samedi 29 décembre 2012

Je hais les acteurs (1986)


Oublié sous la poussière, au fond du placard des films français, "Je hais les acteurs" est sans doute inconnu de la majorité des lecteurs de ce blog. Et pourtant, ce premier film de Gérard Krawczyk (oui, celui qui commit "Taxi")et produit sous l'égide d'Alain Poiré (à qui l'on doit quelques monuments du cinéma hexagonal) disposait d'un casting à faire pâlir pas mal de producteurs actuels. Pensez donc : s'y bousculaient, sans ordre de préférence, Jean Poiret, Bernard Blier, Michel Blanc, Michel Galabru, Pauline Lafont, et j'en oublie. L'entreprise était ambitieuse et audacieuse, puisque ce film, en noir et blanc (ce n'était donc pas une défaillance de votre navigateur, soyez rassurés !) adaptait un roman de Ben Hecht (l'un des plus prolifiques scénaristes de l'âge d'or des grands studios), en se voulant fidèle au ton unique des grands films hollywoodiens.
A l'arrivée, il faut croire que les cinéphiles ne se sentirent pas interpellés par "Je hais les acteurs", lui réservant un accueil froid et des salles bien peu remplies.  Malgré une nomination au César du meilleur premier film, aujourd'hui, ce film a sombré dans l'oubli, ou presque...


Hollywood, les années quarante : un détective privé enquête sur une série de meurtres et se trouve plongé dans le monde du cinéma, dont il découvre l'envers du décor. Des producteurs sans scrupule, des acteurs à l'ego démesuré, des starlettes écervelées, des réalisateurs psychotiques (le premier qui dit que rien n'a changé depuis gagne la palme du mauvais esprit). 

Soyons clairs : le scénario n'a rien de follement original et ne surprendra guère le public. A défaut de fond, c'est surtout la forme qui est l'intérêt de ce film. Car on est ici, dans l'exercice de style appliqué, d'un côté de la caméra comme de l'autre. pour sa première mise en scène, Krawczyk s'efforce de respecter tous les codes des grands classiques qui bercèrent sans doute sa jeunesse de cinéphile. Alors, certes, tout cela peut laisser froids les cinéphiles actuels, mais il faut reconnaître que, d'un point de vue esthétique, "Je hais les acteurs" tient ses promesses. 

Pour servir cette reconstitution, Krawczyk réussit à convoquer une bonne partie de la fine fleur des acteurs français des années 80. Alors, certes, Patrick Floersheim, qui tient le rôle du détective (et celui de fil conducteur de l'histoire) n'a pas la renommée nécessaire au statut de locomotive qu'il endosse pour ce film. Mais, au cours de sa trajectoire, il croise le ghotta du cinéma hexagonal (j'en ai déjà cité un bon nombre plus haut) : Claude Chabrol, Jean-François Stévenin, Dominique Lavanant, Claire Nadeau, et même Marcel Gotlib se font visiblement plaisir en voyageant dans le temps et l'espace. Et je ne vous parle même pas de ceux qui ne firent dans ce film que des apparitions fugaces ou des participations amicales. Le plus célèbre évadé fiscal du moment, Gérard Depardieu pour le nommer, joue ici un rôle fugace (non crédité, qui plus est).

On s'en rend vite compte au visionnage, ce film est bâti sur un mensonge : Krawczyk et son producteur aiment les acteurs, infiniment, au point de leur offrir avec ce film un sublime terrain de jeu. Il eut fallu, pour que la fête soit réussie, que les scénaristes soient de la partie et épaississent un peu l'intrigue, pour faire de ce film un peu plus qu'une balade dans des décors de stuc et de plâtre. Le spectateur y aurait probablement trouvé son compte. Faute de cela, l'insuccès de cette grosse production plomba sérieusement la carrière de son réalisateur. Gérard Krawczyk réalisa ensuite le très joli "L'été en pente douce" avant de tomber sous la coupe de Besson, pour remplacer Gérard Pirès sur le tournage du premier "Taxi" (le destin est parfois cruel). Nul doute que si "Je hais les acteurs" avait connu plus de succès, sa carrière aurait pris un tout autre tournant. En attendant, les cinéphiles nostalgiques peuvent offrir à ce film une seconde chance...





8 commentaires:

  1. En même temps, on n'a pas dit à Krawczyk de continuer avec Besson jusqu'en 2007. C'est lui qui l'a bien voulu en tournant cinq films pour Besson. Surtout des énormes bouses comme les Taxi (les siens ont d'ailleurs le mérite d'être plus naze que celui qu'il a coréalisé avec Pires), Fanfan la tulipe et Wasabi.

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    1. Il a, je pense, cédé à la facilité.
      Merci de ton passage.

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    2. Et donc à l'argent facile. Son remake de L'auberge rouge en fait tout autant et là il n'y a plus Besson.

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    3. Ca rend d'autant plus amère la trajectoire de ce réalisateur.

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  2. Rien à voir mais bonne année Laurent!

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  3. Tien, je connais ce film que parce qu'il vient de sortir un Blu-ray. Je n'aurais peut-être pas porté d’intérêt à celui-ci si je n'avais pas lu ta chronique. Je vais donc tenter de le voir :)

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    1. Voilà l'occasion rêvée d'y jeter un oeil, effectivement !

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