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mercredi 12 mai 2021

Le petit locataire (2016)

S'il est un registre cinématographique auquel on peut associer une nationalité, c'est sans doute la comédie sociale, qui me semble attachée au Royaume-Uni. Nombreuses furent les tentatives d'approcher ou d'égaler le talent de Ken Loach ou de Mike Leigh, pour n'en citer que deux, dans ce délicat exercice de style consistant à parler de notre monde sans se moquer de ceux qui tentent d'y survivre. Le cinéma hexagonal s'est frotté plus d'une fois à ce registre, avec plus ou moins de bonheur : de "Normandie Nue" à Bowling", le résultat fut contrasté. Pour autant, les tentatives continuent. Avec Karin Viard en tête d'affiche, "Le petit locataire" a tenté sa chance, sans rencontrer le succès à sa sortie. 

Elle ne s'y attendait pas, Nicole. A 49 ans, alors qu'elle est déjà grand-mère, que sa fille vit toujours chez elle, qu'elle héberge sa mère invalide, et que son mari renâcle à trouver un emploi, elle pensait avoir tourné la page de la maternité. Mais quand son gynécologue lui annonce qu'elle va de nouveau être maman, Nicole prend un sacré coup sur la tête. N'est-il pas trop tard pour elle ?

Il semble évident que "Le petit locataire" ambitionne d'explorer le terrain de la comédie sociale, genre dominé par le cinéma britannique. En plaçant son histoire chez des gens "normaux", voire de la France d'en-bas, Nadège Loiseau semble, dans un premier temps, s'engager sur un terrain souvent mal exploité dans le cinéma francophone. Cette louable ambition ne tient malheureusement pas très longtemps, le film s'orientant rapidement vers la comédie pure, choisissant de concentrer son propos sur l'héroïne et sa famille et délaissant le monde autour. 

Karin Viard, centre de gravité du film, part parfois en roue libre et ajoute au joyeux chaos qu'on ressent parfois au visionnage du "Petit locataire". La famille de guingois qui orbite autour de son personnage comporte pourtant de sacrés personnages (sans doute trop d'ailleurs), du père cherchant sa voie et sa place, à la grand-mère qui s'éteint en douceur, en passant par la fille en mal de maturité. Mais, malgré leur talent, les acteurs peinent à exister face à l'interprète principale. Lors des quelques scènes où ils reprennent la balle, on appréciera d'autant plus leurs prestations. 

S'il comporte quelques jolis moments, "Le petit locataire" n'est cependant pas dépourvu de défauts. En choisissant le registre de la comédie sociale, la réalisatrice oublie néanmoins que les glorieux modèles de ce type de cinéma sont en général porteurs d'une colère, voire d'un message. La situation de départ ne sert ici qu'à générer des situations comiques, mais jamais à donner à réfléchir. La promesse initiale n'est pas tenue et il faut (ou pas) se satisfaire d'un film destinée à faire (seulement) sourire. C'est déjà ça, certes, mais ça aurait pu être tellement plus. 

 


vendredi 2 février 2018

Bon rétablissement ! (2014)



Le cinéma de Jean Becker, ces dernières années, est souvent marqué par une foi profonde en l'être humain. De "Effroyables jardins" à "Dialogue avec mon jardinier", ce réalisateur aime profondément ses personnages et leur offre souvent l'occasion de faire montre de leur humanité. Il nous a offert de nombreux morceaux de cinéma populaire, parfois imparfaits, mais souvent couronnés de succès : "Elisa" ou "Les enfants du marais" font partie de ces films dont tout le monde a entendu parler et que beaucoup ont vu. Étonnamment, l'un de ses derniers opus, "Bon rétablissement !" n'a pas drainé beaucoup de monde en salle. Et si on en parlait ?

Sans se rappeler comment, Pierre Laurent s'est retrouvé dans la Seine, après qu'un chauffard l'ait percuté. Le voilà hospitalisé et bien diminué : cela ne va pas arranger son caractère. L'homme est en effet misanthrope et grincheux. Entre le peu d'égards réservé au malade qu'il est et le constant défilé de gens venus le voir pour finalement parler d'eux, Pierre voit sa patience mise à rude épreuve.
Et si ce séjour à l'hôpital était pour lui l'occasion de changer ? Et si, pour commencer, il s'intéressait un peu aux autres ?

Les films de Jean Becker ont exploré l'humanité sous pas mal de coutures, tout en gardant espoir en elle : au fond de tout grincheux, il y a quelqu'un de bien et la pire des situations peut révéler le meilleur de l'homme. Pour naïf que ce point de vue puisse sembler, il est parfois utile et a su rencontrer son public, malgré quelques maladresses techniques et nombre de facilités scénaristiques. En adaptant une nouvelle fois un roman (en l'occurrence celui de Marie-Sabine Roger, déjà auteure de "La tête en friche") et en confiant les dialogues au vétéran Jean-Loup Dabadie, Jean Becker a en quelque sorte joué la sécurité. Et il faut reconnaître que le minimum syndical est au rendez-vous, mais qu'il n'y a pas grand-chose de plus que ce minimum, justement.


Il n'y a guère de surprises au menu que nous sert Becker avec "Bon rétablissement !". Les protagonistes y sont humains, avec leurs qualités (parfois cachées, mais pas tant que ça) et leurs défauts (très mineurs). On peut être client de ces bons sentiments, tant ils sont denrée rare, au cinéma ou ailleurs, ou placer la barre un peu plus haut, en terme d'exigence.

On se réjouira (ou pas) de retrouver les acteurs qui donnent vie aux protagonistes de "Bon rétablissement !", de Gérard Lanvin, parfait en grincheux qui s'humanise à l'indispensable Philippe Rebbot, en passant par Claudia Tagbo et Jean-Pierre Darroussin (qui retrouve à cette occasion Jean Becker, après "Dialogue avec mon jardinier"). Visiblement, le réalisateur aime autant ses acteurs qu'il aime ses personnages : c'est plutôt louable, soit dit en passant.

Même s'il est plutôt plaisant et pétri de bonnes intentions, "Bon rétablissement" ne fera pas date dans la filmographie de son équipe, sans cependant être honteux.



Ce film a été vu dans le cadre du Movie Challenge 2018, pour la catégorie 
"Un film qui se déroule dans le milieu médical"

lundi 30 octobre 2017

Aurore (2017)


Celles et ceux qui suivent ces colonnes le savent : il est certains acteurs et actrices dont la seule présence justifie pour moi de visionner un film. La grande Agnès Jaoui est de ceux-là, je le confesse, qu'elle soit scénariste, réalisatrice ou actrice. Assumant son âge, cetre femme a montré toute l'étendue de son talent, surtout dans des films où d'autres ne se seraient pas risquées. Dans "Aurore", de Blandine Lenoir, c'est une histoire de femme, de femmes même, dont elle a pris la tête. Le public n'a pas suivi. 

Rien ne va plus pour Aurore, jeune quinquagénaire. La ménopause s'abat sur elle à grands coups de bouffées de chaleur et de sautes d'humeur, sa fille aînée lui annonce qu'elle est enceinte tandis que la deuxième quitte le domicile pour suivre son petit copain, elle perd son emploi, retrouve un amour de jeunesse et ne sait plus trop où elle en est.
C'est vrai que ça fait beaucoup d'un seul coup.


Réalisé par Blandine Lenoir (dont c'est ici le deuxième film de cinéma après "Zouzou"), "Aurore" est un film de femmes, mais n'est pas, loin s'en faut, à réserver aux femmes. Sans porter haut un étendard féministe, c'est une histoire comme il en existe des centaines, sans doute, dans la vraie vie, qui nous est contée là. Ceux qui sont en quête de dépaysement, d'évasion ou d'intrigues bigger than life en seront pour leurs frais : "Aurore" n'est pas un film pour eux. Par contre, si vous appréciez les films qui se penchent un instant sur nos semblables, sur les "vrais gens", et sont empreints d'humanité, vous risquez d'aimer ce film.

La plus grande qualité de ce film est la présence d'Agnès Jaoui, impériale. Tour à tour mère, femme, amante ou amie, elle endosse toutes les panoplies sans mal, avec un naturel désarmant qui ne peut que convaincre. Autour d'elle, la nébuleuse de seconds rôles est tout aussi remarquable, l'actrice vedette n'étouffant pas ses partenaires malgré son immense talent. Qu'il s'agisse de Sarah Suco, de Pascale Arbillot ou de Philippe Rebbot, pour ne citer qu'eux, tous donnent à leur personnage l'étincelle d'humanité qui fait qu'on croit en eux et qu'on les comprend, voire qu'on les aime.

Filmé à hauteur de femme, ce film modeste est cependant plein d'une sincérité que bon nombre de longs métrages plus ambitieux ne savent pas trouver. Porté par la grâce d'une actrice principale lumineuse, "Aurore" ravira ceux pour qui les personnages sont essentiels.



jeudi 24 novembre 2016

Rosalie Blum (2016)


La comédie française, qu'elle prenne un trait épais ou plus fin, a été maintes fois l'objet de billets (souvent assassins, mais elle l'avait bien cherché) dans ces colonnes. Ce genre étant de ceux qui, autrefois, touchaient à l'art et me donnèrent beaucoup de joies, je ne peux m'empêcher de revenir à lui, souvent pour le regretter après, c'est vrai. En voyant la bande-annonce de "Rosalie Blum", réalisé par Julien Rappeneau, fils d'un des maîtres du dit genre, l'espoir s'était emparé de moi. A l'arrivée, malgré des critiques plutôt bonnes, ce petit film plein de promesses n'a pas été le triomphe espéré. 

La vie de Vincent Machot est morne et triste. Entre sa mère, son salon de coiffure, l'amie dont il est persuadée qu'elle est sa petite amie mais qui ne fait que l'éviter, ce trentenaire croise par hasard Rosalie Blum, une épicière de quartier qui l'intrigue. Il se met à la suivre, persuadé de l'avoir déjà vue. Rosalie Blum découvre le manège de Vincent et charge sa nièce de prendre Vincent en filature. Tous vont aller de découverte en découverte...

Au visionnage de la bande-annonce, on peut penser que "Rosalie Blum" est de ces films suivant le sillage d'Amélie Poulain, et qu'il apportera au cœur de son spectateur une bouffée de bonheur. Très vite, cette adaptation du roman graphique (autrement dit, une bande dessinée avec un peu plus d'ambitions que d'autres) de Camille Jourdy donne cependant le ton. Les protagonistes de cette histoire ont une vie pas si drôle que cela et suffisamment d'ennuis pour qu'on les prenne en pitié : on sourira rarement aux pérégrinations de Vincent Machot et de celles qui l'entoure. Passé ce malentendu, pourtant, le film de Julien Rappeneau trouve son ton, ni trop léger, ni trop amer, et réussit à nous embarquer dans l'aventure, mais sans se montrer suffisamment convaincant pour regonfler le cœur de ceux venus chercher là de quoi oublier le marasme de la vraie vie. 

Pour donner vie aux personnages de ce conte doux-amer, il fallait des interprètes capables de jouer sur la corde sensible. Si la prestation de Kyan Kojandi (le héros de la série "Bref") est impeccable, je serai plus réservé sur celle de Noémie Lvovski, au jeu de laquelle je n'arrive décidément pas à adhérer (son "Camille redouble" m'avait laissé froid, cela vient donc peut-être de moi). Alice Isaaz, Sara Giraudot et surtout Philippe Rebbot et Anémone sont ceux qui apportent la touche de fantaisie, hélas insuffisante pour faire basculer le film dans la comédie. 

C'est une semi-déception que ce film, vendu comme un feel good movie, mais finalement au goût assez amer pour empêcher son spectateur d'en sortir heureux. Les plus optimistes le qualifieront cependant de semi-réussite. Libre à chacun d'y trouver sa moitié de verre, qu'elle soit vide ou pleine.


lundi 5 septembre 2016

Les premiers les derniers (2016)



Le cinéma belge a déjà donné lieu, dans ces colonnes, à quelques billets consacrés à de jolies surprises, bonnes ou mauvaises. Mais le fait est qu'il se passe des choses intéressantes, sur les écrans du plat pays. Bouli Lanners, en début d'année, nous a proposé un étrange film, "Les premiers les derniers", où il tenait le haut de l'affiche aux côtés d'Albert Dupontel. L'affection que je porte à ces deux acteurs est telle que je ne pouvais passer à côté de ce film qui, malgré quelques belles critiques, ne rencontra pas son public dans les salles obscures.

Cochise et Gilou, accompagnés de leur chien, sont chasseurs de primes et ont pour mission de retrouver un téléphone portable, volé à un homme qu'on devine très important. Dans une région désolée, où la fin du monde semble plus qu'une éventualité, les deux hommes vont croiser le chemin de deux gosses perdus et abîmés par la vie, de dangereux malfrats prêts à tout, de vieillards honorables à l'orée de leurs vies, d'un prophète, d'une femme courageuse...et n'en sortiront pas intacts.

Étrange film que ce "Les premiers les derniers", sous des cieux qui témoignent de la fin d'un monde, ou de la proximité d'un cataclysme. Est-ce aujourd'hui, est-ce un demain tout proche ? Toujours est-il que le décor dans lequel évoluent les protagonistes, magnifiquement photographié, peut donner la chair de poule. Il est beaucoup question de mort, dans ce film sombre, mais aussi de renouveau, à bien y réfléchir. Le voyage qu'entreprennent les héros de ce film a beaucoup de la marche funèbre, du deuil à accomplir, d'une renaissance à entrevoir. Dans ce voyage tout intérieur, il est aussi question de religion, même si le Jésus convoqué par Bouli Lanners est du genre à multiplier plus les balles que les petits pains. Bref, vous l'aurez compris : c'est une quête intime à laquelle s'attaquent Cochise et Gilou.

L'interprétation sans faille est un des points forts de ce film de fin d'un monde : qu'il s'agisse du grand Bouli Lanners (que j'apprécie de plus en plus), d'Albert Dupontel (tout en puissance retenue, impeccable une fois de plus), ou de ceux qui les accompagnent, le casting de "Les premiers les derniers" est irréprochable : de Serge Riaboukine à Lionel Abelanski (qui gagne décidément à être bien employé), en passant par les jeunes Aurore Broutin et David Murgia, les acteurs sélectionnés par Bouli Lanners pour son film incarnent avec force et sensibilité des personnages qu'on n'oublie pas. On notera également la présence de l'immense Michael Lonsdale, impérial, ainsi que celle de Max Von Sydow (oui, vous avez bien lu), dans un rôle inattendu, mais décisif.

Western crépusculaire sur fond de monde en déliquescence, "Les premiers les derniers" a cependant un goût d'inachevé, qui l'empêche d'être aussi réussi qu'on aurait voulu. Quelques moments de creux dans l'histoire, qui peuvent donner au spectateur le temps de réfléchir, mais aussi de faire baisser la tension. Laissant au spectateur cette respiration, Bouli Lanners prend le risque de le perdre en cours de route. Néanmoins, ces petites baisses de régime mises à part, "Les premiers les derniers" est une réussite indéniable, sur le fond autant que sur la forme. Il est dommage que le public n'ait pas suivi Cochise et Gilou dans leur quête de rédemption...