dimanche 23 mars 2014

Byzantium (2012)


Le mythe du vampire fait partie intrinsèque de l'ADN du cinéma. Depuis l'aube du Septième Art, les déclinaisons sur ce thème n'ont jamais manqué, du "Nosferatu" de Murnau à "Morse", en passant par les "Dracula" de la Hammer et la saga "Twilight" : on le voit, le panorama est large, qu'il s'agisse de l'angle d'attaque ou de la qualité du produit final. Neil Jordan, en 1994, avait déjà donné au genre un film majeur, "Entretien avec un vampire" (adapté du roman éponyme d'Ann Rice, qui avait dépoussiéré le genre littéraire). En 2012, il livra l'adaptation d'une pièce théâtrale de Moira Buffini, "Byzantium", dont les deux héroïnes appartenaient à la gent vampiresque. Si, 18 ans plus tôt, il rencontra un grand succès public, la cuvée de 2012 fut un cuisant échec public et finit sa carrière dans la rubrique "direct-vidéo". 
Le destin heureux d'un film ne fait pas celui d'un autre, semblerait-il.
Deux jeunes femmes arrivent dans une petite ville côtière de Grande-Bretagne, aussi mystérieuses que séduisantes. Clara, la plus âgée, se lie avec Noel qui les héberge dans une ancienne pension de famille nommée "Byzantium", tandis que Eleanor se lie avec l'étrange Frank, jeune homme sombre et lunaire. Un terrible secret lie Clara et Eleanor, et finira par bientôt rejaillir : toutes deux sont des vampires et se nourrissent de sang humain. 
Le film de vampires, puisqu'il s'agit, comme je le soulignais en introduction, d'un genre à part entière, gagne toute sa richesse quand il permet d'aborder des thèmes profonds et de poser de grandes questions. Certes, nombreux sont les films qui se contentent de mettre en scène ces créatures, leurs proies et leurs chasseurs, sans gratter plus profondément. Mais les œuvres qui restent au panthéon du cinéma sont celles qui vont plus loin et ne s'arrêtent pas là. "Byzantium", malgré son manque de visibilité, fait clairement partie de la seconde catégorie : que ceux qui ne comptent y voir qu'une succession de scènes sanguinolentes menées par deux créatures de rêve passent leur chemin.

"Byzantium", avec ses adroits allers-et-retours entre présent et passé, développe du début à la fin la
personnalité de ses deux héroïnes, sans cependant les placer dans le camp du bien ou du mal. Nul n'est blanc, nul n'est noir, dans ce conte fantastique où l'humanité a une place centrale. Evitant l'écueil de l'affrontement permanent entre les vampires et leurs adversaires, il offre au spectateur (qui serait en droit d'être blasé par toutes les déclinaisons sur le genre) un spectacle remarquable, sur le fond et sur la forme.
On se réjouira de retrouver la très talentueuse Saoirse Ronan (la révélation de "Lovely Bones") et la sublime Gemma Arterton (qui prouve qu'elle n'est pas qu'un corps de rêve) dans la peau de ces deux créatures en proie au doute et à la peur, à la fois prédateurs et proies. 
Certes, quelques petites faiblesses sont à signaler, notamment l'interprétation parfois mollassone de Caleb Landry Jones et quelques longueurs qui nuisent à la fluidité du récit, mais elles sont très mineures, au regard de la grande réussite plastique, narrative et de l'intelligence de l'ensemble. 

D'une esthétique souvent troublante (et je ne parle pas que de la plastique de Gemma Arterton), "Byzantium" est l'occasion d'aborder un thème classique sous un nouvel angle. Prouvant qu'il est possible de donner du sang neuf (pardonnez-moi ce mot facile) à un registre qu'on aurait pu croire éculé, Neil Jordan aurait pu espérer mieux pour ce beau film, certes parfois confus, mais diablement troublant et intelligent. 



15 commentaires:

  1. Je ne l'ai pas encore vu mais je l'avais pris en DVD avec Mad Movies et je veux bien le voir. Mais bon rien qu'aujourd'hui je dois voir Le guépard pour mon cours de "films fondamentaux". ;)

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    1. Je t'en conseille le visionnage et suis impatient de lire le billet que tu ne manqueras pas de lui consacrer. Mais, bien entendu, le grand classique "Le guépard" a aussi son intérêt, dans un tout autre registre :)

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    2. Disons que là je dois le voir pour mon cours, donc je considère qu'il faut le voir en priorité (surtout que je l'ai depuis longtemps). ;) Il faudrait aussi que j'aborde Entretien avec un vampire, l'autre grand cru vampirique de Neil Jordan.

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    3. "Entretien avec un vampire" est lui aussi très recommandable, même s'il faudrait que je le revoie...Bon visionnage du "Guépard", studieux Borat ;-)

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  2. Pas vu, mais encore une sortie directement en vidéo qui aurait très bien pu se solder sur une exploitation en salle.
    Excellente critique

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    1. Il aurait amplement mérité une "vraie" sortie, tant il a des qualités, sur le fond et sur la forme.
      Merci pour le compliment, à bientôt.

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  3. Je ne connaissais pas mais je note (j'ai carrément investi dans un carnet, j'ai 22 pages de films à voir... Sans parler de ceux que je vois sans les avoir notés o_O )
    Bref, une fois n'est pas coutume, moi aussi je suis admirative de la plastique de Gemma Aterton, elle est juste sublime. Et en plus elle joue bien. et j'adore Entretien avec un vampire. Vampires + Gemma + Neil Jordan, c'est vraiment très tentant

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    1. Je te le conseille fortement, et serais fort intéressé par ton retour, si tu lui consacres un billet. Ravi de partager avec toi un certain intérêt pour la plastique de Miss Arterton ;-)

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  4. Moi aussi ça me tente bien ! Je n'en avais pas entendu parler, et pour cause. Merci Laurent !

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    1. Très fortement recommandable, à mes yeux, "Byzantium" mérite un rattrapage.

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  5. Il faut absolument que je le vois celui-ci, ton avis est encourageant en tout cas ;)

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    1. Je te le recommande chaleureusement et serais ravi de lire ton avis sur CinéFusion, bien sûr !
      Merci d'être passé.

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  6. Un très bon film qui renouvelle le genre vampirique avec de bons acteurs. J'ai préféré la partie en flashback. A voir.

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    1. Ce film aurait mérité une vraie sortie en salles, on est d'accord. J'ai également beaucoup apprécié les voyages qu'il pratique dans le passé, diablement bien foutus.
      Merci de ton passage.

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