La très belle série de romans consacrée par Arturo Perez-Reverte (7 tomes à ce jour, aux éditions Points), qui a récemment fait l'objet d'une série télévisée, fut adaptée au cinéma, il y a quelques années. Sorti en catimini en France (en 2008, après que sa sortie fut maintes fois repoussée) et précédée d'échos désastreux, il fut chez nous un bide monumental, quoique prévisible. Malgré son budget impressionnant, pour un film hispanique, "Capitaine Alatriste" est vite passé aux oubliettes...
Sous le règne du Roi Philippe IV, entre les intrigues de cour et les conflits qui émaillent l'Europe, l'Espagne impériale est au faîte de sa puissance. Au service de Sa Majesté le Roi, celui qui se fait appeler Capitaine Alatriste va vivre une existence faite de combats, de passions, de trahisons et d'amitié. De la boue et des brumes des Flandres à la mémorable bataille de Rocroi, en passant par les galères espagnoles, lui et Inigo, son jeune protégé vont vivre mille périls.
Première surprise : là où n'importe quel producteur hollywoodien aurait choisi de n'adapter que le premier roman, c'est l'intégralité des aventures d'Alatriste qu'Agustin Diaz Yanes a choisi de retranscrire en un film de deux heures. Ceux qui connaissent les romans ne manqueront pas d'être surpris par pareille approche, tant nous sommes habitués à voir une franchise essorée au maximum (jusqu'à tronçonner un tome en deux films pour en augmenter la rentabilité). Dans le cas de "Capitaine Alatriste", le résultat est plutôt curieux, puisqu'on a l'impression d'assister à un résumé de la carrière de ce spadassin remarquable, sur le mode accéléré, en ne prenant le temps que de focaliser sur quelques séquences marquantes. Hélas, pareil traitement donne l'impression d'un film particulièrement décousu, comme peut donner celle des bonnes feuilles d'un roman (et uniquement de celles-ci).
Là où la série souffre de longueurs, le film a donc les défauts inverses. Zappant sans vergogne les scènes de présentation, il se concentre sur celles qui sont le plus visuelles, à savoir les affrontements, là où les romans prennent le temps de la description au plus près de l'Espagne du XVIIème siècle. C'est d'autant plus dommage que, budget à l'appui, la reconstitution est esthétiquement très réussie, en tout cas mille fois plus que ce que proposait la récente série "El Capitan". Loin de la flamboyance colorée des traditionnels films de cape et d'épée, "Capitaine Alatriste" a un décor réaliste, souvent sale, en tout cas très vivant, comme le souhaitait Arturo Perez-Reverte quand il commença à écrire ses romans. L'écrivain a d'ailleurs renié la série, mais fait un caméo dans le film, soit dit en passant.
Le casting est l'autre point fort de cette adaptation. L'impérial Viggo Mortensen donne corps au Capitaine Alatriste, sans sembler forcer son immense talent. En comparaison, Aitor Luna, qui a repris ce rôle dans le pendant télévisuel, paraît bien falot. Autour du grand Mortensen, les autres interprètes donnent vie avec brio aux protagonistes des romans, collant parfaitement à l'image qu'on pouvait s'en faire à la lecture des livres.
L'impression qui se dégage au visionnage du film (si tant est que vous réussissiez à mettre la main dessus) ne peut être que mitigée. Visuellement très réussi et interprété avec brio, "Capitaine Alatriste" est hélas gâché par le choix d'adapter en un seul film toute une série de romans.