samedi 29 mars 2014

Oui, mais... (2001)


Les rouages de la psychanalyse sont un grand mystère pour la plupart des gens. Vouloir en faire l'objet central d'un film est donc une entreprise louable. On y a déjà eu droit sous différents angles avec, notamment, "Will Hunting" ou "A dangerous method", pour n'en citer que deux, diamétralement opposés. Yvan Lavandier, scénariste reconnu (on lui doit de nombreux scripts pour le petit écran et il revendique le titre de "script-doctor") a choisi, pour son premier métrage, "Oui, mais...", d'aborder ce thème, sur un ton chaleureux, voire parfois drôle. Il faut croire que sa proposition ne fut pas entendue, au vu du peu de succès du film. Pourtant, ce petit film reçut plusieurs prix, dans des festivals (que d'aucuns jugeraient mineurs, certes).

Eglantine, 17 ans, vit une période difficile. Entre une mère maniaco-dépressive et un père absent, elle peine à s'affirmer. Son petit ami, Sébastien, la presse de son côté de passer aux choses sérieuses et semble ne penser qu'à coucher avec elle, à la fois attirée et effrayée par la sexualité.
La jeune fille décide alors de suivre une thérapie brève et prend rendez-vous avec un psychanalyste malicieux et chaleureux.  

Sous ses allures de petite comédie française, "Oui, mais...", qui cache bien son jeu, est un remarquable exposé de ce que peut être une thérapie, à en croire certains avis. Pour tempérer cela, j'ajouterais que cette vision est extrêmement idéalisée et que la thérapie décrite là est digne d'un cas d'école...ce qui implique qu'elle est rarissime dans la "vraie vie". 

C'est là le principal reproche qu'on peut faire à ce petit film : faire du psychanalyste le détenteur de la vérité, celui par qui viendra la guérison. Gérard Jugnot, dans le rôle du psychanalyste, est étonnamment convaincant. Sa bonhomie colle tout à fait avec la description qu'en fait Yves Taillandier, même si ce personnage aurait sans doute gagné à avoir quelques failles. 
Face à lui, la jeune Emilie Dequenne, alors fraîchement couronnée à Cannes (pour "Rosetta"), fait montre d'une grâce et d'un talent qui manquent à pas mal de ses aînés. Donnant vie à Eglantine, elle entraîne avec elle le spectateur dans le parcours de vie de cette adolescente tourmentée. 

En dehors d'une mise en scène trop sage, on reprochera essentiellement à "Oui, mais..." un ton docte et excessivement lisse. Idéalisant sans doute trop le psychanalyste, Yves Lavandier lui épargne tout doute et toute faille, le rendant omnipotent aux yeux des autres personnages. Malgré cette tendance, et grâce à une belle interprétation, "Oui, mais..." mérite d'être vu, pour sa fraîcheur et sa façon d'aborder le thème qu'a choisi son réalisateur, à condition bien sûr d'être intéressé par ce sujet. 


mercredi 26 mars 2014

La haine de l'arbre n'est pas une fatalité


Alain Baraton est bien connu des amateurs de jardins et de plantes. Sa chronique matinale "La main verte" (sur France Inter), réservée aux lève-tôt du week-end, est souvent l'occasion d'apprendre bien des choses sur le monde végétal, domestiqué ou non. Cet amoureux de la Nature, membre du Conseil Général des Plantes et Jardins (et également jardinier en chef du Domaine National du Trianon et du Grand Parc de Versailles) n'est pas un personnage tiède. Il a ses indignations, et le sort réservé aux arbres en est une, majeure.

Son dernier ouvrage, "La haine de l'arbre n'est pas une fatalité" (édité chez Actes Sud) est essentiellement un inventaire du massacre silencieux (enfin, pas vraiment, la tronçonneuse étant un instrument fort peu discret) qui s'opère dans notre pays. Pour laisser la place à des parkings, parce qu'ils sont accusés (souvent à tort) d'être malades, ou parce qu'ils ont le malheur de déranger de mauvais coucheurs qui leur devraient pourtant le respect, les arbres sont facilement réduits à néant par celui qui se prétend homo sapiens sapiens.

Sous couvert d'utilité publique, ou simplement par cupidité ou par bêtise, ils sont nombreux, les cas où les tronçonneuses réduisirent à néant des existences de plusieurs siècles. Faute d'un statut légal clairement en leur faveur, les arbres font souvent les frais d'une urbanisation galopante et écervelée, alors qu'ils devraient être protégés, eu égard à leur rôle écologique, sans parler simplement de leur inimitable beauté. Tout au long de ce petit livre, Alain Baraton énumère les cas où ces êtres séculaires ont succombé face à la scie ou à l'arrêté municipal, avec le style qu'on lui connait.

On pourra, certes, regretter que cet ouvrage ressemble plus à un inventaire de méfaits scandaleux de l'homme envers ces géants vénérables et qu'il ne donne pas quelques pistes quant à une nouvelle approche du végétal (notamment en milieu urbain). Néanmoins, la colère d'Alain Baraton, en plus d'être juste, est communicative. Au sortir de cette lecture, qui peut émouvoir les amoureux des arbres (dont j'avoue être), on ne peut qu'être sensibilisé à la belle cause que l'auteur défend. 

dimanche 23 mars 2014

Byzantium (2012)


Le mythe du vampire fait partie intrinsèque de l'ADN du cinéma. Depuis l'aube du Septième Art, les déclinaisons sur ce thème n'ont jamais manqué, du "Nosferatu" de Murnau à "Morse", en passant par les "Dracula" de la Hammer et la saga "Twilight" : on le voit, le panorama est large, qu'il s'agisse de l'angle d'attaque ou de la qualité du produit final. Neil Jordan, en 1994, avait déjà donné au genre un film majeur, "Entretien avec un vampire" (adapté du roman éponyme d'Ann Rice, qui avait dépoussiéré le genre littéraire). En 2012, il livra l'adaptation d'une pièce théâtrale de Moira Buffini, "Byzantium", dont les deux héroïnes appartenaient à la gent vampiresque. Si, 18 ans plus tôt, il rencontra un grand succès public, la cuvée de 2012 fut un cuisant échec public et finit sa carrière dans la rubrique "direct-vidéo". 
Le destin heureux d'un film ne fait pas celui d'un autre, semblerait-il.
Deux jeunes femmes arrivent dans une petite ville côtière de Grande-Bretagne, aussi mystérieuses que séduisantes. Clara, la plus âgée, se lie avec Noel qui les héberge dans une ancienne pension de famille nommée "Byzantium", tandis que Eleanor se lie avec l'étrange Frank, jeune homme sombre et lunaire. Un terrible secret lie Clara et Eleanor, et finira par bientôt rejaillir : toutes deux sont des vampires et se nourrissent de sang humain. 
Le film de vampires, puisqu'il s'agit, comme je le soulignais en introduction, d'un genre à part entière, gagne toute sa richesse quand il permet d'aborder des thèmes profonds et de poser de grandes questions. Certes, nombreux sont les films qui se contentent de mettre en scène ces créatures, leurs proies et leurs chasseurs, sans gratter plus profondément. Mais les œuvres qui restent au panthéon du cinéma sont celles qui vont plus loin et ne s'arrêtent pas là. "Byzantium", malgré son manque de visibilité, fait clairement partie de la seconde catégorie : que ceux qui ne comptent y voir qu'une succession de scènes sanguinolentes menées par deux créatures de rêve passent leur chemin.

"Byzantium", avec ses adroits allers-et-retours entre présent et passé, développe du début à la fin la
personnalité de ses deux héroïnes, sans cependant les placer dans le camp du bien ou du mal. Nul n'est blanc, nul n'est noir, dans ce conte fantastique où l'humanité a une place centrale. Evitant l'écueil de l'affrontement permanent entre les vampires et leurs adversaires, il offre au spectateur (qui serait en droit d'être blasé par toutes les déclinaisons sur le genre) un spectacle remarquable, sur le fond et sur la forme.
On se réjouira de retrouver la très talentueuse Saoirse Ronan (la révélation de "Lovely Bones") et la sublime Gemma Arterton (qui prouve qu'elle n'est pas qu'un corps de rêve) dans la peau de ces deux créatures en proie au doute et à la peur, à la fois prédateurs et proies. 
Certes, quelques petites faiblesses sont à signaler, notamment l'interprétation parfois mollassone de Caleb Landry Jones et quelques longueurs qui nuisent à la fluidité du récit, mais elles sont très mineures, au regard de la grande réussite plastique, narrative et de l'intelligence de l'ensemble. 

D'une esthétique souvent troublante (et je ne parle pas que de la plastique de Gemma Arterton), "Byzantium" est l'occasion d'aborder un thème classique sous un nouvel angle. Prouvant qu'il est possible de donner du sang neuf (pardonnez-moi ce mot facile) à un registre qu'on aurait pu croire éculé, Neil Jordan aurait pu espérer mieux pour ce beau film, certes parfois confus, mais diablement troublant et intelligent. 



mardi 18 mars 2014

Evelyn (2001)


Il faut souvent se méfier des films affichant le label "tiré d'une histoire vraie". Si la plupart sont sincères, l'écueil de la partialité voisine souvent avec la tentation de romancer la vérité et donc de l'altérer. Cela dit, on compte nombre de films qui, si on les considère uniquement en tant que longs métrages, méritent un intérêt certain. J'ai déjà fait part de mes réserves pour certains longs métrages utilisant des faits réels (notamment avec "L'ordre et la morale", tout récemment). Le film dont il est question maintenant sera lui aussi jugé indépendamment des faits desquels il se réclame. "Evelyn", puisqu'il s'agit de ce long métrage, relate (à l'en croire) le périple judiciaire d'un homme acharné à récupérer la garde de ses enfants après que sa femme ait quitté le domicile conjugal, dans l'Irlande des années 1950.

Au chômage, Desmond Doyle a un fâcheux penchant pour la dive bouteille. Lorsque sa femme l'a quitté, abandonnant du même coup ses enfants, l'Etat irlandais lui a naturellement retiré la garde de ses trois enfants, dont la petite Evelyn, pour les confier à un orphelinat. Décidé à retrouver sa progéniture, Desmond, poussé par Bernadette, une charmante serveuse, va tout faire pour y arriver. Il retrouvera un travail, luttera contre son alcoolisme, et ira jusqu'à engager un avocat revenu des Etats-Unis, dans sa lutte contre la Loi irlandaise. 

On l'aura compris "Evelyn", réalisé par le vétéran Bruce Beresford (on lui doit le grand "Miss Daisy et son chauffeur" mais aussi le plus oubliable "Dernière danse") est plein de bonnes intentions. Traitant d'une noble cause, doté d'une réalisation académique, "Evelyn" avait tout pour être un film "à l'ancienne", de ceux qui séduisent par le fond et la forme. C'était sans doute son intention de départ, louable, après tout.

En visionnant "Evelyn", il faut cependant rapidement se rendre à l'évidence : on a affaire ici à un film bancal, trop hésitant pour réaliser sa mission émotionnelle. Commençant comme un drame social, il vire rapidement à la chronique judiciaire et au mélodrame, sans cependant convaincre tout à fait dans chacun des genres qu'il explore. 

Le casting élégant du film aurait également pu plaider en sa faveur. Là aussi, c'est un constat de gâchis qui s'impose. Pierce Brosnan est, malgré ses efforts, assez peu convaincant dans le rôle du père acharné à retrouver ses enfants. Trop élégant pour être crédible dans la peau de Desmond Doyle, celui qui fut l'interprète de James Bond dans sa période la plus "publicitaire" (avis totalement personnel que j'assume, merci) ne se débarrasse hélas jamais du glamour qui fut sa marque de fabrique. A ses côtés, la jolie Julianna Marguiles, échappée de la série "Urgences", tente comme elle peut de faire vivre son personnage, au rôle pourtant bien maigre. Enfin, on soulignera la présence du revenant Aidan Quinn, l'un des grands espoirs déçus des années 1980.

Alors, certes, le tableau de l'Irlande de ces années-là est joliment dressé, même si l'on a droit à tous les clichés possibles. Certes, "Evelyn" est un long métrage élégant, mais manque cruellement d'âme et surtout d'une direction clairement lisible. Bruce Beresford, en honnête faiseur, livre un film plutôt bien réalisé, mais qui ne sait pas trop sur quel pied danser. Hésitant entre drame social, mélodrame familial et film judiciaire, "Evelyn" perd de son impact, malgré son potentiel d'émotion.


jeudi 13 mars 2014

Un coup de tonnerre (2005)


Ray Bradbury est l'un des romanciers auxquels la science-fiction doit beaucoup. Auteur de "Fahrenheit 451" (adapté en son temps au cinéma par François Truffaut) ou des "Chroniques martiennes", il s'est également attaqué au thème riche du voyage dans le temps avec "Un coup de tonnerre". Cette nouvelle peu connue a servi de base au scénario d'un film de Peter Hyams, réalisateur du classique "Outland" ou de la suite de "2001, odyssée de l'espace", mais qui traîne aussi pas mal de casseroles (je songe notamment à "La fin des temps"). Lorsque "Un coup de tonnerre" sortit dans les salles américaines, ce fut un échec cuisant (il rapporta à peine deux millions de dollars pour un budget de cinquante millions), tant et si bien qu'il eut droit, dans nos contrées, au sort souvent peu enviable du direct-vidéo.

En 2055, une agence de voyages dirigée par le machiavélique Charles Hatton propose une expédition hors du commun : partir pour quelques minutes dans le passé lointain, à la chasse à l'allosaure. Le marché est juteux, malgré l'opposition de quelques scientifiques inquiets devant les conséquences potentielles d'une telle manœuvre. Lors d'un aller-et-retour dans le passé, un incident se produit, qui va entraîner des retombées funestes : l'un des touristes tue un papillon préhistorique. Le cours de l'évolution s'en trouve modifié. Travis Ryer, en charge du programme et qui accompagne les chasseurs de dinosaures, va devoir tenter de réparer les dégâts. 

Doté d'un budget plus que confortable, "Un coup de tonnerre", malgré son titre peu vendeur, avait tout pour être un film intéressant. Le pitch, à première vue, pouvait donner envie d'aller voir de plus près. Les malheureux qui s'y risqueront regretteront vite leur témérité. Dès les premières scènes, le ton est donné : "Un coup de tonnerre" est irrémédiablement moche et mal fichu au point qu'on hésite à poursuivre l'expérience.

En quelques séquences, en effet, le réalisateur saborde le peu d'intérêt qui restait au film (déjà bien amoché par les choix de la direction artistique et la perruque de Ben Kingsley). Alors qu'il suffit à certains cinéastes de peu de choses pour faire comprendre qu'un dinosaure approche (l'ondulation à la surface d'un verre d'eau, pour prendre un exemple qui parlera à tout le monde), Peter Hyams fait approcher son allosaure avec la finesse d'une enclume, réutilisant sans vergogne les mêmes images de synthèse (d'une laideur à peine croyable) et les mêmes effets (agitons violemment la caméra, ça fera sûrement son petit effet, s'est sans doute dit le réalisateur).

Les conditions de tournage catastrophiques peuvent, en partie, expliquer le désastre. Les pluies diluviennes qui détruisirent les décors et causèrent la faillite de la société de post-production sont au nombre des excuses que pourraient brandir les producteurs de ce film. Elles sont irrecevables. Devant pareille médiocrité, une seule option est envisageable : envoyer ce film aux oubliettes et ne pas le sortir. 

Si vous tenez absolument à gaspiller une heure et demie de votre vie, devant des effets spéciaux médiocres, à côté desquelles n'importe quelle cinématique de jeu vidéo est un chef d'oeuvre, à subir une histoire bourrée d'incohérences (le genre ne supportant guère la médiocrité) réalisée comme un film de vacances, ce film est fait pour vous. Mais je vous plains.

Du côté de l'interprétation, le bilan n'est pas meilleur. On peut sans mal accabler Edward Burns, dans l'un de ses pires choix de films depuis longtemps. Ben Kingsley, capable du meilleur ("Gandhi", "La liste de Schindler") comme du pire ("La dernière légion"), touche ici le fond, au point qu'on est parfois gêné pour lui. Enfin, notons la prouesse de Peter Hyams qui réussit à rendre la très belle Catherine McCormack totalement fade (oui, c'est de la mauvaise foi, et j'assume totalement).

On pourrait se demander où sont partis les cinquante millions de dollars de budget. J'espère que les acteurs ont pu, grâce à leurs cachets, se payer du bon temps ou régler quelques factures qui traînaient. la présence de "Un coup de tonnerre" dans leur filmographie est désormais une affaire entre eux et leur conscience.


samedi 8 mars 2014

La maison sur l'océan (2001)


Irwin Winkler a derrière lui une carrière de producteur qui pourrait faire pâlir pas mal de ses confrères d'Hollywood. Du "Point de non-retour" de John Boorman à "Rocky", en passant par "Raging Bull" et "L'étoffe des héros", le bonhomme n'a, en la matière, plus grand chose à prouver. Sa carrière de réalisateur est moins connue, bien qu'elle ait débuté (sur le tard) par "La liste noire" ou il mettait en scène Robert de Niro en proie au Maccarthysme. Son cinquième film, "La maison sur l'océan", lorgnait du côté du mélodrame. Mettant en scène un fort joli casting (Kevin Kline et Kristin Scott-Thomas, pour ne citer que les deux interprètes principaux), ce film a pourtant été un bel échec public et critique.

George Monroe a atteint l'âge du bilan et, pour cet architecte, le moins que l'on puisse dire, c'est que ce bilan n'est pas flatteur. Divorcé de la femme qu'il aime, qui a la garde de son fils, un adolescent causant les plus grandes difficultés à sa mère, George est, du jour au lendemain, licencié et apprend qu'il est gravement malade. Il décide alors d'accomplir le rêve qu'il avait, plus jeune, et va, tout en tentant de reconquérir l'amour de son fils, restaurer la maison que son père lui a légué.


Le titre original de "La maison sur l'océan" était beaucoup plus fin que celui choisi par ses distributeurs français : "Life as a house" a plus de sens et, pour épaisse qu'elle soit, forme une métaphore efficace. En reconstruisant sa maison, George rebâtit son existence à partir des ruines qui restent d'elle. On pourra rechigner devant le genre et la manière, mais s'il faut reconnaître un mérite à ce film méconnu, c'est qu'il "fonctionne", pour peu qu'on soit amateur du genre.

Il faut effectivement être prêt à accepter les clichés que le film charrie et l'absence de surprises dans le scénario (que l'on doit à Mark Andrus, qui avait déjà œuvré sur "Pour le pire et pour le meilleur"). Les ficelles sont grosses et la réalisation parfois pataude, et les détracteurs ne se priveront pas pour accabler Irwin Winkler. Cela dit, malgré ses défauts, le film ne méritait pas, à mes yeux, l'accueil frileux qui fut le sien. 

Une fois de temps en temps, il est louable de se pencher sur les sentiments de personnages pas si éloignés que cela de la réalité, quitte à y aller avec de gros sabots. Il fut un temps, en effet, où les mélodrames les plus extravagants recueillaient des louanges. Sans mériter de trôner au panthéon du Septième Art, "La maison sur l'océan" peut s'enorgueillir d'une certaine efficacité et également d'une belle distribution. Au premier rang de celle-ci, le grand Kevin Kline obtient ici l'un de ses plus jolis rôles, sans cependant faire de l'ombre à la divine Kristin Scott-Thomas et à l'inattendu Hayden Christensen (bien meilleur que dans la prélogie "Star Wars", où il incarne le jeune Anakin Skywalker). On notera aussi la présence de la trop rare Mary Steenburgen et une apparition du grand Scott Bakula. 

Alors, oui, c'est vrai, Irwin Winkler et son scénariste n'y vont pas de main morte et l'on n'est guère surpris par la tournure des événements. Cependant, l'interprétation sans faille ou presque est un des atouts majeurs de "La maison sur l'océan" : pour les amateurs du genre, ce film est à recommander chaleureusement. 




lundi 3 mars 2014

La stratégie Ender (2013)


Bien qu'étant l'auteur de plusieurs séries de romans de science-fiction ("Alvin le faiseur" et le cycle d'Ender, par exemple), le mormon Orson Scott Card avait jusqu'à présent été épargné par la frénésie d'adaptations cinématographiques. L'an dernier, après des années de négociation et de travail de préproduction, "La stratégie Ender" prit corps, devant la caméra de Gavin Hood (qui commit il y a quelques années "X-Men origins : Wolverine"). Le romancier ayant été très tôt été impliqué dans le projet (il est d'ailleurs au rang des producteurs), on avait tout lieu de croire à la réussite du projet. Il faut, hélas, croire que public et critiques ne furent pas de cet avis puisque le film fut une des nombreuses déceptions de 2013.

Cinquante ans plus tôt, la Terre a failli périr sous l'assaut des Doryphores, une race extraterrestre belliqueuse qui n'échoua que grâce à Mazer Rackham, qui assura la victoire des humains.
Pour que la prochaine guerre contre les Doryphores ne sonne pas le glas de l'espèce humaine, le Colonel Graff a en charge la formation de ceux qui défendront la Terre. Parmi eux, le jeune Ender Wiggin a des dispositions hors du commun. Graff voit en lui le futur sauveur de l'humanité. A force d'entraînement et de simulations, il va s'efforcer d'en faire le commandant des forces armées destinées à sauver la Terre, lorsque les Doryphores reviendront...

Quel curieux film de science-fiction que celui là ! L'essentiel de "La stratégie Ender", en effet, ne se déroule pas en plein espace, mais dans la station spatiale où les cadets recrutés par le Colonel Graff subissent un entraînement qui (par moments) n'a rien à envier à celui décrit dans "Full metal jacket". Amateurs de space opera flamboyant et de lasers étincelants , vous pouvez donc passer votre chemin.

L'évolution du personnage d'Ender, poussé par son mentor à devenir un officier implacable et prêt à tout face à l'ennemi qui approche, est surtout un parcours initiatique, même si le cadre en est futuriste. On pourrait longtemps gloser sur l'idéologie évoquée dans "La stratégie Ender" et les multiples controverses dont Orson Scott Card fait l'objet : en d'autres temps, "Starship troopers" fut également accusé de mille maux, à tort. Faute de recul, le film de Gavin Hood n'a pas un propos aussi critique que celui de Paul Verhoeven. C'est sans doute son plus grand défaut, et il est majeur.

Du côté de la réalisation, après le très mitigé "X-Men Origins  Wolverine", on pouvait craindre le pire. Gavin Hood se contente du minimum syndical et réussit à ne pas perdre le spectateur, sans cependant l'enthousiasmer et sans prendre le risque de porter un regard cynique sur ce qu'il filme. Là aussi, c'est regrettable.

Il fut un temps où la simple présence d'Harrison Ford dans un film suffisait pour assurer son succès. Depuis plusieurs années, cependant, le nom de celui qui incarna entre autres Indiana Jones ou Han Solo n'est plus synonyme de triomphe assuré. Dans un rôle important, mais secondaire, Harrison Ford joue tout en sobriété et réussit à s'affirmer face au jeune Asa Butterfield, assez remarquable pour son âge. Embarqué dans un conflit qui le dépasse, l'interprète du jeune Ender s'en sort avec les honneurs.

Alors, qu'est-ce qui laisse chez le spectateur cette impression d'échec, alors que tout est réuni, ou presque, pour obtenir un grand film de science-fiction ? Sans doute s'agit-il d'un simple malentendu : "La stratégie Ender", loin d'être un film de space-opera, décrit l'éducation militariste d'un jeune cadet pris au piège de son destin de guerrier. Sans prendre le recul nécessaire, Gavin Hood laisse (sciemment ou non) son spectateur faire la part des choses.

Malgré la froideur apparente du film, malgré ses scènes souvent vides d'émotion et d'implication, on pourra trouver dans "La stratégie Ender" un véritable propos qui aurait mérité d'être plus développé et un regard critique. faute d'aller plus loin, Gavin Hood ne fait que frôler la réussite et laisse une cruelle impression de rendez-vous manqué.