mercredi 18 avril 2018

Baxter (1988)


Un film dont le héros est un chien, ça évoque probablement, pour la majorité du public, des comédies familiales où la tête d'affiche est un Saint-Bernard ou un Colley, bien décidé à aider l'être humain, parfois malgré lui. On songe plus rarement au plus fidèle ami de l'homme comme à un danger, sur le grand écran. Certes, il y a eu quelques exceptions, telles "Les chiens" (d'Alain Jessua) ou "Dressé pour tuer" (de Samuel Fuller), pour ne citer qu'eux, mais ils sont peu nombreux, au regard de différents opus de la série "Beethoven" (pour ne prendre qu'un exemple). Il y a trente ans (déjà !), un chien tint le haut de l'affiche, dans un film français : peu nombreux sont ceux qui se souviennent de lui, qui se nommait "Baxter". 
Baxter, c'est un bull-terrier qu'un jour on offre à une vieille dame. Sa fille et son gendre, persuadés de leur bonne idée, ignorent ce qui se passe dans la tête de l'animal, qu'on a sorti de sa cage pour tenir compagnie à une humaine.
Il aura d'autres maîtres, ensuite et sera confronté à d'autres palettes de l'humanité. Il y aura ce couple, qui le délaissera à la naissance de leur bébé, et ce garçon étrange.
Mais Baxter est-il un chien comme un autre ?

Le film de Jérôme Boivin (son premier long métrage, avant "Confessions d'un barjo", qui sera son dernier pour le grand écran) a pu marquer certains de ses (rares) spectateurs. C'est en partie en raison de son extrême noirceur et de l'absence de distance que prend la caméra pour narrer l'histoire de ce chien pensant. On sent déjà la "patte" de Jacques Audiard, bien avant qu'il ne passe pour la première fois derrière la caméra (ce sera avec "Regarde les hommes tomber"). Co-scénarisant ce long métrage avec le réalisateur, le futur créateur de "Un prophète" pose déjà un regard bien sombre sur l'humanité.

Le chien qui pense et dans la tête duquel le spectateur est plongé sert de miroir à ses maîtres dans cette fable cruelle chez les médiocres. Filmé à hauteur d'homme (et le plus souvent, à hauteur de chien), "Baxter" s'avère d'une efficacité remarquable et ne peut laisser de marbre. Les couleurs y sont ternes, comme si Baxter évoluait dans un monde sans relief et sans avenir. Tout ceci n'est pas très gai, ni très optimiste, mais c'est diablement bien fait.

L'humanité n'est jamais si bien décrite que lorsqu'elle l'est au travers des animaux. Jean de la Fontaine l'avait bien compris. Avec pour "héros" un bull-terrier taciturne et pensant, "Baxter" fait souvent frémir.

Sans doute oublié de la plupart de ceux qui virent sur les affiches ce chien à l'étrange regard, probablement inconnu des autres, ce film inclassable et parfois terrifiant mérite plus qu'un regard. Avec de petits moyens et un concept simple, il dit beaucoup de choses. Pour nombre de films plus visibles, c'est exactement l'inverse qui se produit.


Ce film a été vu dans le cadre du Movie Challenge 2018, pour la catégorie 
"Un film dont le héros n'est pas humain"

4 commentaires:

  1. Un film nihiliste qui ne laisse pas indifférent à l'image de son héros, un chien imparfait se révélant aussi violent qu'inactif quand il le faut. Un film marquant en tous cas tout comme la voix de feu Maxime Leroux.

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    1. Une tentative rare. Tu fais bien de souligner la prestation vocale de Maxime Leroux, que je n'ai pas évoqué dans l'article. Merci, Borat.

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  2. De rouille et de nonosse, si je comprends bien. J'avais bien entendu aboyer ce Baxter dans diverses revues spécialisées sans vraiment avoir eu le loisir de me le mettre en laisse. Je découvre que l'Audiard fils a participé, ce qui le rend d'autant plus recommandable (en plus de ton texte incitatif).

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    1. "De rouille et de nonosse", j'adore. Merci, Prince !

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