mardi 31 décembre 2013

Dredd (2012)


Judge Dredd, comme certains autres personnages de comics, avait jusque là été bien mal traité par le cinéma. Déjà personnage central d'une adaptation où Sylvester Stallone lui prêtait ses traits, il avait laisssé un souvenir amer aux fans de l'oeuvre originale. A l'époque, le film souillait le héros, Sly se permettant même d'enlever l'emblématique casque du Juge le plus célèbre de Mega City One. Quand un reboot, qui plus est en 3D fut annoncé et que les rumeurs les plus folles coururent sur le compte de celui-ci (comme, par exemple, le fait qu'il soit mis en scène par Danny Boyle), on avait tout lieu de s'inquiéter. Au final, le destin du film fut tout aussi funeste, puisque "Dredd" (notez la sobriété du titre) fut un tel bide qu'il sortit directement sur le marché vidéo dans plusieurs pays, dont la France.

Dans un futur proche, les Etats-Unis sont devenus une Terre dévastée par les catastrophes et la pollution. Reclus dans de gigantesques mégapoles cernées de murs, les citoyens sont entassés par centaines de milliers dans des immeubles démesurés, les blocks. La délinquance et la violence ayant atteint leur paroxysme, les juges sont devenus le dernier rempart destiné à protéger la civilisation. Tout puissants, ils sont à la fois policiers, juges et exécuteurs. Parmi eux, Dredd est le plus impitoyable de tous. Alors qu'on vient de lui confier une recrue, Dredd va devoir affronter, dans un Block de 200 étages, la terrifiante Ma-Ma, chef de gang sanguinaire. Seuls contre tous, les deux juges ne peuvent compter que sur eux mêmes...

Pete Travis, réalisateur de "Dredd", a fait ses armes à la télévision, avant de réaliser "Angles d'attaque" et "Endgame", deux films qui donnaient déjà un aperçu de ses ambitions de mise en scène et de scénario. Son approche de "Dredd", bien que beaucoup plus classique d'un point de vue scénaristique, est, esthétiquement parlant, l'un des grands atouts du films. L'univers de "Dredd" est conforme à l'esprit de la BD d'origine : sale, corrompu, désespéré. Certes, on pourra déplorer l'usage abusif de la 3D, quitte à être taxé d'esprit chagrin.

Dans la peau du Juge Dredd, Karl Urban, déjà repéré en Eomer dans "Le Seigneur des Anneaux" ou dans "Pathfinder", parfaitement monolithique, obtient sans doute la son meilleur rôle depuis longtemps, aussi ingrat soit le costume du Juge. A ses côtés, la jeune Olivia Thirlby tire plutôt bien son épingle du jeu, dans un casting gorgé de testostérone.

Sur la forme, donc, rien à redire sur ce "Dredd", qui ravira les amateurs d'action et d'anticipation sombre (sur une partition musicale extrêmement bien fichue, soit dit en passant). Le fond n'est, heureusement, pas en reste. A l'instar des comics dont il est tiré, "Dredd" tend au spectateur un miroir à peine déformant où se reflètent les pires travers de notre société. Sans être un de ces films de science-fiction qui donnent matière à réflexion des années durant (ne nous leurrons pas, nous ne sommes pas devant "Blade Runner", non plus), les aventures du Juge Dredd évoquent le présent en décrivant un futur cauchemardesque. 

Des pétitions circulent afin que soit produite une suite à "Dredd" : c'est sans doute la preuve (bien qu'elle arrive un peu tard) de la réussite de ce film. Une fois n'est pas coutume, en plus d'être justifié, le reboot est de loin supérieur à l'original.


vendredi 27 décembre 2013

Margin Call (2011)



Avant de réaliser "All is lost" (qui est sur les écrans actuellement et met en vedette le grand Robert Redford), J. C. Chandor a marqué les esprits avec son premier film, "Margin Call". Malgré un casting prestigieux (j'y reviendrai plus tard), ce long métrage n'a néanmoins pas déplacé les foules lors de sa sortie (confidentielle) dans les salles. Sans pouvoir être qualifié d'échec commercial, au vu de son budget plutôt modeste, "Margin Call" a sans doute quelque peu déçu ses producteurs par son peu d'audience. 

Le film nous plonge en 2008, sur une période de 24 heures, au cœur d'une grande banque américaine, en pleine restructuration, comme on dit pudiquement. Alors que des employés sont licenciés sans ménagement, un jeune trader fait, sur une clé USB que lui a remis un cadre lui aussi limogé, une terrifiante découverte. En effet, la banque possède ce que l'on appelle des actifs toxiques, en proportions telles que la survie du groupe en est compromise. En faisant part à ses supérieurs, le jeune homme va découvrir ce dont est capable son entreprise pour assurer sa survie, même si les conséquences, comme on le sait maintenant, peuvent ébranler tout le système.

Toute ressemblance avec des faits ayant existé n'est bien entendu pas fortuite. Le réalisateur JC. Chandor, fasciné par le complexe mécanisme de la finance et son pouvoir qui dépasse celui des états, a choisi, pour tourner "Margin Call", un ton résolument réaliste, évitant le terrible écueil du docu-fiction, sans pour autant romancer son sujet. Pendant toute la durée du long-métrage, le spectateur assiste aux prémices de la crise qui s'annonce, captivé par ce qui est décrit sous ses yeux. Remarquablement filmé, "Margin Call" est plus instructif que bien des documentaires : que ceux à qui les rouages des opérations financières échappent se précipitent sur ce film !
L'autre atout de cette oeuvre est sa distribution. Doté d'un casting à faire pâlir d'envie n'importe quel producteur, "Margin Call" est riche de la prestation de ses acteurs, tous impeccables, de Kevin Spacey à Demi Moore, en passant par Zachary Quinto (également producteur), Jeremy Irons ou Stanley Tucci (qui mérite, une fois de plus, une mention spéciale). Sans sombrer dans le cabotinage, comme on aurait pu le craindre, tous remplissent leur contrat sans faille.

Doté de séquences-chocs (je pense notamment à la scène de l'ascenseur, où deux des "décideurs" côtoient une femme de ménage sans se rendre compte de sa présence), "Margin Call" est un film qui laisse, en plus d'un goût amer dans la bouche, la trace que seuls quelques grands films peuvent imprimer.

Lorsqu'arrive le générique de fin, on peut reprendre son souffle et mesurer l'étendue du talent du réalisateur. Certes, comme je le signalais en préambule, "Margin Call" ne fut pas un échec commercial ou critique, mais il fait partie de ces films qui auraient mérité d'être vu par plus de spectateurs, tant il est pédagogique et dénué de parti pris. Efficace comme un documentaire, mais doté de l'âme d'un film (ou l'inverse), "Margin Call" mérite amplement une plus large diffusion.


lundi 23 décembre 2013

Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur



Il est des livres qui disposent d'un statut privilégié dans la bibliothèque de ceux qui les possèdent. "Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur" d'Harper Lee, sorti en 1960, est de ceux-là. Récompensé par le prix Pulitzer en 1961 et à l'origine d'un film qui récoltera trois Oscar, "To kill a mocking bird" (pour reprendre le titre original) fait partie des livres que l'on n'oublie pas. 

Atticus Finch, avocat intègre, élève seul ses deux enfants, Scout et Jem, dans une petite ville de l'Alabama, à l'époque de la Grande Dépression. Commis d'office pour défendre un Noir accusé d'avoir violé une Blanche, Atticus va devoir faire preuve de sa probité et de sa sagesse, sous le regard de ses enfants, dont il est la figure tutélaire de l'exemple. 

Roman initiatique, raconté à hauteur d'enfant, ce livre (le seul de son auteure) est devenu, avec les années, culte à travers le monde entier. Prônant la bonté, mais sans manichéisme, "Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur" tient un propos universel et peut être lu à tout âge.

L'édition française de "To kill a mocking bird" est assez curieuse puisque ce roman a eu droit à trois traductions différentes (sous trois titres distincts) : "Quand meurt le rossignol", puis "Alouette, je te plumerai" et, enfin, dans sa plus récente édition "Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur". Je rassure cependant mes lecteurs : ce roman ne voue aucune haine aux oiseaux, quels qu'ils soient.

Enfin, puisque sur ce blog, le cinéma n'est jamais très loin, "Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur" fut l'objet d'une adaptation au cinéma, en tous points remarquable. "Du silence et des ombres" est en effet devenu rapidement un classique (il revient régulièrement dans les classements les plus académiques des grandes oeuvres du septième art), en plus de valoir à Gregory Peck un Oscar pour son interprétation d'Atticus Finch. Soit dit en passant, ce personnage est également au nombre des plus grands héros de la culture populaire. A titre de bonus (et de cadeau de Noël, puisque c'est de saison), vous trouverez ci-dessous un extrait de ce très beau film (j'ai choisi le discours d'Atticus). 




jeudi 19 décembre 2013

R.I.P.D. Brigade fantôme (2013)



L'été 2013 aura été meurtrier pour bon nombre de blockbusters. Ayons (ou pas) une pensée émue pour ceux qui tombèrent, à l'image de "Lone Ranger" ou de "After Earth" (qui seront prochainement chroniqués dans ces colonnes). Adapté d'un comic édité chez Dark Horse (à qui l'on doit déjà la série "Hellboy"), "R.I.P.D. brigade fantôme" (la deuxième partie du titre est un ajout spécifique au marché français, sans doute à fin d'aider nos compatriotes à comprendre le postulat de base) fait partie des bides de l'année. 

Décédé lors d'une opération de police qui a mal tourné, Nick Walker découvre vite que l'au-delà n'est pas ce qu'il pensait. On lui y propose en effet d'oeuvrer au sein du R.I.P.D., organisme chargé depuis la nuit des temps de chasser les morts-vivants qui menacent notre monde. Il va devenir le coéquipier de Roy Pulsifer, un ancien marshall, vétéran de cette brigade fantôme.
Cherchant à se venger de celui qui l'a tué (et n'est autre que son partenaire), Nick va aussi devoir affronter de terribles forces, son nouveau job lui réservant bien des surprises. 

Je serai bref : de surprises, il n'est ici pas question pour le spectateur. Si vous cherchez à être étonné par un film, passez votre chemin. Le plus épatant dans ce film reste le fait qu'on ait dépensé 130 millions de dollars pour obtenir pareil résultat.

A la réalisation de cette purge, on retrouve Robert Shwentke, pourtant précédemment remarqué avec "RED" ou "Flight Plan". Pratiquant ici une énième déclinaison du buddy movie, cette fois dans un cadre fantastique, le metteur en scène tente de donner vie avec moult effets à une histoire à laquelle il semble à peine croire. Sabordé par une réalisation extrêmement démonstrative (pour ne pas dire tape-à-l'oeil, surtout dans son utilisation outrancière de la 3D), un scénario poussif osant les plus grosses ficelles et les gags les plus lourds, "R.I.P.D. brigade fantôme" devient rapidement une corvée pour son spectateur.

Du côté des acteurs, ça n'est guère mieux : Jeff Bridges (cabotin comme jamais) décline ad nauseam les mêmes tics, histoire de bien faire comprendre que son marshall de personnage est l'incarnation du cool, tandis que Ryan Reynolds, toujours aussi fade, fait le minimum syndical (ou tout du moins en donne l'impression). Dans un énième rôle de méchant, Kevin Bacon livre une prestation sans grand intérêt, la seule à tirer son épingle du jeu étant Mary-Louise Parker. 

Louchant fortement du côté de "Hellboy", mais sans en avoir la folie graphique et la mise en scène remarquable (admiration de Guillermo del Toro totalement assumée, je vous rassure), "R.I.P.D. brigade fantôme" torpille rapidement ses quelques promesses initiales et devient vite lassant, un comble pour un film de ce genre. Virant rapidement à l'ennui, "R.I.P.D. brigade fantôme" ne présente que très peu d'intérêt.


dimanche 15 décembre 2013

Le fabuleux destin de Madame Peltet (1995)






Bien avant celui d'Amélie Poulain, un autre fabuleux destin fut narré au travers d'un film français. C'était celui de Madame Peltet, incarné au cinéma par la célèbre Maïté (oui, vous avez bien lui, celle de "La cuisine des Mousquetaires", qui fit là sa première et dernière apparition dans un film). Interrogez vos moteurs de recherche préférés, explorez les sites dédiés au cinéma (je ne vous ferai pas l'injure de les lister), vous constaterez que "Le fabuleux destin de Madame Peltet" n'a pas marqué les mémoires.

Madame Peltet a, un beau jour, quitté son Sud-Ouest et son mari alcoolique pour aller rejoindre Paris. Là-bas, elle trouva un emploi de nounou au service de Nathalie et Hervé. Lui est aviateur, elle est scénariste pour la télévision. En quête d'audimat, la jeune femme va utiliser les anecdotes que lui livre Madame Peltet pour alimenter la sitcom qu'elle produit. Le succès est alors au rendez-vous, contre toute attente.
Nathalie se retrouve empêtrée dans une drôle de situation, ayant utilisé les confidences de Madame Peltet à son insu. 

Réalisé par la comédienne Camille de Casabianca, qui tient également l'un des premiers rôles, ce film est une comédie toute simple, comme le cinéma français n'en fait plus depuis belle lurette. Basé sur la rencontre de d'univers et de personnages fortement contrastés, "Le fabuleux destin de Madame Peltet" fonctionne pourtant, grâce à ses personnages, tous bigrement attachants. Une des caractéristiques de ce petit film qu'une chaîne de télévision serait bien avisée d'exhumer un jour est sa profonde gentillesse. Ses héros n'en veulent pas à la Terre entière et font rire et sourire sans avoir recours à des artifices graveleux ou des situations invraisemblables. Une fois de temps en temps, cela fait du bien.

Certes, la réalisation n'a rien d'audacieux, et le scénario n'est pas non plus révolutionnaire, mais, comme je le disais plus haut, ce "feel good movie" fonctionne étonnamment, malgré son âge. C'est essentiellement grâce à ses interprètes, tous remarquables. Camille de Casabianca (trop rare au cinéma), Maïté, Jean-Pierre Darroussin (toujours remarquable), Michèle Laroque ou Gérard Hernandez (oui, l'odieux Raymond de "Scènes de ménage" n'a pas joué que dans d'horribles navets), tous semblent prendre un immense plaisir à donner corps au destin de Madame Peltet. Du coup, le spectateur, pour peu qu'il ait envie d'un peu de légèreté, est embarqué avec eux. 

Certes, "Le fabuleux destin de Madame Peltet" n'a rien de mémorable. Cette petite friandise n'en méritait pas pour autant le mépris qui fut sien lors de sa sortie en salles. Il mériterait cependant un petit visionnage, juste pour le plaisir (celui-ci fût-il coupable).



Post-scriptum : A mon grand dépit, je n'ai pu trouver la moindre bande-annonce pour ce film (je crois que c'est la première fois que cela m'arrive). Quand je vous dis qu'il est passé aux oubliettes...




mercredi 11 décembre 2013

Le dernier pub avant la fin du Monde (2013)



Existe-t-il une malédiction sur le nom d'Edgar Wright ? Ou, plus probablement, doit-on mettre sur le compte des distributeurs, le peu de visibilité et donc de succès qui entourent chacun de ses films, du moins dans l'Hexagone ? Parce qu'après "Scott Pilgrim", c'est le deuxième film de Wright qui a droit à un billet en ces colonnes. "Le dernier pub avant la fin du monde" n'a même pas drainé 100 000 spectateurs en France, lors de sa sortie, il y a quelques mois. Troisième et ultime volet de la trilogie "Cornetto" (les connaisseurs comprendront), après "Shaun of the dead" et "Hot Fuzz", ce film semble hélas confirmer le peu de goût de notre pays pour les œuvres de Wright.

En 1990, à la fin de leurs études, Gary King et ses quatre meilleurs copains échouèrent dans le défi qu'ils s'étaient lancés : essayer les douze pubs (dont le dernier se nomme "La fin du monde") de Newton Heaven. Vingt ans plus tard, Gary, immature et alcoolique, convainc le reste de la bande de se lancer une nouvelle fois dans l'aventure. Voilà la petite bande de retour dans leur ville natale pour une expédition qui s'annonce agitée, au grand désarroi des compagnons de Gary, des quadragénaires responsables.
Ce qui les attend à Newton Heaven dépassera leurs attentes. En effet, la petite ville qui fut le foyer de leur adolescence a bien changé...et ceux qui la peuplent semblent eux aussi être différents, très différents.

La promotion de "The World's end" en France est un véritable cas d'école. Messieurs les distributeurs, si vous tenez absolument à ce qu'un film fasse un four, voici l'exemple à suivre ! Affublé d'un titre qui signifie bien à quel point les spectateurs sont pris pour des idiots, sorti dans une combinaison réduite de salles, puis retiré de l'affiche au bout de deux semaines, "Le dernier pub avant la fin du monde" n'avait quasiment aucune chance de succès de notre côté de la Manche.

C'est bien dommage, si vous voulez mon avis (et si vous lisez ces colonnes, c'est que vous êtes ici pour cela). Les précédents opus de la trilogie avaient, malgré une diffusion à la sauvette, réussi à conquérir sur le long terme, un noyau d'admirateurs. En spéculant sur le capital sympathie de l'équipe Wright-Frost-Pegg, on pouvait espérer mieux pour cette conclusion, d'autant plus que ce film vaut largement le déplacement.

Menée tambour battant par un quintette d'acteurs remarquables (Simon Pegg, Nick Frost, Martin Freeman, Paddy Considine et Eddie Marsan), cette comédie est mille fois plus efficace que n'importe quel film français s'essayant dans le même registre. Remarquablement réalisé (mais Edgar Wright n'a plus rien à prouver de ce côté là), "Le dernier pub avant la fin du monde" réussit à surprendre, à émouvoir et, ce qui est plus rare encore, à donner à réfléchir (mais sans être à aucun moment ennuyeux, je vous rassure). En basculant d'un coup dans la science-fiction, le film prend d'un coup toute sa saveur et tout son sens. 

Loin de n'être qu'une comédie mâtinée de science-fiction, "Le dernier pub avant la fin du Monde" laisse souvent songeur. Quand Gary et ses potes découvrent que leur ancienne ville est devenue l'exemple parfait du conformisme et du lisse, le propos prend un tour social et quasiment politique (si ça se trouve, j'ai vu dans ce film ce que j'avais envie d'y voir). En y regardant de plus près, les années 1990 après lesquelles court Gary (et, de façon moins avouée, le reste de sa bande), apparaissent comme une période de liberté et d'épanouissement désormais révolue, à beaucoup de points de vue (et ce point de vue peut évidemment s'appliquer au septième Art).

Je vous rassure, il est également possible de visionner "Le dernier pub avant la fin du Monde" avec le seul but de passer un bon moment. Cette multiplicité des niveaux de lecture est, à mon sens, l'apanage des grands réalisateurs : Edgar Wright est de ceux-là, sans l'ombre d'un doute. Espérons qu'un de ses prochains films rencontrera le succès auquel il a légitimement droit.


samedi 30 novembre 2013

Conspiration (2001)


L'oeuvre dont il est question aujourd'hui dans ces colonnes n'est jamais sortie en salles. Pour cause : il s'agit d'un téléfilm, coproduit par la BBC et la chaîne câblée HBO (qui fait régulièrement le bonheur des amateurs de série), finalement sorti en vidéo, mais jamais (à ma connaissance) diffusé sur les chaînes françaises à des heures de grande audience (son dernier passage eut lieu sur Arte, le 23 janvier 2010... à minuit !). Pourtant, au vu du thème que "Conspiration" aborde, une diffusion digne de ce nom serait méritée. 

Hiver 1942 : la Seconde Guerre Mondiale est à son paroxysme. Le Reich, plus fort que jamais, se heurte à son premier véritable obstacle en Russie. Sous l'égide de Reinhard Heydrich, Gouverneur Général de Bohême-Moravie, une conférence va réunir de hauts dignitaires nazis, dans une propriété située à Wannsee, dans la banlieur de Berlin. Là, se décidera la mise en oeuvre de la "solution finale au problème juif". Si des gazages ont déjà eu lieu (notamment à Chelmno, dans des camions à gaz), Heydrich, à qui Göring a donné carte blanche, envisage de passer à une toute autre dimension dans l'horreur.

La réunion de Wannsee dura environ deux heures et décida du sort de six millions de Juifs, avec toute la barbarie que l'on sait. Alors qu'elle aurait du rester secrète jusqu'au bout, elle fut révélée lorsqu'on découvrit le compte-rendu destiné à Martin Luther, et désormais connu sous le nom de Protocole de Wannsee, seule preuve écrite de la tenue de cette conférence (les autres exemplaires ayant été détruits).

Le téléfilm réalisé par Frank Pierson (qui réalisa en 1976 un remake du film "Une étoile est née" mais participa aussi aux scénarios de "Luke la main froide" ou "Cat Ballou") se concentre sur la réunion des différents chefs nazis, dans une unité de temps et de lieu propres aux grands drames. Après une nécessaire phase présentation des forces en présence (entre les idéologistes du parti nazi, les juristes, les militaires et les représentants de la SS), l'intrigue insiste sur le caractère secret de la réunion pour ensuite dérouler le fil des décisions sinistres qui y furent prises. 

Le casting haut de gamme qui tient le haut de l'affiche est remarquable. Loin des excès qui sont parfois les siens en matière d'interprétation, Kenneth Branagh est glaçant dans le rôle du terrifiant Heydrich, tandis qu'à ses côtés, Stanley Tucci, en donnant à Adolf Eichmann toute la "banalité du mal", livre sans doute une de ses meilleures prestations. Véritable comptable d'un enfer à venir, Eichmann, qui ne fut finalement capturé que dans les années 1960 par le Mossad, est sans doute le personnage le plus effrayant de tous, par sa banalité justement. En face d'eux, une quinzaine d'autres dignitaires tentent de faire valoir leurs points de vue, avant de finalement céder, au nom du Reich et de l'hitlérisme, et d'approuver la terrible machinerie qu'ils mettent en place. Tous sont interprétés de façon remarquable par des acteurs plus ou moins connus (on notera la présence de Colin Firth en juriste effaré par la décision qu'il entérine), mais tous parfaitement justes.

Sans sombrer dans l'ornière de la docu-fiction, la réalisation, sobre et élégante, se fait suffisamment discrète pour que le spectateur n'ait pas l'impression d'assister à un ennuyeux cours magistral. Le film est une reconstitution historique, mais est suffisamment vivant pour qu'on le suive avec grand intérêt. Il est donc assez étonnant que "Conspiration" ait été si mal programmé et soit si peu accessible. "Le ventre est encore fécond, d'où  a surgi la bête immonde", disait Brecht.



Une fois n'est pas coutume, la vidéo qui accompagne cet article permet de visualiser l'intégralité du film. On remerciera donc Internet grâce auquel on peut avoir accès à certaines œuvres, dont la diffusion reste (hélas) confidentielle.



mardi 26 novembre 2013

Espion(s) (2009)



Parfois, la presse spécialisée (enfin, n'exagérons pas, une partie de celle-ci) s'extasie devant un film. Alors, on se dit que, forcément, devant pareil concert de louanges, on est en présence d'un chef d'oeuvre et qu'il faut impérativement foncer le voir dans les salles obscures. Et, au sortir de la projection, on se retrouve avec l'impression soit de n'avoir rien compris (ce qui est extrêmement frustrant), soit de s'être fait rouler (ce qui l'est au moins autant). En 2009, le film "Espion(s)" de Nicolas Saada, nominé dans moult compétitions et encensé par nombre d'organes de presse (des Inrockuptibles à StudioCinéLive), n'avait pas convaincu le grand public, puisqu'environ 400 000 spectateurs s'étaient déplacés (c'est peu, pour un film avec Guillaume Canet).

Travaillant comme bagagiste dans un aéroport, Vincent, avec la complicité de son collègue Gérard,a pris l'habitude d'ouvrir les valises des voyageurs et de s'y servir. Un jour, alors qu'ils fouillent un bagage diplomatique, les deux hommes déclenchent une explosion qui tue Gérard. Approché par la DST, Vincent n'a plus le choix. Pour éviter la prison, il va devoir coopérer. Il se retrouve pris dans une affaire d'espionnage international qui le dépasse. Manipulé, Vincent va devoir approcher un homme d'affaires britannique et séduire son épouse.

Mêler romance et espionnage, pourquoi pas ? L'exercice a déjà été tenté et réussi par le passé, par quantité de cinéastes, d'Alfred Hitchcock à Sidney Pollack. Nicolas Saada, ancien critique (notamment sur Radio Nova et aux Cahiers du Cinéma), connait ses classiques, à n'en pas douter. Il a aussi l'ambition certaine de livrer un film capable d'emporter le spectateur. Hélas, l'intrigue de son film reste assez peu épaisse : l'histoire d'espionnage dans laquelle Vincent se trouve embarqué tourne vite à vide, loin d'atteindre les sommets espérés. Relayé par une romance qu'on voit venir longtemps à l'avance, le thriller qu'on envisageait s'évanouit alors.

Pour couronner le tout, l'interprétation reste très moyenne, les acteurs principaux (dont l'excellent Stephen Rea, ici sous-employé) donnent un prestation toute en retenue, s'investissant a minima dans leurs personnages, auxquels le spectateur (enfin, quitte à préciser une fois de plus, c'est mon humble avis que j'expose en ces colonnes) a du mal à adhérer.

Réalisé sans fièvre, "Espion(s)" peut être vu comme un révélateur d'un certain cinéma français, qui rêve d'avoir l'efficacité de celui venu d'autres contrées (Hollywwod en l'occurrence) sans assumer d'utiliser les recettes qui lui permettraient d'y arriver.
Lorsqu'apparait le personnage campé par Hippolyte Girardot, on pense immanquablement aux "Patriotes" d'Eric Rochant qui, lui aussi, emmenait son héros naviguer dans les eaux troubles de l'espionnage international. "Espions" pâtit de la comparaison avec cet illustre aîné qui, lui, s'était donné les moyens de réussir.

A vouloir mêler histoire d'amour et film de genre, Nicolas Saada échoue finalement sur les deux tableaux. Reste un film frileux, auquel il manque la vibration nécessaire.



vendredi 22 novembre 2013

Chroniques de la haine ordinaire


L'ouvrage dont il est question aujourd'hui dans ces colonnes ne date pas d'hier, puisqu'il regroupe les chroniques délivrées sur France Inter par Pierre Desproges en 1986. Publié dans la collection "Virgule" des éditions Seuil, ce livre qui trône depuis un bon bout de temps (je vais éviter de donner le chiffre exact, ça va me déprimer) dans ma bibliothèque, fait partie de ces petits opuscules auxquels je reviens régulièrement, pour dévorer un ou deux textes, y retrouvant chaque fois le même plaisir.

En ces temps où le politiquement correct règne en maître et où il est impossible d'oser faire rire avec certains sujets sans risquer un procès, voire pire, on mesure à quel point Desproges nous manque. Sous une causticité et une apparente misanthropie, se cachaient une réelle tendresse et un regard acéré sur ce qui l'entourait. Ces chroniques évoquant l'humanité, l'amour, Dieu, mais aussi les petits travers du quotidien, et qui firent les riches heures de France Inter (vous savez, la radio qui, en des temps meilleurs, permettait aux humoristes de délivrer de salutaires billets d'humeur...mais je m'égare), sont également un délice pour le lecteur. Pierre Desproges, en dehors de son talent sur scène, savait également écrire. Il s'est d'ailleurs essayé avec succès au roman ("Des femmes qui tombent", par exemple). Son humour (souvent noir ou absurde), remarquablement servi par ses textes, n'a rien perdu de sa pertinence et de son impact, malgré les années.

Tour à tour caustique, touchant, hilarant, ce livre, toujours remarquablement écrit, est rigoureusement indispensable aux amateurs d'humour et pourrait servir de leçon à bien des apprentis comiques. Cependant, il n'est pas seulement un recueil de textes prompts à dérider leur lecteur, mais aussi un regard sur une époque, sur un monde. Certes, presque vingt-cinq années se sont écoulées depuis que Monsieur Cyclopède nous a quittés, mais il reste irremplaçable.
Le relire fait du bien, tout simplement. 

Vous trouverez sans mal ce livre chez tout bouquiniste bien achalandé. Sachez qu'il existe des enregistrements audio des chroniques, si la voix de Pierre Desproges vous manque. Enfin, petit bonus final, une des chroniques de la haine ordinaire vous attend dans la vidéo ci-dessous.



lundi 18 novembre 2013

Un grand mariage (2013)



Evénement majeur dans la vie de bon nombre d'êtres humains, le mariage a donné lieu à quantité de films, souvent à classer dans le rayon "comédie romantique", ou parfois (je songe notamment au très moyen "Mariages !") dans celui de l'humour sarcastique. Le film "Un grand mariage", sorti au printemps dernier, n'a pas, c'est le moins que l'on puisse dire, drainé les foules. Il avançait pourtant de prestigieux noms en haut de son affiche, mais rien n'y fit. Malgré la présence de Robert de Niro, Diane Keaton, Susan Sarandon, Robin Williams, Katherine Heigl et j'en passe, "Un grand mariage" ne séduisit guère le public. 

Alors qu'ils ont divorcé depuis longtemps, Ellie et Don (qui vit, depuis, avec la meilleure amie d'Ellie) vont devoir faire semblant de former un couple uni, à l'occasion du mariage d'Alejandro, leur fils adoptif. En effet, la mère biologique de ce dernier, qui assistera aux noces, est très à cheval sur les traditions et ne comprendrait pas pareille situation. Du côté de la famille de la future mariée, les exigences se multiplient également et, lorsque tous les invités au mariage finissent par être réunis, la situation promet d'être explosive....

L'originalité de "Un grand mariage" est qu'il s'agit du remake d'un film franco-suisse, "Mon frère se marie", qui traitait déjà de certains des thèmes repris ici : les secrets inavouables de chacun des protagonistes, les concessions que tout un chacun est prêt (ou pas) à faire et, surtout, les différences entre individus, qu'elles soient culturelles ou religieuses. Autant dire qu'il y avait (et qu'il y a toujours) matière à obtenir là un film riche de sens, qui aurait porté un regard critique sur la société. Que personne ne s'emballe : à aucun moment, "Un grand mariage" n'a cette portée, sa seule prétention restant celle d'amuser son public, mission dans laquelle (hélas) ce film échoue.

Justin Zackham, le réalisateur, s'était fait remarquer en signant le scénario de "Sans plus attendre" (qui mettait en scène Jack Nicholson et Morgan Freeman, à l'aube de l'existence). En s'attaquant ici au registre de la comédie romantique, il faut avouer qu'il pédale bien souvent dans le vide, quand il ne s'embourbe pas dans les travers gras et vulgaires qui sont le lot de bien des comédies américaines de ces dernières années. Scène représentative de tout le film, celle qui introduit le personnage de Diane Keaton dans le foyer de son ex-mari et de sa compagne est particulièrement et inutilement lourde (je vous épargne les détails). Zackham, déjà peu gâté par un scénario lourdingue, filme l'ensemble comme s'il s'agissait d'un téléfilm de bas étage. La plongée dans la petite bourgeoisie américaine dépeinte ici tourne vite au périple en eaux troubles. 

Du côté du casting, là aussi, le constat est désarmant : le casting est haut-de-gamme, mais dramatiquement mal employé. Qu'il s'agisse de Robert de Niro (décidément, Bob, que t'arrive-t-il ?), de Diane Keaton, de Susan Sarandon, de Robin Williams ou de Katherine Heigl, tous semblent à peine concernés par l'aventure dans laquelle ils sont embarqués, et parfois gênés d'avoir échoué là. Si, à l'occasion de quelques scènes, certains d'entre eux réussissent à tirer leur épingle du jeu, ces moments lumineux sont si fugaces qu'ils engendrent la frustration.

Certains mariages partent mal, et l'on devine qu'ils finiront dans le mur, à peine la cérémonie terminée. Dans le cas de ce film, dès les premières scènes, on sait que la fête sera pénible, malgré la présence d'invités de choix. Si vous avez la possibilité de ne pas honorer cette invitation, n'ayez donc aucun scrupule. 


samedi 9 novembre 2013

L'art de séduire (2011)



Certains films vous laissent des souvenirs forts et s'impriment à jamais dans la mémoire. D'autres, au contraire, ne marquent pas leurs spectateurs. Je dois avouer que, bien que faisant partie du petit nombre de spectateurs s'étant déplacé pour aller voir "L'art de séduire" lors de sa sortie, je conservais peu de souvenirs de ce film, jusqu'à un récent re-visionnage. 
Guy Mazarguil, dont "L'art de séduire" était la première réalisation, avait fait ses premières armes dans le court-métrage. Sa première incursion dans le long métrage s'étant soldée par un échec public et (dans une moindre mesure) critique, il n'a pas eu, depuis, l'occasion de réaliser d'autres films depuis...


Jean-François, psychanalyste de son état, a un vrai problème : il est amoureux d'Hélène, l'une de ses patientes, ce qui va à l'encontre de sa déontologie. Quand la jeune femme décide d'arrêter sa thérapie, Jean-François décide de foncer et de séduire Hélène. Seulement, il se sait piètre séducteur. Pour y remédier, il va donc demander conseil à l'un de ses patients, dragueur obsessionnel. 


On l'aura compris à la lecture du pitch, c'est une fois de plus dans le registre cent fois exploité de la comédie romantique que "L'art de séduire" creuse son sillon. Guy Mazarguil confessait d'ailleurs, lors de la sortie de son film, un goût prononcé pour ce genre, citant dans ses oeuvres de chevet les classiques du genre (dont "Quatre mariages et un enterrement", par exemple). Au visionnage du film, il faut cependant reconnaître que "L'art de séduire" est loin d'arriver au niveau de ses illustres modèles. La raison en est simple : l'histoire est bien peu épaisse et laisse peu de place aux surprises et autres rebondissements, éléments pourtant indispensables dans ce créneau cinématographique.

Le scénario, dont les dialogues réussissent pourtant à faire mouche à plusieurs reprises, est donc sans conteste le point faible de "L'art de séduire". Tenant sur un ticket de métro, le script accumule les passages à vide et les longueurs. 

Du côté de l'interprétation, le bilan est bien meilleur : les quatre acteurs principaux font de leur mieux et sont tous charmants, mais donnent malheureusement l'impression cruelle d'avoir peu de matière à se mettre sous la dent. Pour réussir à tirer un film consistant à partir d'une intrigue maigrichonne, mieux vaut s’appeler Woody Allen. Ce n'est pas le cas de Guy Mazarguil, aussi plein de bonne volonté soit-il.

Alors, certes, "L'art de séduire" est un film mignon tout plein, avec des acteurs pleins de bonne volonté, mais il accumule hélas les longueurs et les maladresses. A la réflexion, on peut se demander si le matériau de base comportait effectivement de quoi faire un film. En l'occurrence, c'est une petite friandise sans grande saveur, vite avalée, vite oubliée.


mardi 5 novembre 2013

Jacquou le croquant (2007)



Rendu célèbre par les clips qu'il réalisa pour Mylène Farmer (pour qui il composa également moult mélodies), Laurent Boutonnat a également mis en scène quelques longs métrages, qui n'eurent pas l'heur de rencontrer autant de succès que les tubes de la chanteuse rousse la plus célèbre de l'hexagone. Qui se souvient de "Giorgino", par exemple ? Son long métrage le plus connu, et aussi le dernier, fut "Jacquou le croquant", oeuvre à la gestation difficile, fresque ambitieuse qui n'atteint pas les sommets auxquels ses producteurs le destinaient. 

Il aurait pu vivre heureux dans son Périgord natal, le petit Jacquou, si le destin n'avait pas décidé de son malheur. Ainsi, il vit son père, vétéran des guerres napoléoniennes et pauvre métayer, abattre l'intendant du cruel Comte de Nansac, et être condamné au bagne et être tué en tentant de s'évader, puis sa mère mourir de chagrin. Recueilli par le père Bonal, le jeune homme qu'il devint put mûrir sa vengeance, malgré les obstacles devant lui et devenir le beau et grand Jacquou, meneur des croquants, combattant l'injustice.

Ambitieux, Laurent Boutonnat l'est sans aucun doute. Ses clips l'attestaient déjà, puisque certains étaient scénarisés comme des films et témoignaient de son admiration pour certains grands maîtres du Septième Art (l'ombre du Kubrick de "Barry Lyndon" plane sur plusieurs de ses œuvres). Ses ambitions sont visibles à l'écran, dans les décors (naturels, mais hélas pas ceux du Périgord, et c'est bien dommage, si vous voulez mon avis) et les costumes. Pour ce qui est de l'esthétique, la mission est accomplie : d'ailleurs, le film reçut deux nominations aux César, pour les décors et les costumes, justement.

Il faut constater qu'au chapitre des points positifs, la liste va s'arrêter là. Laurent Boutonnat, à défaut d'avoir pu convaincre Pathé de produire deux longs métrages, aurait du mettre plus de soin à refaire le montage des 2 heures 30 de film. Nombre de scènes trop longues n'apportent rien à l'intrigue, tandis que certaines accélérations du récit laissent au spectateur l'impression qu'il a eu une absence ou un micro-sommeil et raté une scène importante. Du coup, le film a du mal à retenir l'attention du spectateur.

Ce long métrage au rythme décousu, plein de trous, n'est en rien sauvé par son interprétation, assez peu convaincante. Aussi talentueux soient-ils, les acteurs semblent souvent à côté de leur personnage, surjouant souvent (notamment Albert Dupontel, qu'on a connu bien plus inspiré), cabotinant parfois, manquant presque toujours d'inspiration. On se consolera en admirant la prestation, fût-elle caricaturale, du regretté Jocelyn Quivrin.

Cerise sur le gâteau, la bande originale, souvent envahissante, écrase parfois les dialogues déjà peu audibles (ah, la diction de certains comédiens !).
Au final, "Jacquou le croquant" fait l'effet d'un livre empli de belles images, mais auquel il manque une page sur deux. Ça peut être agréable à regarder, mais ça s'arrête là. Ceux qui tiennent absolument à tout connaître des péripéties de Jacquou n'ont plus qu'à se diriger vers la série télévisée d'antan.

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vendredi 1 novembre 2013

Hors de contrôle (2010)


Qui aurait cru, il y a de cela quelques années, qu'un film mené par Mel Gibson ne serait pas synonyme de carton au box-office ? L'acteur (et réalisateur), oscarisé pour le très beau "Braveheart" a, à force de mauvais choix, de déclarations polémiques et de revers judiciaires, entamé une longue descente aux enfers dont on imagine mal le voir un jour revenir. En 2010, sous la direction de Martin Campbell (qui s'était fait remarquer avec "Casino Royale"), il endossa le premier rôle de "Hors de contrôle", vengeance-movie qui ne déplaça guère les foules et rentabilisa tout juste son budget. A l'époque de "Mad Max" et autres "Arme Fatale", pareil désaveu aurait semblé impensable. Les temps changent, comme on dit...

Thomas Craven, vétéran de la police de Boston élève seul sa fille unique de vingt-cinq ans, dont il sait finalement peu de chose. Quand celle-ci est assassinée sur le pas de sa porte et meurt dans ses bras, Craven décide d'enquêter, quitte à affronter les eaux troubles dans lesquelles sa fille évoluait. Découvrant que celle-ci menait une existence dont il ignorait tout, le policier solitaire va se retrouver face à des forces qu'il ne soupçonnait pas et devant lesquelles il devra être implacable.

Une fois de plus, je me dois de pester contre la traduction française du titre du film. Il est difficile d'affirmer que transposer "Edge of Darkness" par "Hors de contrôle" soit à l'origine de la débâcle financière du film, mais une chose est sûre : ce choix en dit long sur la façon dont sont distribués les films. Voilà, c'est dit (une fois de plus).

Si "Hors de contrôle" marque le retour dans un premier rôle de Mel Gibson (qui n'avait plus été tête d'affiche depuis "Signes", c'est dans un registre, celui de la vengeance, déjà maintes fois exploité par l'acteur, devant ou derrière la caméra. On se souviendra, par exemple, du très convaincant "Payback", auquel le présent film fait souvent penser, sur la forme à défaut du fond. Hélas, il faut vite se rendre à l'évidence, "Hors de contrôle" est bien loin du niveau de certains des grands films de Mel Gibson. 


Martin Campbell, qui avait réalisé la mini-série britannique dont "Hors de contrôle" est inspiré, est à l'origine de grands films (le déjà cité "Casino Royale") mais aussi de films plus mineurs (comme, par exemple, "Absolom 2022", dont j'ai déjà parlé). Au visionnage de ce film d'action, on se rend vite compte qu'il fait (hélas) partie de la deuxième catégorie. La faute en incombe à un scénario poussif et sans grande surprise, ainsi qu'à une réalisation plutôt mollassonne, alors qu'il lui aurait fallu être nerveuse et incisive. 
Devant la caméra, les acteurs semblent peu convaincus, quand ils ne donnent pas l'impression de s'ennuyer ferme. Alors, certes, le pitch de base n'augurait pas du thriller du siècle, mais on aurait aimé être agréablement surpris et, surtout, retrouver Mel Gibson dans un grand et bon film. En matière de come-back, "Hors de contrôle" est loin d'être une réussite. 




jeudi 24 octobre 2013

Killing Season (2013)



Si on m'avait dit un jour qu'un film mettant en scène un face-à-face entre Robert de Niro et John Travolta sortirait en direct-DVD, j'avoue que j'aurais émis des doutes. Bon, d'accord, la carrière de Travolta a, depuis mal d'années, des allures de montagnes russes avec plus de descentes que de remontées, il faut bien le reconnaître. Quant à celui qui joua dans "Taxi Driver" ou "Voyage au bout de l'enfer", il n'est plus que l'ombre de lui-même et pas mal de ses derniers choix inspirent plus de pitié que d'admiration. Il n'empêche qu'en mettant ces deux poids lourds du cinéma l'un en face de l'autre, on pouvait espérer, sinon un grand film, du moins un honorable divertissement. Malgré une projection au dernier festival de Deauville en présence de l'interprète de "La fièvre du samedi soir" (bigre, cela ne nous rajeunit pas), "Killing Season" n'est pas sorti en salles et c'est vers le marché vidéo qu'il faut se tourner pour le voir. 

Benjamin Ford, vétéran américain de la guerre de Bosnie, vit seul dans les bois. Cet ancien militaire acariâtre a coupé les ponts avec tout son entourage et se satisfait de la vie d'ermite qu'il a choisi. Un jour, il croise le chemin d'un inconnu, venant des Balkans. Survivant du conflit qui ensanglanta l'ex-Yougoslavie, cet ancien soldat serbe cherche à se venger de Ford. Commence alors un terrifiant jeu de chasse entre les deux hommes, dans le décor hostile des Appalaches. 

La Guerre des Balkans, encore toute récente dans les mémoires, a fait l'objet d'assez peu de traitement au cinéma, le sujet étant probablement trop frais. "Killing Season" est en réalité le recyclage d'un projet assez ancien (nommé "Schrapnel"), développé initialement pour John McTiernan,  qui aurait du se dérouler dans les années 1970 et réunir John Travolta et Nicolas Cage. C'est finalement en 2012 que commença le tournage de "Killing Season", sous la direction de Mark Steven Johnson, déjà blacklisté par pas mal de cinéphiles pour avoir commis les deux "Ghost Rider" ou "Elektra". Autant dire que l'entreprise partait mal.

Pourtant, on a envie d'y croire, dès les premières séquences. On se dit que le scénario est maigre mais que l'énorme potentiel des acteurs et que le matériau de base peut suffire à assurer la réussite de l'ensemble. Hélas, très tôt dans le film, le verdict tombe et ne sera jamais démenti : "Killing Season" est un ratage. Au vu du passif du metteur en scène, on pouvait s'y attendre, certes, mais les espoirs mis en lui sont torpillés rapidement par Mark Steven Johnson. Ce dernier, toujours aussi peu doué, n'arrive à aucun moment à sublimer le sujet et à lui donner corps. Face à la vacuité de la mise en scène, le scénario montre rapidement ses limites. La chasse à l'homme que se livrent les deux acteurs, dans la forêt, le froid, la boue, génère rapidement l'ennui et l'indifférence. 

Enfin, en plus d'un script maigrichon et d'une réalisation bancale, l'interprétation donne souvent envie de pleurer. Qu'il s'agisse de Robert de Niro ou de John Travolta, les deux acteurs principaux sont caricaturaux du début à la fin, en faisant systématiquement trop ou trop peu. Sans doute mal dirigés, les deux bonshommes ne sont crédibles à aucun moment (et la pitoyable VF n'aide pas).

Lors d'une séquence particulièrement incongrue (celle où Robert de Niro, pourtant en piètre forme au début du film, se remet sur pied en moins de deux), un cerf égaré là croise le regard de l'acteur qui incarna Jake La Motta ou Al Capone (pour ne citer qu'eux) : j'ai pensé un instant qu'il s'agissait d'un parent éloigné de celui de "The deer hunter" (ou "Voyage au bout de l'enfer" en version française). 
S'il avait pu parler, sans doute aurait-il interpellé de Niro pour lui dire "Robert qu'es-tu devenu ?".


dimanche 20 octobre 2013

All about Steve (2009)





J'avoue sans honte une petite faiblesse pour les comédies romantiques. Vous savez, ces transpositions à l'écran des contes de fée classiques, dont on sait pertinemment qu'ils vont bien se terminer, même si, au départ, tout oppose les deux protagonistes. Le genre a fait ses preuves au cinéma et certains exemples font désormais figure de référence : "Quand Harry rencontre Sally", "Quatre Mariages et un Enterrement" ou "The Holiday", pour ne citer que les plus connus. Je ne dois pas être le seul à apprécier ces films puisqu'on a droit régulièrement à un nouvel opus du genre, plus ou moins réussi. Sandra Bullock n'en est pas à son premier essai en la matière, mais avec "All about Steve" qu'elle produisit en partie, elle reçut une belle volée de bois vert de la part des critiques et eut droit à deux Razzie Awards (pour sa prestation et pour le couple qu'elle forma avec Bradley Cooper), sans compter l'échec financier de l'entreprise. 
Après un premier rendez-vous arrangé par ses parents, Mary décide que Steve, joli cameraman, est son âme-soeur. Pour brillante qu'elle soit, Mary, verbicruciste de profession, est pour le moins inquiétante, tant elle a des idées fixes et ne peut s'empêcher d'étaler ses connaissances, fussent-elles totalement hors de propos. Elle va décider de suivre Steve qui n'en demandait pas tant, pour le convaincre qu'ils sont faits l'un pour l'autre. 

Pendant qu'on en est aux aveux, je dois vous confesser une faute : je n'ai pas réussi à visionner ce film (diffusé sur notre très chère TNT) jusqu'au bout. Sans doute vendu sur son registre et la présence de ses deux acteurs principaux, l'une à l'étoile pâlissante, l'autre à l'aube de la gloire, "All about Steve" est totalement dénué d'intérêt. Qu'il s'agisse de l'interprétation de Sandra Bullock, totalement inepte ou des costumes dont elle est affublée (et je ne parle même pas de sa coiffure !), on a vite pitié de cette actrice (qui reçut pourtant un Oscar la même année pour "The Blind Side"), embarquée dans une galère qu'on ne souhaite à personne. Face à elle, Bradley Cooper et le reste de la distribution assistent au naufrage, impuissants.

Franchement mauvais, "All about Steve" n'est jamais drôle, accumule les scènes idiotes et les personnages caricaturaux, en plus d'être réalisé comme le premier épisode venu de "Joséphine, ange gardien". Le réalisateur, Phil Traill, est depuis reparti vers les séries télévisées : on espère qu'il ne sévira plus sur grand écran. Au passage , honte sur les producteurs qui financèrent un tel navet, alors qu'abondent les projets intéressants en peine de budget. 

En plus, le pitch sous lequel est vendu ce film comporte une énorme faute. Le personnage de Sandra Bullock est verbicruciste et non cruciverbiste, puisqu'elle crée les grilles de mots croisés à l'intention de ses lecteurs. Même si ce n'est qu'une goutte d'eau, elle fait déborder le vase.  


mercredi 16 octobre 2013

Iron Sky (2012)


Certains films sortent des sentiers battus et osent des scénarios qu'aucun grand studio n'oserait produire. Forcément, de telles oeuvres restent peu accessibles et il faut fouiner dans les rayons les plus obscurs des vidéothèque pour y avoir accès. Alors, le curieux spectateur peut découvrir d'étranges films aux scénarios improbables, souvent tournés avec des budgets qui auraient à peine suffi à assurer le cachet de certains acteurs. Parfois, on tombe sur des merveilles. Souvent, on est déçu. Il arrive aussi qu'on reste perplexe. 

On nous cache tout, on nous dit rien, c'est bien connu. Depuis 70 ans, et leur défaite face aux Alliés, les nazis n'ont pas disparu, figurez-vous : ils sont allés se réfugier sur la face cachée de la Lune et y préparent leur retour. En 2018, viendra leur heure et ils pourront enfin savourer leur revanche. Lors d'une expédition lunaire lancée pour promouvoir la ré-élection de la présidente des Etats-Unis, deux astronautes vont tomber sur la base secrète où se prépare le IVème Reich. Le seul des deux qui survivra (un Noir top-model dont le smartphone va être utilisé à des fins militaires par les nazis) va vivre une aventure à laquelle il ne s'attendait pas.

Avec un pitch pareil (et je vous épargne les détails), on se doute bien qu'aucun producteur n'aurait accepté de financer "Iron Sky". Il aura fallu que Timo Vuorensola, son réalisateur fasse appel à ses fans et aux futurs spectateurs pour financer l'improbable projet (on remerciera le crowndfunding au passage). Au final, une fois le budget bouclé, l'étrange objet débarque sur les écrans, grands ou petits, avec la triple nationalité germano-finlando-australienne. 

C'est clairement sur les territoires de la parodie que "Iron Sky" s'aventure. Il faut dire que son metteur en scène pratique là la récidive, après son "Star Wreck : In the Prikinning", qui s'en prenait déjà à une série de science-fiction bien connue. On ne ne jugera donc pas la crédibilité de l'histoire : il y aurait beaucoup à dire, dans ce cas. Si, par contre, on se penche sur la mise en scène, il faut reconnaître un certain talent à Timo Vuorensola, qui témoigne d'une ambition et d'un sens du spectaculaire qui fait parfois défaut à des réalisateurs disposant de budgets colossaux. Les effets spéciaux, quand on les juge à l'aune des moyens dont a disposé "Iron Sky" sont plus qu'honorables et certains plans forcent même le respect.

Du côté de l'interprétation, il est peu de reproches à formuler à l'encontre de ce curieux film. Les comédiens semblent se délecter d'endosser leurs rôles, aussi improbables soient-ils. On a droit au savant (presque) fou, au chef psychopathe, à la présidente hystérique et j'en passe. Notons que les rôles féminins, même s'ils exploitent sans vergogne l'impeccable plastique de leurs interprètes, ont une importance majeure, ce qui est plutôt rare dans ce registre. 

Le défaut majeur de "Iron Sky" reste, hélas, son scénario, un peu maigre. Manquant un peu d'épaisseur, le script se contente d'utiliser (en assumant son propos, cela dit) le pitch de base, convoquant ça et là quelques références évidentes. Sans user d'effets comiques volontaires (ce qui en écarte probablement pas mal de spectateurs), le film exploite à fond son idée de base. Il aurait sans doute fallu enrichir un peu le scénario de quelques surprises et intrigues secondaires, pour le rendre un peu plus épais. Cette (petite) réserve mise à part, il faut reconnaître qu'en son genre, "Iron Sky" mérite le détour, pour peu que vous ayez envie de voir ce que peut donner une idée saugrenue entre les mains d'une équipe assumant son délire. Un peu maigre sur le fond, mais séduisant par sa forme, ce film est à réserver aux amateurs et aux curieux, donc.