jeudi 29 décembre 2016

Le limier (2007)


Les remakes sont devenus monnaie courante, depuis quelques années. Il n'est pas de mois où n'en est annoncé un nouveau, aussi improbable soit-il. Si certains se révèlent intéressants, c'est bien souvent l'inquiétude que génère pareil projet chez les cinéphiles. Quand Kenneth Brannagh décida de réaliser "Le limier" et donc de refaire le grand classique de Joseph L. Mankiewicz, il y eut des sueurs froides chez les adorateurs du film original (dont je fais partie). Étaient-elles justifiées ?

Le jeune Milo Tindle, comédien sans le sou, se rend chez le célèbre Andrew Wyke, richissime auteur de romans policiers. Amant de l'épouse du romancier, Tindle se voit proposer un drôle de marché par Wyke : cambrioler la maison de celui-ci, afin qu'il touche la prime d'assurance. En échange, Milo pourra vivre avec l'épouse de Wyke, une fois leur divorce prononcé. 
Entre le riche vieil homme et le jeune amant, commence un trouble jeu, fait de duperie et de fascination, de manipulation et de séduction .
Mais qui manipule qui ?


Adapté d'une pièce de théâtre, le film de 1972 réussissait, en mettant face-à-face deux acteurs prodigieux (Laurence Olivier et Michael Caine) à être aussi fascinant qu'inattendu, subversif et délicieux. Cette nouvelle mouture, dont on peut douter de la nécessité, prend le parti de se différencier du matériau d'origine, tout en espérant en garder la puissance et l'intensité. C'était ambitieux, et pas forcément utile. C'est surtout raté. 

Là où le film de Mankiewicz utilisait comme décor une bâtisse remplie d'un capharnaüm improbable, Brannagh choisit une architecture épurée et fait appel à la technologie plus souvent qu'à son tour. Soit, après tout. Mais l'autre différence avec le film de 1972, et elle est plus regrettable, c'est qu'il remplace la subtilité du "Limier" original par une lourdeur qui se fait de plus en plus présente que le film avance. Si, dans le premier acte, on pouvait espérer en la réussite de l'entreprise, on en doute rapidement avant de devoir se rendre à l'évidence, sans grande surprise : ce remake est un ratage.

On a beau apprécier Michael Caine et comprendre son désir de revivre le duel phénoménal au cours duquel il affronta l'immense Laurence Olivier, on est bien embêté pour lui de le voir se fourvoyer dans pareille entreprise. Quant à Jude Law, son jeu est bien trop excessif pour l'exercice, surtout dans le dernier acte, où il devient carrément outrancier et souvent ridicule.

Avant de voir "Le limier", version 2007, on peut douter de l'utilité de pareil remake. Une fois qu'on l'a vu, on est fixé : il était inutile et, pire encore, irrespectueux, de revisiter l'immense classique originel. A force de balourdise et de maladresse, Kenneth Brannagh n'obtient pour seul résultat que de donner envie de revoir le film original.




samedi 24 décembre 2016

Un homme à la hauteur (2016)


Cela faisait longtemps qu'une comédie romantique n'avait pas été l'objet d'un billet dans ces colonnes. Genre extrêmement codifié, au point qu'en oublier un ingrédient signifie souvent l'échec, la romcom, comme on dit, est le conte de fées du septième Art, pas réaliste pour un sou, mais auquel on se laisse prendre. Virgine Efira, ancienne présentatrice de télévision ayant contre toute attente réussi sa reconversion au grand écran, est l'une des vedettes du genre. Avec comme partenaire Jean Dujardin, qu'on ne présente plus, et devant la caméra de Laurent Tirard (connu pour ses adaptations du "Petit Nicolas"), la jolie Belge n'a cependant pas remporté un triomphe public avec ce film.

Avocate de talent, Diane est belle, pleine de vie et d'énergie, et célibataire. Lorsqu'elle égare son téléphone portable, elle ne sait pas qu'une drôle d'histoire commence. L'homme qui l'a retrouvé la contacte, et lui fixe rendez-vous. Si le courant passe lors de leurs conversations téléphoniques, Diane a la surprise de découvrir que son interlocuteur n'est pas tout à fait comme les autres : Alexandre est en effet petit, très petit. Architecte de talent, père divorcé lui aussi, il serait l'homme idéal, s'il n'y avait ce problème de taille. Mais est-ce un problème ?

On ne peut reprocher à "Un homme à la hauteur" de sortir du cahier des charges de la comédie romantique. Tout y est ou presque : des protagonistes, assez différents pour générer un semblant d'enjeu, mais finalement pas si éloignés que ça, un cadre de vie plutôt propre à faire rêver, une fin connue dès le début du film, mais quelques obstacles posant questions, ainsi que l'inévitable rupture avant la réconciliation définitive du dernier quart d'heure. Tout est là, dans "Un homme à la hauteur", il ne reste donc plus qu'à ce que le mécanisme derrière, assure le fonctionnement de tous ces éléments.

La différence qui oppose les deux personnages de "Un homme à la hauteur" est de taille (pardonnez-moi cette formule facile) et, pour réussir à faire passer Jean Dujardin pour un homme de petite taille, il a fallu passer par des effets spéciaux. Les moins numériques de ceux-ci sont les plus réussis, il faut bien l'avouer. Mais le problème de ce film ne vient pas de ses effets : c'est qu'il ne surprend pas et laisse trop souvent son spectateur à distance. Malgré toute la sympathie que peuvent susciter ses interprètes (notamment la délicieuse Virginie Efira), Laurent Tirard n'arrive pas à dépasser le postulat de base et se réfugie derrière les scènes provoquées par la petitesse du héros masculin. Évoquant le regard des autres sans l'exploiter judicieusement, il se contente de dérouler tranquillement le fil de son film, se reposant sur les jolis décors qu'il propose et sur ses acteurs pour emporter l'adhésion. On était en droit d'en attendre un peu plus.

Remake d'un film argentin, "Un homme à la hauteur" part d'un matériau déjà rôdé. Un échec aurait été incompréhensible, mais une réussite totale était souhaitable. Ce n'est hélas pas ce qui attend le spectateur.




lundi 19 décembre 2016

Carole Matthieu (2016)



Le cinéma social est à la mode, semble-t-il, et je ne suis pas sûr qu'il faille s'en réjouir, tant il met en évidence les faillites de notre triste époque. Produit par Arte et diffusé récemment sur ce qui est sans doute la meilleure chaîne du moment (même si parfois la plus exigeante), "Carole Matthieu" est ensuite sorti dans les salles obscures. Avec, dans le premier rôle la trop rare Isabelle Adjani, ce film social mérite un petit coup de projecteur.

Médecin du travail par choix, Carole Matthieu oeuvre au sein de la Melidem, plate-forme d'appels commerciaux où des télé-conseillers sont chargés de vendre à tout prix des produits à leurs clients. Entre une hiérarchie harcelante et des employés qui s'accrochent à un métier détestable, parce que c'est cela ou rien, Carole tend la main à des gens broyés par leur travail. Mais, à trop voir d'hommes et de femmes tomber, elle en oublie qu'elle aussi, est proche du gouffre.

Si vous souhaitez vous détendre et oublier, le temps d'un film, le quotidien et ce qui est la réalité de bien de nos semblables, passez votre chemin. "Carole Matthieu" est un film réaliste et donc dur, qui plonge son spectateur dans le quotidien professionnel de bien des gens. Sous les lumières froides et le ciel plombé du Nord, où le manteau rouge revêtu par son héroïne peut tenir lieu de balise, ce drame tient, à bien des égards, du documentaire, même s'il est l'adaptation d'un roman, "Les visages écrasés", de Marin Ledun (déjà maintes fois récompensé).. D'écrasement, il est beaucoup question dans cette histoire qui, sauf à se heurter à une inquiétante indifférence, ne laissera personne froid.

Pour incarner l'héroïne de ce drame social, il fallait une actrice hors du commun, capable de donner vie à Carole Matthieu, sans phagocyter le personnage. Isabelle Adjani, assumant son âge et son parcours, et n'hésitant pas à se mettre en danger, incarne magnifiquement Caroline Matthieu, femme et médecin au bord du gouffre, à l'image d'un monde malade. Face à elle, la toujours impressionnante Corinne Masiero, réussit à donner à son rôle la complexité nécessaire. Les autres acteurs, souvent peu connus du grand public, jouent "vrai", ce qui pourrait servir d'exemple à pas mal de leurs confrères plus renommés.

Enfin, la réalisation évite l'écueil du ton documentaire, tout en s'enracinant dans un réalisme qui fait froid dans le dos. On admirera les séquences, souvent troublantes, où la folie guette l'héroïne, femme fracassée, qui tente, tant bien que mal, d'éviter à d'autres la chute qui la guette. Dans ces incursions aux frontières du réel, on frissonne, perplexe, comme au sortir d'un rêve dont on a peur qu'il se réalise. Louis-Julien Petit, dont le "Discount" avait déjà fait forte impression, prouve ici qu'il sait parler de faits de société.

Il est des films qui méritent, par leur sujet, une plus large audience. "Carole Matthieu" est de ceux-là, indéniablement.




mercredi 14 décembre 2016

L'amour est un crime parfait (2014)



Les romans de Jean-Philippe Djian ont déjà plusieurs fois donné lieu à des adaptations cinématographiques. On pense, bien entendu, au célèbre "37°2 le matin", moins à "Bleu comme l'enfer" d'Yves Boisset ou au récent "Elle" de Paul Verhoeven. Son roman "Incidences" a été adapté par les frères Larrieu (repérés avec "Peindre ou faire l'amour") sous le titre "L'amour est un crime parfait". Ce film avait reçu des critiques mitigées et un accueil public plutôt froid, malgré un joli casting. Méritait-il mieux ?

Professeur de littérature dans la très moderne Université de Lausanne, Marc est ce qu'on appelle un Don Juan et fait des ravages parmi ses étudiantes. Après avoir passé la nuit avec l'une de ses élèves, Barbara, c'est aux côtés de son corps sans vie qu'il se réveille. 
Que s'est-il vraiment passé ? Quel rôle a tenu Marianne, la sœur de Marc, qui entretient une relation fusionnelle avec lui ? Et que cherche vraiment Anna, la belle-mère de Barbara ? Et, au fond, qui est vraiment Marc ?


Avec un pitch pareil, on comprend que certains critiques aient parlé de thriller hitchcockien. C'est cependant sans compter avec le malaise qui planait tout au long des pages du roman de Djian. Pour donner à leur film un ton étonnant, qui peut désarçonner. En utilisant le décor (la présence de la neige, l'architecture), le comportement des personnages, leur rapport aux autres, Jean-Marie et Arnaud Larrieu s'approprient l'oeuvre pour livrer un film étrange, mais finalement bancal. 

Étrange, parce qu'il oscille entre plusieurs genres, du polar au drame psychologique en louchant parfois sur la comédie, parce qu'il ne rend aucun de ses personnages sympathiques et qu'on n'arrive pas à éprouver grand chose pour eux. Bancal, parce qu'à jouer sur plusieurs tableaux, "L'amour est un crime parfait" échoue sur tous. 

Certes, le malaise s'installe, par le comportement des personnages, par leurs décisions, par le jeu volontairement (enfin, j'espère) distancié des acteurs, mais on peine à entrer dans l'intrigue ténue qui tient lieu de colonne vertébrale au film. Il faudrait sans doute se contenter d'observer la faune étrange qui nous est présentée par les frères Larrieu, faune essentiellement féminine, en orbite autour d'un mâle dominant auquel peu résistent. Pour ma part, ce n'est pas à cet exercice d'observation que j'avais choisi de me prêter. 

Alors, finalement assez prétentieux, ce pseudo-polar souvent pénible est à réserver à ceux que le cinéma français, dans ses mauvais jours, ne laisse pas froids. Il doit en rester quelques-uns.


vendredi 9 décembre 2016

Sahara (2005)


Souvent cité parmi les films ayant enregistré les plus grosses pertes (pas mal de ceux-ci ont eu droit à leur billet sur ce blog), "Sahara", film d'aventure ambitieux, reste un modèle du genre. Malgré de fortes ambitions, affichées dès le générique, la chasse au trésor annoncée sur l'affiche comme la plus grande de tous les temps (carrément) n'a pas su drainer les foules. Ils sont peu nombreux, ceux qui se déplacèrent pour aller voir ce film à sa sortie, et encore moins nombreux ceux qui s'en souviennent. 

Dirk Pitt, aventurier et chercheur de trésors, est depuis toujours à la recherche d'un navire américain qui aurait mystérieusement disparu en Afrique, au XIXème siècle. Accompagné de son complice Al Giordino et de la jolie docteur Eva Rojas, qui enquête sur une épidémie frappant les habitants de la région. Le trio devra affronter de nombreuses péripéties lors de cette chasse au trésor. 


Adapté d'un roman de Clive Cussler, et dont l'adaptation nécessita le travail de quatre scénaristes, "Sahara" avait sans doute pour ambition de ravir les amateurs d'aventure, de beaux décors, d'action et de sémillants interprètes. Le moins que l'on puisse dire est que le cahier des charges n'est pas satisfait. Si les images sont souvent très belles et si ses acteurs sont ravissants (surtout Pénélope Cruz, si vous voulez mon avis), force est hélas de constater que ce n'est pas encore pour cette fois qu'on sentira le vent de l'aventure souffler sur le septième Art.

La faute à qui ? Aux scénaristes, tout d'abord. A la vision du film, tout porte à croire que le script sur lequel se base le film ne fut pas l'objet d'un travail d'équipe. "Sahara" est, ne nous mentons pas, extrêmement confus, perdant souvent son spectateur, à force d'invraisemblances et de raccourcis. Tout porte à croire que chacun a travaillé dans son coin et que le réalisateur a du travailler avec une matière brute assez hétérogène.

La réalisation, puisqu'on en parle, n'est pas non plus exempte de reproches. Indigne de l'ambition affichée du projet, elle n'est jamais à la hauteur de son sujet. Pour son premier long métrage au cinéma, Breck Eisner se révèle dépassé par les événements et se contente d'aligner les séquences, sans grand souci de cohérence. Espérant sans doute emporter l'adhésion du spectateur par l’esbroufe, la surenchère d'action et de magnifiques paysages, Eisner oublie qu'il a une histoire à raconter à son public et que cet objectif devrait primer sur tout le reste. 

Les interprètes de ce méli-mélo de luxe semblent livrés à eux-mêmes et deviennent vite agaçants plus qu'ils n'attirent la sympathie du spectateur. Là aussi, c'est d'autant plus dommage que leur talent n'est plus à prouver. Je songe notamment à l'exceptionnelle performance de Matthew Mc Conaughey dans la série "True Detective" : sa prestation dans "Sahara" laisse pantois (ou alors, il a beaucoup progressé en quelques années).  Ses deux compères, qu'il s'agisse de Steve Zahn, en comique de service, ou de Pénélope Cruz, en atout charme (voire en récompense du héros) font ce qu'ils peuvent mais ont bien du mal à trouver leur place dans ce périple chaotique et cahoteux. 

Aussi beau soit-il, "Sahara" n'est tout simplement pas bon. Amateurs d'aventure, passez votre chemin pour cette fois.






dimanche 4 décembre 2016

Le contrat (2006)



Il est des acteurs dont la simple présence réussit à bonifier certains films qui, sans eux, passeraient sous le radar de pas mal de monde. Morgan Freeman est de ceux-là. Pourtant, son nom n'est pas forcément synonyme de succès au box-office. J'en veux pour preuve "Le contrat", film réalisé par Bruce Beresford, qui l'avait déjà dirigé dans "Miss Daisy et son chauffeur". L'énorme flop que fut ce long métrage était-il justifié ? C'est une bonne question, chers lecteurs...

Pour renouer les liens avec son fils, Ray Keene, jeune veuf, décide de l'emmener camper en pleine nature. Par le plus grand des hasards, ils vont croiser le chemin de Frank Carden, un tueur au service de la CIA, qui s'est fait arrêter par la police locale et a survécu de peu à un accident de voiture. Poursuivis par les hommes de Carden, Ray et son fils vont devoir se montrer les plus forts. 

J'aurais du me méfier : "Le contrat" est sorti directement en vidéo aux Etats-Unis. Cela n'augure en général rien de bon mais un malentendu est toujours possible. En laissant le bénéfice du doute à ce film, j'ai tenté son visionnage. Qui sait ? Sous son pitch fleurant bon le câble de pont à des kilomètres, pouvait se cacher une bonne surprise.  

Je n'irai pas par quatre chemins : si "Le contrat" n'est pas sorti en salles aux Etats-Unis, ce n'est pas une dramatique erreur de production. Il l'avait bien cherché, ce film, tant il se montre, et ce dès le début, indigne. La réalisation est sans doute le pire défaut de ce film à peine digne d'une audience de deuxième partie de soirée sur une chaînes cachée au fond d'un bouquet satellite. Il faudra bien du courage (ou de l'indulgence, c'est selon) au spectateur pour le visionner jusqu'au bout en résistant au cri de la zappette. 

Que dire des interprètes, si ce n'est qu'on est souvent gêné pour eux de les voir se compromettre dans pareil film ? Ce n'est pas la première des casseroles qu'ils auront sur leur parcours (et John Cusack en a déjà une jolie collection), mais on est toujours peiné de voir des acteurs qu'on apprécie se commettre dans un long mértage laborieux, qui finira sa carrière au fin fond d'une grille de programmes télévisées.

La présence de Morgan Freeman suffit souvent à rehausser le potentiel d'un film. Il faut croire qu'on partait ici de très loin, car ce "Contrat" n'est pas honoré. Se sentant légitimement floué, le spectateur est en droit de demander réparation.



mardi 29 novembre 2016

Ne te retourne pas (2009)


Avec son affiche troublante (mais finalement pas très belle) et son pitch plus qu'intrigant, le film "Ne te retourne pas", qui mettait en scène Sophie Marceau et Monica Bellucci aurait du attirer à lui de nombreux spectateurs, avides de suspense et curieux de voir comment était traitée cette histoire de personnalités se fondant l'une dans l'autre. Il n'en fut rien et ils furent peu nombreux, ceux qui allèrent dans les salles obscures voir comment Marina de Van avait mis en scène ces deux héroïnes. 

Jeanne vient de voir son roman refusé par son éditeur et vit très mal la situation. Peu après, elle observe des changements dans son environnement. Il s'agit d'abord de petits riens : des meubles qui changent de place, des rêves troublants. Puis ce sont ses proches dont l'apparence semble altérer, et elle finit par ne plus se reconnaître elle-même. Pour comprendre ce qui se passe et avant de sombrer dans la folie, Jeanne finit par se rendre en Italie, sur la trace d'un cliché pris lorsqu'elle était enfant.

En voilà un pitch original, pouvait-on penser lors de la sortie de "Ne te retourne pas". Les quelques images, pour le moins troublantes, qu'on apercevait promettaient quelque chose d'intéressant. Deux personnalités se fondant l'une dans l'autre (ou l'inverse, allez savoir) et la folie qui guette, en tapinois. Restait à savoir quel traitement allait être appliqué à ce scénario. J'avoue être partagé, au sujet de ce film, s'aventurant autant en des territoires où plus d'un s'est égaré. S'il réussit parfois à captiver et à intéresser le spectateur, "Ne te retourne pas" pêche cependant sur nombre de séquences répétitives et inutiles, comme s'il cherchait à faire du remplissage, en dépit de toute cohérence. C'est d'autant plus dommage qu'on a souvent l'impression qu'on touche du doigt quelque chose, et que cela nous échappe juste après.

Troublant, "Ne te retourne pas" l'est assurément. Il n'est cependant pas totalement réussi. Thriller psychologique et (légèrement) fantastique (ou pas), ce film joue habilement de ses effets spéciaux (parfois complètement réussis, parfois peu crédibles) pour semer le trouble dans l'esprit du spectateur. Cependant, ils ne suffisent pas à remplir complètement le contrat. On songe par moment à ce qu'aurait pu faire de pareil pitch le grand Hitchcock, et cela joue en la défaveur de ce film, malgré ses ambitions.

On appréciera diversement la prestation des deux actrices portant le film sur leurs jolies épaules. A titre personnel, l'interprétation de Monica Bellucci m'a paru un cran au-dessus de celle livrée par Sophie Marceau, celle-ci ayant tendance à souvent surjouer. A leurs côtés, les seconds rôles sont assurés par des acteurs qui font le "job", comme on dit. 

Marina De Van, fidèle scénariste de François Ozon, et qui avait réalisé avant ce film le déjà perturbant "Dans ma peau", sait à n'en pas douter instiller le malaise. Il ne lui reste plus qu'à consolider cette intention pour confirmer l'essai. 



jeudi 24 novembre 2016

Rosalie Blum (2016)


La comédie française, qu'elle prenne un trait épais ou plus fin, a été maintes fois l'objet de billets (souvent assassins, mais elle l'avait bien cherché) dans ces colonnes. Ce genre étant de ceux qui, autrefois, touchaient à l'art et me donnèrent beaucoup de joies, je ne peux m'empêcher de revenir à lui, souvent pour le regretter après, c'est vrai. En voyant la bande-annonce de "Rosalie Blum", réalisé par Julien Rappeneau, fils d'un des maîtres du dit genre, l'espoir s'était emparé de moi. A l'arrivée, malgré des critiques plutôt bonnes, ce petit film plein de promesses n'a pas été le triomphe espéré. 

La vie de Vincent Machot est morne et triste. Entre sa mère, son salon de coiffure, l'amie dont il est persuadée qu'elle est sa petite amie mais qui ne fait que l'éviter, ce trentenaire croise par hasard Rosalie Blum, une épicière de quartier qui l'intrigue. Il se met à la suivre, persuadé de l'avoir déjà vue. Rosalie Blum découvre le manège de Vincent et charge sa nièce de prendre Vincent en filature. Tous vont aller de découverte en découverte...

Au visionnage de la bande-annonce, on peut penser que "Rosalie Blum" est de ces films suivant le sillage d'Amélie Poulain, et qu'il apportera au cœur de son spectateur une bouffée de bonheur. Très vite, cette adaptation du roman graphique (autrement dit, une bande dessinée avec un peu plus d'ambitions que d'autres) de Camille Jourdy donne cependant le ton. Les protagonistes de cette histoire ont une vie pas si drôle que cela et suffisamment d'ennuis pour qu'on les prenne en pitié : on sourira rarement aux pérégrinations de Vincent Machot et de celles qui l'entoure. Passé ce malentendu, pourtant, le film de Julien Rappeneau trouve son ton, ni trop léger, ni trop amer, et réussit à nous embarquer dans l'aventure, mais sans se montrer suffisamment convaincant pour regonfler le cœur de ceux venus chercher là de quoi oublier le marasme de la vraie vie. 

Pour donner vie aux personnages de ce conte doux-amer, il fallait des interprètes capables de jouer sur la corde sensible. Si la prestation de Kyan Kojandi (le héros de la série "Bref") est impeccable, je serai plus réservé sur celle de Noémie Lvovski, au jeu de laquelle je n'arrive décidément pas à adhérer (son "Camille redouble" m'avait laissé froid, cela vient donc peut-être de moi). Alice Isaaz, Sara Giraudot et surtout Philippe Rebbot et Anémone sont ceux qui apportent la touche de fantaisie, hélas insuffisante pour faire basculer le film dans la comédie. 

C'est une semi-déception que ce film, vendu comme un feel good movie, mais finalement au goût assez amer pour empêcher son spectateur d'en sortir heureux. Les plus optimistes le qualifieront cependant de semi-réussite. Libre à chacun d'y trouver sa moitié de verre, qu'elle soit vide ou pleine.


samedi 19 novembre 2016

Vatel (2000)


Le film historique est souvent un exercice périlleux et il ne suffit pas de disposer de beaux décors et de jolis costumes pour raconter une histoire dans l'Histoire. Nombreux sont ceux qui échouèrent dans cet exercice. Roland Joffé, qui pourtant avait, avec "Mission", récolté maintes récompenses et louanges, échoua à séduire avec son "Vatel", qui racontait l'histoire tragique d'un des plus grands cuisiniers français, à la cour du Roi Soleil.

Maître des plaisirs au service du Grand Condé, qui cherche à retrouver les faveurs du Roi-Soleil, François Vatel a fort à faire en organisant les festivités accompagnant le séjour de Louis XIV au château de Chantilly. Entre les intrigues de cour, les exigences des courtisans et l'ambition de la tâche que lui a confié Condé, Vatel a fort à faire, d'autant plus qu'il considère son oeuvre comme un art. 

On connait tous, ou presque, la tragique destinée de Vatel, qui alla jusqu'à se donner la mort parce que la livraison indispensable à son prochain service n'arrivait pas. Mettre en scène la destinée d'un homme d'honneur, non noble de surcroît, lâché au milieu d'une faune cultivant l'intrigue, l'arrogance et les apparences, voilà qui avait de quoi réjouir l'amateur de films historiques. Une époque riche, des personnages hauts en couleurs, et un destin particulier, les ingrédients étaient réunis pour un grand film. Hélas, alors qu'il avait réussi à mettre en images le combat perdu d'avance des missionnaires en Amérique du Sud, Roland Joffé échoue à orchestrer le bal des hypocrites et de l'honnête homme.

Les décors sont somptueux, les costumes le sont tout autant, la partition d'Ennio Morriconne (qui retrouve le réalisateur après sa sublime partition pour "Mission") est remarquable, mais le flacon n'est pas synonyme d'ivresse, hélas, tant le pauvre Vatel semble perdu dans un tourbillon contre lequel il ne peut rien faire, et où il entraîne le spectateur, souvent perdu dans la tempête, fût-elle esthétiquement remarquable.

Doté d'un casting royal (pardonnez-moi le mot), "Vatel" ne fait hélas pas honneur à sa distribution, tant il est confus. On pardonnera cependant à ses interprètes, qui font de leur mieux, mais voient leur performance diluée dans les méandres d'un scénario qui donne envie d'un nouveau montage. Qu'il s'agisse de Gérard Depardieu (alors très en vue de l'autre côté de l'Atlantique, mais cela ne dura pas), d'Uma Thurman ou de Julian Glover, on ne peut que saluer la performance de ceux qui incarnent les personnages de cette fresque souvent brouillonne. J'émettrais quelques réserves quant à celle de Tim Roth, qu'on sent parfois peu concerné par son rôle d'intrigant. 

Alors qu'il avait fait montre d'un immense talent avec "Mission" ou "La déchirure", Roland Joffé semble s'être emmêlé les pinceaux en s'attaquant à l'histoire de François Vatel, maître des plaisirs au service du Grand Condé. En revisionnant ce film qui ne laissa pas de grandes traces dans la mémoire collective des cinéphiles, on ne peut qu'avoir des regrets. Pareil destin méritait tout de même mieux...




lundi 14 novembre 2016

Vicky (2015)


La comédie familiale est un genre à part entière. En général, on y voit l'éclatement d'une famille, à la faveur (ou la défaveur, plutôt) d'un événement sortant de l'ordinaire. De "Devine qui vient dîner" à "Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu" (ces deux références forment, vous le noterez, un grand écart culturel), on ne compte plus les films, réussis ou non, exploitant cette niche. "Vicky", scénarisé et interprété par Victoria Bedos, fait partie de ceux qui n'atteignirent pas leur public, l'an dernier. A tort ou à raison ?

Alors qu'elle devait se marier et échapper à sa famille, véritable concentré d'egos et de célébrité, entre son père acteur et son frère, animateur d'une émission à succès, Victoire Bonhomme renonce devant l'autel et retourne chez ses parents. A la faveur de rencontres, Victoire va découvrir l'alcool, le sexe, la musique et s'émanciper rapidement. Mais il est difficile de grandir d'un coup, si tard, si vite...

Il y a sans doute beaucoup d'autobiographie dans "Vicky", film mettant en scène Victoria Bedos, fille de et sœur de. Dans l'histoire de cette jeune femme s'émancipant à l'aube de la trentaine, tournée sous la forme d'une comédie souvent déjantée, on reconnait sans peine quelques personnages, à peine cachés sous le masque. Ce peut être gênant, surtout si le spectateur est venu simplement pour s'amuser : qu'on lui donne une introspection personnelle en lieu et place d'un moment de rigolade pourrait mal passer. Mais, si l'on accepte le deal, on peut continuer le visionnage...ou pas, si on l'impression d'assister à un règlement de comptes familial.

Hormis ce choix, ce qui pêche le plus, dans "Vicky", c'est le manque de rythme et de constance. Démarrant à plein régime, le film s'essouffle vite, avant de carrément faire du sur-place dans sa deuxième partie. Là où les dialogues et certaines situations réussissaient à faire mouche au début du film, c'est l'ennui qui s'installe. Malgré la sincérité de l'interprétation (notamment celle de Victoria Bedos et de l'épatante Chantal Lauby, particulièrement en forme), on a du mal à s'intéresser à cette famille et à son devenir. Tout au plus pourra-t-on se laisser porter par la musique, très présente dans le film et qui donne l'occasion de ré-entendre La Souris Déglinguée, Benjamin Biolay ou certaines chansonnettes bien plaisantes écrites pour l'occasion. 

C'est le premier long métrage de Denis Imbert, réalisateur et coscénariste de "Vicky", jusqu'alors connu pour avoir participé à la série "Platane". Gageons qu'il aura l'occasion d'infirmer ce départ raté, à l'occasion d'un autre film. 





mercredi 9 novembre 2016

Steamboy (2004)


Le genre steampunk, qui a ses adeptes en littérature, par exemple, a jusqu'à présent été assez mal servi par le septième art. On se souvient (ou pas) de "Capitaine Sky et le monde de demain" (qui mériterait un article ici, d'ailleurs) ou du dessin animé "La planète au trésor", mais rares sont les œuvres faisant plus qu'exploiter ce genre, révérant Jules Verne comme figure paternelle. Le créateur du manga "Akira", Katsuhiro Otomo, avait produit en 2004 un ambitieux long métrage d'animation. Ce dernier, "Steamboy" n'a pas autant marqué les mémoires que son précédent opus. Penchons-nous un instant sur ce film, si vous voulez bien. 

Dans un Age de la vapeur où Londres rayonne au centre de son Empire, le jeune Ray Steam, fils d'Edward et petit-fils de Lloyd, deux scientifiques ayant disparu suite à une expérience ayant mal tourné, reçoit un colis contenant une étrange sphère. Quand deux individus envoyés par la Fondation O'Hara surgissent pour s'en emparer, Ray comprend que cette invention va lui attirer pas mal d'ennuis. Qu'à cela ne tienne, le jeune garçon est plein de ressources...

Dès son début, "Steamboy" annonce la couleur : ça fume et ça explose dans tous les sens. l'action est au rendez-vous, et le décor est planté : c'est le règne de l'industrie qui est exposé. N'allons pas par quatre chemins : techniquement parlant, "Steamboy" est sublime, ni plus ni moins. Qu'il s'agisse des décors ou de l'animation, pour un dessin animé de plus de dix ans, il n'a pas pris une ride et pourrait encore en remontrer à certaines productions récentes. Bourré de trouvailles visuelles et s'avérant véritablement steampunk, au lieu de s'accoler ce qualificatif à la hâte, ce long métrage s'est donné les moyens de ses ambitions.

Graphiquement parlant, Otomo plonge son public dans un univers auquel il croit et auquel il réussit à faire adhérer le spectateur. S'autorisant des scènes d'exposition bienvenues, il allonge aussi celles consacrées à l'action (parfois excessivement, dans les séquences de batailles, qu'on pourra juger trop longues pour certaines). Résultat : "Steamboy" est long, peut-être un peu trop (plus de deux heures, ce qui est rare en animation), et aurait sans doute gagné à être raccourci d'un bon quart d'heure (voire plus) pour gagner en efficacité. La répétitivité des scènes d'action peut, en effet, provoquer quelque lassitude chez le spectateur.

Cela dit, au vu de la très belle utilisation des techniques d'animation de l'époque, dont certaines étaient encore à l'état de babillement, on ne peut qu'être admiratif du résultat obtenu, au moins en ce qui concerne la forme. Malgré un scénario qui aurait gagné à être condensé, "Steamboy" mérite d'être vu et sera forcément goûté par les amateurs du genre.





vendredi 4 novembre 2016

On voulait tout casser (2015)


Les amis sont une famille que l'on se choisit, paraît-il. L'amitié, thème riche, a bien souvent été traitée par le cinéma, donnant parfois de grands films et souvent de moins bonnes cuvées. Les lecteurs de ce blog ne l'ignorent pas, je suis amateur du film dit "choral". deuxième réalisation de Philippe Guillard après "Le fils à Jo",  "On voulait tout casser" n'a pourtant pas cassé la baraque lors de sa sortie. Penchons-nous sur ce film, histoire de voir s'il valait mieux que cet accueil frileux. 

Ils sont amis depuis des années et ont chacun leur vie, leurs problèmes, leurs défauts. Quand l'un d'entre eux décide de tout plaquer et de se lancer dans un tour du monde à la voile, ses quatre potes s'interrogent, jusqu'à découvrir que Kiki, qui semblait le plus assagi d'entre eux, est atteint d'une maladie incurable et leur a caché la vérité. Autour du condamné, les amis sont là, comme toujours...

J'aurais du me méfier. Philippe Guillard (dont je n'ai pas vu "Le fils à Jo") est, depuis pas mal d'années, le coscénariste de Fabien Onteniente, l'un des coupables à mes yeux du naufrage de la comédie française (je vous rassure, il y a d'autres noms sur ma liste). Malgré le bénéfice du doute, il faut reconnaître, très rapidement que nombre des défauts que portent des films comme "Camping", "Turf" ou "Jet Set" se retrouvent ici, étant même amplifiés par le genre auquel Guillard se frotte sans complexe. Convoquant des thèmes forts et souvent intimes (la maladie, le couple, les enfants), le réalisateur choisit de les aborder avec la délicatesse d'un tractopelle, broyant sur son passage tout début d'émotion qu'il aurait pu générer. 

Au centre d'un film de potes, doivent normalement se trouvent des personnages attachants, humains, avec leurs belles qualités et leurs faiblesses humaines. Dans "On voulait tout casser", les amis en question ne suscitent aucune empathie, parce qu'ils sont des caricatures ambulantes, souvent vulgaires, toujours agaçants, et l'on comprend mal comment ces cinq là ont pu devenir et rester amis. Entre le beauf parvenu cherchant à épater les autres par ce qu'il a et non ce qu'il est, le père divorcé qui a toujours un train de retard ou d'avance (au sens figuré) et la brute de la bande, pour ne citer qu'eux, on n’éprouve jamais le moindre attachement pour ce club des cinq, qui affiche constamment un machisme assez nauséabond. Incarnés par des acteurs en roue libre et peu convaincants, les personnages qui devraient être le principal intérêt du film deviennent vite son défaut majeur. C'est fâcheux.

Et puis, il y a le scénario. Alors que le destin funeste du personnage joué par Kad Merad (qu'on sent à peine concerné par son rôle, d'ailleurs) devrait être l'axe autour duquel se construit ce film choral, il devient presque anecdotique, comparé à ce qui préoccupe ses amis, entre leurs paternités, leurs couples (passés, présents ou futurs), leurs petits ennuis matériels et les comptes qu'ils n'ont pas su ou pu régler entre eux. Là aussi, c'est la maladresse qui l'emporte et donne au résultat final un tour bien peu engageant. 

Là où il aurait fallu de la finesse, c'est l'épaisseur et la lourdeur qui règne. En fin de compte, ce film ne casse pas grand chose, si ce n'est pas l'enthousiasme initial du spectateur. Passez votre chemin, si vous cherchez un film choral digne de ce nom, ce n'est pas encore pour cette fois. 


dimanche 30 octobre 2016

Un monde meilleur (2000)


Une oeuvre peut-elle changer le monde ? Ou, au moins, instiller une idée qui ferait de notre planète un monde meilleur ? Il est permis d'en douter. Néanmoins, il est quelques films qui, par les thèmes qu'ils évoquent et les actions qu'ils suggèrent, pourraient prétendre à cela. Le roman "Pay it forward", de Catherine Ryan Hyde, adapté sous le même titre au cinéma par Mimi Leder (et dont le titre français était "Un monde meilleur") m'avait, lors de sa sortie, laissé un joli souvenir. Il ne changea pas le monde, cependant, ni ne marqua les mémoires, malgré une belle ambition.

Dans la banlieue de Las Vegas, le jeune Trevor découvre son nouveau professeur de civilisation. Celui-ci, un homme mystérieux au visage partiellement brûlé, donne à ses élèves un étrange devoir : trouver une idée qui rendrait le monde meilleur. 
Ce jeune garçon, dont la mère célibataire tente de survivre entre petits boulots et alcoolisme, va prendre ce devoir très à cœur et mettre son idée en application. Il ne sait pas encore que cette initiative va avoir d'immenses conséquences, même si son plan ambitieux se heurte à la réalité.


Mimi Leder, après "Le pacificateur" et "Deep Impact", sorte de contrepoint parfois mal équilibré au tonitruant et outrancier "Armageddon", livre ici l'adaptation d'un roman plein d'humanité, souvent naïf, mais qui plaira aux rêveurs et aux utopistes. Attention, cependant : on ne sombre jamais dans la candeur et l'angélisme. La réalité à laquelle les protagonistes de cette histoire sont confrontés est dure et ressemble à celle de bien des gens sur la Terre. 

Encore une fois, la réalisation de Leder est assez académique et sans audace. Cependant, il faut reconnaître qu'elle sert l'histoire plus qu'elle ne la dessert, même si on aurait apprécié un peu d'inventivité. A défaut, force est de reconnaître que l'on n'est jamais perdu dans les différents arcs narratifs qui s'ouvrent, et que la narration reste fluide. C'est un bon point auquel certains longs métrages ne peuvent pas toujours prétendre. 

Cependant, c'est surtout la très belle interprétation donnée par le grand Kevin Spacey, la gracieuse (malgré une coiffure parfois improbable) Helen Hunt et le remarquable Haley Joel Osment, tout juste sorti du "Sixième sens" qui donne à "Un monde meilleur" son humanité et, finalement, tout son intérêt. Insufflant aux héros du roman leur immense talent, et croyant en leur rôle (cela transparait à l'écran), ce magnifique trio incarne à merveille des personnages brisés par la vie, qui se relèvent, tombent à nouveau, mais continuent à vivre parce qu'une lueur d'espoir est toujours à portée de vue.
Derrière eux, on notera également la belle prestation de Jim Caviezel, Jay Mohr, de la grande Angie Dickinson et même de l'inattendu Jon Bon Jovi. Visiblement dirigés par une réalisatrice aimant ses acteurs, tous se mettent au service d'une histoire à laquelle on a envie de croire. 

L'époque n'est pas à la bienveillance, ni à la naïveté. Il n'empêche que l'utopie portée par le jeune Trevor pourra donner à certains un peu d'espoir. Sans doute trop humaniste pour rencontrer le succès dans les salles, "Un monde meilleur" mérite cependant un autre regard, évidemment bienveillant.


mardi 25 octobre 2016

Agora (2009)


Ce sont des thèmes forts que convoque "Agora" : les religions et leurs dérives vers l'intégrisme et l'obscurantisme, ceux qui mènent toujours l'humanité vers sa perte. Inspiré de l'histoire vraie de la sage Hypathie, au destin brisé par la folie d'hommes Si l'action de ce long métrage se situe plus, force est de reconnaître que ces sujets sont - hélas ! - toujours d'actualité. L'ambitieux film "Agora", réalisé par Alejandro Amenabar, n'avait pas été le triomphe escompté et mérite d'être revu. 

IVème siècle : Alexandrie rayonne. Sa bibliothèque regorge de savoir et les sages dispensent leur savoir à des élèves avides de connaissance. La philosophe, mathématicienne et astronome Hypathie, séduit tous ceux qui l'entourent par son charme et son esprit, à commencer par Oreste, l'un de ses élèves. Mais Alexandrie est aussi le théâtre de tensions entre les chrétiens, les païens et les juifs qui la peuplent. Et, déjà, les fous de Dieu comptent imposer la seule vérité qui compte à leurs yeux. 


Pour mettre en images ce péplum philosophique, Alejandro Amenabar a disposé de grands moyens qu'il utilise avec intelligence. La reconstitution de l'Alexandrie de l'époque est ancrée dans un réalisme qui fait beaucoup pour la crédibilité du film. Loin du clinquant parfois rencontré lorsque ces siècles lointains (ou pas) sont explorés par le septième art, l'Alexandrie d'Hypathie est un superbe décor pour la dramatique histoire de la brillante femme que fut la philosophe. 

Et puis, il y a l'interprétation, remarquable, de Rachel Weisz, Michael Lonsdale (décidément toujours aussi impérial, quelque soit le rôle qu'il endosse), d'Oscar Isaac (alors pas encore choisi pour devenir l'un des héros d'une célèbre licence), du jeune et convaincant Max Minghella ou de l'inquiétant Ashraf Barhom, les acteurs choisis pour incarner les protagonistes de cette confrontation entre la lumière et l'obscurantisme sont tous à saluer pour leur performance.
Les seuls défauts que l'on pourra trouver à "Agora", puisque sa forme est quasiment irréprochable, réside dans son scénario. Ne se contentant pas de l'affrontement entre intégristes et penseurs, Amenabar glisse dans son histoire quelques pincées de mélodrame et de romance, sans doute pour ne pas embourber son récit dans un réquisitoire à charge contre les religions, celles d'hier ou d'aujourd'hui. Le procédé est hélas contre-productif, même s'il donne à ses héros plus de faiblesses et donc d'humanité. 

En évitant les écueils du mélodrame sur lesquels il s'échoue parfois, "Agora" aurait pu être un grand film, traitant de sujets hélas toujours d'actualité. A défaut, il s'agit d'un beau spectacle, porteur d'un message fort. C'est déjà beaucoup plus que ce que nous propose quantité de longs métrages. 



jeudi 20 octobre 2016

Explorers (1985)


La trajectoire de Joe Dante a déjà été évoquée dans ces colonnes, avec le somptueux, mais méprisé, "Panic sur Florida Beach" ou "Burying the ex", son dernier opus, sorti directement en vidéo. La récente et très chouette série "Stranger Things" m'a donné envie de me replonger dans les films des années 1980 mettant en scène des héros d'une douzaine d'années, se transformant, le temps d'un film, en aventuriers, souvent dans un contexte fantastique. "Explorers", sorti juste après son plus grand succès ("Gremlins") connut une gestation chaotique et fut balancé sur les écrans sans être totalement terminé. Presque logiquement, l'échec fut au rendez-vous : la carrière de Dante prit un tour funeste.

Le jeune Ben passe son temps libre à regarder de vieux films de science-fiction et à rêver. Avec son compère Wolfgang, un scientifique en culotte courte de génie, et l'aide de Darren, nouveau venu dans la bande, il va vivre une aventure surprenante. Eux qui sont d'ordinaire la cible des autres enfants du collège, vont mettre au point un vaisseau spatial et rencontrer deux étranges créatures extra-terrestres, qui ont de l'humanité une drôle d'opinion...

Les grands thèmes chers à Joe Dante sont, une nouvelle fois, présents dans "Explorers" : les héros y sont des enfants à l'imaginaire développé, aimant la science-fiction, fût-elle de série B (voire Z) et souvent rejetés par leurs camarades. A l'instar du héros de "Gremlins" ou de "Burying the ex", Ben et ses copains ont beaucoup en eux du réalisateur de ce film bancal. 
Après une première partie portant un regard tendre sur ses héros, on vire dans une sorte de n'importe quoi en plein espace. Les gamins se retrouvent dans un étrange vaisseau, peuplé de créatures qui auraient plus leur place dans le "Muppet Show" que dans "Alien". Dans cette partie du film, c'est plus l'embarras que la tendresse qui envahit le spectateur. Alors, certes, on pourra accabler la production du long métrage, dont les circonstances furent catastrophiques mais le fait est que le résultat à l'écran n'est pas (dans cette partie, en tout cas) très probant. Il faut attendre le retour sur Terre pour que revienne le ton doux-amer et rêveur du début du film, digne de Joe Dante.

En mettant à contribution de grands noms du cinéma fantastique (Rob Bottin, qui créa, entre autres, les créatures du "Legend" de Ridley Scott, Jerry Goldsmith à la bande originale, ou les magiciens d'I.L.M.), "Exporers" est cependant une réussite technique. Les effets spéciaux, avec trente ans de recul (déjà !) ont plutôt bien vieilli et sont à porter au crédit du film. On remarquera également la belle interprétation des jeunes Ethan Hawke, River Phoenix et du plus discret Jason Presson, une constante dans le cinéma américain de ces années. Il faut hélas déplorer la version française, particulièrement médiocre (surtout en ce qui concerne le doublage des facétieux extra-terrestres).

C'est un sentiment de déception et de regret qui envahira le spectateur se lançant dans un (re)visionnage de "Explorers". Si on y lit à maintes reprises l'amour immodéré de Joe Dante pour la science-fiction et, plus largement, les rêves de gosses qui s'aventurent au-delà du réel, sa concrétisation (dans des conditions chaotiques, rappelons-le) donne un film à peine terminé, souvent raté, parfois émouvant. Marquant le début de la fin pour son réalisateur, "Explorers" laisse un goût amer, alors qu'il aurait pu être enthousiasmant.








samedi 15 octobre 2016

John Carter (2012)



Avant que Disney ne s'empare, à grands coups de dollars, de Lucasfilm, il y eut de la part du géant aux grandes oreilles une tentative d'incursion dans la science-fiction. Utilisant comme matériau de base le roman "Une princesse de Mars" d'Edgar Rice Burroughs (le papa de Tarzan), Disney s'aventura sur les terres de George Lucas, le space opera. Il est intéressant de noter que, depuis Star Wars, aucune autre saga sidérale n'a réussi à s'implanter durablement et à générer un triomphe comparable. A ce titre, l'expérience "John Carter" (budgetée aux alentours de 250 millions de dollars) est déjà louable. Malheureusement, elle se solda par un des échecs commerciaux les plus mémorables de ces dernières années.

Mars n'est pas la planète qu'on croit : il s'y déroule des luttes entre des peuples ennemis depuis toujours. Sur Barsoom (le nom qu'elle porte là-bas), les martiens rouges (ressemblant aux humains) se déchirent, tandis que les martiens verts (des humanoïdes de grande taille à quatre bras) tentent de se maintenir à l'écart du conflit.
Sur Terre, John Carter, soldat de l'Etat de Virginie, poursuivi par l'armée américaine et les Amérindiens, se retrouve propulsé sur la planète rouge sans comprendre ce qui lui arrive. Il devra faire ses preuves et devenir un héros...

Le roman "Une princesse de Mars",  d'Edgar Rice Burroughs (le papa de "Tarzan", accessoirement) a probablement nourri bon nombre de réalisateurs de science-fiction. Burroughs, l'un des pionniers de la science-fiction, aurait mérité depuis des décennies qu'on lui rende hommage autrement qu'en digérant lentement son oeuvre, pour n'en livrer ça et là que quelques traces d'un legs indéniable. Car le plus grand défaut du "John Carter" de 2012 (il en existe une autre adaptation, datée de 2010 et sortie directement en vidéo), c'est d'arriver trop tard, tel le fils légitime et prodigue revenant au foyer après que l'héritage ait été dilapidé. 

A la réalisation, on retrouve un ancien de Pixar (vous savez, l'ancienne division "animation" de LucasFilm, avalée il y a quelques années par...Disney, décidément) : Andrew Stanton, qui avait fait preuve d'un énorme talent créatif sur le génial "Wall-E" et "Le monde de Nemo". A la réflexion, pour réaliser un film gorgé d'effets spéciaux numériques, c'était sans doute l'un des meilleurs choix : le fait est que Stanton fait montre de tout son talent dans certaines séquences où il arrive à faire oublier la présence des fonds verts.

Il y avait de la matière, dans le roman originel de Burroughs (dont le personnage apparaît furtivement dans le film), d'une densité telle qu'on s'y perd un peu, du moins dans la première heure du film qui aurait gagné à être simplifiée. A force d'ellipses et parce qu'il injecte beaucoup de personnages, d'enjeux et de nouveautés, "John Carter" peut dérouter, voire perdre une partie de son public. Il faut attendre la seconde heure du film pour que l'épopée l'emporte et qu'on prenne vraiment plaisir au spectacle. C'est dommage, parce que cet univers avait un réel potentiel et surtout un ton unique, quelque part entre space opera et steampunk

On pourra déplorer le jeu un peu fade de Taylor Kitsch, qui incarne John Carter sans foi ni charisme. De même, le scénario n'est en rien novateur et ne surprendra pas les amateurs du genre. Cela dit, la réalisation de Stanton et l'esthétique du film sont souvent de haute volée. Ajoutez à cela une superbe bande originale de Michael Giacchino (qui assurera prochainement la partition de "Rogue One") et vous comprendrez que les atouts de film sont à la hauteur des regrets qu'il inspire. 

Mais le fait est que "John Carter", sans être le film du siècle, est un honnête divertissement, sabordé par la façon dont il fut vendu au public : un space opera, dont les affiches annonçaient qu'il était destiné aux enfants, tout en affichant clairement son côté adulte : de quoi y perdre son latin. Ce n'est pas la première fois qu'on peut se faire cette réflexion, ni la dernière, mais le fait est que Disney semble ne plus savoir vendre un film. 

On connaît la fin de l'histoire : le film fut un gouffre financier qui eut raison du président de Walt Disney Studios, débarqué après ce cuisant échec. La boîte à Mickey s'en remit cependant fort bien, en achetant quelques mois plus tard LucasFilm (pour quelques milliards de dollars) : plutôt que de loucher sur le succès de la licence Star Wars, autant s'en emparer. Une fois de plus, Disney prouva qu'il savait vendre des licences, mais pas des univers.

Mais, si "John Carter" avait eu le succès qu'il méritait, l'histoire aurait été radicalement différente, sans doute...


lundi 10 octobre 2016

Le dernier combat (1983)


En regardant dans le rétroviseur, récapituler la carrière de Luc Besson, devenu en quelques années l'un des grands manitous du cinéma français, peut être instructif. Si chacun connaît ses longs métrages les plus célèbres, on oublie souvent que son premier film, "Le premier combat", était né dans la souffrance, ses producteurs devant financer au jour le jour le tournage de ce film post-apocalyptique en noir et blanc, sans une ligne de dialogue. 

L'humanité a fini par s'anéantir, ou presque. Il ne reste qu'un champ de ruines et quelques survivants qui tentent de continuer à subsister, quitte à s'entre-tuer pour assurer leur survie. Le cataclysme a eu pour effet majeur la perte de parole chez tous les humains, et la quasi-disparition des femmes. Parmi eux, un homme trouve refuge dans une ville détruite, auprès d'un vieux médecin que la folie guette. Les menaces sont multiples, autour d'eux...

Dès ce premier opus, on retrouve quelques-unes des constantes de ce qui sera la "patte" Besson (celle qu'il perdit finalement en accédant au succès, pourrait-on déplorer) : la musique omniprésente de son complice Eric Serra, ses interprètes fétiches (Jean Reno, encore tout jeune, ou l'irremplaçable Jean Bouise) et une ambiance particulière, entre drame et humour, comme imprégnée de la culture BD où Besson s'abreuva tant de fois. Développant sur la longueur son court-métrage "L'avant-dernier", il se lance ici dans l'aventure en bricolant un film de genre. L’exercice était audacieux, surtout quand on sait la frilosité hexagonale dans ce registre. 

Au regard du chemin parcouru par Luc Besson depuis ce premier opus, flirtant avec le film d'auteur, par son format et ses choix tant esthétiques que narratifs, on peut émettre des regrets sur ce que ce réalisateur aurait pu devenir, s'il avait par la suite fait d'autres choix. En effet, malgré ses imperfections (en partie inhérentes au peu de moyens de l'entreprise, en partie parce qu'elles préfigurent ce que sera Besson plus tard), il faut reconnaître au "Dernier combat" une véritable audace et un intérêt certain, surtout si on le replace dans son époque. Sans être un film majeur, il a le petit supplément d'âme dont sont dépourvus pas mal d'autres longs métrages. C'est déjà ça, même si l'histoire nous dit que cette âme a vite été diluée, voire broyée, quand à l'apprenti-artiste a succédé l'homme d'affaires. 

Monté avec des bouts de ficelle, mais bénéficiant déjà d'un certain talent de réalisateur, "Le dernier combat" reçu le Grand Prix du Festival d'Avoriaz en 1983. Luc Besson put alors mettre en scène "Subway", avant de connaître le triomphe public avec "Le grand bleu". L'histoire d'un homme de cinéma était en marche. Ses ambitions de l'époque étaient toutes autres de celles du producteur qu'il est devenu. Après la sortie du "Dernier combat", et son relatif échec commercial, il se brouilla avec son coproducteur, acteur et co-scénariste, Pierre Jolivet, et choisit de suivre sa propre route. En voyant là où elle l'a mené aujourd'hui, il est permis d'émettre quelques regrets.