jeudi 29 août 2019

Situation amoureuse : c'est compliqué (2014)


Si j'ai un sujet de lamentation régulière, dans ces colonnes, c'est sans conteste la comédie française, autrefois motif de fierté, aujourd'hui bête machine à fabriquer des films souvent identiques et formatés pour finir leur carrière le dimanche soir sur TF1. Si les spectateurs sont souvent nombreux à se rendre dans les salles obscures pour aller voir le dernier opus de tel ou tel comédien (coucou Dany Boon !), parfois, ça ne fonctionne pas. En l'occurrence, la comédie "Situation amoureuse : c'est compliqué", avec en tête d'affiche Manu Payet (également co-réalisateur), porteur d'un beau capital de sympathie auprès du public, n'a pas, comme on dit, rencontré son public. La faute à qui ? 


Ben, trentenaire bien dans sa peau et dans petite vie tranquille, est sur le point d'épouser Juliette. C'est le moment que choisit Vanessa pour ré-apparaître. Vanessa, c'est la fille dont Ben était fou amoureux, au collège, celle à laquelle il ne peut s'empêcher de penser malgré les années. Et si le destin lui donnait enfin la chance qu'il n'avait pu saisir, autrefois ? Ben doit-il saisir cette chance ? Ou laisser passer Vanessa, définitivement ?
Le voilà bien embarrassé.

Le pitch est maigre mais, qu'à cela ne tienne : on a vu des films tenir sur des intrigues moins épaisses et certains n'avaient rien de honteux, après tout. On peut comprendre que les producteurs aient choisi de se lancer dans l'aventure, comptant sans doute sur l'abattage et le charme des interprètes pour faire passer la pilule d'un scénario maigrichon. 

Et c'était bien vu car, s'il est quelque chose à sauver de "Situation amoureuse : c'est compliqué", c'est son casting, à qui on pardonne beaucoup de chose. Manu Payet se met en scène avec une vraie drôlerie et parfois pas une pointe d'émotion tandis que, face à lui, Anaïs Demoustier change de registre avec bonheur et qu'Emmanuelle Chriqui, plus habituée au petit écran qu'au grand, s'impose avec charme et énergie. 
C'est du côté du scénario que le film pêche le plus, tant on est peu surpris par ce qui arrive au héros. La réalisation, assurée par l'acteur principal et Rodolphe Lauga (à qui l'on doit, depuis, "La source") n'a rien de transcendant et donne souvent l'impression d'avoir affaire à un spot publicitaire, où tout est lisse et propre, mais en rien réaliste. S'il est, finalement, une situation préoccupante, c'est celle de la comédie française, décidément mal en point, tant elle est bloquée à un stade où facilités, paresse et clichés règnent.

Voilà donc un film sans grande surprise, et surfant plus ou moins sur l'air du temps que ce "Situation amoureuse : c'est compliqué". Vite vu, il est également vite oublié. Passer à côté est donc envisageable et fort pardonnable.







samedi 24 août 2019

Le mystère Henri Pick (2019)


Le romancier David Foenkinos a déjà plusieurs fois inspiré le cinéma : on se souviendra (ou pas) de "Je vais mieux" ou des "Souvenirs" (et c'est sans compter "La délicatesse", qu'il co-réalisa. Quand un de ses romans fut adapté au grand écran par Rémi Bezançon (à qui l'on devait déjà "Ma vie en l'air", par exemple), on aurait pu s'attendre à un joli succès, tant la combinaison des talents était prometteuse. Hélas, "Le mystère Henri Pick" passa sous pas mal de radars, malgré la présence du bouillonnant Fabrice Luchini en tête d'affiche. Il est peut-être temps de redonner sa chance à ce film français.

Dans une bibliothèque de Bretagne, une jeune éditrice découvre un rayon consacré aux manuscrits refusés par les éditeurs. Sous le charme de sa lecture, elle décide de le publier : c'est vite un triomphe. Seulement, son auteur, Henri Pick, pizzaiolo de profession, est décédé et, selon sa veuve, n'avait jamais rien écrit.
Dubitatif, le célèbre critique littéraire Jean-Michel Rouche est, de son côté, convaincu que ce best-seller est une supercherie. Il va mener l'enquête, aux côtés de la propre fille d'Henri Pick...

C'est en quelque sorte un polar littéraire que nous proposent Rémi Bezançon et David Foenkinos. L'exercice peut être intéressant, le monde de l'édition, souvent mal connu, valant bien un autre territoire, après tout. La plongée dans l'envers du décor s'avère plutôt réussie (sans doute parce que le romancier sait de quoi il parle). Évitant les clichés, Rémi Bezançon, habile réalisateur dont on avait goûté le très beau "Le premier jour du reste de ta vie" ou l'amusant "Ma vie en l'air", ajoute avec ce film un jolie pièce à sa filmographie. Dommage que le public ne l'ait pas suivi : il s'est privé d'un petit film bien agréable et plutôt futé.

Pour une fois, alors qu'on aurait pu le redouter, le thème étant un de ses terrains privilégiés, Fabrice Luchini n'en fait pas des tonnes et donne à son personnage la fragilité nécessaire à sa crédibilité. A ses côtés, Camille Cottin offre une prestation fraîche et vive, correspondant parfaitement à son personnage et permettant d'équilibrer le duo qu'elle forme avec Fabrice Luchini. A l'arrière, dans des rôles d'appui, Bastien Bouillon se montre lui aussi convaincant, tandis que (puisqu'il faut un bémol), Alice Isaaz l'est moins, paraissant bien jeune pour le rôle qu'elle endosse. On remarquera aussi la brève prestation d'Hanna Schygulla, égérie de Fassbinder. 

Plutôt malin, souvent émouvant et assez élégant, "Le mystère Henri Pick" méritait sans doute mieux que son échec au box-office. Faisant appel aux neurones de son spectateur en douceur, il permet de passer un bon moment, sans forcément débrancher son cerveau. Voilà une prouesse que peu de films réussissent à accomplir.


lundi 19 août 2019

Premiers crus (2015)


Du terroir, une famille à reconstruire, des caractères : voilà quelques ingrédients typiques d'une saga familiale, comme la télévision en pond au kilomètre, surtout en période d'été. Mais il également des films qui s'aventurent sur ce terrain. Pour exemple, "Premiers crus", mis en scène par Jérôme Lemaire, prenait place en terre de vin, et plus exactement en Bourgogne. Avec de belles têtes d'affiche (Gérard Lanvin, Jalil Lespert, Alice Taglioni et Laura Smet), ce film n'a pas pour autant drainé beaucoup de spectateurs. A qui ou à quoi la faute ?


Ayant rompu avec la tradition vigneronne familiale, Charlie Maréchal est devenu un œnologue parisien réputé. Le guide qu'il publie chaque année a valeur de bible, dans le milieu. En Bourgogne, l'exploitation familiale est en difficulté et Charlie est contraint d'y revenir. 
Retourner au domaine familial, c'est affronter le passé et aussi son père, un misanthrope qui n'aspire qu'à partir vers d'autres horizons.
Qu'à cela ne tienne, pour sauver le domaine, Charlie a de nouvelles idées et, envers et contre tous, ira jusqu'au bout.

Ne cherchez pas à être surpris, si vous entreprenez le visionnage de "Premiers crus". De la psychologie des personnages aux décors, en passant par l'intrigue, l'ensemble du film est extrêmement calibré, comme s'il s'agissait de répondre au cahier des charges de quelque Appellation d'Origine Contrôlée. Les hommes y sont fiers et durs à la tâche, les femmes y sont fières et superbes, la terre y est dure, mais sait offrir ses trésors à qui lui offre sa sueur et son cœur. Bref, tout cela est très prévisible et, n'eût été le charme des décors et des acteurs, on tournerait vite la bride pour aller voir ailleurs.

Le cadre dans lequel "Premiers crus" se déroule est superbe (même sous la pluie) et on se prend régulièrement à des envies d'aller visiter la Bourgogne, tant Jérôme Lemaire la met en valeur. Après "Requiem pour une tueuse", le réalisateur change de registre, quittant le thriller pour la saga familiale, tout en s'appliquant à livrer un film à l'esthétique léchée, faute d'avoir une intrigue surprenante. 

Les acteurs qui jouent la partition très balisée de "Premiers crus" font le minimum syndical, ni plus ni moins. De Gérard Lanvin (qui vaut tellement mieux que ces rôles d'ours qu'il semble attirer ces dernières années) à Jalil Lespert, en passant par Alice Taglioni et Laura Smet, c'est une prestation sans éclat que livrent les comédiens, comme s'il s'agissait pour eux de répondre à ce fichu cahier des charges, sans dépasser les lignes. Un peu d'audace n'aurait pas nui : à l'instar de l'intrigue, on a l'impression de regarder une vitrine, où le moindre élément est savamment disposé et mis en valeur.

Avec sa distribution "haut de gamme", ses intrigues familiales, son décor régionalisant et surtout son empilement de clichés, "Premiers crus" a tout de la saga de l'été sur quelque chaîne télévisée. Cela n'en fait pas un film mémorable, loin de là.


mercredi 14 août 2019

Hellboy (2019)


On peut se demander ce qui se passe dans la tête des producteurs, parfois...
En préambule de ce billet, je dois vous prévenir que j'ai une certaine affection pour "Hellboy" (les bandes dessinées et les deux films avec Ron Perlman) et une vraie admiration pour Guillermo del Toro. Il se pourrait donc que cette chronique, consacrée à la dernière incarnation de ce démon-héros ne soit pas totalement impartiale. Vous voilà prévenu(e)s.
Quand le reboot de "Hellboy" fut annoncé, envoyant aux oubliettes toute idée d'un troisième volet mis en scène par le réalisateur oscarisé de "La forme de l'eau", j'étais dubitatif. Quand ce même reboot, mis en scène par Neil Marshall, débarqua sur les écrans avec l'insuccès que l'on sait, il était nécessaire que j'en sache plus. 

Venu des enfers, Hellboy a été adopté et élevé comme un fils par le Professeur Broom, fondateur du Bureau de Recherche et de Défense sur le Paranormal. Mal embouché, caractériel, Hellboy reste cependant l'agent le plus efficace du BPRD.
Quand son père adoptif l'envoie en Angleterre à la rencontre du Club Osiris, Hellboy ne sait pas encore que la sorcière Nimue, vaincue autrefois par le Roi Arthur, va se dresser devant lui, bien décidée à régner sur le monde.


Malgré la très grande réussite qu'étaient les deux premiers volets, réalisés avec maestria par Guillermo del Toro, rien n'y fit : avec la bénédiction de Mike Mignola, créateur des comics, le reboot fut mis en branle. La suite est connue : les premiers échos, avant la sortie du film, furent plutôt négatifs et, hélas, prophétiques du produit fini. A l'arrivée, "Hellboy" fut un four et toute idée d'une suite passa à la trappe Nous ne sommes donc pas près de revoir le démon rouge sur une affiche de cinéma.

Alors que les deux films de Guillermo del Toro étaient de vraies réussites, sans doute parce que le réalisateur avait eu l'intelligence d'enrichir le matériau de base par ses trouvailles graphiques et l'apport de son univers, la version de Neil Marshall n'a jamais cette richesse et semble d'une platitude désolante. A titre d'exemple, la séquence de flash-back (pour prendre ce seul exemple) qui narre la venue au monde du plus badass des super-héros suffira à se faire une raison : la comparaison avec la vision de Del Toro joue systématiquement en défaveur de ce nouveau volet. Oubliés, la richesse graphique, le rythme, le charisme de son personnage. Entre une inventivité en berne et des effets spéciaux souvent bâclés, "Hellboy" est un ratage sur la forme autant que sur le fond, 

De temps à autre, cet Hellboy-là se souvient de son matériau d'origine, quand il va se frotter aux monstres sortis de tel ou tel folklore. N'oublions pas que chaque histoire de notre héros cornu le confronte à des créatures puisées par Mignola dans les légendes peu connues de différentes cultures. Mais ces étincelles sont rapidement étouffées par une réalisation sans envergure et l'absence du supplément d'âme dont disposait les opus précédents. Il n'est rien, ou presque, qui puisse faire office de lot de consolation dans ce "Hellboy". L'interprétation, pour ne citer qu'elle, n'arrive pas à susciter la moindre sympathie (David Harbour, l'épatant shérif de "Stranger Things" rate son passage au grand écran) ou la moindre antipathie (Milla Jovovich est tout simplement risible en grande méchante). 

Hellboy est-il de ces héros qui, tels quels, ne sont pas faits pour le grand écran ? On peut se poser la question, au regard du piètre résultat de cet opus, dépourvu d'âme et d'esprit.


vendredi 9 août 2019

Bowling (2012)



Il paraît que les hôpitaux doivent être rentables, sous peine de voir fermer un à un les services qui leur font perdre de l'argent. Partant de ce triste constat, certains films se sont penchés sur le malaise du système de santé français, autrefois motif de fierté. De "Hippocrate" à "Médecin de campagne" en passant par "La maladie de Sachs", c'est souvent le réalisme qui prévalait, et avec lui, parfois le drame. Prenant comme modèle la comédie sociale britannique, Marie-Castille Mention-Schaar a choisi d'évoquer ce thème, le couplant avec celui, inattendu du bowling. Porté par un quatuor d'actrices qu'on pourrait qualifier de bankable, "Bowling" n'a pourtant guère déchaîné les foules.


L'hôpital de Carhaix, en Bretagne, voit arriver de Paris Catherine, une nouvelle responsable des ressources humaines, chargée de restructurer l'établissement et en particulier la maternité, en sous-activité. De leur côté, Mathilde, sage-femme, et ses deux amies, Firmine et Louise, se prennent de sympathie pour Catherine, jusqu'à ce qu'elles découvrent que leur service est en péril. L'amitié entre les quatre femmes, forgée autour du bowling, tiendra-t-elle le coup ?

Si vous cherchez une comédie sociale traitant vraiment d'un problème concret, je vous conseille de passer votre chemin. Inutile de se mentir, "Bowling" n'aborde jamais de front le délabrement de l'hôpital public, et ne fait qu'utiliser ce prétexte comme base de départ pour son intrigue. Partant d'un vrai problème (que dis-je, d'un scandale bien actuel), "Bowling" choisit finalement de torpiller sa cause, faisant passer au second plan ce qui aurait dû être la colonne vertébrale du film.

On peut se consoler avec les actrices, ou au moins certaines d'entre elles. Si la fraîcheur de Laurence Arné est la bienvenue, force est de constater que Mathilde Seigner n'est pas crédible une seconde dans son rôle (j'ai du mal à me souvenir d'un film où elle m'a convaincu, soit dit en passant). Firmine Richard hérite d'un rôle qui aurait pu être riche, mais ne fonctionne pas réellement, faute de constance. Quant au personnage incarné par Catherine Frot, et qui aurait pu donner lieu à un traitement riche, voit ses dilemmes éjectés en deux temps trois mouvements, sans le moindre cas de conscience. Avec tout le talent qu'on lui connait, l'actrice peine à convaincre, faute d'épaisseur. 

Sans jamais véritablement aborder son thème de départ, "Bowling" doit, pour aller jusqu'au bout du temps réglementaire, remplir ses vides avec plein de séquences inutiles. Mais, quand on fait l'impasse sur le thème principal du devoir, il est difficile de faire illusion. Ce qui ne fonctionne pas lors d'un examen ne marche pas non plus pour un film.

Mal équilibré, bancal et, surtout, traitant son sujet avec trop de légèreté pour qu'un véritable enjeu s'installe, "Bowling" se plante dès le début et n'arrive jamais à revenir sur la piste, fonçant droit dans le mur.




dimanche 4 août 2019

Les Francis (2014)


C'est l'été : quoi de mieux qu'une petite comédie pour se détendre, pour mettre un peu les neurones en veilleuse ? Et si la comédie en question se déroule en Corse, voilà qui devrait permettre de joindre l'utile à l'agréable, tant cette région est belle. Le film "Les Francis", réalisé par Fabrice Begotti (lui-même natif de l'Ile de Beauté) semble correspondre à ce cahier des charges estival. Il n'avait pas drainé beaucoup de monde dans les salles à sa sortie : alors, sommes-nous passés à côté d'un bon moment de cinéma ?

Après l'enterrement de son grand-père, Jeff entraîne ses trois meilleurs amis en Corse. Là-bas, dans le village de Fozzano, pour respecter les dernières volontés du défunt, il doit prendre connaissance d'un vieux secret de famille. Mais rien ne va se passer comme prévu et, dès l'accostage, les ennuis vont commencer.
De quiproquos en maladresses, les quatre compères vont se retrouver poursuivis à travers le maquis corse, sans comprendre ce qui leur arrive.


Le coup du séjour qui dégénère dans les grandes largeurs, on nous l'a déjà fait, avec plus ou moins de réussite. Depuis "Very bad trip", c'est même devenu un filon vite épuisé. Mais, qu'importe, certains films continuent de l'exploiter, sans se soucier de la raison première de leur existence : raconter une histoire au spectateur. En l'occurrence, "Les Francis" donne plutôt l'impression que l'équipe de tournage a eu l'opportunité de tourner en Corse et s'est souciée ensuite de mettre un scénario sur les pérégrinations de ses personnages. 

Jamais drôle, empli de clichés, "Les Francis" est loin de faire honneur à la Corse. Ses habitants, à croire le film, sont prompts à la colère et se moquent comme d'une guigne des autorités, au passage totalement dépassées. Caricatural, le film (dont on m'objectera que son réalisateur, Fabrice Begotti, est natif de Corse, ce qui constitue à mon sens une circonstance aggravante) aurait sans doute pu être une sympathique comédie, s'il avait un tant soit peu respecté son matériau de base.

On a maintes fois l'impression que l'équipe du film s'est bien amusée et a profité du tournage pour profiter de l'île de Beauté. Je suis bien content pour eux, mais l'objectif premier était de faire un film, je le rappelle. Sans réelle direction d'acteurs, les interprètes font tous leur numéro dans leur coin, sans conviction et la plupart du temps sans succès. 

Il n'y a pas grand chose à sauver de cette pseudo-comédie, qui revendique sans vergogne l'héritage de "La chèvre" (entre autres). On peut tenter de profiter des décors superbes, mais ils sont si mal filmés que c'est une maigre compensation.
La Corse méritait mieux.