lundi 1 décembre 2014

Simon Werner a disparu (2010)

Les années lycée laissent des souvenirs parfois amers, parfois sucrés. Dans le cinéma, lorsque cet univers est exploité, c'est soit pour des comédies souvent au ras du sol (est-il besoin d'évoquer la navrante saga "American Pie" ?) ou des drames hélas trop ancrés dans l'actualité (le film "Elephant" vient naturellement à l'esprit). Le cinéma hexagonal a rarement franchi les portes des lycées pour aller voir ce qui se passait dans cet univers clos, où entrent des adolescents et dont sortent des adultes. Fabrice Gobert, dont c'est à ce jour la seule réalisation pour le grand écran, présenta en 2010 "Simon Werner a disparu..." au Festival de Cannes (dans la section "Un certain regard"). Malgré cela, et malgré la nomination qu'il obtint pour le César de la première oeuvre, ce film n'eut guère de succès... 


Dans les années 1990, un lycée de la région parisienne est le lieu d'un étrange fait divers : Simon Werner, élève sans histoire, disparaît sans laisser de traces. Alors, parmi ses camarades de classe, chacun y va de son hypothèse. Fugue, enlèvement, meurtre, qui sait ? 

Pendant les jours qui suivent (et ceux qui précèdent, également), le mystère s'épaissit : une jeune fille s'évanouit à son tour, puis vient le tour d'un autre garçon, toujours de la même classe.

Fabrice Gobert, qui a reçu maints lauriers pour sa récente et étonnante série "Les Revenants", est un réalisateur plutôt malin. Entamant son histoire sur le ton du thriller, il n'hésite pas à secouer son spectateur, à plusieurs reprises, en changeant radicalement de direction et de thématique, pour retomber sur ses pattes avec un aplomb que beaucoup pourraient lui envier. Tour à tour teen-movie, chronique des années lycée et thriller en bonne et due forme, "Simon Werner a disparu..." est un film multiforme, qui réussit la prouesse d'être bon sous toutes ses facettes. 



L'une des grandes idées du réalisateur est d'avoir placé son histoire dans le début des années 1990, sans cependant sombrer dans la caricature. Les adolescents de "Simon Werner a disparu..." n'ont rien en commun avec ceux d'aujourd'hui : il y a chez eux plus de neurones que d'hormones. Du coup, on s'attache plus facilement à ces personnages, même si, idéalisés, ils peuvent prendre des allures de personnages de conte. Ajoutez à cela une bande originale alignant des pépites du rock des années 1990 (Noir Désir, Killing Joke, No one is innocent), entre deux plages composées par Sonic Youth (excusez du peu !) et le bonheur sera complet. 

Les jeunes interprètes du film sont, c'est à souligner, remarquablement dirigés et donnent une prestation assez juste, nous épargnant le sur-jeu qu'on pouvait craindre (même si j'émettrais quelques réserves sur la performance de la jolie Ana Girardot). Parmi ces jeunes gens, il y a fort à parier que se trouvent quelques futurs grands noms du cinéma français. 

Jouant avec malice du découpage temporel et du ton de son film, Fabrice Gobert donne ici toute l'étendue de son talent, jusqu'au dénouement, qui peut décevoir après la tension installée durant le reste du film, ou simplement être la conclusion logique de cette histoire. Basé partiellement, paraît-il, sur ses souvenirs de lycée, "Simon Werner a disparu..." est porteur d'une nostalgie de ces années, mais aussi d'une identité propre. A l'heure où l'on n'a de cesse de se lamenter sur l'état actuel du cinéma français, mettre la main sur une vraie réussite est un véritable plaisir. Il était temps !




17 commentaires:

  1. Pas forcément un mauvais film pour moi mais j'avoue que je n'ai pas trop accroché. Disons qu'à la fin on est un peu frustré, on se dit "tout ça pour ça"...

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    1. Le final décevant pour beaucoup (mais j'y ai finalement adhéré, après mûre réflexion) semble être ce qui réunit tout le monde contre ce film... Je peux comprendre cela. Merci de ton passage, Tina !

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  2. Pas accroché non plus. On nous mène sur de multiples pistes et la montagne accouche d'une souris.

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    1. Comme je l'ai dit plus haut, la conclusion peut décevoir. Il faut heureusement, de tout pour faire un monde.
      Merci de ta fidélité !

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  3. Oh ! Pas entendu parlé mais il m'attire bien en lisant ta critique ^^
    (et, j'ai beaucoup apprécié la série "Les Revenants")

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    1. Je serais ravi de lire ton billet sur ce petit film, Avel, qu'il te plaise ou non. J'y ai, en tout cas, trouvé un "son" commun avec "Les revenants".

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  4. Comme mes deux camarades, j'ai trouvé ce film au combien passe partout. On essaye de se familiariser aux personnages, en espérant vainement comprendre le fil rouge, mais au final ils sont creux et le tout apparaît comme sans intérêt. Idem pour cette réalisation flirtant bon ce que j'appelle "à l'américaine tout en restant français". Donc on prend les méthodes américaines du teen movie pour en faire un film français. Sauf que cela ne marche pas comme ça...

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    1. Voilà un jugement bien sévère, ami Borat (tu as moins d'activité sur le web, ou je me trompe ?), mais comme dit plus haut, je comprends les détracteurs de ce film. Sur moi, il a bien fonctionné...
      A bientôt !

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    2. Oui c'est normal j'ai ralenti un peu le rythme. Ma vie étudiante étant ce qu'elle est, je finis parfois tard et je suis un peu fatigué. Je ne suis plus dans l'optique de l'article pour le jour suivant. Alors maintenant j'écris quand je veux, tout en gardant une fois par semaine la Cave de Borat.

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    3. J'en profite pour te souhaiter un joyeux noël Lolo!

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    4. Excellent Noël à toi aussi, ami cinéphile :)

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  5. Bonjour Laurent. Moins convaincu que toi, comme tu l'avais compris. Je ne sais pas bien pourquoi, mais je suis resté sur ma faim. L'idée de revoir les mêmes choses sous différents angles était bonne, pourtant, ainsi que celle de retourner dans les années 90... à l'heure où les smartphones n'existaient pas et que les rumeurs adolescentes pouvaient courir quand même.

    Bon, mais oui... effectivement, le dénouement m'a déçu. Reste à voir ce que pourra nous proposer ce jeune réalisateur par la suite. Là-dessus, je suis tout à fait prêt à lui donner une seconde chance.

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    1. Ah, ce final qui fait "psssshhhit" (et est, à mes yeux, inquiétant dans sa banalité) est pour beaucoup dans la déception que cause ce film. Je suis cependant prêt à parier que Fabrice Gobert a un bel avenir, au petit ou au grand écran.
      Bonne soirée, Martin.

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  6. Je viens à ton secours, y compris pour légitimer cette fin qui, justement, prend le contre-pied total de la rumeur ! Ce choix est essentiel pour moi, et marque la grande intelligence du réalisateur qui parvient à faire ce qui reste sans doute aujourd'hui la meilleure déclinaison "à la française" du sublime "Elephant" de Gus Van Sant.

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  7. C'est marrant parce que le pitch me dit quelque chose, j'ai l'impression de l'avoir vu mais en même temps je ne m'en souviens pas du tout. Du coup, c'est peut être l'occasion de le (re)voir. C'est vrai que le monde scolaire et/ou adolescent est très mal représenté au cinéma en France. Il n'y a qu'à regarder LOL qui est censé représenter la jeunesse française et qui ne concerne que les enfants des bobos parisiens.

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    1. Comme tu as pu le lire, les avis sont partagés...mais, s'il t'a laissé si peu de souvenir, j'imagine que tu n'as pas flashé sur ce film.
      En tout cas, tu as raison : ces années sont souvent caricaturés, au cinéma (l'exemple de LOL, ça pique un peu, mais c'est si vrai) : là, j'ai trouvé que Fabrice Gobert avait trouvé un ton juste, même s'il met de la distance dans ses propos en plaçant son histoire dans les années 1990.
      Merci de ta fidélité, Mel

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