Les séries télévisées ont, semble-t-il, pris le pouvoir. On trouve chez les showrunners bien plus d'imagination que du côté des cinéastes, pourra-t-on se lamenter. A l'heure du triomphe de "Game of Thrones" ou "Mad Men", il me semble judicieux de rendre un hommage justifié aux ancêtres qui balisèrent le chemin, qu'il s'agisse du "Prisonnier", de "Mission : Impossible" ou de "Chapeau melon et bottes de cuir", par exemple. La plupart d'entre eux ont eu droit à une exploitation récente, que ce soit au petit ou au grand écran, mais le charme émanant de leur incarnation originale reste intact.
Bien avant que les studios n'utilisent jusqu'à épuisement le filon de ces séries télévisées, il y eut déjà quelques tentatives de transpositions au grand écran. Parmi celles-ci, le passage de "Chapeau melon et bottes de cuir" ("The Avengers", en Version Originale) a laissé peu de traces dans les mémoires.
Londres, 1999 : la fin du millénaire est porteuse de catastrophes, semble-t-il.
Alors que la météorologie n'en fait qu'à sa tête, deux agents de Sa Gracieuse Majesté, le sémillant John Steed et la ravissante Emma Pee, après s'être rencontrés, découverts, puis alliés, affrontent un ennemi capable de détraquer le temps : Sir August de Wynter, un excentrique scientifique. Celui-ci a décidé de bouleverser le climat, mais c'est sans compter les deux agents les plus britanniques.
Conspué par les fans de la série originale, "Chapeau melon et bottes de cuir" fait figure de tache dans la carrière de ses interprètes. Et pourtant, quel casting ! Uma Thurman, Ralph Fiennes, Sean Connery et, dans des rôles plus accessoires, Jim Broadbent, et Patrick McNee (le John Steed original) incarnent ici les personnages inspirés par la so sixties série télévisée qui fit le bonheur de plus d'un téléspectateur (et mériterait d'ailleurs une rediffusion), mais leur présence ne suffit pas à assurer la réussite du film.
Deux fautes majeures sont responsables de l'échec : le scénario, tout d'abord, qui réussit à ne pas fonctionner, alors que maints épisodes de la série étaient plus fantaisistes mais réussissaient à emporter l'adhésion des spectateurs. En confondant l'exploitation raisonnable et intelligent du patrimoine de la série, le scénariste essore celui-ci et tente d'en exploser les limites, pour finalement livrer un résultat hors-sujet.
Second coupable : la réalisation. Jeremiah S. Chechik, qui s'était fait remarquer juste avant avec l'inutile remake des "Diaboliques", fait ici preuve d'un bien piètre talent pour la composition d'un long métrage. Si l'on peut pardonner les effets spéciaux qui ont bien vieilli, la mise en scène est d'une pauvreté rarement vue et témoigne d'un bien maigre capacité à conter une histoire.
Dans la bouillie qui résulte de tout cela, les acteurs peinent à trouver leur place. Ralph Fiennes a rarement été aussi mauvais, comme s'il se rendait compte du péril dans lequel il s'est fourré et hésitait à aggraver son cas, Uma Thurman tente de limiter les dégâts et son charme de l'époque y contribue grandement, mais cela ne suffit pas. Quant à Sean Connery, portant perruque dans un de ses derniers rôles (il fit encore pire choix avant de raccrocher les crampons avec la sinistre "Ligue des gentlemen extraordinaires"), il cabotine outrageusement, prenant visiblement plaisir à s'exhiber en kilt.
Le cinéma peut faire des merveilles quand il s'empare avec talent d'une œuvre, qu'elle soit littéraire ou télévisuelle. Mais, lorsqu'il engloutit le matériau de base sans le respecter, l'avalant goulûment avant de le recracher au visage du spectateur, le résultat est loin d'être appétissant. Le cas de "Chapeau melon et bottes de cuir" est symptomatique. Si les fans de la série originale le détestent, ce n'est pas sans raison.