mercredi 31 décembre 2014

Predestination (2014)


Cela faisait longtemps qu'un film échoué au rayon direct-to-video n'avait été l'objet d'une chronique dans ces colonnes. Mais, grâce (ou à cause) à une campagne publicitaire habile, "Predestination" a attiré mon attention. Pensez donc : du voyage dans le temps et ce qui s'annonçait comme un film à vous retourner le cerveau, n'ayant pas eu droit aux salles obscures, autant dire du pain béni pour ce blog. 

L'homme qui tient le bar n'est pas ce qu'"il semble être, comme va le découvrir John, avec qui il entame la discussion. Il fait partie d'une organisation qui maîtrise le voyage temporel. Après avoir écouté l'étrange et poignante histoire de John, qui fut auparavant Jane, cet étrange voyageur, à la poursuite d'un dangereux terroriste qui menace l'équilibre mondial, va confier son secret à son nouvel ami. 
De toute façon, il doit finir sa mission, puis renoncer à son statut si particulier, quelles que soient les conséquences...

Tiré d'une nouvelle de Robert A. Heinlein, à qui l'on doit quelques textes majeurs de la science-fiction (comme "Etoiles, garde à vous !" qui inspira "Starship Troopers"), "Predestination" a le mérite de l'audace. S'attaquer au voyage dans le temps et aux inévitables paradoxes qui en sont le corollaire exige un certain talent pour que l'oeuvre soit réussie. On en a vu plus d'un se casser les dents sur pareil exercice. Non content de s'y frotter, les frères Spierig se sont attaqués à un texte qui évoque aussi l'identité et ce qui fait qu'un individu est ce qu'il est. A ce titre, le parcours de Jane/John, dont le compte-rendu phagocyte une bonne partie du film, est déjà une histoire dans l'histoire, et pourrait presque se suffire à lui-même.

Les deux réalisateurs allemands de cette production australienne, déjà repérés avec "Daybreakers" (avec Ethan Hawke, déjà), ont une patte, il faut leur reconnaître cette qualité. Le film possède indéniablement une identité visuelle et narrative, qu'il s'agisse du design général ou du rythme imposé au récit. Ils ont également une véritable audace, puisqu'à ce qui aurait pu n'être qu'un bon petit thriller de science-fiction, ils ajoutent une couche de complexité en s'attaquant à des questions quasi-existentielles.
C'est sans doute là leur erreur, puisque la dernière partie du film en pâtit lourdement, faute d'une vraie clarification. Partant de la grande question "l’œuf ou la poule ?", "Predestination" perd son spectateur en ne bouclant pas totalement la boucle (ou les boucles, d'ailleurs, j'ai un doute) du début du film. Bien évidemment, cette approche peut être vue comme une invitation au spectateur : prenez les commandes et décidez de ce qu'est la fin (ou le début, là aussi, j'ai un doute) du film.

Porté par un Ethan Hawke dans un de ses meilleurs rôles, et par une Sarah Snook remarquable dans celui d'un personnage inattendu et subissant des transformations physiques non négligeables, le film manque néanmoins d'une véritable colonne vertébrale, à mes yeux. Les motivations des personnages auraient gagné à être mieux définies, les enjeux à être franchement tracés.

On portera au crédit de "Predestination" une atmosphère, un design indéniable, ainsi qu'une ambition à saluer. N'eût été un brin de confusion dans sa résolution, nous aurions pu célébrer une grande réussite. A défaut, c'est déjà un très bon moment.


vendredi 26 décembre 2014

Kidon (2013)


Les services secrets iisraéliens plus connus sous le nom de Mossad, ont déjà donné lieu à quelques adaptations au grand écran. On se souvient par exemple, du brillant "Munich" ou de l'efficace "Les patriotes". Récemment, une production franco-israélienne réalisée par Emmanuel Naccache, a mis en scène ce service à la réputation mondiale : "Kidon" (du nom du service du Mossad chargée des "éliminations") était cependant un film de divertissement plus qu'un thriller d'espionnage (tout en s'inspirant de faits réels), comme l'annonçait sa tagline, résolument orientée vers la comédie ("Le plan est parfait, l'équipe un peu moins"). Pour autant, le succès public ne fut pas au rendez-vous dans l'Hexagone.

C'est la panique dans les bureaux du Mossad. La presse vient de révéler que quatre membres de cette agence de renseignements ont été filmés après avoir assassiné Mahmoud-al-Mabhou, un des hauts responsables du Hamas. Les responsables du Mossad sont les premiers surpris, les coupables ne faisant pas partie de leurs services. Ils pensent donc qu'une opération a été montée à leur insu. La mort de Mahmoud-al-Mabhou risque cependant d'avoir des conséquences fâcheuses. 

Dès les premières séquences de "Kidon", le doute est permis. Louchant vers le film d'espionnage, le long métrage d'Emmanuel Naccache se donne des airs de "Ocean's eleven". Soit, l'exercice peut être intéressant, mais il nécessite un immense talent et, surtout, un scénario en béton armé. Quand, en plus, l'histoire qui est contée ambitionne de manipuler son spectateur et ses personnages, le dit scénario doit, en plus d'être complexe, rester lisible. C'est là le plus grand défaut du film. Très vite, le spectateur est laissé sur place et renonce à comprendre ce qui se passe à l'écran, se contentant d'une impression d'ensemble. 

Malgré une bande-son intéressante, la réalisation, souvent trop lente, n'arrive pas à donner la cohérence nécessaire à cette histoire mêlant espionnage et manipulation sur un ton mi-sérieux, mi-parodique. Pas assez drôle (notamment au niveau des dialogues, sans relief) pour qu'on s'amuse et ne mettant jamais ses personnages en réel danger, "Kidon" n'est pas non plus réussi, si l'on considère son versant "sérieux".

Du côté de l'interprétation, c'est là aussi un constat d'échec qui s'impose. Tomer Sisley, en cerveau de la bande, est égal à lui-même (c'est-à-dire qu'on voit l'acteur alors qu'on devrait voir le personnage), Kev Adams n'est guère crédible dans son rôle de hacker, tandis que Lionel Abelanski a du mal à donner de la crédibilité au sien. Quant à la très belle Bar Refaeli, elle aura droit à l'indulgence du jury, eu égard à sa très jolie plastique (qui compense son piètre jeu). Et ce ne sont pas les apparitions d'Hippolyte Girardot ou d'Elodie Hesme qui suffiront à nous consoler. 

A vouloir gagner sur tous les tableaux, "Kidon" finit par échouer sur tous. C'est dommage, car l'exercice avait, comme je le disais en exergue, un réel intérêt. On sort de ce film en se demandant si l'on a vu une parodie de film d'espionnage ou une histoire d'arnaqueurs amateurs. Quelle que soit l'option choisie, le verdict est cependant sans appel : c'est un film à oublier.






dimanche 21 décembre 2014

On a failli être amies (2014)


Quand, sur l'affiche d'un film, trônent les noms d'Emmanuelle Devos et de Karin Viard, j'ai tendance à me réjouir. Ces deux actrices, dans mon palmarès personnel, sont placées très haut sur l'échelle de l'admiration. Vous comprendrez donc, chères lectrices, chers lecteurs, que je me sois intéressé à "On a failli êtres amies", réalisé par Anne Le Ny, qui avait déjà été remarquée pour "Ceux qui restent" ou "Les invités de mon père". Pour sa dernière réalisation, la réalisatrice n'avait guère déchaîné les foules, malgré des critiques plutôt positives. 

 Marithé est formatrice pour adultes. Parmi ses élèves, majoritairement issus de plans sociaux et de reconversions forcées, se trouve Carole, femme de Sam, un restaurateur très en vue, plein d'énergie. S'attachant peu à peu au cas de Carole, Marithé va vite se rendre compte qu'elle est peu heureuse de son mariage et aspire à une nouvelle vie. De son côté, la formatrice découvre qu'elle est loin d'être insensible à la cuisine de Sam et à son charme.  

Anne Le Ny, actrice souvent remarquée dans des seconds rôles (je songe notamment à sa présence dans "Le goût des autres") est également une réalisatrice à qui l'on doit de jolis films. "Ceux qui restent", par exemple, abordait avec délicatesse un thème grave (la fin de vie et ce qu'il advient de ceux qui restent, comme dit le titre). Son film suivant, "Les invités de mon père", même s'il ne tenait pas toutes ses promesses et perdait en chemin son intérêt, valait encore le visionnage pour ses acteurs. Son dernier opus, "On a failli être amies", confirme hélas le diagnostic précédent. Commençant sur un ton social, il s'aventure sur le délicat chemin des relations amicales, fussent-elles intéressées ou factices, avant de se fourvoyer sur le terrain du vaudeville. 

Alors que l'émotion était palpable sur "Ceux qui restent" (avec, déjà, la délicieuse Emmanuelle Devos), celle qui aurait du alimenter chaque respiration des personnages de "On a failli être amies" est presque évanouie. Devenant vite téléphonée, l'histoire qui nous est contée perd vite tout intérêt, ainsi que (hélas) ses protagonistes. C'est d'autant plus dommageable que les deux interprètes principales donnent l'impression d'être sous-utilisées, endossant le rôle de personnages dont, finalement, on se fiche un peu. La lumineuse Emmanuelle Devos et l'énergique Karin Viard, épaulées par un Roschdy Zem qui réussit à être crédible en orfèvre de la gastronomie, ont beau faire de leur mieux, on ne s'attache pas à leurs destins. 

Il y a de quoi regretter le traitement du sujet. L'amitié entre ces deux femmes, qu'elle soit fondée sur de véritables sentiments ou sur des intérêts plus bas, aurait pu donner lieu à un film intéressant. Ce n'est pas le cas, cette fois. 
On a failli voir un bon film.


mardi 16 décembre 2014

Tristesse club (2014)


On s'est suffisamment lamenté (moi le premier) sur le naufrage de la comédie française pour snober les tentatives d'une jeune génération de renouveler le genre. Vincent Mariette, après trois courts métrages et quelques scénarios ça et là, nous offrit cette année son premier film, "Tristesse Club", qui mettait à l'affiche Vincent Macaigne (dont j'ai déjà dit le plus grand bien au sujet de "Deux automnes trois hivers"), Ludivine Sagnier et Laurent Lafitte-de-la-Comédie-Française. Malgré cette belle affiche, le film attira à peine 50 000 spectateurs en France. Était-ce mérité ?


Bruno et Léon, deux frères que tout oppose, se trouvent réunis suite à l'annonce du décès de leur père, qu'ils ont perdu de vue depuis quelque temps déjà. Sautant dans la Porsche 944 de Léon, ils se rendent au crématorium où doit avoir lieu la cérémonie et y font la connaissance de Chloé, une énigmatique jeune femme prétendant elle aussi être la fille du défunt. 
Mais de cérémonie, point. Parce que le père en question n'est pas mort, à en croire Chloé. Il a simplement disparu et elle compte sur les deux frères pour l'aider à le retrouver...sans leur avoir tout dit, cependant...

Classer "Tristesse club" dans la catégorie des comédies, c'est y aller un peu fort, même si ce n'est pas totalement faux. On y sourit souvent, mais les zygomatiques restent épargnés. En faire un drame, c'est tout aussi abusif. Certes, l'émotion est souvent là, tapie, prête à sauter sur le spectateur un peu vulnérable, mais ce n'est pas un film qui meurtrit le cœur ou l'âme. "Tristesse club" est, s'il faut absolument le définir, un voyage initiatique qui se penche sur le sort d'adultes pas tout à fait murs pour la vie. Léon et Bruno, avec leurs différences et leurs conflits, vont, comme on peut s'en douter, apprendre à se connaître mieux avant de pouvoir entreprendre la quête proposée par Chloé. Le ton employé par Vincent Mariette est tout à fait adapté au sujet : le réalisateur pose sur ses personnages et leur histoire, finalement toute simple, un regard dénué de jugement, tout en respect.

Si le scénario est remarquable de simplicité, il n'en est pas pour autant simpliste et dépourvu de finesse. Porté par trois acteurs remarquables (j'ai pu me réconcilier avec Laurent Lafitte, dont le "Seize ans ou presque" m'avait bien énervé il y a peu), "Tristesse club", avec son ton doux-amer, est de ces films qui peuvent parler à tous, sans utiliser les grands moyens. En ces temps où le cinéma français donne souvent envie d'éviter les salles obscures, rencontrer un film qui sort du lot mérite d'être signalé.


Alors, oui, c'est un petit film tout simple, mais qui a une âme.
C'est déjà beaucoup.


jeudi 11 décembre 2014

David et Madame Hansen (2011)




Alors qu'il rencontre en ce moment le succès public avec "Le domaine des Dieux", il m'a semblé pertinent de jeter un coup d’œil au film précédent d'Alexandre Astier, créateur de "Kaamelott". A l'opposé de sa récente adaptation des aventures du Gaulois le plus célèbre du monde, "David et Madame Hansen", malgré la présence à l'écran d'Isabelle Adjani, sortit presque en catimini et fut un échec commercial. En méritait-il autant (ou si peu, d'ailleurs) ?

David, ergothérapeute dans une clinique suisse, se voit, à la faveur d'un remplacement, confier une étrange patiente, Madame Hansen-Bergmann. Cachée derrières ses lunettes noires et ses longs cheveux blancs, cette femme étrange et visiblement fortement perturbée (elle peut être violemment provocante puis sombrer dans une profonde détresse) doit être accompagnée par David pour une promenade en ville. Entre le soignant, encore plein des idéaux de sa mission et la patiente, que la vie a abîmée plus qu'on ne peut l'imaginer, une étrange relation va se construire.

Alexandre Astier est un véritable homme-orchestre, comme on a déjà pu le voir sur sa déjà culte série "Kaamelott". Réalisateur, acteur, scénariste et compositeur, il a porté ce film du début à la fin, avec une foi qui force le respect, tant elle se respire du début à la fin. Traitant du traumatisme avec finesse, cette oeuvre n'est clairement pas ce qu'on pouvait attendre du réalisateur pour son premier film, jusqu'ici catalogué dans le registre des comiques. Si quelques dialogues affichent la saveur et le piquant qu'Alexandre Astier sait leur imprimer. L'homme affirme ici, une fois de plus, son talent de dialoguiste et son amour des mots. Il faut dire que la distribution est au diapason de la belle partition préparée pour elle. Hormis le réalisateur-scénariste, qui s'est réservé l'un des rôles-titres (ce qui ne veut pas dire pour autant que la tâche soit aisée), la prestation exceptionnelle d'Isabelle Adjani démontre, s'il en était besoin, que l'actrice n'a rien perdu de son talent. Capable d'agacer comme d'émouvoir aux larmes, celle qui est un monument du cinéma français fait montre de sa grâce, intacte après toutes ses années où elle fut trop rare. Il ne faut cependant pas occulter le reste du casting : mêmes les rôles les plus secondaires sont remarquablement bien tenus, et on saluera les performances de Julie-Anne Roth et de Victor Chambon, notamment. 

Après les lauriers que je viens de tresser à ce petit film, souligner ses quelques défauts peut paraître délicat. Pour un coup d'essai, "David et Madame Hansen" n'en est pas pour autant un coup de maître. On pourra lui reprocher quelques facilités, mais c'est sans doute parce que ce film cherche la lumière dans les ténèbres de l'âme, au fin fond de la détresse. Est-ce pour autant une erreur que de vouloir tendre vers l'optimisme ? Idéaliser parfois trop ses personnages et leurs intentions peut être vu comme un excès de candeur, mais les spectateurs les plus indulgents y verront une envie d'espoir, gageons-le.

Traitant d'un sujet difficile et douloureux, "David et Madame Hansen", avec son fabuleux duo d'acteurs (en particulier la merveilleuse Isabelle Adjani) aurait mérité plus d'égards lors de sa sortie. Réalisé avec talent, écrit avec finesse, ce film vaut plus que le tiède accueil qui fut le sien. Alors qu'Alexandre Astier rencontre le succès populaire, ceux qui se pencheront sur son premier long métrage risquent une belle et émouvante surprise...




samedi 6 décembre 2014

Deux automnes trois hivers (2013)


Certains films disposent de scénarios surprenants, gorgés de rebondissements et de twists. D'autres, aux antipodes, se contentent de poser le regard sur des gens ordinaires et leur vie de tous jours. Dans ce registre du septième art, il est des réalisateurs qui insufflent à leurs films une dimension telle qu'on ne peut oublier ce qu'on vient de voir, en sortant du cinéma. On évoquera par exemple les grands films de l'inoubliable Claude Sautet, ou ceux d'Eric Rohmer. Pour simples qu'elles soient, les histoires de tous les jours narrées dans ces longs métrages peuvent toucher parce qu'elles sont proches de nous. 

Arman, trentenaire parisien, a décidé de changer de vie et de donner un nouveau départ à son existence. Et, pour commencer, il s'est mis à courir, chaque semaine, aux Buttes-Chaumont. Cet exercice physique lui donnera l'occasion de rencontrer Amélie, en la percutant alors qu'elle aussi se livre à son footing. Alors qu'il a renoncé à la croiser de nouveau, le destin va les faire se retrouver, alors qu'Amélie se fait agresser. 
De son côté, Benjamin, ami proche d'Arman, est victime d'un accident vasculaire cérébral et va devoir suivre une rééducation qui lui fera rencontrer une charmante orthophoniste.  

Deuxième long-métrage de Sébastien Betbeder, après "Les nuits de Théodore" , "Deux automnes trois hivers" est une chronique douce-amère, de la vie de quelques bobos parisiens, de leurs petits et grands drames, de leurs joies, de leurs peines. Il y est question d'amour, d'amitié, de culture, de famille. Rien de bien nouveau sous les projecteurs, me direz-vous. C'est vrai, vous répondrais-je, seulement, le style qu'impose Betbeder à son histoire lui donne un ton pour le moins original. Découpant son scénario en chapitres, il laisse le soin à chacun des personnages d'exprimer ce qu'il ressent et la façon dont il a vécu les événements qui vont être présentés. La démarche est originale et, pour peu qu'on y adhère, peut susciter l'enthousiasme. 

Ajoutons à cela, une interprétation pleine d'entrain et le spectateur, s'il est enclin à s'aventurer du côté du cinéma d'auteur, devrait trouver son bonheur. Vincent Macaigne, avec son look approximatif, campe idéalement le personnage principal, accompagné avec bonheur par Bastien Bouillon et la ravissante Maud Wyler, pour ne citer qu'eux. Pour qui aime les acteurs, ce film est un régal. 

Si, par contre, vous êtes en quête d'un film au scénario riche de rebondissements, à l'histoire dont l'épaisseur dépasse celle d'un ticket de métro, vous risquez d'être cruellement déçu(e)(s). En effet, malgré toute la fraîcheur qu'apportent les interprètes, Vincent Macaigne en tête (oui, je me répète), il faut bien reconnaître que "Deux automnes, trois hivers" est un film où il ne se passe pas grand chose, où les protagonistes vivent leurs existences de bobos, devisent des mérites des films de Judd Apatow et exposent leurs tourments face à la caméra, sans forcément se soucier de l'intérêt qu'ils suscitent chez le spectateur. Si ce dernier n'est pas expressément venu chercher ce genre de film, il n'aura qu'une envie : quitter la salle ou, le cas échéant, presser la touche stop de sa télécommande. 



lundi 1 décembre 2014

Simon Werner a disparu (2010)

Les années lycée laissent des souvenirs parfois amers, parfois sucrés. Dans le cinéma, lorsque cet univers est exploité, c'est soit pour des comédies souvent au ras du sol (est-il besoin d'évoquer la navrante saga "American Pie" ?) ou des drames hélas trop ancrés dans l'actualité (le film "Elephant" vient naturellement à l'esprit). Le cinéma hexagonal a rarement franchi les portes des lycées pour aller voir ce qui se passait dans cet univers clos, où entrent des adolescents et dont sortent des adultes. Fabrice Gobert, dont c'est à ce jour la seule réalisation pour le grand écran, présenta en 2010 "Simon Werner a disparu..." au Festival de Cannes (dans la section "Un certain regard"). Malgré cela, et malgré la nomination qu'il obtint pour le César de la première oeuvre, ce film n'eut guère de succès... 


Dans les années 1990, un lycée de la région parisienne est le lieu d'un étrange fait divers : Simon Werner, élève sans histoire, disparaît sans laisser de traces. Alors, parmi ses camarades de classe, chacun y va de son hypothèse. Fugue, enlèvement, meurtre, qui sait ? 

Pendant les jours qui suivent (et ceux qui précèdent, également), le mystère s'épaissit : une jeune fille s'évanouit à son tour, puis vient le tour d'un autre garçon, toujours de la même classe.

Fabrice Gobert, qui a reçu maints lauriers pour sa récente et étonnante série "Les Revenants", est un réalisateur plutôt malin. Entamant son histoire sur le ton du thriller, il n'hésite pas à secouer son spectateur, à plusieurs reprises, en changeant radicalement de direction et de thématique, pour retomber sur ses pattes avec un aplomb que beaucoup pourraient lui envier. Tour à tour teen-movie, chronique des années lycée et thriller en bonne et due forme, "Simon Werner a disparu..." est un film multiforme, qui réussit la prouesse d'être bon sous toutes ses facettes. 



L'une des grandes idées du réalisateur est d'avoir placé son histoire dans le début des années 1990, sans cependant sombrer dans la caricature. Les adolescents de "Simon Werner a disparu..." n'ont rien en commun avec ceux d'aujourd'hui : il y a chez eux plus de neurones que d'hormones. Du coup, on s'attache plus facilement à ces personnages, même si, idéalisés, ils peuvent prendre des allures de personnages de conte. Ajoutez à cela une bande originale alignant des pépites du rock des années 1990 (Noir Désir, Killing Joke, No one is innocent), entre deux plages composées par Sonic Youth (excusez du peu !) et le bonheur sera complet. 

Les jeunes interprètes du film sont, c'est à souligner, remarquablement dirigés et donnent une prestation assez juste, nous épargnant le sur-jeu qu'on pouvait craindre (même si j'émettrais quelques réserves sur la performance de la jolie Ana Girardot). Parmi ces jeunes gens, il y a fort à parier que se trouvent quelques futurs grands noms du cinéma français. 

Jouant avec malice du découpage temporel et du ton de son film, Fabrice Gobert donne ici toute l'étendue de son talent, jusqu'au dénouement, qui peut décevoir après la tension installée durant le reste du film, ou simplement être la conclusion logique de cette histoire. Basé partiellement, paraît-il, sur ses souvenirs de lycée, "Simon Werner a disparu..." est porteur d'une nostalgie de ces années, mais aussi d'une identité propre. A l'heure où l'on n'a de cesse de se lamenter sur l'état actuel du cinéma français, mettre la main sur une vraie réussite est un véritable plaisir. Il était temps !




jeudi 27 novembre 2014

Mon pire cauchemar (2011)


Deux univers qui se rencontrent, aux antipodes l'un de l'autre, voilà un thème qui a donné lieu à d'innombrables récits, qu'ils soient cinématographiques ou pas. Au grand écran, le choc des cultures est un grand classique et peut donner le pire comme le meilleur. "Mon pire cauchemar", réalisé par Anne Fontaine, traitait de ce sujet maintes fois rebattu. Avec en têtes d'affiche Isabelle Huppert et Benoît Poelvoorde, ce film a pourtant du décevoir ses producteurs, puisqu'à sa sortie, les foules ne se bousculèrent pas.

Directrice d'une fondation d'art contemporain Agathe, vit dans un appartement parisien luxueux avec son mari et son fils. A l'autre bout de l'échelle sociale, Patrick vit dans sa camionnette avec son fils, dont il risque de perdre la garde. A priori, jamais ces deux êtres n'auraient du se rencontrer. Seulement, voilà : leurs enfants respectifs s'apprécient mutuellement. Tandis que son ménage bat de l'aile, Agathe croise donc le chemin de Patrick, plus souvent qu'elle ne l'aurait souhaité...


Le plus obtus des spectateurs devinera, à la lecture du pitch ci-dessus, que les deux protagonistes de "Mon pire cauchemar" vont, au fil du scénario, passer par des phases de rejet, puis d'affection mutuelle, voire d'amour. Je n'en dirai pas plus pour ne pas déflorer l'histoire. Anne Fontaine, qu'on a connue plus audacieuse, utilise ici des grosses ficelles déjà usées par leur utilisation intempestive, que ce soit dans le registre de la romcom ou de la comédie pure (oui, messieurs Boon et Veber, c'est de vous que je parle). Ici, le contraste entre les deux héros est saisissant : repris de justice, amateur de femmes et de la dive bouteille, Patrick est véritablement le pire cauchemar social d'Agathe, passionnée par l'art conceptuel et raffinée. 

Malheureusement, passé le choc des deux mondes représentés par les personnages principaux, Anne Fontaine a dû être bien embêtée et ne plus savoir que faire de son film. Alors, elle multiplie les pseudo-intrigues secondaires, histoire de tenir jusqu'à la fin du temps réglementaire. Ainsi, le mari d'Agathe se voit entraîné dans une liaison avec une femme plus jeune que lui (interprétée par la charmante, mais peu convaincante Virginie Efira), tandis que Patrick multiplie les provocations et les ennuis.

A cause d'un scénario qui utilise trop rapidement toutes ses cartouches, le film use et abuse des répétitions, voire des lourdeurs. Alors qu'on a vite compris que ces deux-là n'ont rien en commun et que chacune de leurs rencontres n'est qu'un prétexte à la mise en évidence de ce postulat, Anne Fontaine insiste lourdement et se voit contrainte de faire du remplissage, notamment dans les scènes concernant André Dussollier (sous-exploité) et Virginie Efira, séquences frôlant souvent le ridicule. 

Malgré tout leur talent, les deux comédiens principaux ne suffisent pas à sauver le film du naufrage, il faut bien l'avouer. Benoît Poelvoorde, impeccable en beauf à grande gueule et Isabelle Huppert, évidemment formidable en bourgeoise qui doute, sont les deux seuls atouts de cette comédie qui tire en longueur. Leur présence ne justifie pas pour autant de se déplacer pour voir ce film.



samedi 22 novembre 2014

Le dernier Cheyenne (1995)


L'immense (et mérité) succès de "Danse avec les loups" a, dans les années 1990, donné des idées aux scénaristes d'Hollywood. Après des décennies à jouer les mauvais sauvages (à de rares exceptions près), les Amérindiens avaient enfin des rôles dignes d'eux et, surtout, entrevoyaient le repentir de ceux qui avaient tout fait pour les chasser de leurs terres. Nous eûmes ainsi droit à des films souvent inégaux, parfois emplis de bonnes intentions : je citerais, par exemple, le "Géronimo" de Walter Hill, "Le dernier des Mohicans" de Michael Mann ou "Coeur de Tonnerre" de Michael Apted. Mais il existe aussi d'autres films moins remarqués qui s'aventuraient en terre indienne. J'ai récemment découvert fortuitement "Le dernier Cheyenne" et, dans un moment de faiblesse, me suis laissé tenter, espérant trouver une pépite oublié digne d'être redécouverte. Après tout, c'est la vocation première de ce blog, même si elle est souvent cause de déconvenues.


Après l'évasion de trois dangereux détenus durant leur transfert, le shérif Deegan missionne Lewis Gates pour les retrouver : ce redoutable chasseur de primes, habitué à la vie en pleine nature, fut également son gendre et Deegan le tient pour responsable de la mort accidentelle de sa fille. Après avoir remonté la piste des fuyards, Gates découvre, là où il pense qu'ils ont été attaqués, une flèche indienne. Après avoir rencontré la charmante mais opiniâtre Lilian Sloan, archéologue spécialisée dans les civilisations amérindiennes, Lewis va l'entraîner dans un périple que ni l'un ni l'autre ne pourront oublier. 

A la lecture de ce pitch, on peut s'attendre à tout, y compris à une bonne surprise. Hélas, je n'irai pas par quatre chemins, c'est hélas le pire qui est au rendez-vous. Malgré des décors sublimes et des acteurs qui ont prouvé par le passé qu'ils pouvaient donner le meilleur, "Le dernier Cheyenne", après les premières scènes, perd vite le bénéfice du doute qu'on avait pu lui accorder. 

Une fois qu'on connaît le passif de Tab Murphy, réalisateur de ce "Dernier Cheyenne", l'indigence du scénario se comprend mieux. L'homme est un ancien de chez Disney et pour sa première (et unique à ce jour) réalisation, n'a visiblement pu s'empêcher de filmer une histoire où tout finit par s'arranger, contre toute vraisemblance. Son scénario donne souvent l'impression d'avoir été écrit au fil du tournage, en dépit du bon sens. Si l'on ajoute à cela un montage visiblement commis sous l'emprise de la boisson, le désastre narratif est complet. 

Les comédiens, malgré tout le respect que j'ai pour eux, surjouent et n'arrivent pas à rendre leurs
personnages crédibles (mais sans doute n'y croient-ils pas eux-mêmes). Qu'il s'agisse de Tom Berenger (l'une des "gueules" du cinéma des années 1990), de Barbara Hershey ou de Kurtwood Smith, aucun n'arrive à inspirer l'indulgence pour ce film. 

Enfin, cerise sur le gâteau, la bande originale (pourtant composée par David Arnold, qui sait être inspiré, j'en veux pour preuve les très belles partitions qui accompagnent les épisodes de "Sherlock", pour ne citer que celles-ci), extrêmement envahissante et déboulant souvent comme un cheveu sur la soupe, n'étant que rarement en phase avec les scènes qu'elle illustre, donne une seule envie : couper le son et se contenter d'admirer les paysages. Car il est là, le seul atout du "Dernier Cheyenne" : les panoramas à couper le souffle du Montana. Mais, jusqu'à preuve du contraire, de beaux décors n'ont jamais suffi à faire un bon film.



lundi 17 novembre 2014

Cas & Dylan (2014)


Le cinéma indépendant américain, malgré son manque de visibilité face aux écrasantes productions hollywoodiennes, contient son lot de films méconnus, certains n'ayant même pas la chance de traverser l'Océan Atlantique pour parvenir jusqu'à nos salles. C'est notamment le cas de "Cas & Dylan", réalisé par Jason Priestley, et avec en tête d'affiche le grand Richard Dreyfuss, trop rare au cinéma. 

Médecin sexagénaire, Cas Pepper apprend qu'il est victime d'une tumeur cérébrale qui ne lui laisse que peu de temps à vivre. Il décide de partir vers l'Ouest quand surgit dans sa vie Dylan, jeune fille de vingt-deux ans, apprentie écrivaine, qui va s'incruster dans ce qui devait être son dernier voyage. L'un et l'autre vont devoir se supporter, avant de finalement s'apprécier, qui sait ?


Le thème de la rencontre improbable qui débouche pourtant sur une belle expérience humaine est un immense classique du cinéma. Maintes fois utilisé, avec plus ou moins de talent et de succès, ce principe est la fondation de "Cas & Dylan" : deux personnes que tout oppose se trouvent réunies, plus ou moins malgré elles, dans un voyage qui va changer à jamais le cours de leurs vies. Rien de bien original ni novateur dans l'histoire que nous conte ici Jason Priestley, surtout connu pour son travail au petit écran, d'un côté ou de l'autre de la caméra. 

A défaut d'originalité scénaristique, et celle-ci ne se trouvant pas non plus dans la réalisation (somme toute assez conventionnelle), c'est vers les personnages qu'on se tournera pour trouver du charme à "Cas & Dylan". Et là, que les acteurs en soient remerciés, la magie opère, contre toute attente. L'immense Richard Dreyfuss, qui n'a pourtant plus rien à prouver (son parcours professionnel démontrant qu'on peut atteindre en peu de temps le meilleur et le pire) donne à son personnage de vieillard ronchon une humanité telle qu'on se prend à apprécier le docteur Pepper. Assumant totalement son âge (et même plus), celui qui nous enchanta dans "Rencontres du troisième type", pour ne citer que cet exemple, montre qu'il n'a rien perdu de son talent. 

Face à lui, la jeune Tatiana Maslany, à l'instar de son personnage, ne s'en laisse pas conter et, tantôt
émouvante, tantôt agaçante, insuffle à Dylan Morgan ce qu'il fallait d'énergie pour qu'on s'attache à la jeune femme. En compagnie de ces deux êtres humains, le spectateur embarque pour un voyage dont on devine, certes, la destination finale, mais qui suit la route de l'émotion, sans appuyer sur la pédale du mélodrame.

Le parcours initiatique que nous propose "Cas & Dylan" est, certes, balisé et ne surprendra personne. Néanmoins, le ton doux-amer de ce voyage et, surtout, ses deux protagonistes principaux sont une raison suffisante pour embarquer avec eux. Ce petit film indépendant aurait mérité plus de visibilité. Il n'est jamais trop tard pour remédier à cela et lui offrir une deuxième chance bien méritée. 




samedi 15 novembre 2014

Rendez-vous avec le cinéma turc

Une nouvelle fois, je donne un petit coup de projecteur sur un événement cinématographique.

Pour le Centenaire du cinéma Turc,  l’ambassade de Turquie et le Ministère Turc de la Culture et du Tourisme proposent une rétrospective des plus grands films turcs à travers un événement dédié au cinéma. 
De nombreuses personnalités – acteurs, réalisateurs, auteurs – participeront à ce premier rendez-vous avec le public français. 






mardi 11 novembre 2014

La ritournelle (2014)

 

De "La femme du boulanger" à "Gone girl", le thème de ce que peut devenir un mariage a été maintes fois abordé au Septième Art, tantôt sur un ton grave, tantôt avec légèreté. Chacun a pu y trouver un écho à son expérience personnelle, à son ressenti. Marc Fitoussi, remarqué en 2012 avec "Pauline détective", a livré cette année "La ritournelle", avec Isabelle Huppert et Jean-Pierre Darroussin. Ce "petit" film n'eut pas l'heur de plaire au public francophone puisqu'il déplaça un peu plus de 300 000 spectateurs lors de sa sortie en salles.


Brigitte et Xavier, éleveurs de bovins, sont installés dans leur campagne normande depuis longtemps. Leur fils a quitté la maison et ils vivent désormais en vase clos. Si Xavier a les pieds sur terre et vit essentiellement pour son exploitation, Brigitte aspire à un tout autre bonheur.  Sous un faux prétexte, elle va quitter la ferme conjugale et s'offrir une virée à Paris. 
Comprenant que sa femme lui échappe, Xavier, de son côté, prend conscience de l'amour qu'il lui porte et va tout faire pour la retrouver...


A en croire "La ritournelle", la vie dans la campagne haut-normande est plutôt douce et l'on y est loin des conditions parfois infernales qui pèsent souvent sur les épaules des éleveurs. Mais passons sur cette réserve : on est dans un film, pas dans un documentaire. Et, pour être précis, c'est un film doux-amer, un peu romantique, parfois drôle, parfois moins, que nous réserve Marc Fitoussi. L'histoire qui nous est racontée là est toute simple, à l'image de la vie des personnages principaux. C'est sans doute pour cela qu'elle peut facilement toucher tout un chacun. Cette simplicité est aussi son défaut, puisque (surtout en deuxième partie), on relèvera quelques longueurs et quelques répétitions. 

L'énorme atout de "La ritournelle" est son interprétation et, pour être précis, le magnifique duo d'acteurs qui donnent vie à ses deux personnages principaux. Jean-Pierre Darroussin, comme toujours épatant dans un rôle d'agriculteur bougon redécouvrant son coeur qui bat sous la carapace, prouve qu'il peut tout jouer. Mon avis est sans doute partial, tant j'apprécie cet acteur depuis que je l'ai découvert dans le culte "Mes meilleurs copains", mais j'assume. Face à lui, Isabelle Huppert est remarquable de justesse, dans un rôle de femme qui doute et hésite. Les seconds rôles sont à l'avenant, comme Pio Marmaï ou Michael Nyqvist (le héros suédois des films "Millenium", en version originale). Le talent de ces acteurs fait oublier bon nombre des défauts du film, tant on a plaisir à les voir incarner sans défaut leurs personnages.

Alors, oui, "La ritournelle" est une histoire toute simple, sans doute déjà vue et revue, mais ce film a un petit rien de charme (en grande partie dû à ses deux principaux interprètes) qui fait qu'on peut l'aimer. Si vous êtes en quête d'une histoire simple, mais universelle, pleine d'humanité, ce film trouvera, je l'espère, grâce à vos yeux.


jeudi 6 novembre 2014

Les morsures de l'aube (2001)


Enfant de la télévision, Antoine de Caunes a, après avoir quitté "Nulle part ailleurs", tenté sa chance du côté du grand écran, des deux côtés de la caméra. On se souviendra évidemment de ses quelques rôles marquants ("L'homme est une femme comme les autres", par exemple), mais on a tendance à oublier qu'il a aussi été réalisateur, souvent dans le cadre de projets audacieux. Le moins que l'on puisse dire, c'est que le succès ne fut pas toujours au rendez-vous. Qu'il s'agisse de "Coluche, l'histoire d'un mec", de "Monsieur N" ou des "Morsures de l'aube", Antoine de Caunes, le réalisateur rata chaque fois sa rencontre avec le public. 

Pique-assiettes, Antoine vit au cœur de la nuit parisienne et cherche à se faire une place au cœur de la jet-set. Un soir, après avoir réussi à s'incruster dans une soirée huppée, il se voit confier une étrange mission par l'homme qui organisait la soirée : trouver le mystérieux Jordan. Au cours de ses pérégrinations et de son enquête, Antoine finit par rencontrer la ténébreuse et envoûtante Violaine, sœur du fameux Jordan. Après avoir fini la nuit avec elle de bien curieuse façon, Antoine n'a plus qu'une envie : retrouver la jeune femme...

Un film noir et fantastique (ou pas) français est une chose suffisamment rare pour qu'on s'y penche avec curiosité, voire avec bienveillance. Ils sont bien peu nombreux, dans notre contrée, à s'être frottés au cinéma de genre, et encore moins nombreux ceux qui réussirent l'exercice. Pour adapter le roman de Tonino Benacquista, Antoine de Caunes fit appel à son ami Laurent Chalumeau, qui prit quelques libertés avec le matériau originel. La plume du romancier (et auteur de nombre de ses sketchs de l'époque "Canal") se ressent dans les dialogues. Le verbe parfois mordant (excusez ce mot facile) est cependant déplacé dans le thème abordé par "Les morsures de l'aube". Là où l'on attendait un thriller, voire une fable fantastique, on s'égare parfois sur le territoire de la comédie, surtout quand certains personnages sont l'occasion de prestations parfois dispensables (je songe notamment à celle de José Garcia). 

La distribution, assez inégale, est un des défauts du film. Si on peut vite être subjugué par la vénéneuse Asia Argento, et mieux comprendre la fascination qu'elle exerce sur le héros du film, la prestation de Guillaume Canet est de bien moindre qualité. Propulsé jeune premier du cinéma français, il prouve, dans ce film, qu'il lui reste une belle marge de manœuvre avant de faire de l'ombre aux grands (libre à chacun d'estimer que cette marge est comblée aujourd'hui). Dans des rôles plus secondaires, on appréciera (ou pas, c'est selon) la présence de Gérard Lanvin, de Gilbert Melki, du déjà cité José Garcia ou du fugace Vincent Pérez.

L'ambition de l'ouvrage est indéniable et, par moments, on se surprend à croire en la réussite de l'adaptation. Malheureusement, la mise en scène d'Antoine de Caunes manque souvent d'épaisseur et de conviction, au point qu'on a souvent l'impression d'assister à une balade dans le Paris nocturne et underground, à laquelle le réalisateur a convié ses copains. Cela ne suffit pas, vous en conviendrez, pour réussir un film. Il eût fallu pour cela une histoire plus consistante et la mise en scène qui va avec.









samedi 1 novembre 2014

The Spirit (2008)



Si je vous dis "Frank Miller", "film en noir et blanc (avec quelques touches de rouge)", vous allez probablement songer à "Sin City", et vous pourriez vous demander ce que cet article fait ici, au vu du succès de cette franchise. Ce serait oublier que, dans la foulée du succès du film réalisé par Robert Rodriguez (où il avait un petit rôle et qu'il coréalisa) et de "300" (tiré d'un de ses romans graphiques), Frank Miller prit goût au cinéma et mit en scène (tout seul, cette fois) "The Spirit", d'après la bande dessinée éponyme de Will Eisner. Mal lui en prit, puisque le public bouda cette adaptation. 

The Spirit fait régner l'ordre sur Central City, ou plutôt essaie. Parce que cet ancien policier, revenu de chez les morts, doit lutter contre l'Octopus, un super-vilain qui cherche à s'emparer d'une amphore de sang venue d'une autre époque. Mais il semble que l'Octopus ne soit pas le seul à rechercher ce mystérieux objet. Une certaine Sand Saref convoite elle aussi cet artefact et semble prête à tout pour que l'Octopus et ses sbires ne l'emportent pas. 

Dessinateur remarquable par son talent, Frank Miller ferait sans doute bien de se cantonner à ce qu'il maîtrise le mieux. Parce que si, à une planche à dessin, le bonhomme n'a de leçon à recevoir de personne, en matière de réalisation, il a encore de la marge. Tentant visiblement d'exploiter le filon de "Sin City", Miller fait ici preuve de bien moins de virtuosité que Robert Rodriguez en avait démontré. Mais, surtout, l'impression qui prédomine au visionnage de "The Spirit" reste le manque de foi qu'a Miller en lui. Usant d'un ton mi-héroïque, mi-parodique, le réalisateur ne réussit pas à faire adhérer le spectateur à son histoire et, du coup, peine à faire décoller son film. 

Alors, les acteurs font ce qu'ils peuvent, voire ce qu'ils veulent. Gabriel Macht est aussi charismatique qu'une huître dans le rôle titre (et n'est aidé en rien par son doublage calamiteux), tandis que Samuel L. Jackson en fait des tonnes. Eva Mendès, malgré son physique de bombe atomique, n'est guère convaincante, tandis que Scarlett Johansson, dans un rôle vite oubliable, fera regretter le déplacement à ceux qui regarderont le film pour elle.

Les dialogues un brin désuets et le scénario très prévisible n'arrangent rien au diagnostic. Au final, on a l'impression désagréable que Miller ne respecte pas son sujet (et son spectateur, au passage) et le maltraite, faute d'y croire. Cette faute (majeure, en termes de cinéma) fait de "The Spirit" un échec artistique.




mercredi 29 octobre 2014

Festival du Cinéma et Musique de Film de la Baule

Une fois n'est pas coutume, je relaie ici la première édition d'un festival prometteur.
Avis aux amateurs !


Du jeudi 20 au dimanche 23 novembre 2014, la 1ère édition du Festival du Cinéma et
Musique de Film de La Baule créé et présidé par Christophe Barratier (Les Choristes, Faubourg 36, La Nouvelle Guerre des Boutons) et Sam Bobino (délégué général des Prix des Lumières), proposera une vingtaine de films (compétition officielle, rétrospectives, avant-premières) projetés gratuitement ainsi que des rencontres avec le public et des ciné-concerts.

Pour cette 1ère édition, le jury sera présidé par le réalisateur et scénariste Jean Becker (L'été meurtrier, Elisa, Les enfants du marais, La tête en friche et Bon rétablissement en salles actuellement). La sélection officielle comportera six films internationaux qui concourront pour l'Ibis d'Or.

Un hommage exceptionnel sera rendu au réalisateur Claude Lelouch et au compositeur Francis Lai qui célèbrent cette année leur 50 ans de collaboration, lors de la cérémonie de clôture, samedi 22 novembre au Palais des Congrès Atlantia de la Baule. Cet hommage sera suivi d'un concert Ciné Musique donné par l'orchestre philharmonique de Prague (50 musiciens) qui interprétera les plus grands classiques du cinéma dont les images seront projetées en simultané (Cheyenne Productions), avec la complicité de Francis Huster.

L’acteur et réalisateur Jean-Paul Rouve sera l’invité de cette 1ère édition du Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule. Son nouveau film Les Souvenirs, en salles le 15 janvier prochain (musique composée par Alexis Rault), sera projeté en avant-première le vendredi 21 novembre au cinéma le Gulf Stream, en présence de toute l’équipe (Annie Cordy, Mathieu Spinosi, Michel Blanc, Chantal Lauby et Audrey Lamy).

Depuis la dernière édition, en 2008, du Festival de Musique et Cinéma d’Auxerre, aucun
autre festival d’importance n’avait remis à l’honneur le mariage entre musique et cinéma en France. Le Festival du cinéma et Musique de Film de la Baule souhaite s’inscrire dans le prolongement de ce festival et des festivals audacieux et créatifs.

Les Présidents du Festival : Christophe Barratier et Sam Bobino (photo DR : Patrick Gérard)

Infos, accréditations, espace pro : http://www.festival-labaule.com/

lundi 27 octobre 2014

Dans la cour (2014)


Les personnages mis en scène par Pierre Salvadori sont en général éborgnés par la vie. On se souviendra avec émotion des deux comparses des "Apprentis" (sans doute son meilleur film), interprétés par les inoubliables Guillaume Depardieu et François Cluzet. Le réalisateur a un talent incontestable pour brosser le portrait d'humains malmenés par l'existence, tenant tant bien que mal et craquant souvent. Son dernier film, "Dans la cour", qui mettait en scène un duo inattendu composé de Catherine Deneuve et de Gustave Kervern, était, c'est le moins que l'on puisse dire, ancré dans son époque. Malheureusement, le fait est qu'il ne rencontra pas son public, avec environ 300 000 spectateurs au final.

Antoine, rocker quadragénaire, craque un soir de concert, et laisse tout tomber. Il finit par se retrouver gardien d'immeuble, dans une petite copropriété parisienne. Dans la cour de cet immeuble, se croisent des êtres humains à la dérive. Parmi eux se trouve Mathilde, qui découvre sur un de ses murs une fissure inquiétante, qui va faire naître chez elle une angoisse de plus en plus forte. Se prenant d'amitié l'un pour l'autre, Mathilde et Antoine vont s'accrocher l'un à l'autre...

Bien reçu par les critiques (comme c'est souvent le cas pour ce réalisateur), le dernier film de Pierre Salvadori, après "De vrais mensonges" (en 2010) représente indéniablement un virage dans l'oeuvre de ce metteur en scène. Si ses précédents longs métrages portaient une dose importante de comédie, tout en gardant une dimension sociale et humaine, "Dans la cour" est plus un drame qu'une comédie, malgré quelques moments amusants. Le portrait en creux qu'il brosse de notre société, par le biais de la population de la dite cour, n'incite guère à la crampe des zygomatiques. Mais c'est pour mieux faire vibrer le cœur du spectateur. Car s'il est une chose certaine, chez Pierre Salvadori, c'est l'amour qu'il porte à ses personnages, élément que l'on avait déjà capté dès ses tout premiers films (souvenez-vous du délicieux "Cible émouvante"). Pour transposer à l'écran cet attachement, il pose sa caméra tout en douceur à hauteur de femme et d'homme, pour donner à ses acteurs toute la latitude nécessaire. 

Dire que les comédiens sont remarquables tient de l'euphémisme : Catherine Deneuve tient là son
meilleur rôle depuis longtemps, avec un personnage qui lui permet d'assumer pleinement son âge et les fissures qui vont de pair. Face à elle, Gustave Kervern, à mille lieues de ses pitreries de Groland, se glisse merveilleusement dans la peau d'Antoine, lui apportant une bonhomie mélancolique inattendue. A leurs côtés, le trop rare Féodor Atkine et l'étonnant Pio Marmaï sont également au diapason, et servent justement une belle partition.

Alors, pourquoi pareil insuccès ? Est-ce parce que "Dans la cour" a été vendu comme une comédie et n'en était pas réellement une ? Ou parce que les films de Pierre Salvadori peuvent sembler réservés à un public averti (ce qui est totalement faux) ? J'avoue être en peine d'expliquer pourquoi ce film n'a pas eu plus de succès dans les salles. Pour une fois qu'un film français mérite d'être vu, parce qu'il parle intelligemment de notre monde et de notre vie, il reste surprenant que le public passe à côté...

Une dernière explication (et sans doute la plus valable) à l'échec de ce touchant petit film est à mettre au compte du calendrier. "Dans la cour" sortit sur les grands écrans une semaine après "Qu'est-ce qu'on a a fait au bon dieu ?". Dans l'ombre de cet immense succès (mérité ou non, la question reste posée) du cinéma français, il lui était sans doute difficile de s'en sortir avec les honneurs. On se réfugiera dans cette dernière explication : il est difficile de croire que le public français (connu pour son bon goût) ait délibérément boudé un si joli film.


mercredi 22 octobre 2014

They came together (2014)


A maintes reprises, et il n'y a pas si longtemps, j'ai traité en ces colonnes du sort de comédies romantiques. On pourrait d'ailleurs croire que c'est un genre habitué aux échecs ou que ce style m'est particulièrement cher, allez savoir. Souvent mal abordé, voire maltraité, le genre doit trouver le point d'équilibre entre romance et drôlerie sans rater sa cible. Soyons francs, l'alchimie ne fonctionne pas toujours : le cinéma hexagonal, par exemple, semble s'être fait un spécialiste de l'échec en la matière. Outre-Atlantique, les romcoms sont produites à la chaîne, semble-t-il, et sont extrêmement formatées, quitte à être vite oubliées. Certaines se détachent cependant du lot, par leurs qualités, leurs défauts, ou leur originalité. N'ayant pas bénéficié d'une sortie en salles dans notre contrée, "They came together" avait pris le parti de tourner en dérision les comédies romantiques américaines "classiques".

Au restaurant, deux couples d'amis racontent les circonstances de leurs rencontres respectives. Joel et Molly, quand vient leur tour, vont décrire depuis le début toute leur histoire d'amour. Celle-ci était pourtant mal engagée : employé par une grosse entreprise de confiserie industrielle, Joel était alors en charge du projet qui devait conduire à la fermeture de la petite boutique de bonbons tenues par Molly. Quand tous deux se rencontrent dans une soirée organisée par des amis communs, nul n'aurait pu douter qu'ils étaient faits l'un pour l'autre.
Ou pas...

Passées les premières scènes, on comprend vite le stratagème : "They came together" nous fait le coup de la parodie, voire de la mise en abyme. Pourquoi pas ? La romcom, genre à part entière (et maintes fois chroniqué en ces colonnes) mérite amplement qu'on la moque ou qu'on la décortique, comme je le disais en ouverture. Et, dans la première partie du film, on est en droit de se dire que l'exercice est salutaire et qu'il pourrait être réussi. Les clichés inhérents au genre sont pointés du doigt et le film utilise habilement les références aux classiques du genre. Malheureusement, très vite, on se rend compte que le film ne tient pas la distance. A force de répétitions et d'égarement dans les travers actuels de la comédie américaine (en clair, les gags et les vannes sous la ceinture), la pertinence de la parodie prend l'eau. Là où il aurait fallu jouer de finesse, "They came together" gâche son postulat de base en usant des moyens les plus grossiers.

Paul Rudd et Amy Poehler, en couple improbable mais pourtant évident (la contradiction fondatrice du genre) sont en territoire connu : l'un et l'autre sont des fidèles du genre (et du réalisateur, en ce qui concerne Paul Rudd). Cependant, à force de pousser le curseur de leur jeu trop loin dans le registre comique, ils deviennent vite agaçants, comme la majeure partie du casting.

Était-il pertinent de vouloir parodier un genre qui comporte déjà sa part d'autodérision ? Au vu du résultat, on est en droit de se poser la question, tant le visionnage de "They came together" laisse dubitatif. Sans doute la méthode employée manque-t-elle de subtilité et d'efficacité, mais un traitement tout en finesse aurait-il assuré la réussite de l'entreprise ? Toujours est-il que David Wain, le réalisateur et co-scénariste, n'est pas un adepte de la subtilité et n'était sans doute pas le metteur en scène idéal pour une attaque plus subtile de la chose...

Le jeu appuyé et parfois outrancier de ses interprètes et ses quelques égarements en des territoires plutôt gras jouent en la défaveur de cet exercice qu'on aurait aimé plus subtil. C'est dommage : l'exercice aurait pu être plus savoureux. Pour le coup, sans qu'on puisse ranger "They came together" dans la catégorie des navets honteux, il n'est cependant pas un bon film.