vendredi 27 décembre 2019

Rob Roy (1995)


Rob Roy, héros écossais, fut mis à l'honneur sous la plume de Sir Walter Scott. Cependant, le grand public connaît peu (ou pas) ce personnage historique et ceux qui ont entendu son nom le rattachent souvent au film éponyme, mené par Liam Neeson, il y a de cela presque vingt-cinq ans. Sorti peu avant "Braveheart", qui foulait lui aussi les terres d'Ecosse et connut le triomphe que l'on sait, ce long métrage de Michael Caton-Jones est tombé dans l'oubli, ou presque. N'y aurait-il pas là une injustice à réparer ?

En Ecosse, au XVIIIème siècle, Robert MacGregor, dit Rob Roy, fait de son mieux pour diriger son clan, malgré la présence de l'occupant anglais. Quand il se fait escroquer par un aristocrate venu d'Angleterre, guidé par son très fort sens de l'honneur, Rob Roy entre en guerre et n'aura de cesse de venger l'affront.
Face à lui, la noblesse corrompue dispose de tous les atouts. Mais Rob Roy est écossais : cela lui suffit. 

On ne peut s'empêcher, au visionnage de "Rob Roy", de le comparer à "Braveheart", même si les deux films n'exploitent pas la même époque. Les similarités sont nombreuses, à commencer par le statut du héros, opiniâtre et fier, prêt à tout pour venger la blessure faite à son honneur. Mais, dans "Rob Roy", point de grandes batailles brutales, pleines de bruit et de fureur, comme ce fut le cas avec le long métrage de Mel Gibson. L'affrontement oppose essentiellement deux hommes, incarnés à l'écran par Liam Neeson (qui sortait juste du rôle de sa vie, celui d'Oskar Schindler) et Tim Roth, en intendant fourbe (récompensé plusieurs fois pour sa prestation).

En (re)visionnant "Rob Roy", il est flagrant de constater qu'il a terriblement vieilli, à l'instar de bon nombre de longs métrages de cette décennie là. Qu'il s'agisse de sa réalisation ou de son intrigue, il porte quelques traits caractéristiques, qui n'ont pas tous gagné en patine. A titre d'exemple, l'interprétation de Tim Roth, souvent caricaturale, serait sans doute pointée du doigt, aujourd'hui. Mais "Rob Roy" a aussi quelques mérites, dont celui d'évoquer des faits méconnus, quitte à les brutaliser, et de se dérouler dans les très beaux décors d'Ecosse (que Michael Caton-Jones aurait pu mieux exploiter, cela dit). 

Le personnage historique, souvent qualifié de "Robin des Bois écossais", est peu connu. Méritait-il pour autant qu'un film lui soit consacré ? Ou, pour être plus exact, que ce film s'attarde sur un épisode de sa vie et en fasse, en l'altérant notablement, la matière d'un film ? A n'en pas douter, on a vu des films se baser sur des faits encore moins notables. Sans doute Robert Mac Gregor méritait-il d'être mieux honoré que ne le fit Michael Caton-Jones. Avec plus de fidélité et de sincérité, la vie de ce personnage hors du commun aurait donné un plus grand film.







dimanche 22 décembre 2019

Je promets d'être sage (2019)




Vous, je ne sais pas, mais, lors de sa sortie, "Je promets d'être sage" est totalement passé à côté de mon radar. Je ne dois pas être le seul, parce que ce film n'a pas franchi la barre symbolique des 100 000 spectateurs en France. Pourtant, avec Léa Drucker et Pio Marmaï en tête d'affiche, le premier film réalisé par Ronan Le Page aurait sans doute dû attirer plus de spectateurs. Les astres n'étaient pas alignés, lors de la sortie de ce film, mais aurait-il mérité mieux ?

Quittant le monde du théâtre, où sa radicalité l'a mené au burn-out, Franck se retrouve gardien de musée et apprend à passer ses journées dans le silence et le calme. Il découvre vite que ses nouveaux collègues ont tous eux aussi leurs failles. Sybille, en particulier, ne semble guère l'apprécier et a ses petits secrets, que Franck va s'employer à découvrir.

Des personnages qui ne sont pas à leur place, qui portent des blessures les empêchant d'avancer, placés dans un cadre qui leur sied pas : voilà des composants qui font fortement penser au cinéma de Pierre Salvadori, l'un des plus remarquables cinéastes français (à mon sens). La présence au générique de Pio Marmaï, remarquable dans le dernier opus du créateur des "Apprentis", à savoir "En liberté !", ne fait que souligner la grande proximité de "Je promets d'être sage" avec son modèle. 

Certes, l'influence de Pierre Salvadori est évidente, au visionnage de "Je promets d'être sage", mais cela ne suffit pas à assurer la réussite de l'entreprise. Il y a trop de moments dans lesquels l'intrigue ne progresse pas, voire régresse, trop d'instants vides. On sent que l'on n'est pas passé loin de la réussite, mais le résultat final n'est pas à la hauteur de l'ambition initiale. N'acquérant jamais une identité propre, le film se contente d'avancer à vue, ne choisissant jamais entre intrigue dramatique ou fantaisie débridée (cette dernière option, la plus complexe, aurait, je pense, pu donner de grandes choses). 

Les comédiens, que l'on sent livrés à eux-mêmes, ne sauvent pas le film : Pio Marmaï, en roue libre, ne laisse qu'entrevoir ce qu'aurait pu être sa prestation, mais confirme une nouvelle fois tout le bien qu'on peut penser de son talent. Léa Drucker, en personnage blessé dont le passé aurait mérité d'être éclairci, s'en sort moins bien, faute d'un rôle mieux écrit. Derrière eux, les seconds rôles sont sans doute ceux qui s'en sortent le mieux, en particulier Mélodie Richard, en jeune femme exubérante mais à la sensibilité à fleur de peau, qui aurait mérité plus de place dans le scénario.

Voilà un film que j'aurais aimé aimer davantage, mais qui, faute d'une vraie identité et de choisir sa propre voie, se contente de ne pas faire de choix narratifs. Considérons que cette tiédeur est uniquement due au manque d'expérience de son réalisateur et que son prochain opus saura infirmer le diagnostic.





mardi 17 décembre 2019

Le nouveau (2015)



Il m'arrive souvent de visionner un film sans aucun a priori, sans avoir consulté les critiques venues de la presse ni avoir pris connaissance des prix éventuellement reçu par ce film. Souvent, en lisant a posteriori ce qu'en ont dit les professionnels de la profession, force est d'avouer que je suis (au moins en partie) en accord avec eux. Plus rarement, c'est l'incompréhension : comment tel ou tel film a-t-il pu être aussi encensé alors que je ne lui trouve que des défauts ? Pourquoi tel autre a-t-il essuyé pareille rafale de critiques ? Dans laquelle de ces configurations allons-nous placer "Le nouveau", petite comédie collégienne, qui ne fit pas trop de bruit lors de sa sortie en salles ?

Ce n'est pas facile, pour Benoît, de se faire des amis dans le collège où il est le nouveau, suite au déménagement de ses parents. Les clans sont déjà formés et la plupart des autres garçons le regardent de haut, voire s'en prennent à lui. Et seuls les moins populaires tendent la main au jeune garçon. Alors, sur les conseils de son oncle, Benoît va tout faire pour s'intégrer, et tenter de séduire la jolie Johanna, qui semble s'intéresser à lui.

Alors qu'on pourrait penser qu'il s'agit d'une comédie à la français (ce n'est pas un bon présage), "Le nouveau", au visionnage, a tout d' un prequel des "Beaux gosses". Cette plongée en milieu collégien, filmée de façon quasi-documentaire, ressemble en effet au long métrage de Riad Sattouf dans son approche de ses jeunes héros, forçant souvent le trait sur leurs défauts. Repéré en tant qu'acteur (souvent au petit écran), Rudi Rosenberg, le réalisateur, laisse souvent sa caméra tourner tandis que ses comédiens (souvent amateurs) évoluent, improvisant parfois. Le résultat est assez inégal, puisqu'en équilibre entre le documentaire et la comédie. Oscillant sans cesse entre ces deux pôles, "Le nouveau" souffre d'un vrai déséquilibre et de la confusion qu'il affiche.

Malgré une vraie fraîcheur, notamment due à l'interprétation des jeunes héros de cette vraie-fausse comédie, "Le nouveau" donne plutôt l'impression de tourner en rond et d'user sans cesse des mêmes procédés pour amuser le spectateur ou l'interpeller. Côté humour, on repassera, car les gags, si tant est qu'on puisse utiliser ce terme, tombent souvent à l'haut et sont contrebalancés par des moments ne prêtant pas à rire, ce qui torpille l'effet initialement voulu. La présence du personnage incarné par Max Boublil (qui ferait bien de changer de registre ou d'arrêter ses tentatives au cinéma), uniquement là pour la partie comique du film, s'avère artificielle et inutile. Rudi Rosenberg aurait sans doute mieux fait de ne considérer que la partie réaliste de son film, si vous voulez mon avis.

En relisant après visionnage les avis de la presse, et en particulier ceux des critiques souvent les moins tendres, j'ai eu l'impression d'être passé à côté d'un bon film, ne voyant dans "Le nouveau" qu'une comédie brouillonne et hasardeuse, rarement amusante. Sans doute me faudrait-il une deuxième séance pour en avoir le cœur net : l'envie n'est pas au rendez-vous, cependant...




jeudi 12 décembre 2019

Tout de suite maintenant (2015)

  

Le cinéaste Pascale Bonitzer a déjà fait l'objet d'un billet dans ce blog, avec "Cherchez Horthense", film très parisien, qui m'avait laissé perplexe. Arborant également une affiche dessinée par Floc'h (fidèle au réalisateur), "Tout de suite maintenant", qui mettait en vedette Agathe Bonitzer, sa fille, a été l'occasion d'une deuxième tentative de ma part : allais-je ou non adhérer au propos de Pascal Bonitzer ? Allais-je rencontrer son univers ? Le peu de succès public de ce film était-il mérité ? Ou, à en croire les critiques, en majorité positives, les spectateurs étaient-ils passés à côté d'une belle rencontre cinématographique ?


Nouvellement embauchée dans la finance, Nora fait ses premières armes en découvrant que son patron et son père se sont connus, quand ils étaient jeunes. De plus, elle doit subir la concurrence que lui opposent ses jeunes collègues, avides de réussite et de profits. Entre apprentissage professionnel, parcours de vie et découvertes de secrets familiaux, Nora, avec la complicité de sa sœur Maya, va devoir apprendre à s'accomplir.

A l'instar de celui de "Cherchez Horthense", le scénario de "Tout de suite maintenant" met en scène une certaine frange de la population, bien éloignée de celle mise en avant dans le cinéma dit social. Les protagonistes de Pascal Bonitzer, bien qu'à l'abri du besoin, ont des tourments dont on pourrait penser qu'ils sont risibles et, surtout, qu'il n'y a pas de quoi en faire un film. Cela dit, pourquoi pas ? Évoquer les problèmes rencontrés par ces premiers de cordée peut être un moyen de dire quelque chose, d'évoquer leur part d'humanité, voire tout simplement de raconter une histoire. Le tout est de surtout ne pas se montrer élitiste et de faire en sorte d'attirer un minimum de sympathie. 

Alors, oui, les personnages de "Tout de suite maintenant" ne sont pas en proie aux fins de mois difficiles, c'est le moins que l'on puisse dire. Néanmoins, la vie n'est pas pour eux un jardin de roses et les tourments les accablent, comme tout un chacun. Du moins, c'est ce que voudrait faire croire ce film. Parce que c'est là que le bât blesse : aucun des personnages de "Tout de suite maintenant" n'est sympathique ni attachant : c'est sans doute cela qui fait que, très tôt, on se désintéresse de ce qui peut leur arriver. Englués dans leurs tourments artificiels, les protagonistes de ce film ne font rien pour se sortir de l'ornière, ni pour titiller l'empathie du spectateur. Ce dernier restant en retrait, il a tôt fait de se moquer comme d'une guigne des problèmes de petite fille riche qui taraudent Nora. 

Servi par un casting à très fort potentiel, le film n'est cependant pas l'occasion pour les comédiens de tirer leur épingle du jeu. Agathe Bonitzer, dans le rôle principal, passe le plus clair de son temps à faire la tête (décidément !), partageant l'ennui du spectateur. Et même les courts passages d'acteurs plus chevronnés ne suffit pas à faire jaillir l'étincelle : "Tout de suite maintenant" déroule tant bien que mal son fil (doré) sans susciter l'intérêt (le mien, en tout cas). Il semblerait donc que le cinéma de Pascal Bonitzer ne soit pas fait pour moi.




samedi 7 décembre 2019

Roxane (2019)




S'il est avéré que la comédie sociale a écrit ses lettres de noblesse de l'autre côté de la Manche, force est de reconnaître que le cinéma hexagonal se permet quelques tentatives, pas toujours couronnées de succès. En s'emparant de thèmes d'actualité, comme les grandes difficultés que rencontrent nombre d'agriculteurs, quelques films ont fait parler d'eux (et parfois de la cause dont ils s'emparaient). De "Petit paysan" à "Un village presque parfait", il semblerait donc que le cinéma français tienne un filon, sans toujours savoir comment l'exploiter. Le cas de "Roxane" est assez représentatif : avec un casting qu'on aurait pu croire gagnant et un sujet en phase avec son époque, ce film n'a pourtant pas séduit le public.

Raymond, éleveur de poules pondeuses, a un secret : chaque jour, il lit à ses poules, dont Roxane, qui le suit partout, des pièces de théâtre. Quand la coopérative qui le nourrit décide de rompre leur contrat pour se tourner vers un gros producteur, Raymond et ses confrères sont en plein désarroi. Alors que certains renoncent, Raymond, accompagné de la fidèle Roxane, décide de faire le buzz, comme on dit. Qui ne tente rien n'a rien et, sous le regard effaré de son entourage, l'éleveur choisit de s'exposer.


En greffant un problème social bien réel (hélas !) avec un moyen inattendu de s'accomplir (souvenez-vous des strip-teaseurs de "The full monty", par exemple), la comédie sociale a souvent fait mouche, sans cependant changer les choses. La recette est ici sagement appliquée au malaise agricole et la réalisatrice, Mélanie Auffret, choisit la voie du feel-good movie pour "Roxane", pour son premier film. On sourit donc parfois, même si le drame pointe de temps en temps le bout de son nez, sans cependant avoir le temps de plomber l'ambiance.

Film léger, "Roxane" tourne parfois un peu en rond et bégaie ses arguments, perdant du coup de son impact. C'est dommage, car il y avait matière à nourrir un long métrage plus épais, si vous voulez mon avis. Servi par des comédiens convaincants, mais n'ayant pas suffisamment de substance pour nourrir leurs personnages, "Roxane" offre à Guillaume de Tonquedec un rôle qui aurait pu être grand, tout en oubliant parfois celles et ceux qui sont derrière. On ne peut néanmoins pas lui jeter la pierre, tant il suscite l'empathie : on aime cette campagne-là et on a envie d'aimer ce film, malgré tous ses défauts. 

Pas tout à fait réussi, mais pas complètement raté non plus, "Roxane" acquiert, dès le début, un capital-sympathie qu'il ne perd jamais. En utilisant sagement les codes du genre, il réussit sa mission, sans cependant se faire remarquer. C'est déjà ça de pris.



lundi 2 décembre 2019

The man from Earth (2007)



Les idées les plus simples sont parfois les plus riches. Reste ensuite à savoir les exploiter, les "vendre", comme on dit. Cette deuxième étape est souvent la plus compliquée et la moins réussie. Le film "Man from Earth", inspiré d'un roman de Jerome Bixby, romancier de science-fiction, pianiste et peintre (entre autres), est passé sous le radar de nombre de spectateurs. Malgré quelques prix (notamment au festival de Rhode Island), il attendit quatre ans avant de sortir en France, uniquement sur le marché de la vidéo. 


Parce qu'il a décidé de quitter le lycée où il enseigne depuis dix ans, les collègues et amis de John se rendent chez lui, surpris par ce choix brutal. Regroupés dans son salon, ils vont apprendre de sa bouche l'incroyable vérité : John est âgé de 14 000 ans et il est temps pour lui, qui ne vieillit pas, de partir avant d'attirer la méfiance. Alors qu'il fait le récit de sa vie, John provoque un débat passionné. Dit-il vrai ou est-il un mythomane ? 

Comme vous avez pu le lire, le pitch de base de "The man from Earth", qui donna lieu à une suite ("The man from Earth : Holocene", sorti uniquement en téléchargement) est redoutablement simple et aurait pu donner lieu à un film à gros budget, avec un traitement spectaculaire. C'est à l'extrême opposé du spectre que se situe le film de Richard Schenkman Avec un budget sans doute équivalent à une journée de tournage du premier blockbuster venu, "The man from earth" se concentre sur ses personnages et sur le débat qu'ils ont suite à la révélation du héros. L'idée de base, terriblement gonflée, ne donne donc lieu qu'à des paroles et on se prend souvent à ne voir en ce film qu'une pièce de théâtre.

Le pitch est simple et pourrait être efficace. Cependant, la réalisation, dont on pourrait croire qu'elle a été pensée pour le petit écran, ainsi que l'interprétation, dépourvue de chaleur, pêche en défaveur du film. Dans le décor dépouillé (pour cause de déménagement), c'est surtout la frilosité qui s'installe et on peine à s'intéresser à ses beaux esprits qui essaient de comprendre si, oui ou non, leur ami est ce qu'il prétend être. Ajoutons à cela une version française assez médiocre et le tableau sera complet : "The man from Earth", partant d'une promesse potentiellement riche, a nombre de handicaps qui l'empêchent de la tenir.  

On notera également quelques jolis trous dans la raquette. Le plus visible fragilise l'ensemble de l'édifice : si John préfère partir, c'est pour garder son secret intact (ce qu'il réussit après tant d'années), mais ce ballot choisit de tout déballer à ses amis, ce soir-là. J'avoue me gratter encore la tête quant aux motivations de ce drôle de héros.

Si l'on voit "The man from the earth" comme un petit film aux grandes ambitions, on peut se satisfaire du résultat. Mais, si l'on pose quelques exigences, on descend vite du train en marche, pour laisser tout ce petit monde pérorer dans son coin. Chacun son choix.


mercredi 27 novembre 2019

Celle que vous croyez (2018)




Il est difficile de catégoriser certains films : ainsi, nombre de longs métrages sont étiquetés "comédie dramatiques", ce qui, vous en conviendrez, ne veut pas dire grand chose. Le film "Celle que vous croyez" était catalogué dans ce registre et je ne savais guère à quoi m'attendre en le visionnant. La présence au casting de Juliette Binoche et de François Civil pouvait suffire à éveiller l'intérêt de nombreux cinéphiles, cela dit. Ne sachant cependant si j'allais rire ou pleurer, c'est à ce film qui fut bien peu visible que je consacre un article. Malgré une sélection à la Berlinale, "Celle que vous croyez" n'eut que peu de succès dans les salles.

Quinquagénaire divorcée, professeure de littérature, Claire décide un jour de créer un faux profil sur un célèbre réseau social. Alors qu'elle voulait au départ espionner son ex-amant, et sous l'identité de Clara, superbe jeune femme sortie de son imagination, elle va séduire Alex, un jeune photographe, et être séduite par lui. Mais, tôt ou tard, le virtuel ne suffit plus et Claire va devoir affronter les conséquences de ce qui était, initialement, un petit mensonge.


Adapté du roman homonyme de Camille Laurens, "Celle que vous croyez", réalisé par Say Nebbou, déjà remarqué pour "Dans les forêts de Sibérie" n'est pas une comédie, que cela soit clair une fois pour toutes. La spirale dans laquelle Claire s'engage prête plus à l'inquiétude qu'au rire. Se prenant au jeu en même temps qu'elle se prend au piège, l'héroïne de "Celle que vous croyez", remarquablement interprétée par Juliette Binoche, est à la fois coupable et victime et, si elle est de tous les plans ou presque, la réalisation n'en fait par pour autant l'unique objet du film. C'est plutôt une belle surprise que ce film, qui évoque les dangers du virtuel en même temps que l'importance de l'âge et la difficulté d'aimer, tout en conservant une vraie dose de suspense.

C'est bien d'un thriller romantique qu'il s'agit là, qui joue habilement de son époque et met en avant ses personnages, ancrés dans leur époque, la nôtre. Réaliste en même temps que surprenant, "Celle que vous croyez" réussit presque son coup, puisque seule sa dernière partie pêche un peu. Servis par une mise en scène efficace, qui évite d'être tapageuse, les acteurs incarnent avec conviction ces deux égarés, s'aimant sans se connaître. Si François Civil confirme tout le bien qu'on pouvait déjà penser de son talent et laisse augurer du meilleur pour la suite de sa carrière, Juliette Binoche, inattendue dans pareil rôle, est parfaite en assumant son âge et son statut. Derrière eux, on remarquera les jolies prestations de Guillaume Gouix et de Nicole Garcia, en psychiatre attentionnée.

Malgré une conclusion pas forcément à la hauteur, "Celle que vous croyez" est une belle tentative de thriller, abordant des thèmes d'actualité et les traitant plutôt habilement. Filmé avec talent et interprété par des acteurs impeccables, ce film français aurait mérité mieux lors de sa sortie en salles. Il n'est peut-être pas trop tard pour lui donner une deuxième chance.


vendredi 22 novembre 2019

Permis de mariage (2007)

Un acteur ne meurt jamais tout à fait. Quand il quitte ce monde, il laisse derrière lui tous les personnages qu'il a incarné et la possibilité de passer à nouveau un moment en compagnie de son talent. Robin Williams, trop tôt disparu, manque à nombre de cinéphiles. Voir ou revoir certains de ses films est parfois salutaire. Le méconnu "Permis de mariage", où il exerçait ses talents comiques dans le rôle d'un prêtre un peu particulier, fut récemment l'occasion pour moi de retrouver ce grand acteur. Ce film faisait-il honneur à Robin Williams ?

Ben et Sadie s'aiment et souhaitent se marier. Afin de préparer au mieux ce grand saut dans l'inconnu, Sadie choisit de suivre les cours de préparation du Révérend Frank. Les deux tourtereaux n'ont plus que trois semaines pour prouver à ce prêtre hors du commun que leur couple est fait pour durer et que leur engagement est sérieux. Mais cette préparation est constituée d'épreuves surprenants préparées par le Révérend. Obtiendront-ils leur permis de mariage ?

Je vous rassure tout de suite : puisqu'on est dans la comédie romantique, genre extrêmement codifié, l'issue de l'intrigue ne fait guère de doutes. Ce qui peut présenter un intérêt, dans ce registre, c'est le chemin qu'emprunte le film pour atteindre son objectif. Dans le cas de "Permis de mariage", on a affaire à un pitch de base plutôt amusant, quoique peu réaliste, qui présente un vrai potentiel comique, fait de décalages et d'inattendu. Seulement, pareil potentiel n'est pas infini et, à force de tirer sur la corde, il se pourrait qu'elle casse : c'est malheureusement ce qui se produit assez rapidement avec "Permis de mariage" qui, à force d'exagération, finit par lasser et agacer le spectateur. Malgré un dernier quart d'heure qui rentre sagement dans le rang (devant bien respecter le cahier des charges de la romcom), ce film de Ken Kwapis (déjà épinglé dans ces colonnes pour "Randonneurs amateurs") ne tient que grâce à ses interprètes. 

Si le duo vedette est interprété sans faille par la charmante Mandy Moore et John Krasinski ("The Office"), c'est évidemment la prestation de Robin Williams qui est le plus grand atout (si ce n'est le seul) de "Permis de mariage". Dans le rôle du Révérend Frank, avec sa façon bien à lui de tester les apprentis mariés, l'acteur se fait plaisir et magnétise les scènes où il apparaît, quand il n'est pas parasité par son jeune acolyte. Ce personnage, incarné par le jeune Josh Flitter, est sans doute le plus agaçant du casting, en plus de ne servir à rien dans le scénario. 
retrouve Kwapis, qui le dirigea sur "

Vous l'aurez compris, "Permis de mariage" est une comédie romantique louchant fort du côté du versant comique de son ascendance, mais ne parvenant pas à faire rire, sauf lors de quelques scènes où brille le regretté Robin Williams. C'est probablement un des films les plus oubliables de sa carrière et ce doit être réservé à ceux qui cherchent à tout prix à revoir leur acteur chéri, quitte à visionner certains films qui n'en méritaient pas tant.





dimanche 17 novembre 2019

Quand on crie au loup (2019)




L'histoire de l'enfant qui criait au loup est un joli conte et, à lire le titre du deuxième film de Marilou Berry (après "Joséphine s'arrondit"), on pouvait espérer une bonne surprise. En voyant l'affiche du film, il y avait, certes, de quoi être refroidi, tant s'annonçait une comédie familiale pas forcément finaude. Mais, n'écoutant que mon devoir et continuant de croire que, tel l'habit ne faisant pas le moine, l'affiche pouvait cacher un chouette film, j'ai visionné pour vous "Quand on crie au loup" (qui, avec 35 000 entrées, avait pris une sévère déculottée lors de sa sortie).


Victor vit avec son grand-père, gardien d'immeuble, depuis la mort de ses parents, et a l'imagination fertile. Plus d'une fois, les pompiers ou les policiers se sont déplacés parce qu'il était persuadé d'avoir vu un voleur ou un début d'incendie. Mais, à force de crier au loup, plus personne ne le croit et, quand de vrais braqueurs se réfugient dans l'immeuble, il est seul pour les affronter. 


Se référant, pour ses influences, aux classiques que sont devenus des films comme "Les Goonies", "ET" ou "Big" (oui, carrément), Marilou Berry louche plutôt du côté de "Maman j'ai raté l'avion". Comptant sans doute capitaliser sur le retour en grâce des eighties (qui, si vous voulez mon avis, n'étaient pas si glorieuses que cela et sont enjolivées par le vernis nostalgique), la réalisatrice choisit donc de cibler un jeune public. Les adultes de l'histoire sont souvent idiots et ne représentent pas de vraies menaces pour les jeunes héros qui sont, eux, rusés et débrouillards. Alors que le cadre familial du héros (pour ne citer qu'un exemple) autorisait un traitement digne de ce nom, aucune vraie gravité ne s'installe jamais. Du coup, on peine à croire aux aventures de Victor, aux prises avec un gang de bras cassés (dont on se demande comment ils ont réussi un braquage).

Ce n'est pas parce qu'un film se destine à un jeune public qu'il doit être idiot. Il ne faut pas prendre les enfants pour des imbéciles, pour le dire autrement. Avec "Quand on crie au loup" et son cortège de personnages auxquels on peine à croire et pour lesquels il est difficile d'avoir de la sympathie, Marilou Berry rate son coup, là où (presque) n'importe quel film de l'époque évoquée réussissait son tour. 

Les quelques instants touchants de "Quand on crie au loup" sont, hélas, torpillés par un scénario au ras des pâquerettes et un traitement bâclé. Ce n'est hélas pas l'interprétation qui sauve le film, tant les acteurs sont prisonniers de leurs personnages, caricaturaux et antipathiques. 

Il existe quantité d'autres comédies dites "familiales", des années 80 et d'autres décennies, plus réussies et méritant le (re)visionnage. "Quand on crie au loup" n'a pas fait forte impression lors de sa sortie et sera vite oublié : c'est tout ce qu'il mérite, hélas. 


mardi 12 novembre 2019

Père Fils Thérapie (2016)


Oh, un remake, un de plus ! Dans cette catégorie, qui me fait régulièrement pester, "Père Fils Thérapie" a un signe particulier : celui qui réalisa son remake, Emile Gaudreault, était déjà aux commandes de l'original, le film québecois "De père en flic", plusieurs fois récompensé dans son pays d'origine (ce qui explique probablement la mise en oeuvre du dit remake). Cela dit, la réussite (publique) de l'original ne fut pas contagieuse, puis que "Père Fils Thérapie" passa sous les radars des spectateurs. 

Flic de choc et d'élite, Jacques Laroche ne s'entend pas avec son fils Marc. Alors que l'un de ses collègues est retenu en otage par un parrain mafieux, Jacques et Marc intègrent un stage de réconciliation entre père et fils, auquel participent aussi l'avocat du dit parrain et son rejeton, entre lesquels ça ne va pas très fort non plus. 
En gagnant la confiance de l'avocat, les policiers espèrent sauver leur collègue...et réparer leur relation père-fils. 

En matière de mise en place de son intrigue (ou, si vous préférez, de prétexte à la situation comique), "Thérapie Père-Fils" se montre laborieux, comme vous avez pu le deviner dans le pitch que je viens de vous faire. Il y avait sans doute plus simple et moins consommateur de temps et d'énergie. Arrivés au fameux stage, les protagonistes peuvent enfin apprendre à se connaître et à s'apprécier, jusqu'à la conclusion sans surprise aucune. 

La situation de base, laborieusement exposée, et utilisant un contexte de thriller, est vite laissée de côté pour céder le pas aux relations entre pères et fils. A coups de situations incongrues et de répliques qui font parfois mouche, la comédie déroule alors son fil, tant bien que mal. Mais, si le matériau de base était sans doute viable (j'avoue n'avoir pas vu le film original), "Père Fils thérapie" donne l'impression d'un objet bancal, qui ne fonctionne que rarement. 
Souffrant dès le début d'un déséquilibre entre ses personnages (puisqu'il consacre de longues scènes au duo Richard Berry - Waly Dia), le film ne se redresse jamais complètement, faute d'un traitement équitable entre ses protagonistes et entre les thèmes qu'il exploite. 

On aurait pu espérer que le film soit sauvé par ses interprètes, mais là aussi, c'est le déséquilibre qui est flagrant : Richard Berry, surjouant, n'est jamais drôle, tandis qu'on est souvent gêné pour Jacques Gamblin, embarqué dans une galère qu'il ne méritait pas. C'est du côté de la jeune génération (Waly Dia en tête) que vient la seule note de fraîcheur du film, à coups de dialogues piquants, mais insuffisants à relever l'ensemble. 

Poussif, rarement drôle, "Père-Fils Thérapie" est une comédie laborieuse, singeant maladroitement des modèles pas forcément recommandables venus d'outre-Atlantique. Encore un remake pour rien. 




jeudi 7 novembre 2019

IO (2019)


Signe des temps ou opportunisme ? Les films traitant de la fin du monde se multiplient, en même temps que se posent les questions (légitimes) de la survie des espèces et de l'état (navrant) de notre pauvre planète. Netflix, jamais en retard quand il s'agit d'exploiter un filon juteux, a récemment mis en ligne "IO", réalisé par le français Jonathan Helpert. Ce film aura sans doute échappé à pas mal de spectateurs potentiels. Penchons-nous un instant sur ce qu'il nous proposait. 

Cela devait arriver : la Terre est devenue inhabitable et des vaisseaux ont emmené les survivants en orbite autour de Io, le satellite de Jupiter. Restée sur Terre, Sam explore chaque jour les ruines de la civilisation pour tenter de comprendre comment la vie pourrait reprendre. Alors qu'elle est rejointe par Micah, un autre survivant, et que le dernier transport à destination de l'espace est annoncée, Sam voit sa détermination vaciller : doit-elle rester ? Ou vaut-il mieux fuir, comme le reste de la population ? 

Le pitch du film fait penser à celui des "Survivants", récemment chroniqué dans ces colonnes. Cependant, c'est un tout autre traitement auquel il a le droit. Se concentrant sur ses deux protagonistes principaux et limitant sa part d'effets spéciaux, "IO" cherche à enraciner son intrigue dans un réalisme scientifique et à poser des questions sur le devenir de l'humanité. Pourquoi pas ? Le cinéma (mais Netflix produit-il du cinéma ?) fait partie de ces médias qui peuvent interroger le spectateur en plus de le distraire. 

Le problème de "IO", c'est qu'il n'exploite jamais judicieusement le matériau dont il dispose. Évoquant un instant la survie des derniers habitants de la Terre, le scénario se dirige ensuite vers le sauvetage perdu d'avance de l'atmosphère et de la vie sauvage, avant de s'embarquer dans un pseudo-débat sur les choix s'offrant (ou pas, d'ailleurs) à l'héroïne et son compagnon d'infortune. Cela donne à l'ensemble du film un ton artificiel, parfois prétentieux, mais ne le fait jamais quitter le plancher des vaches (encore qu'il ne doive pas en rester beaucoup, des vaches). 

Pour incarner l'héroïne, Margaret Qualley (récemment appréciée dans "Once upon a time in Hollywood") fait de son mieux, mais on ne peut s'empêcher de penser que "IO" joue de la visibilité toute récente de l'actrice. Face à elle, Anthony Mackie (l'un des Avengers, comme environ la moitié de la population d'Hollywood) paraît parfois désemparé, comme s'il ne savait que faire du rôle qu'on lui a confié : est-il un "bon", un "méchant", ou juste un être humain perdu ? La question reste posée, même après le visionnage du film (qui semble parfois bien long). 

Désespérément plat, alors qu'il convoque les étoiles, "IO" ne décolle jamais. On pourrait incriminer un manque d'ambition ou de budget, mais c'est aussi la faute à un scénario qui cloue ses personnages au sol et ne leur permet jamais de s'élever. 





samedi 2 novembre 2019

Venise n'est pas en Italie (2019)


On a tout lieu de se lamenter sur l'état actuel de la comédie française. A-t-elle changé à ce point, que seuls ses représentants les moins fins (je suis sûr que des noms vous viennent à l'esprit) décrochent la timbale, en termes d'audience ? Ou fais-je partie de ces nostalgiques d'un "avant" enjolivé ? Ivan Calbérac a déjà eu droit à un article sur ce blog pour "Irène", gentille comédie romantique menée par Cécile de France. Cette fois, c'est "Venise n'est pas en Italie", adaptation de son propre roman, qui, malgré une presse favorable, ne reçut pas le succès public attendu. 

Emile a une drôle de famille. Entre sa mère, qui vend des paniers bio et lui décolore les cheveux pour qu'il soit plus beau et son père, qui chante fort au volant et joue les VRP, ce drôle de clan vit en caravane en attendant que la construction de la maison familiale puisse avancer. 
Parce que la fille qui le fait craquer, au collège, l'invite à la voir en concert, à Venise, Emile se retrouve sur la route, avec cette encombrante famille dont il a parfois honte. Commence alors un drôle de voyage en caravane. 

Vous l'aurez compris, c'est à un road-movie familial qu'on a affaire ici. "Venise n'est pas en Italie" n'est pas le premier du genre mais il faut bien avouer qu'il ne démérite pas. Aussi étonnant que cela paraisse, cette comédie familiale est bien plus drôle que nombre de films français sur le même créneau. Je songe évidemment à certains films qui drainèrent dans les salles des millions de nos concitoyens, sans me tirer un éclat de rire (mais je suis peut-être un monstre froid, allez savoir). 

Même si ce n'est pas un grand film, "Venise n'est pas en Italie" a pour lui une chaleur qui fait du bien. Irène", par exemple : il ne fait pas rire aux dépens de ses personnages (le travers de nombre de comédies, si vous voulez mon avis), mais rend ceux-ci attachants autant qu'ils peuvent se montrer agaçants. A l'image d'Emile, le spectateur est d'abord agacé par la fantasque famille menée par Benoît Poelvoorde, puis s'attache à elle. Joli tour de force, si vous voulez mon avis. Avec cette petite comédie, Ivan Calbérac confirme ce qu'on avait déjà perçu dans "Irène" et "Une semaine sur deux (et la moitié des vacances scolaires)" : il aime ses personnages et sait les faire aimer du public.

Doté d'un réel équilibre et porté par des comédiens convaincants (Benoît Poelvoorde touche ici l'un de ses meilleurs rôles depuis longtemps et les jeunes acteurs du casting pourraient en remontrer à quelques acteurs plus installés), "Venise n'est pas en Italie" est une bonne surprise. Pour une comédie française, c'est étonnant. Même s'il ne s'agit pas d'un film incontournable, "Venise n'est pas en Italie" méritait mieux que le sort qui fut le sien lors de sa sortie dans les salles obscures. Grâce à ses personnages et à la façon dont le réalisateur les traite, ce long métrage porte une chaleur et une sincérité salutaires.



lundi 28 octobre 2019

Les tribulations d'une caissière (2011)


 
A peine visibles, souvent méprisées, parfois insultées, les caissières (oh, pardon, les hôtesses de caisse) sont le dernier maillon de la chaîne de la grande distribution. Rémunérées au ras des pâquerettes et devant souvent affronter des conditions de travail épouvantables, celles d'entre elles qui ne sont pas encore remplacées par des caisses automatiques, sont souvent regardées de haut, quand elles ont la chance d'être remarquées. En 2011, le roman, en partie autobiographie d'Anna Sam, "Les tribulations d'une caissière" (alimenté par le blog qu'elle tenait) fut porté à l'écran. Mais, si tout le monde ou presque utilise leurs services, ils furent peu nombreux, ceux qui allèrent voir ce long métrage. 
Solveig est caissière chez Parody. Elle n'a pas choisi ce métier, loin s'en faut, mais il faut bien gagner sa vie. En secret, Solveig alimente un blog où elle raconte sa vie de caissière. Ses articles font grand bruit dans la profession. Quand Solveig croise, sous la neige, le regard du beau Charles, elle se prend à rêver à des jours meilleurs et à un monde où les caissières seraient mieux considérées. 

Avec pareil matériau de base, on était en droit de s'attendre à un film social, porteur de revendications ou, au moins, de témoignages sur le métier ingrat des caissières. Plusieurs approches s'offraient au réalisateur (Pierre Rambaldi, dont c'est le premier film) et au scénariste, Michel Siksik (qui joue également un petit rôle) : l'angle documentaire ou celui, plus fréquent, de la comédie porteuse d'un message. Mais, comme vous avez pu le lire dans le pitch, le choix fut fait de glisser dans l'histoire de Solveig une composante romantique. A posteriori, ce qui pouvait paraître une bonne idée est le ver dans le fruit.

Qui trop embrasse, mal étreint, dit l'adage populaire. Cela est vrai aussi pour les films : "Les tribulations d'une caissière", à vouloir exploiter plusieurs registres avec un matériau qui n'en demandait pas tant, est un film bancal, qui ne remplit finalement aucune des missions qu'il s'est donné. Malgré l'évident enthousiasme de Deborah François, sur qui le film tout entier repose, la mécanique tourne vite à vide et génère au mieux un ennui poli, au pire l'envie de passer à autre chose. Le casting, assez inégal : les personnages campés par Marc Lavoine et Elsa Zylberstein sont caricaturaux et desservent l'entreprise plus qu'ils ne la servent, pour ne citer qu'eux. 

Pour atteindre son but, "Les tribulations d'une caissière" aurait du choisir une voie : à osciller entre drame social et comédie romantique, le film n'aboutit à rien. C'est regrettable, car le sujet méritait mieux que cela. Évoqué dans le très chouette "Discount", le sort des caissières est de ces causes qui valent un film. Avant qu'elles ne soient remplacées par ces horribles caisses automatisées (où bon nombre de clients se pressent malgré tout), ce n'est pas en visionnant ce film qu'on changera quoi que ce soit. Si vous voulez mon avis, il suffit d'un sourire et de quelques mots aimables. Ceux qui cherchent à passer leurs nerfs dans les grandes surfaces n'ont qu'à aller insulter les bornes automatiques (et ceux qui les mettent en place).




mercredi 23 octobre 2019

Un village presque parfait (2015)



En matière de comédie sociale, le modèle britannique est-il indépassable ? Bien souvent, en effet, le cinéma hexagonal s'est aventuré sur ce territoire, affrontant les mètres-étalons du genre, et faisant bien souvent pâle figure, face à des films comme "The full monty" ou "La part des anges". La plupart du temps, ne nous mentons pas, la réussite n'était pas au rendez-vous, non plus que le succès public ou critique. Passant du petit au grand écran, Stéphane Meunier, essentiellement connu pour "Les yeux dans les bleus", le célèbre documentaire sur la Coupe du Monde de Football 1998, réalisa "Un village presque parfait". Le thème, celui des déserts médicaux, se prêtait particulièrement bien à l'exercice de la comédie sociale. Allait-il réussir son coup ?


Saint-Loin la Mauderne, dans les Pyrénées, est un village sinistré. L'usine qui faisait vivre la population a fermé et c'est grâce aux aides sociales que ses habitants vivent tant bien que mal. Pour financer le projet de réouverture de l'usine, le maire du village conclut un contrat avec les autorités européennes : il obtiendra son financement si Saint-Loin se dote d'un médecin. Mais quel praticien acceptera de venir s'enterrer loin de tout ?

Pour sa première réalisation au grand écran, après une carrière déjà fournie au petit écran, Stéphane Meunier s'attaque au remake d'un film québécois ("La grande séduction") : il faut croire que les "déserts médicaux" sont (hélas !) un mal sans frontières, puisque "Un village presque parfait" fut à son tour l'objet d'un remake en Italie.

Le thème de ces villages, cherchant désespérément un praticien pour veiller sur la santé de ses habitants, est d'actualité. A l'heure où les services de santé sont sinistrés, il était logique que le cinéma s'empare du sujet, comme on l'a vu avec le très peu réussi "Bowling". Dans le cas de "Un village presque parfait", on se rend rapidement compte que l'équilibre qui fait souvent défaut aux tentatives françaises de comédie sociale n'est pas loin d'être atteint.

Certes, les situations dans lesquelles Stéphane Meunier plonge parfois les protagonistes touchent souvent à l'incongru, et cèdent au besoin du gag, mais l'ossature qui sous-tend le film est solide : le scénario a un objectif à atteindre et ne le perd jamais de vue. Cela donne à l'ensemble une cohérence qui fait souvent défaut aux essais ratés dans cette catégorie.

Les personnages sont hauts en couleurs et souvent caricaturaux, mais on a malgré tout une vraie tendresse pour eux, malgré l'antipathie qu'ils peuvent parfois susciter. C'est sans doute la clé du succès que nombre de films n'atteignent pas, que de confier la réussite à des personnages qui touchent le spectateur. Pour les interpréter, les acteurs choisis sont suffisamment bien dirigés pour ne pas partir en vrille et faire leur numéro chacun dans leur coin : le risque était grand, surtout au vu du pedigree de certains d'entre eux. Qu'il s'agisse de Didier Bourdon, de Lorànt Deutsch, d'Elie Semoun, de Denis Podalydès ou de Lionnel Astier, aucun ne tire la couverture à lui, fort heureusement. S'il aurait été souhaitable d'avoir plus de personnages féminins majeurs, on pourra se satisfaire du résultat obtenu, en regard de ce que cela aurait pu donner.

Si "Un village presque parfait" n'est pas tout à fait la comédie sociale qui bousculera les ténors du genre, ce film a le mérite de faire parfois sourire, tout en faisant appel à un thème grave. Je ne suis pas sûr qu'il ait eu (ou ait encore) une portée revendicatrice forte, mais il a le mérite de faire passer un moment plaisant. C'est déjà ça de pris.




vendredi 18 octobre 2019

Postman (1997)



En matière d'échec public, "Postman" est une référence. Deuxième réalisation de Kevin Costner (qui le produisit et s'attribua le premier rôle), ce film fut hué par les critiques et boudé par les spectateurs lors de sa sortie. Il arrive cependant que certaines œuvres, vilipendées lors de leur production, gagnent à vieillir : après des années d'hésitation, j'ai franchi le pas et ai décidé de visionner "Postman". S'agissait-il de la catastrophe annoncée ?

2013 : l'apocalypse a eu lieu et a laissé une Terre ravagée où quelques communautés tentent de survivre. Un homme, seul, tente de survivre en traversant ce qui fut autrefois les Etats-Unis. Bien qu'il évite le contact des communautés qui se sont développées, il va être enrôlé malgré lui dans l'armée des Hollnistes, s'évader et, presque par hasard, parce qu'il a trouvé refuge près de la dépouille d'un postier, devenir celui qui recrée le lien entre les survivants.

Couronné d'un paquet de Razzie Awards, "Postman" paracheva la chute de Kevin Costner, en tant que réalisateur, pourtant oscarisé et célébré pour "Danse avec les loups". En adaptant le roman de David Brin, l'interprète d'Elliot Ness et de Robin des Bois, échoua et commença une longue traversée du désert. Si aujourd'hui, on savoure son retour dans des rôles parfois secondaires, la fin du siècle précédent le vit aux commandes de films à gros budget, bâtis uniquement sur son nom. 

Pendant terrestre de "Waterworld", auquel il ressemble beaucoup (à moins que ce ne soit l'inverse) dans sa première partie, "Postman" suit une fois encore la trajectoire d'un héros solitaire, devenant presque malgré lui un héros (oui, encore, c'était une manie chez Costner, à l'époque).

Curieux film que ce "Postman", qui concentre ses références sur l'histoire américaine (et se prive à l'occasion du public hors Etats-Unis). Long (trois heures) et souvent contemplatif, il contient plusieurs chapitres inégaux, dont certains auraient pu être raccourcis, parce qu'ils n'apportent pas grand chose au film. En enlevant des scènes inutiles, qui n'ont finalement pas grand chose à voir avec le propos du film, "Postman" aurait sans doute gagné en rythme. Cela n'aurait pas aidé cette histoire à gagner en profondeur, tant Costner s'entête à s'égarer dans des intrigues secondaires sans intérêt (la pseudo-romance du héros, par exemple). Sabordant son film, le réalisateur-interprète principal livre au public un produit bancal, malgré quelques bonnes idées.

En jugeant aujourd'hui de la performance des acteurs, on peut trouver la sanction des Razzie Awards bien cruelle (ce ne serait pas la première fois, cela dit). Costner, certes plus inspiré dans son rôle de réalisateur que dans celui du personnage principal, porte en lui une vraie sincérité, frôlant même parfois la naïveté. Face à lui, Will Patton, en méchant de service, ne s'en sort pas si mal : on a vu des bad guys plus caricaturaux, surtout à l'époque. 

Malgré quelques scènes intéressantes, c'est surtout la déception et l'ennui qui l'emportent. Ennui, parce que le film est trop long et accumule les moments inutiles. Déception, parce qu'en plus de rater cette adaptation, Kevin Costner causa sans doute lui-même sa chute. La rédemption vint plus tard, nous le savons maintenant.





dimanche 13 octobre 2019

Belphégor, le fantôme du Louvre (2001)


Dans les années 1960, la série "Belphégor" fit frissonner la France. A l'époque, l'audience fut telle que n'importe quel directeur de chaîne se damnerait pour approcher le retentissement de cette fiction. Quarante ans plus tard, avant que la série télévisée n'entre dans son âge d'or, le cinéma français tenta l'adaptation de plusieurs fleurons de son patrimoine. Nous vîmes ainsi, avec divers degrés de réussite, des transpositions de "Vidocq", des "Brigades du Tigre" ou des aventures d'Arsène Lupin. Dans la foulée, Jean-Paul Salomé fut aux commandes de l'adaptation de "Belphégor", avec Sophie Marceau en tête d'affiche. Les critiques ne furent pas tendres avec ce film : à tort ou à raison ?

Paris, 2000 : au Louvre, sous la toute récente pyramide de verre, l'examen d'une momie oubliée fait apparaître Belphégor, une entité maléfique. Ce fantôme hante les couloirs du grand musée, la nuit. 
Lisa, qui habite en face du Louvre va, en compagnie de Martin, un électricien intrépide, tenter de percer le mystère qui, la nuit, terrifie les gardiens du musée.
Mais le démon ne compte pas se laisser faire. Que cherche-t-il et, surtout, comment le vaincre ?
Drôle d'idée que celle de vouloir adapter une série mythique, pourrait-on se demander ? Qu'y avait-il à ajouter à ce qui avait déjà été dit ? Qu'allait pouvoir apporter un passage au grand écran ? La série se suffisait déjà à elle-même et, quand bien même elle accusait le poids des années, conservait son pouvoir de fascination et de mystère. C'est donc en altérant profondément l'intrigue de base que ce film fut préparé : si vous avez vu (et aimé) le Belphégor de 1965, celui-ci n'a pas grand-chose à voir (mis à part son décor). Hélas pour le présent long métrage, la qualité n'est pas du tout au niveau du matériau originel. 

Filmé n'importe comment, au point qu'on se demande souvent si on n'a pas affaire à un téléfilm, oscillant entre comédie, intrigue policière et clip musical, "Belphégor, le fantôme du Louvre" peine à maintenir le spectateur en éveil. Entre les atermoiements de son héroïne, visiblement en proie à des sautes d'humeur incompréhensibles, les incohérences du scénario et les raccourcis que celui-ci se permet, le film semble ne pas savoir sur quel pied danser, comme s'il se demandait ce que la scène suivante lui réserve. 
Jamais crédibles, les personnages sont dotés d'une psychologie en carton et oscillent sans cesse entre inquiétude et légèreté, comme si eux aussi ne savaient pas s'ils font partie d'un film d'aventure ou d'un film d'horreur. Qu'il s'agisse de Sophie Marceau, particulièrement peu convaincante (mais j'ai peine à trouver un film où elle le fut à mes yeux, j'avoue), de Frédéric Diefenthal, en permanence à côté de la plaque, ou même du regretté Michel Serrault (le seul à tirer son épingle du jeu, mais pour lequel on éprouve rapidement de l'embarras), ce ne sont pas eux qui sauvent le film de l'échec. Et ce n'est pas l'apparition fugace de Juliette Gréco (le seul, le vrai Belphégor) qui sauvera ce film. Il faudrait pour cela une plus grande magie. 

Cette composante est totalement absente du film, malgré les nombreux effets spéciaux (novateurs pour l'époque, mais ayant eux aussi très mal vieilli), ou à cause d'eux, justement. En oubliant la magie et en ne croyant guère à ce qu'il raconte, Jean-Paul Salomé, qui devait ensuite saccager un autre pilier de la culture télévisuelle, à savoir Arsène Lupin, réussit à donner envie de revoir la série originale et d'oublier ce film. 


mardi 8 octobre 2019

Voisins du troisième type (2012)

 

La comédie américaine, dans la foulée de quelques gros succès populaires, joue souvent la carte de l'outrance, à coups de gags "hénaurmes" et pas toujours très fins. Servie à toutes les sauces, cette recette est souvent synonyme de succès. Dans le cas de "Voisins du troisième type" ("The Watch", en version originale), produit par Shwan Levy (l'homme derrière "La nuit au musée" et en partie de "Stranger Things"), ça n'a pas donné les résultats espérés : ni le public, ni la critique ne suivirent et ce mix de comédie et de fantastique fut oublié par la plupart des spectateurs. 

Glenview est une petite ville paisible de l'Ohio et, pour Evan, c'est la plus belle ville du monde. Il dirige plusieurs clubs, en plus d'être le gérant du centre commercial. Quand le vigile qui y assure la ronde meurt d'atroce façon, Evan décide de fonder une brigade de surveillance de la ville. 
L'équipe de bras cassés formée par Evan va faire une découverte extraordinaire : des aliens sont dans les parages et se préparent à envahir la planète, à commercer par Glenview. 


Hésitant entre plusieurs registres (la comédie, l'action, le fantastique, voire le gore), "Voisins du troisième type" n'arrive jamais à choisir un terrain de prédilection. C'est sans doute son plus grand défaut, et il est rédhibitoire, tant il condamne le film à l'échec. N'allons pas par quatre chemins : ce film n'est réussi ni en tant que comédie, ni en tant que film fantastique. La faute en incombe principalement à un scénario indigent, à des gags la plupart du temps sous la ceinture et à réalisation souvent bâclée (les maladresses et les faux raccords y sont légion). Akiva Schaffer, qui devrait réaliser sous peu un film consacré à Tic et Tac, les deux célèbres chipmunks (voilà pour l'information inutile du jour), met en scène cette histoire sans ambition ni souci du rythme.

Dans les quatre rôles principaux, les acteurs jouent chacun leur participation, souvent en roue libre, sans souci de cohésion. Qu'il s'agisse de Ben Stiller, de Jonah Hill, de Vince Vaughn ou de Richard Ayoade, aucun d'eux ne réussit à convaincre. Leurs personnages n'attirent jamais la sympathie et, même si on peut avoir quelque faiblesse pour l'un ou l'autre, c'est plus la gêne que le plaisir qui l'emporte devant la situation où ils se retrouvent. Au final, et assez ironiquement, c'est sans doute la prestation de Doug Jones (l'homme derrière le faune du "Labyrinthe de Pan" et qui endosse ici la panoplie de l'alien) qui est la plus pertinente. 

Bancal, mais surtout jamais drôle, "Voisins du troisième type" ne mérite guère qu'on consacre deux heures de son temps à le visionner. En matière de comédie fantastique, il existe quantité d'autres films présentant plus d'intérêt et assez peu de films en ayant moins.