete Perkins va plus loin. Après avoir mis la main sur le garde-frontière qui a, par erreur, abattu Melquiades, il va le forcer à exhumer le cadavre puis à l'emmener avec lui jusqu'au village natal de son ami, au Mexique. Commence alors un voyage dont ils ne sortiront pas intacts.

On pouvait frissonner en voyant s'afficher, parmi les producteurs, le nom d'Europacorp, synonyme de revenge-movies écrits au pochoir. Cependant, la présence au générique du scénariste Guillermo Arriaga (déjà à l'écriture de "21 grammes", par exemple) avait de quoi rassurer. De plus, la présence derrière la caméra (pour son premier film de cinéma) du grand Tommy Lee Jones achève de convaincre. En posant sa caméra à hauteur d'homme (et de femme), celui qui fut révélé au grand public avec "JFK" et "Le fugitif" donne ici vie à tout un pan de la population américaine qui n'a pas souvent droit au chapitre. Dans la petite bourgade frontalière où se déroule l'action, toutes et tous portent un regret, un échec et des aspirations non abouties. Échoués là, les protagonistes de "Trois enterrements" (dont le titre original était "The Three Burials of Melquiades Estrada"), confrontés aux immigrants mexicains qui tentent de franchir la frontière, ont peur de ce que leur réserve la vie et se raccrochent au peu qu'il leur reste. 



Pour interpréter ces êtres humains plus ou moins cassés, Tommy Lee Jones a fait le choix du vrai. Qu'il s'agisse des premiers rôles ou des personnages d'arrière-plan, la distribution  fait montre d'une belle authenticité. Dans le rôle de Pete Perkins, l'acteur-réalisateur est impérial, une nouvelle fois et démontre qu'il n'est pas, loin s'en faut, qu'une "gueule".
Est-ce un clin d’œil malicieux de Tommy Lee Jones ? Toujours est-il que l'auteur du tir malheureux qui abat Melquiades Estrada est interprété par Barry Pepper, qui jouait le sniper illuminé de "Il faut sauver le soldat Ryan". Féroce image d'une Amérique ayant échoué, le jeune garde-frontière en quête de rédemption malgré lui en dit long sur son époque, alors que l'on ne dressait pas encore de murs entre les hommes.

En plus d'être remarquablement interprété, "Trois enterrements" est filmé de manière magistrale. Pour son (quasiment, puisqu'il avait déjà tourné pour le petit écran) premier film, Tommy Lee Jones réussit ici un coupe de maître. Chapeau (texan), l'artiste !




6 commentaires:

  1. Stetson pour le chapeau texan. ;-)
    Un 1er film & une jolie réussite pour TL Jones.

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    1. Oui, mais avec "Stetson", le jeu de mots marchait moins bien ;-)
      Merci d'être passé, Ronnie !

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  2. Quelle joie de lire ce texte louangeur sur un film qui fit à sa sortie vibrer ma fibre westernienne en manque de véritable épopée frontalière ! ce film est remarquablement réalisé, magnifiquement écrit, d'une puissance funèbre phénoménale. Je ne l'ai pas revu depuis bien longtemps mais je ne doute qu'il résonne fortement avec l'actualité. Magistral. Bravo pour ce texte.

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    1. Merci pour ce commentaire enthousiaste, Prince. Je suis très touché. Le film était inspirant, cela dit.

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  3. Un film magistral ! Il faudrait que je le revoie mais il m'avait emportée lors de mon visionnage !

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    1. Quel enthousiasme ! Je peux le comprendre, Tina.
      Merci de ta fidélité à ce blog !

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