mardi 29 novembre 2016

Ne te retourne pas (2009)


Avec son affiche troublante (mais finalement pas très belle) et son pitch plus qu'intrigant, le film "Ne te retourne pas", qui mettait en scène Sophie Marceau et Monica Bellucci aurait du attirer à lui de nombreux spectateurs, avides de suspense et curieux de voir comment était traitée cette histoire de personnalités se fondant l'une dans l'autre. Il n'en fut rien et ils furent peu nombreux, ceux qui allèrent dans les salles obscures voir comment Marina de Van avait mis en scène ces deux héroïnes. 

Jeanne vient de voir son roman refusé par son éditeur et vit très mal la situation. Peu après, elle observe des changements dans son environnement. Il s'agit d'abord de petits riens : des meubles qui changent de place, des rêves troublants. Puis ce sont ses proches dont l'apparence semble altérer, et elle finit par ne plus se reconnaître elle-même. Pour comprendre ce qui se passe et avant de sombrer dans la folie, Jeanne finit par se rendre en Italie, sur la trace d'un cliché pris lorsqu'elle était enfant.

En voilà un pitch original, pouvait-on penser lors de la sortie de "Ne te retourne pas". Les quelques images, pour le moins troublantes, qu'on apercevait promettaient quelque chose d'intéressant. Deux personnalités se fondant l'une dans l'autre (ou l'inverse, allez savoir) et la folie qui guette, en tapinois. Restait à savoir quel traitement allait être appliqué à ce scénario. J'avoue être partagé, au sujet de ce film, s'aventurant autant en des territoires où plus d'un s'est égaré. S'il réussit parfois à captiver et à intéresser le spectateur, "Ne te retourne pas" pêche cependant sur nombre de séquences répétitives et inutiles, comme s'il cherchait à faire du remplissage, en dépit de toute cohérence. C'est d'autant plus dommage qu'on a souvent l'impression qu'on touche du doigt quelque chose, et que cela nous échappe juste après.

Troublant, "Ne te retourne pas" l'est assurément. Il n'est cependant pas totalement réussi. Thriller psychologique et (légèrement) fantastique (ou pas), ce film joue habilement de ses effets spéciaux (parfois complètement réussis, parfois peu crédibles) pour semer le trouble dans l'esprit du spectateur. Cependant, ils ne suffisent pas à remplir complètement le contrat. On songe par moment à ce qu'aurait pu faire de pareil pitch le grand Hitchcock, et cela joue en la défaveur de ce film, malgré ses ambitions.

On appréciera diversement la prestation des deux actrices portant le film sur leurs jolies épaules. A titre personnel, l'interprétation de Monica Bellucci m'a paru un cran au-dessus de celle livrée par Sophie Marceau, celle-ci ayant tendance à souvent surjouer. A leurs côtés, les seconds rôles sont assurés par des acteurs qui font le "job", comme on dit. 

Marina De Van, fidèle scénariste de François Ozon, et qui avait réalisé avant ce film le déjà perturbant "Dans ma peau", sait à n'en pas douter instiller le malaise. Il ne lui reste plus qu'à consolider cette intention pour confirmer l'essai. 



jeudi 24 novembre 2016

Rosalie Blum (2016)


La comédie française, qu'elle prenne un trait épais ou plus fin, a été maintes fois l'objet de billets (souvent assassins, mais elle l'avait bien cherché) dans ces colonnes. Ce genre étant de ceux qui, autrefois, touchaient à l'art et me donnèrent beaucoup de joies, je ne peux m'empêcher de revenir à lui, souvent pour le regretter après, c'est vrai. En voyant la bande-annonce de "Rosalie Blum", réalisé par Julien Rappeneau, fils d'un des maîtres du dit genre, l'espoir s'était emparé de moi. A l'arrivée, malgré des critiques plutôt bonnes, ce petit film plein de promesses n'a pas été le triomphe espéré. 

La vie de Vincent Machot est morne et triste. Entre sa mère, son salon de coiffure, l'amie dont il est persuadée qu'elle est sa petite amie mais qui ne fait que l'éviter, ce trentenaire croise par hasard Rosalie Blum, une épicière de quartier qui l'intrigue. Il se met à la suivre, persuadé de l'avoir déjà vue. Rosalie Blum découvre le manège de Vincent et charge sa nièce de prendre Vincent en filature. Tous vont aller de découverte en découverte...

Au visionnage de la bande-annonce, on peut penser que "Rosalie Blum" est de ces films suivant le sillage d'Amélie Poulain, et qu'il apportera au cœur de son spectateur une bouffée de bonheur. Très vite, cette adaptation du roman graphique (autrement dit, une bande dessinée avec un peu plus d'ambitions que d'autres) de Camille Jourdy donne cependant le ton. Les protagonistes de cette histoire ont une vie pas si drôle que cela et suffisamment d'ennuis pour qu'on les prenne en pitié : on sourira rarement aux pérégrinations de Vincent Machot et de celles qui l'entoure. Passé ce malentendu, pourtant, le film de Julien Rappeneau trouve son ton, ni trop léger, ni trop amer, et réussit à nous embarquer dans l'aventure, mais sans se montrer suffisamment convaincant pour regonfler le cœur de ceux venus chercher là de quoi oublier le marasme de la vraie vie. 

Pour donner vie aux personnages de ce conte doux-amer, il fallait des interprètes capables de jouer sur la corde sensible. Si la prestation de Kyan Kojandi (le héros de la série "Bref") est impeccable, je serai plus réservé sur celle de Noémie Lvovski, au jeu de laquelle je n'arrive décidément pas à adhérer (son "Camille redouble" m'avait laissé froid, cela vient donc peut-être de moi). Alice Isaaz, Sara Giraudot et surtout Philippe Rebbot et Anémone sont ceux qui apportent la touche de fantaisie, hélas insuffisante pour faire basculer le film dans la comédie. 

C'est une semi-déception que ce film, vendu comme un feel good movie, mais finalement au goût assez amer pour empêcher son spectateur d'en sortir heureux. Les plus optimistes le qualifieront cependant de semi-réussite. Libre à chacun d'y trouver sa moitié de verre, qu'elle soit vide ou pleine.


samedi 19 novembre 2016

Vatel (2000)


Le film historique est souvent un exercice périlleux et il ne suffit pas de disposer de beaux décors et de jolis costumes pour raconter une histoire dans l'Histoire. Nombreux sont ceux qui échouèrent dans cet exercice. Roland Joffé, qui pourtant avait, avec "Mission", récolté maintes récompenses et louanges, échoua à séduire avec son "Vatel", qui racontait l'histoire tragique d'un des plus grands cuisiniers français, à la cour du Roi Soleil.

Maître des plaisirs au service du Grand Condé, qui cherche à retrouver les faveurs du Roi-Soleil, François Vatel a fort à faire en organisant les festivités accompagnant le séjour de Louis XIV au château de Chantilly. Entre les intrigues de cour, les exigences des courtisans et l'ambition de la tâche que lui a confié Condé, Vatel a fort à faire, d'autant plus qu'il considère son oeuvre comme un art. 

On connait tous, ou presque, la tragique destinée de Vatel, qui alla jusqu'à se donner la mort parce que la livraison indispensable à son prochain service n'arrivait pas. Mettre en scène la destinée d'un homme d'honneur, non noble de surcroît, lâché au milieu d'une faune cultivant l'intrigue, l'arrogance et les apparences, voilà qui avait de quoi réjouir l'amateur de films historiques. Une époque riche, des personnages hauts en couleurs, et un destin particulier, les ingrédients étaient réunis pour un grand film. Hélas, alors qu'il avait réussi à mettre en images le combat perdu d'avance des missionnaires en Amérique du Sud, Roland Joffé échoue à orchestrer le bal des hypocrites et de l'honnête homme.

Les décors sont somptueux, les costumes le sont tout autant, la partition d'Ennio Morriconne (qui retrouve le réalisateur après sa sublime partition pour "Mission") est remarquable, mais le flacon n'est pas synonyme d'ivresse, hélas, tant le pauvre Vatel semble perdu dans un tourbillon contre lequel il ne peut rien faire, et où il entraîne le spectateur, souvent perdu dans la tempête, fût-elle esthétiquement remarquable.

Doté d'un casting royal (pardonnez-moi le mot), "Vatel" ne fait hélas pas honneur à sa distribution, tant il est confus. On pardonnera cependant à ses interprètes, qui font de leur mieux, mais voient leur performance diluée dans les méandres d'un scénario qui donne envie d'un nouveau montage. Qu'il s'agisse de Gérard Depardieu (alors très en vue de l'autre côté de l'Atlantique, mais cela ne dura pas), d'Uma Thurman ou de Julian Glover, on ne peut que saluer la performance de ceux qui incarnent les personnages de cette fresque souvent brouillonne. J'émettrais quelques réserves quant à celle de Tim Roth, qu'on sent parfois peu concerné par son rôle d'intrigant. 

Alors qu'il avait fait montre d'un immense talent avec "Mission" ou "La déchirure", Roland Joffé semble s'être emmêlé les pinceaux en s'attaquant à l'histoire de François Vatel, maître des plaisirs au service du Grand Condé. En revisionnant ce film qui ne laissa pas de grandes traces dans la mémoire collective des cinéphiles, on ne peut qu'avoir des regrets. Pareil destin méritait tout de même mieux...




lundi 14 novembre 2016

Vicky (2015)


La comédie familiale est un genre à part entière. En général, on y voit l'éclatement d'une famille, à la faveur (ou la défaveur, plutôt) d'un événement sortant de l'ordinaire. De "Devine qui vient dîner" à "Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu" (ces deux références forment, vous le noterez, un grand écart culturel), on ne compte plus les films, réussis ou non, exploitant cette niche. "Vicky", scénarisé et interprété par Victoria Bedos, fait partie de ceux qui n'atteignirent pas leur public, l'an dernier. A tort ou à raison ?

Alors qu'elle devait se marier et échapper à sa famille, véritable concentré d'egos et de célébrité, entre son père acteur et son frère, animateur d'une émission à succès, Victoire Bonhomme renonce devant l'autel et retourne chez ses parents. A la faveur de rencontres, Victoire va découvrir l'alcool, le sexe, la musique et s'émanciper rapidement. Mais il est difficile de grandir d'un coup, si tard, si vite...

Il y a sans doute beaucoup d'autobiographie dans "Vicky", film mettant en scène Victoria Bedos, fille de et sœur de. Dans l'histoire de cette jeune femme s'émancipant à l'aube de la trentaine, tournée sous la forme d'une comédie souvent déjantée, on reconnait sans peine quelques personnages, à peine cachés sous le masque. Ce peut être gênant, surtout si le spectateur est venu simplement pour s'amuser : qu'on lui donne une introspection personnelle en lieu et place d'un moment de rigolade pourrait mal passer. Mais, si l'on accepte le deal, on peut continuer le visionnage...ou pas, si on l'impression d'assister à un règlement de comptes familial.

Hormis ce choix, ce qui pêche le plus, dans "Vicky", c'est le manque de rythme et de constance. Démarrant à plein régime, le film s'essouffle vite, avant de carrément faire du sur-place dans sa deuxième partie. Là où les dialogues et certaines situations réussissaient à faire mouche au début du film, c'est l'ennui qui s'installe. Malgré la sincérité de l'interprétation (notamment celle de Victoria Bedos et de l'épatante Chantal Lauby, particulièrement en forme), on a du mal à s'intéresser à cette famille et à son devenir. Tout au plus pourra-t-on se laisser porter par la musique, très présente dans le film et qui donne l'occasion de ré-entendre La Souris Déglinguée, Benjamin Biolay ou certaines chansonnettes bien plaisantes écrites pour l'occasion. 

C'est le premier long métrage de Denis Imbert, réalisateur et coscénariste de "Vicky", jusqu'alors connu pour avoir participé à la série "Platane". Gageons qu'il aura l'occasion d'infirmer ce départ raté, à l'occasion d'un autre film. 





mercredi 9 novembre 2016

Steamboy (2004)


Le genre steampunk, qui a ses adeptes en littérature, par exemple, a jusqu'à présent été assez mal servi par le septième art. On se souvient (ou pas) de "Capitaine Sky et le monde de demain" (qui mériterait un article ici, d'ailleurs) ou du dessin animé "La planète au trésor", mais rares sont les œuvres faisant plus qu'exploiter ce genre, révérant Jules Verne comme figure paternelle. Le créateur du manga "Akira", Katsuhiro Otomo, avait produit en 2004 un ambitieux long métrage d'animation. Ce dernier, "Steamboy" n'a pas autant marqué les mémoires que son précédent opus. Penchons-nous un instant sur ce film, si vous voulez bien. 

Dans un Age de la vapeur où Londres rayonne au centre de son Empire, le jeune Ray Steam, fils d'Edward et petit-fils de Lloyd, deux scientifiques ayant disparu suite à une expérience ayant mal tourné, reçoit un colis contenant une étrange sphère. Quand deux individus envoyés par la Fondation O'Hara surgissent pour s'en emparer, Ray comprend que cette invention va lui attirer pas mal d'ennuis. Qu'à cela ne tienne, le jeune garçon est plein de ressources...

Dès son début, "Steamboy" annonce la couleur : ça fume et ça explose dans tous les sens. l'action est au rendez-vous, et le décor est planté : c'est le règne de l'industrie qui est exposé. N'allons pas par quatre chemins : techniquement parlant, "Steamboy" est sublime, ni plus ni moins. Qu'il s'agisse des décors ou de l'animation, pour un dessin animé de plus de dix ans, il n'a pas pris une ride et pourrait encore en remontrer à certaines productions récentes. Bourré de trouvailles visuelles et s'avérant véritablement steampunk, au lieu de s'accoler ce qualificatif à la hâte, ce long métrage s'est donné les moyens de ses ambitions.

Graphiquement parlant, Otomo plonge son public dans un univers auquel il croit et auquel il réussit à faire adhérer le spectateur. S'autorisant des scènes d'exposition bienvenues, il allonge aussi celles consacrées à l'action (parfois excessivement, dans les séquences de batailles, qu'on pourra juger trop longues pour certaines). Résultat : "Steamboy" est long, peut-être un peu trop (plus de deux heures, ce qui est rare en animation), et aurait sans doute gagné à être raccourci d'un bon quart d'heure (voire plus) pour gagner en efficacité. La répétitivité des scènes d'action peut, en effet, provoquer quelque lassitude chez le spectateur.

Cela dit, au vu de la très belle utilisation des techniques d'animation de l'époque, dont certaines étaient encore à l'état de babillement, on ne peut qu'être admiratif du résultat obtenu, au moins en ce qui concerne la forme. Malgré un scénario qui aurait gagné à être condensé, "Steamboy" mérite d'être vu et sera forcément goûté par les amateurs du genre.





vendredi 4 novembre 2016

On voulait tout casser (2015)


Les amis sont une famille que l'on se choisit, paraît-il. L'amitié, thème riche, a bien souvent été traitée par le cinéma, donnant parfois de grands films et souvent de moins bonnes cuvées. Les lecteurs de ce blog ne l'ignorent pas, je suis amateur du film dit "choral". deuxième réalisation de Philippe Guillard après "Le fils à Jo",  "On voulait tout casser" n'a pourtant pas cassé la baraque lors de sa sortie. Penchons-nous sur ce film, histoire de voir s'il valait mieux que cet accueil frileux. 

Ils sont amis depuis des années et ont chacun leur vie, leurs problèmes, leurs défauts. Quand l'un d'entre eux décide de tout plaquer et de se lancer dans un tour du monde à la voile, ses quatre potes s'interrogent, jusqu'à découvrir que Kiki, qui semblait le plus assagi d'entre eux, est atteint d'une maladie incurable et leur a caché la vérité. Autour du condamné, les amis sont là, comme toujours...

J'aurais du me méfier. Philippe Guillard (dont je n'ai pas vu "Le fils à Jo") est, depuis pas mal d'années, le coscénariste de Fabien Onteniente, l'un des coupables à mes yeux du naufrage de la comédie française (je vous rassure, il y a d'autres noms sur ma liste). Malgré le bénéfice du doute, il faut reconnaître, très rapidement que nombre des défauts que portent des films comme "Camping", "Turf" ou "Jet Set" se retrouvent ici, étant même amplifiés par le genre auquel Guillard se frotte sans complexe. Convoquant des thèmes forts et souvent intimes (la maladie, le couple, les enfants), le réalisateur choisit de les aborder avec la délicatesse d'un tractopelle, broyant sur son passage tout début d'émotion qu'il aurait pu générer. 

Au centre d'un film de potes, doivent normalement se trouvent des personnages attachants, humains, avec leurs belles qualités et leurs faiblesses humaines. Dans "On voulait tout casser", les amis en question ne suscitent aucune empathie, parce qu'ils sont des caricatures ambulantes, souvent vulgaires, toujours agaçants, et l'on comprend mal comment ces cinq là ont pu devenir et rester amis. Entre le beauf parvenu cherchant à épater les autres par ce qu'il a et non ce qu'il est, le père divorcé qui a toujours un train de retard ou d'avance (au sens figuré) et la brute de la bande, pour ne citer qu'eux, on n’éprouve jamais le moindre attachement pour ce club des cinq, qui affiche constamment un machisme assez nauséabond. Incarnés par des acteurs en roue libre et peu convaincants, les personnages qui devraient être le principal intérêt du film deviennent vite son défaut majeur. C'est fâcheux.

Et puis, il y a le scénario. Alors que le destin funeste du personnage joué par Kad Merad (qu'on sent à peine concerné par son rôle, d'ailleurs) devrait être l'axe autour duquel se construit ce film choral, il devient presque anecdotique, comparé à ce qui préoccupe ses amis, entre leurs paternités, leurs couples (passés, présents ou futurs), leurs petits ennuis matériels et les comptes qu'ils n'ont pas su ou pu régler entre eux. Là aussi, c'est la maladresse qui l'emporte et donne au résultat final un tour bien peu engageant. 

Là où il aurait fallu de la finesse, c'est l'épaisseur et la lourdeur qui règne. En fin de compte, ce film ne casse pas grand chose, si ce n'est pas l'enthousiasme initial du spectateur. Passez votre chemin, si vous cherchez un film choral digne de ce nom, ce n'est pas encore pour cette fois.