jeudi 1 juillet 2021

La dernière séance !



Le temps est venu du clap de fin pour ce blog.
Après quelques années (tout de même !) à tenter de donner une deuxième chance (ou pas) à des films qui le méritaient (ou pas), l'heure est venue de passer à d'autres projets. Les meilleures choses ont une fin, comme dit l'adage.

Un grand merci à toutes celles et tous ceux qui ont partagé cette aventure...
Portez-vous bien, amis cinéphiles (et n'espérez pas que je vous oublie ;-))...et vive le cinéma !

mercredi 2 juin 2021

Edmond (2019)

 


Maintes fois adapté au cinéma, "Cyrano de Bergerac" fait indéniablement partie du patrimoine culturel français. Son auteur, Edmond Rostand, n'avait guère connu le succès jusqu'à cette pièce et resta à jamais le créateur de Cyrano. En adaptant sa propre pièce de théâtre, qui rendait hommage à Rostand, Alexis Michalik passait pour la première fois derrière la caméra pour "Edmond". Salué par nombre de critiques, ce film ne déchaîna pas pour autant les foules. Alors, Edmond Rostand méritait-il mieux ? 

1897 : Edmond Rostand n'a rien écrit depuis sa dernière pièce et la ruine le guette. Pour éviter la ruine, il propose au célèbre acteur Coquelin de jouer dans sa prochaine pièce. Le comédien accepte, mais très vite, un problème se pose : Rostand n'a pas écrit la première ligne de la dite pièce et, alors que la date de la première approche, l'inspiration lui fait défaut. On ne jure à l'époque que par Feydeau et les écrits de Rostand n'ont guère de succès.
Il va devoir, en quelques jours, créer une nouvelle pièce, celle de la dernière chance. Ce sera "Cyrano de Bergerac".

Pour peu qu'on apprécie l'époque décrite (la Belle Epoque), on se régalera au visionnage de "Edmond" : l'immersion, à laquelle concourent décors et costumes, est totale. En s'affranchissant des limites de la scène théâtrale, où il rencontra un immense succès avec le matériau d'origine, Alexis Michalik gagne en amplitude et tire le meilleur de l'esthétique de l'époque. Mais la réussite globale de "Edmond" ne réside pas seulement dans sa forme. Le passage des planches au grand écran s'avère également bénéfique, en amplifiant les effets de rythme propres au théâtre. Presque rocambolesque (dans le bon sens du terme), "Edmond" ne présente aucun temps mort et ses rebondissements donnent une énergie notable à l'histoire qui nous est contée là. 

On pense énormément à "Shakespeare in love" en visionnant "Edmond", mais le fait est que ce film dispose tout de même de son identité propre, de sa patte qui en fait une œuvre qu'on a plaisir à visionner. La génèse (fictionnelle) de "Cyrano de Bergerac" et la façon dont un créateur accède enfin au succès qui se refusait à lui jusque là tient du parcours tant initiatique que de la course d'endurance. Pour fantaisiste qu'elle soit, l'histoire pousse le spectateur à admirer d'autant plus ceux qui aidèrent à la création du monument qui éclot pendant le film. 

L'interprétation magistrale d'Olivier Gourmet (une fois de plus) dans le rôle de Coquelin est sans doute l'un des plus beaux atouts du film, au point qu'il vole souvent la vedette à Thomas Solivérès, dans le rôle titre (pourtant fort convaincant). En vieux cabot qui touche enfin le rôle de sa vie (et contribue parfois à le créer), Olivier Gourmet prouve ici, s'il en était besoin, qu'il est un acteur sur lequel on peut monter un grand film. 

On ne peut que regretter que "Edmond" n'ait pas séduit plus de spectateurs. En décrivant ce qui se passe de l'autre côté du rideau et en mettant la lumière sur un créateur plutôt que sur sa créature, il optait pour une démarche dynamique et souvent amusante. Il aurait mérité plus de succès, sans l'ombre d'un doute...




 


mercredi 26 mai 2021

Comme un chef (2012)

 

Depuis quelques années, la gastronomie est revenue sur le devant de la scène, à la faveur d'émissions et de shows mettant en valeur les petits plats et le bonheur des papilles. Le cinéma a naturellement pris le train en marche et on a pu savourer (ou pas) des films se déroulant en cuisine. De "A vif" à "#Chef", pour n'en citer que deux, ils furent nombreux, les acteurs qui passèrent aux fourneaux. "Comme un chef" de Daniel Cohen vit s'affronter Jean Reno et Michael Youn, mais ne fut guère goûté à sa sortie, malgré les saveurs annoncées sur l'affiche. Depuis, il est resservi régulièrement sur le petit écran et a eu donc droit à quantité de séances de rattrapage (ou pas).

Jacky Bonnot, malgré son amour de la cuisine et son talent réel pour mitonner des petits plats, vivote de petits boulots, au grand désespoir de sa compagne, qui porte son enfant, et aimerait le voir garder un poste plus que quelques jours. Le hasard lui fait rencontrer le grand Alexandre Lagarde, chef étoilé qui doit affronter les financiers et voit ses étoiles menacées. Les deux cuisiniers sauront-ils faire cause commune pour avancer ? Leurs caractères dissemblables peuvent-ils s'accorder, dans la cuisine ?

Deux personnages que tout oppose, forcés de coopérer pour se sortir d'une situation compliquée : le postulat de base de "Comme un chef" n'a rien d'original. En le plaçant dans le monde de la gastronomie, son réalisateur ne fait pas montre d'une grande audace, mais choisit un décor de comédie avéré. De "La cuisine au beurre" à "L'aile ou la cuisse", le cinéma français s'est amusé plus d'une fois avec les casseroles (et en a traîné pas mal, au passage). 

Le problème, c'est que "Comme un chef" ne fonctionne pas très bien, pour le dire gentiment. Le scénario ne fait qu'accumuler les scènes, s'autorisant tout au prétexte d'arriver à sa résolution finale. On tiquera à plusieurs moments, selon l'indulgence que l'on aura à ce moment, mais certaines séquences, en particulier celles tentant la carte de la comédie pure, plombent le film plus qu'elles ne l'enrichissent (je songe notamment à celle de l'ambassadeur au restaurant). 

Du côté de l'interprétation, ce n'est guère mieux. On pourra, au choix, se lamenter du peu de profondeur des personnages, souvent caricaturaux, ou de leur interprétation. Les deux acteurs principaux ne sont jamais convaincants. Jean Reno, souvent monolithique, se contente de faire acte de présence dans la plupart de ses scènes, tandis que Michael Youn, tout en agitation, ne convainc jamais. Ce n'est pas non plus dans les seconds rôles qu'on pourra se consoler. A l'image de Julien Boisselier, dans un rôle plus que caricatural, ils n'ont guère l'occasion de briller. 

Ce qui aurait pu être une sympathique comédie populaire s'avère finalement un film paresseux, tentant de surfer sur la vague des émissions culinaires du moment, mais n'offrant rien de très nouveau. Ca sent le réchauffé, du côté de "Comme un chef". Si certains plats supportent ce traitement et, parfois, y gagnent en saveur, ce n'est pas le cas de ce film. 



mercredi 19 mai 2021

Parents d'élèves (2020)

 


Au nombre des (trop) nombreuses victimes collatérales de la crise sanitaire, certains films ont eu droit à une sortie rapide et à quelques jours de projection avant de voir le rideau tomber sur les salles de cinéma. Si certains d'entre eux bénéficieront d'une ressortie sous peu, la plupart finiront leur carrière sur le marché vidéo, et bien en-deçà de leurs espérances initiales. Parmi ceux sortis l'automne dernier, "Parents d'élèves", de Noémie Saglio (réalisatrice de la série "Connasse", ainsi que du film qui en fut tiré), reviendra-t-il au cinéma, quand ré-ouvriront les salles ? 

Bien installé dans sa petite vie tranquille de trentenaire, Vincent va, pour rendre service à sa voisine, prendre en charge le fils de celle-ci et l'emmener chaque jour à l'école. Passant malgré lui pour le père du garçon, Vincent se retrouve pris dans l'étrange communauté des parents d'élèves. Mais, quand il croise Nora, l'institutrice, il décide de jouer le jeu. A lui la joie des réunions, des sorties scolaires et des kermesses, et tant pis s'il ment un peu. 

Si l'affiche du film semble être claire à ce sujet, dissipons tout de suite le doute : nous avons affaire à une comédie. Certes, "Parents d'élèves" effleure de temps en temps les difficultés du corps enseignant, mais son véritable propos n'est pas là. Il ne s'agit pas d'un film militant, ni social, mais bel et bien d'une comédie avec une forte composante romantique. L'école qui tient lieu de décor n'est pas de celles laissées à elles-mêmes, mais ressemble à un petit nid douillet logé dans un quartier sans tache. Pour le réalisme, on repassera donc. 

L'itinéraire du film, très balisé, puisqu'empruntant majoritairement à la romcom, est donc un fleuve tranquille pour le spectateur, à défaut de l'être pour son héros (mais cela fait partie du genre). une fois accepté le cahier des charges inhérent au genre, il est tout à fait acceptable de s'installer devant "Parents d'élèves". Le film remplit une à une toutes les cases du registre, sans ostentation cependant, et c'est tout à son honneur. 

Au chapitre des points positifs, l'interprétation est fort honorable. Entre sensibilité et désinvolture, Vincent Dedienne se sort honorablement de ce premier rôle, tandis que l'inattendue Camelia Jordana réussit à être crédible dans son rôle d'institutrice entièrement dévouée à sa mission. Ajoutons à cela une ribambelle de seconds rôles contrastés et souvent savoureux (ingrédients indispensables, eux aussi, à la réussite d'une romcom) et il faut bien admettre que "Parents d'élèves" est plutôt réussi, dans son genre. 

On passe un moment sympathique durant ce "Parents d'élèves", même si ce film ne laisse guère de traces dans les mémoires. Sa vocation première étant probablement de faire passer un instant agréable à ses spectateurs, on peut donc considérer qu'il remplit sa mission. Ce n'est déjà pas mal. 



mercredi 12 mai 2021

Le petit locataire (2016)

S'il est un registre cinématographique auquel on peut associer une nationalité, c'est sans doute la comédie sociale, qui me semble attachée au Royaume-Uni. Nombreuses furent les tentatives d'approcher ou d'égaler le talent de Ken Loach ou de Mike Leigh, pour n'en citer que deux, dans ce délicat exercice de style consistant à parler de notre monde sans se moquer de ceux qui tentent d'y survivre. Le cinéma hexagonal s'est frotté plus d'une fois à ce registre, avec plus ou moins de bonheur : de "Normandie Nue" à Bowling", le résultat fut contrasté. Pour autant, les tentatives continuent. Avec Karin Viard en tête d'affiche, "Le petit locataire" a tenté sa chance, sans rencontrer le succès à sa sortie. 

Elle ne s'y attendait pas, Nicole. A 49 ans, alors qu'elle est déjà grand-mère, que sa fille vit toujours chez elle, qu'elle héberge sa mère invalide, et que son mari renâcle à trouver un emploi, elle pensait avoir tourné la page de la maternité. Mais quand son gynécologue lui annonce qu'elle va de nouveau être maman, Nicole prend un sacré coup sur la tête. N'est-il pas trop tard pour elle ?

Il semble évident que "Le petit locataire" ambitionne d'explorer le terrain de la comédie sociale, genre dominé par le cinéma britannique. En plaçant son histoire chez des gens "normaux", voire de la France d'en-bas, Nadège Loiseau semble, dans un premier temps, s'engager sur un terrain souvent mal exploité dans le cinéma francophone. Cette louable ambition ne tient malheureusement pas très longtemps, le film s'orientant rapidement vers la comédie pure, choisissant de concentrer son propos sur l'héroïne et sa famille et délaissant le monde autour. 

Karin Viard, centre de gravité du film, part parfois en roue libre et ajoute au joyeux chaos qu'on ressent parfois au visionnage du "Petit locataire". La famille de guingois qui orbite autour de son personnage comporte pourtant de sacrés personnages (sans doute trop d'ailleurs), du père cherchant sa voie et sa place, à la grand-mère qui s'éteint en douceur, en passant par la fille en mal de maturité. Mais, malgré leur talent, les acteurs peinent à exister face à l'interprète principale. Lors des quelques scènes où ils reprennent la balle, on appréciera d'autant plus leurs prestations. 

S'il comporte quelques jolis moments, "Le petit locataire" n'est cependant pas dépourvu de défauts. En choisissant le registre de la comédie sociale, la réalisatrice oublie néanmoins que les glorieux modèles de ce type de cinéma sont en général porteurs d'une colère, voire d'un message. La situation de départ ne sert ici qu'à générer des situations comiques, mais jamais à donner à réfléchir. La promesse initiale n'est pas tenue et il faut (ou pas) se satisfaire d'un film destinée à faire (seulement) sourire. C'est déjà ça, certes, mais ça aurait pu être tellement plus. 

 


vendredi 7 mai 2021

Cours toujours Dennis (2007)

 

Après dix années à incarner l'un des six amis de "Friends", Davis Schwimmer a eu une carrière plus discrète. On le sait peu, mais il est passé à plusieurs reprises derrière la caméra, d'abord à la télévision (ayant fait ses armes sur la série qui fit sa gloire), puis au cinéma : son premier film, "Cours toujours Dennis", est passé sous les radars de pas mal de monde, lors de sa sortie en 2007. Avec en vedette Simon Pegg, et prenant pour décor la capitale britannique, ce film méritait-il mieux ?

Il y a cinq ans, Dennis a pris peur, peu avant d'épouser Libby, qui attendait leur enfant. Le jour du mariage, il est parti en courant. Depuis, il mène une petite vie médiocre qui ne le satisfait pas. Quand Libby rencontre Whit, homme d'affaires qui a jeté son dévolu sur elle, Dennis comprend qu'elle est l'amour de sa vie et veut la reconquérir. Pour cela, il décide de battre Whit sur son terrain et s'inscrit à un marathon. Dennis n'a pas fini de courir.

Avec pareil pitch, il reste peu de place à la surprise : la comédie romantique qui se cache derrière "Run, Fatboy, Run" (le titre original du film), coscénarisé par Simon Pegg,  respecte nombre des balises qui façonnent le genre. Il faut, pour l'apprécier, accepter ce postulat et se contenter de profiter du voyage, dans divers endroits de Londres. Tourné en peu de temps, efficace à défaut d'être original, "Cours toujours Dennis" met ses décors en valeur avec efficacité et utilise sans faille le charme infaillible de ses interprètes. En tête, Simon Pegg semble s'être fait plaisir avec son personnage de faux-loser immature, face à la sublime Thandie Newton. Les seconds rôles sont eux aussi fort savoureux et apportent à leur manière le petit supplément qui manque tant à nombre de films du même registre. 

De jolis décors, des personnages savoureux, quelques situations drôles et des dialogues parfois piquants : les ingrédients nécessaires sont réunis et il ne restait plus qu'à les assembler correctement pour que la recette soit réussie. Fort heureusement, c'est le cas avec "Cours toujours Dennis", certes pas inoubliable, mais suffisamment réussi pour satisfaire son spectateur.

Même s'il s'agit d'un film léger, "Cours toujours Dennis" aurait sans doute mérité mieux qu'une sortie à la sauvette. Même si c'est un film qu'on oublie rapidement, il a le mérite de faire passer un moment plaisant.
En ces temps compliqués, c'est toujours bon à prendre, vous ne trouvez pas ?



vendredi 30 avril 2021

Mes meilleurs copains (1989)

Devenu depuis culte pour bon nombre de ceux qui l'ont découvert, "Mes meilleurs copains" est l'exemple-type du film dont on oublie qu'il fut un échec au box-office. Pour tout vous dire, ami(e)s lecteurs(trices), c'est à des films comme celui-là que ce blog doit son existence. En hommage au merveilleux Jean-Pierre Bacri, qui n'a pas fini de nous manquer, voici un billet consacré à un de mes plaisirs (même pas coupables) de cinéma. 

Jean-Michel, Richard, Antoine, Dany et Guido sont les meilleurs amis du monde. Ce soir-là, à l'Olympia, ils se retrouvent parce que Bernadette Legranbois, la célèbre chanteuse québécoise, est de retour. Mais Bernadette, c'est aussi le grand amour de leurs vingt ans. Le week-end qui va suivre va raviver de vieux souvenirs, des vieilles rancœurs, mais surtout leur rappeler qu'ils sont les meilleurs amis du monde.

Découvert par hasard, il y a des années de cela, "Mes meilleurs copains" est l'un de mes films fétiches, de ceux qu'il m'arrive de revoir régulièrement, comme si je retrouvais à chaque fois de vieux amis. Ne vous attendez donc pas, chers lecteurs, à une critique en bonne et due forme, mais plutôt à un coup de projecteur sur ce morceau de cinéma. 

Pourtant, le tournage de ce qui reste l'un des meilleurs films "de pote" du cinéma hexagonal fut compliqué. Entre des conditions météorologiques désastreuses et une ambiance délétère, "Mes meilleurs copains" aurait pu tourner au fiasco. Il n'en est rien et c'est sans doute parce que les comédiens qui incarnent cette bande d'amis qu'on aimerait avoir donnent ici le meilleur d'eux-mêmes. Reconnaissons aussi la qualité des dialogues, écrits par Christian Clavier et Jean-Marie Poiré, les mêmes qui allaient commettre peu après "Les visiteurs".

Pris en grippe par le réalisateur (au point que son pote Gérard Lanvin en vint à prendre sa défense), Jean-Pierre Bacri livre une de ses plus émouvantes compositions, dans un rôle en avance sur son temps. Impossible également de ne pas évoquer l'interprétation géniale de Jean-Pierre Darroussin, en baba nonchalant, du regretté Philippe Khorsand en metteur en scène colérique. Il m'est difficile de ne pas tous les citer, tant je les aime, dans ce film. S'agit-il d'un de ces instants de grâce que peut offrir le cinéma, qui fait que, pour cette fois, l'alchimie fonctionne à plein entre le film, ses acteurs et le spectateur ? Toujours est-il que, malgré les années, je fais partie de ceux qui continuent à aimer "Mes meilleurs copains" et à le considérer comme un antidote au cafard (et je ne vous parle pas de l'épatante bande originale, remplie de classiques du rock'n roll). 

Malgré leurs défauts, on sent, on sait que les cinq amis du titre ne cesseront jamais de s'aimer, que cette amitié est de celle qui survit à tout. En comparaison, d'autres tentatives, plus récentes, de "film de potes" paraissent bien pâles : à aucun moment ce lien ne fut tangible dans le pourtant acclamé "Les petits mouchoirs". Parce que c'était ce film, parce que c'était moi, pourrait-on dire, en copiant la célèbre formule. Certains de ces copains se retrouveront plus tard, dans quelques jolis films, prouvant au passage que l'amitié n'était pas qu'à l'écran. 

Si "Mes meilleurs copains" avait connu lors de sa sortie le succès qu'il méritait, la comédie française s'en serait sans doute mieux portée. Qui sait si on aurait eu droit aux "Visiteurs" (et à leurs pitoyables séquelles) et si la carrière de Christian Clavier aurait pris pareil tour ? Cette question restera sans réponse mais je continuerai à voir et revoir cette inséparable bande...with a little help from my friends.



vendredi 23 avril 2021

La traque (1975)


Une fois n'est pas coutume, plongeons aujourd'hui dans le cinéma français du millénaire passé pour exhumer un film oublié de tous ou presque. Réalisé par Serge Leroy, "La Traque" présentait un casting remarquable, mais ne fut pas pour autant le succès espéré. Comment se fait-il qu'un film où se côtoyaient Jean-Pierre Marielle, Michael Lonsdale et Jean-Luc Bideau, pour ne citer qu'eux, n'ait marqué personne ou presque ? Sorti en 1975, ce film n'a bénéficié d'une sortie vidéo que cette année : en matière de visibilité, il y a de quoi s'interroger.

Jeune universitaire nommée à Caen, Helen Wells vient visiter une maison qui l'intéresse, dans la campagne normande. Le destin va vouloir qu'elle croise le chemin d'une bande d'amis, partis à la chasse au sanglier dans les bois qu'ils connaissent bien : il y a là toutes les couches de la société, ou presque. Quand l'un d'eux la viole, Helen se venge en lui tirant dessus. Ses compagnons vont alors tout faire pour empêcher Helen de raconter ce qui s'est passé. Commence une traque éprouvante pour la jeune femme.

Sur une trame classique, celle du rape and revenge, et avec une esthétique proche du documentaire, Serge Leroy, issu de la télévision, propose ici un film rare, dérangeant, âpre et sans doute en avance sur son temps. On pourrait sans mal classer "La traque" dans la catégorie des "films de genre" ou le comparer à des monuments du même registre (comme "Les chiens de paille", par exemple). Tout en tension, ce long métrage est éprouvant à plus d'un titre et fait partie des films qu'on n'oublie pas. En le visionnant, quarante-cinq ans après sa sortie, on se demande comment pareil film n'est pas devenu culte. 

En empruntant maintes fois au style documentaire, dans lequel il avait fait ses armes et où il puisa une partie de son inspiration pour "La traque", Serge Leroy, cinéaste français méconnu, livre sans doute ici son opus le plus percutant. Le portrait qu'il dresse des hommes, dans une activité à haute teneur en testostérone, n'épargne personne, mais n'est pas pour autant primaire. Face aux monstres ordinaires joués par des acteurs au diapason, il dresse la formidable et fragile Mimsy Farmer, brandissant bien des années en avance, l'étendard féministe. La meute derrière la proie, incarnée par une brochette d'acteurs au meilleur de leur forme, fera frémir, dans sa cruauté autant que son humanité. Face à l'étrangère, ces locaux, au statut de notables, n'ont rien à voir avec ceux de "Delivrance", mais ne s'avèrent pas meilleurs, finalement. 

Il est dommage que "La traque", malgré un casting épatant, soit tombé dans l'oubli. Sa récente (après quarante ans dans les limbes) sortie en vidéo est l'occasion de (re)découvrir ce film audacieux, sans doute trop pour son époque. Il ne serait que justice qu'il accède enfin à la reconnaissance qui lui est due. 



samedi 17 avril 2021

47 meters down (2017)

 

Dans le registre des films à sensation, voire d'horreur, le film "de requin" est une catégorie à part entière, au sommet de laquelle trône l'indépassable "Les dents de la mer". De ses (trop) nombreuses séquelles à des tentatives plus honnêtes comme "Peur bleue" ou "Instinct de survie", les requins, et plus spécifiquement le Carchardon carcharias, ou grand requin blanc, a terrorisé des millions de spectateurs, à tort, d'ailleurs. Récemment, "47 meters down" a connu un joli succès outre-Atlantique, au point d'avoir droit à une suite. Néanmoins, il n'eut pas l'honneur d'une sortie en salles en France. A tort ou à raison.

Lisa et Kate, deux sœurs, sont en vacances ensemble au Mexique. Quand l'opportunité leur est offerte d'observer les grands requins blancs, enfermées dans une cage de protection, elles tentent l'aventure, malgré les réticences de Lisa. Mal leur en prend puisque la cage va chuter jusqu'au fonds marins, à 47 mètres de profondeur. Voilà les deux sœurs en grand péril : le temps leur est compté et les requins rôdent. 

Le postulat de base de "47 meters down" est simple et on ne saurait lui reprocher d'être malhonnête.  Il va s'agir pour les protagonistes du film de se sortir du mauvais pas où elle se sont fourrées, alors que les difficultés s'accumulent. Sur ce schéma classique, nombre de réalisateurs ont fait des propositions et les échecs furent nombreux, notamment pour cause de surenchère : même improbable, les péripéties se doivent de maintenir un certain équilibre, faute de rompre le fil du suspense. Bien que se permettant pas mal de facilités, "47 meters down" se sort plutôt bien de cet exercice et Johannes Roberts, son réalisateur, joue de façon maline avec les nerfs des spectateurs. 

Sans disposer de moyens faramineux, "47 meters down" maintient la plupart du temps la tension et n'offre que peu de temps morts. Les deux actrices principales, Mandy Moore et Claire Holt, dans des rôles qui auraient pu tourner à ceux de potiches prises au piège, offrent une prestation honorable, même si la psychologie de leurs personnages reste peu approfondie (mais le genre empêche pareille introspection). 

Si l'on passe sur les nombreuses incohérences et invraisemblances du scénario, l'exercice de style s'avère plutôt réussi et on se surprend à appréhender ce qui va tomber sur les deux malheureuses, au fond de l'eau, alors qu'autour d'elles rôdent les dents de la mer. Initialement prévu pour une sortie en vidéo uniquement, le film fut finalement projeté en salles aux USA, et connut un succès tel qu'une suite fut tournée. Le destin de "47 meters down" fut tout autre, de ce côté-ci de l'Atlantique : on pourra s'en lamenter, pour peu qu'on goûte ce genre de cinéma. 






dimanche 11 avril 2021

Avant l'hiver (2013)


Les romans de Philippe Claudel explorent souvent le fond de l'âme humaine, quitte à mettre les mains dans le plus sombre de l'homme. A l'occasion, cet écrivain s'est fait réalisateur, notamment avec "Il y a longtemps que je t'aime" ou "Le bruit des trousseaux". Son troisième long métrage, "Avant l'hiver", qui disposait d'un beau casting, n'a guère rencontré le public à sa sortie. Était-ce mérité ?

Marié à Lucie depuis longtemps, Paul est un neurochirurgien de renom. S'il ne cesse de travailler, son épouse s'ennuie chez elle. Un jour, le couple découvre des bouquets de roses rouges sans savoir qui les leur adresse. Paul, de son côté, croise à de multiples reprises Lou, une jeune femme énigmatique. Sous le regard de son ami Gérard, psychiatre, Paul va tenter de comprendre ce qui lui arrive...

Sans adapter l'un de ses romans, Philippe Claudel assure ici le rôle de scénariste et de réalisateur pour conter l'histoire d'un homme se retrouvant pris au piège de sa propre existence. Très vite, et avec une efficacité redoutable, il instille le malaise : les questions affluent chez Paul, au fur et à mesure de ces bouquets de roses déposés sur son passage et de ses rencontres avec l'étrange Lou. Paul a-t-il la vie qu'il attendait ? Et s'il avait fait d'autres choix, que serait-il aujourd'hui ? Les vertigineuses questions que se pose Paul restent intérieures et demandent au spectateur un effort, faute de quoi, il sera frustré par ce que le film propose (ou, plutôt, par ce qu'il n'offre finalement pas). 

A la lecture des romans de Philippe Claudel, on est souvent frappé par leur évidente cinégénie : qu'il s'agisse du "Rapport de Brodeck" ou de "L"archipel du chien", on devine en parcourant leurs pages que l'auteur les envisage comme des films, souvent à hauteur d'humanité. En se faisant réalisateur, Claudel fait montre d'un vrai talent de mise en scène : techniquement, "Avant l'hiver" est irréprochable.  

Et puis, l'interprétation de "Avant l'hiver" est assez remarquable. Daniel Auteuil, dans le rôle principal, montre ici qu'il peut être capable de faire d'excellents choix de rôles (on pouvait en douter, ces dernières années), tandis que, dans le rôle de son épouse, Kristin Scott-Thomas se montre impériale, une fois de plus. Face à eux, Leïla Bekhti, dans un rôle pas évident, tire brillamment son épingle du jeu. J'avoue avoir été moins convaincu par la prestation de Richard Berry, difficilement crédible en psychiatre. 

Sur un territoire de cinéma élégant, qui fait parfois penser à Chabrol ou à Sautet, Philippe Claudel offre ici un drame teinté de suspense où peu de choses sont dites et où rien n'est évident. Pour peu qu'on goûte ce genre, et qu'on apprécie les acteurs qui donnent vie au film, "Avant l'hiver" est doté d'un vrai pouvoir de séduction.




lundi 5 avril 2021

Qui c'est les plus forts ? (2015)

Vous, je ne sais pas, mais j'ai terriblement besoin de me détendre les zygomatiques, en ce moment. Et, pour cela, il m'arrive parfois de m'égarer vers des comédies pour lesquelles, dans le monde d'avant, je n'aurais pas fait le déplacement. C'est ainsi que j'ai visionné récemment "Qui c'est les plus forts ?", réalisé par Charlotte de Turkheim et tiré d'une pièce de théâtre. A sa sortie dans les salles, cependant, ce film fut reçu tièdement, et c'est le moins qu'on puisse dire. Vérifions s'il ne méritait pas mieux.

A Saint-Chamond, dans la Loire, on vibre encore au souvenir de l'A.S. Saint-Etienne, les fameux Verts du ballon rond. Depuis la fermeture de l'usine de découpe de poulets, Samantha vivote comme elle le peut. De peur de perdre la garde de sa jeune sœur, souffrant de forts troubles du comportements, elle va accepter le contrat que Paul, séduisant avocat, lui propose. Et tant pis si Céline, sa meilleure amie, qui arrondit ses fins de mois grâce au téléphone rose, n'est pas d'accord et préfèrerait qu'elle se marie avec le gentil Dylan.

Avec "Qui c'est les plus forts ?", Charlotte de Turkheim louche fortement sur le modèle britannique de la comédie sociale. Hélas, n'est pas Ken Loach qui veut et il faut vite se faire une raison : la tentative n'est pas couronnée de succès, loin s'en faut. Pourtant, les premières séquences augurent d'une relative fidélité au dit modèle : une usine qui ferme, des ouvrières restées sur le carreau et la vie qui tente de continuer, les ingrédients étaient pourtant là. Malheureusement, même avec les composants les plus adaptés, réussir une recette impose un peu de rigueur. A trop ajouter d'éléments, on finit par rendre le plat indigeste. Arrêtons là la métaphore culinaire, c'est sans doute préférable. 

Toujours est-il qu'en multipliant les sous-intrigues et les fardeaux que doivent porter les personnages, mais en leur conférant une énergie souvent artificielle, Charlotte de Turkheim rend son film peu crédible : le sort des héroïnes importe finalement peu au spectateur, alors qu'il eût été souhaitable qu'elles attirent un minimum d'empathie. 

On peut donc incriminer un scénario sans colonne vertébrale, chassant plusieurs lièvres à la fois pour finalement n'en capturer aucun, mais ce n'est pas le seul défaut de "Qui c'est les plus forts ?". L'interprétation est également à mettre dans la colonne du passif de ce film : qu'il s'agisse de l'exaspérante Audrey Lamy, d'Alice Pol ou de Grégory Fitoussi, pour ne citer qu'eux, enfermés dans des rôles plus caricaturaux que crédibles, ils ne sont guère convaincants dans cet alignement de saynètes plus ou moins réussies (et plutôt moins que plus, d'ailleurs).

Le mètre-étalon de la comédie sociale est probablement stocké de l'autre côté de la Manche. Si quelques tentatives hexagonales réussissaient le tour de force de s'aventurer avec succès dans ce registre (je songe notamment au très chouette "Discount"), force est de reconnaître que, la plupart du temps, les réalisateurs français qui s'y frottent échouent. C'est hélas le cas pour ce "Qui c'est les plus forts ?" qui, à force d'en faire trop, n'accomplit rien et, surtout, ne convaincra personne. 



mardi 30 mars 2021

Pourquoi j'ai pas mangé mon père (2015)

 


Le roman de Roy Lewis "Pourquoi j'ai mangé mon père" fait partie des classiques, aux yeux de bien des lecteurs (je vous le recommande au passage). Aussi, quand Djamel Debbouze l'utilisa comme matière de base pour un film en motion-capture, on aurait pu s'attendre à ce qu'il connaisse un succès d'audience. Ce fut loin d'être le cas et le film ne rentra qu'à peine dans ses frais. Innovant (en utilisant notamment des scènes jouées par Louis de Funès, tout de même) et ambitieux (pour une production en partie hexagonale), aurait-il pu faire mieux ?

Bien avant que l'homme ne soit Homo sapiens, Edouard, fils oublié du Roi des Simiens, compense son physique défavorable par son ingéniosité et sa générosité. Qu'importe s'il est rejeté par ceux qui sont les siens, Edouard, en compagnie de Lucy, les guidera vers l'évolution, inventant au passage la bipédie, le feu, et l'amour, entre autres. Forcés de descendre des arbres, les Simiens vont se mettre en marche vers l'humanité...

Malgré son titre, "Pourquoi j'ai pas mangé mon père" n'est pas une adaptation du roman de Roy Lewis, loin s'en faut. Il s'agit plutôt d'une appropriation par Djamel Debbouze du matériau (qui mériterait sans doute un vrai passage à l'écran), qui en modifie notablement le message. Là où Roy Lewis moquait ses contemporains et son monde, ce film met en vedette le petit malin face à la majorité et, usant d'une recette habituelle, nous montre que la gentillesse peut triompher (c'est une fiction, je vous le rappelle). 

Derrière la caméra, Djamel Debbouze s'offre aussi le rôle principal, en incarnant Edouard, petit simien ayant beaucoup (trop, peut-être) de points communs avec son interprète. On a parfois le sentiment d'assister à un show donné par l'humoriste, au point que l'histoire s'efface souvent derrière la prestation et les vannes. Comme pour renforcer le positionnement de son film dans le registre de la comédie, Djamel Debbouze s'offre un guest de luxe en la présence du vénérable Louis de Funès, dont la gestuelle a été captée numériquement. Le résultat est troublant et pourra ravir autant que gêner les spectateurs.

Ambitieux mais turbulent, cette fausse adaptation comporte de jolis moments, mais aussi beaucoup d'agitation et de bruit. Trop, peut-être, pour revendiquer la paternité du roman, parce qu'on a souvent l'impression d'assister à une démonstration d'effets comiques (la plupart du temps efficaces, mais pas toujours, hélas). Utilisant un terrain de jeu pas forcément vendeur et revendiquant la filiation avec un classique qu'il ne respecte finalement pas, "Pourquoi j'ai pas mangé mon père" s'avère une tentative intéressante, mais bancale. 



mercredi 24 mars 2021

Highlander, le retour (1990)


En 1986, le film "Highlander" propulsait notre Christophe Lambert national au statut de star. En quelques films (de "Greystoke" à "Subway"), l'acteur devint le chouchou du cinéma français et pouvait afficher des ambitions internationales. La suite est connue : le deuxième volet de la franchise dédiée aux immortels fut un four monumental et se fit étriller par la critique. Si cela n'empêcha pas l'arrivée de nouveaux films et plusieurs déclinaisons télévisées (dont une en dessin animé), ce fut le début de la fin pour l'un des acteurs les plus prometteurs de sa génération. Cette suite fut-elle l'origine de tous les maux pour Christophe Lambert ?

2024 : Connor McLeod, le dernier des immortels, a vieilli. Il a sauvé l'humanité d'une fin terrible en supervisant la construction d'un bouclier palliant à la disparition de la couche d'ozone. Pourtant, dans l'obscurité, le monde ne va pas mieux. Comme si cela ne suffisait pas, débarquent sur Terre d'étranges combattants, immortels eux aussi, envoyés par le Général Katana, venu de la planète Zeist. McLeod va devoir se battre de nouveau, et l'aide de son ami Ramirez sera la bienvenue.

Dès le début de "Highlander, le retour", on comprend que l'entreprise est mal engagée. Alors que le premier film se suffisait à lui-même, les scénaristes ont cru bon d'inventer (ou plutôt de bricoler) une origine à la légende des immortels, puis de monter de toutes pièces des justifications au retour du personnage de Sean Connery et à la présence d'autres immortels (alors qu'à la fin du premier film, il n'en restait qu'un, comme promis). En se passant du créateur de la franchise (Gregory Widen, qu'on retrouvera au scénario de "Backdraft") et en tentant de justifier la suite d'un film se suffisant à lui-même, l'équipe en charge de cette séquelle (au sens premier du terme) livre une histoire à laquelle ceux qui ont aimé le premier film ne peuvent adhérer. 

Tel qu'il sortit dans les salles, le film fut désavoué par Mulcahy, qui ne put cependant pas empêcher son nom de figurer au générique. La mise en scène dynamique (et innovante, à l'époque du premier volet) souffre d'un montage fait dans son dos, torpillant presque tous ses effets. Il existe un director's cut de cette séquelle, qui tente de corriger quelques-unes des incohérences du scénario. La tâche est cependant immense, au regard des dégâts infligés à ce qui aurait du rester un film unique et non une franchise saccagée. 

Obligé par contrat de participer à cette suite, Christophe Lambert (qui insista pour que Sean Connery soit lui aussi de retour) fait cependant le job, au point que je le soupçonne d'avoir suffisamment de conscience professionnelle pour aller jusqu'au bout de l'entreprise, aussi bancale soit-elle. On l'excusera moins d'avoir participé à la suite de la saga (même si les films suivants s'avèrent moins infidèles au volet fondateur). A ses côtés, moins présent que ne le suggère la bande-annonce, Sean Connery, venu par amitié pour Lambert (et aussi pour un gros chèque) semble moins convaincu. Face à eux, Michael Ironside, l'un des méchants les plus emblématiques du cinéma des années 80, se fait plaisir, mais peine à faire croire en son personnage. Comment le pourrait-il, d'ailleurs ?

Même en ayant envie d'aimer ce film, il est difficile de lui trouver suffisamment de qualités pour le sauver. A de nombreuses reprises, on a l'impression qu'il se parodie lui-même (je songe notamment à la scène où Ramirez débarque sur Terre).   La richesse du film fondateur rendait tentante l'idée d'une suite, mais tout était pourtant dit dans le premier opus : "Il ne peut en rester qu'un". 






vendredi 19 mars 2021

Showgirls (1995)

Couvert de Razzie Awards lors de sa sortie, "Showgirls" est, avec les années, passé du statut de navet à celui de film-culte pour nombre de spectateurs. Cas d'école pour ce blog, et premier gros échec de Paul Verhoeven, "Showgirls" torpilla la carrière d'Elisabeth Berkley et participa avec "L'île aux pirates", au naufrage de Carolco. Pourtant, avec les années, ce film a connu un certain retour en grâce. Conspué jadis, il se voit célébré par nombre d'amateurs. A tort ou à raison ?

Nomi veut réussir et, pour cela, part à Las Vegas, la ville où tout est possible, pour peu qu'on oublie ses principes et qu'on soit prêt à y risquer son âme. Passionnée par la danse, elle a un atout, en plus de son courage : son corps, qu'elle est prête à montrer sous toutes ses coutures. Alors, elle débute en tant que strip-teaseuse, mais elle ira loin. Si Nomi n'a aucune pudeur, elle ne manque pas d'ambition. Et, dans la ville qui ne dort jamais, tout est possible...pour peu qu'on soit prêt à en payer le prix.

Trop occupés à tenter de sauver "L'île aux pirates", qui allait causer la faillite de Carolco, les producteurs de "Showgirls" lâchèrent la bride à Paul Verhoeven. Le hollandais le plus célèbre du cinéma en profita, c'est le moins que l'on puisse dire. Rarement un film à si gros budget put afficher autant de nudité et de langage cru. Sans pudibonderie, on peut cependant considérer que, si le fond de "Showgirls" reste pertinent, sa forme est souvent outrancière et fait du tort à l'ensemble. Sous dehors d'une virulente critique du rêve américain (en situant son action là où ce rêve est caricatural), Paul Verhoeven livre un film où les corps sont objets de commerce.

Le coup du énième degré nécessaire pour apprécier un film à sa juste valeur est un classique, surtout chez Paul Verhoeven. S'il le pratiquera avec plus d'efficacité avec "Starship Troopers", son film suivant, force est de constater que le message de "Showgirls" est assez facilement lisible, mais que son emballage donne plus l'impression d'un prétexte à un déballage de chair. Là où "Basic Instinct" était déjà sulfureux, cet opus franchit des limites qui jouèrent clairement en sa défaveur chez nos prudes amis étasuniens. Le retour en grâce de "Showgirls" et le revirement de certains critiques qui l'avaient descendu en flammes lors de sa sortie peut donc surprendre : il s'agit du même film, porteur du même message au sujet de l'Amérique et de l'occident en général. Il aura fallu que quelques voix reconnues (dont un certain Quentin Tarantino) clament haut et fort qu'ils avaient goûté ce "Showgirls" pour que nombre de critiques reviennent sur leur position initiale et fassent leur mea culpa

La quantité de (jolie) chair dénudée avait conduit le film à être interdit, lors de sa sortie, aux moins de 17 ans aux Etats-Unis (et au moins de 12 ans en France). Il y a fort à parier que, s'il sortait aujourd'hui, il déclencherait la polémique, voire pire. Gouffre financier et échec critique, "Showgirls" fut le début de la fin de l'aventure hollywoodienne pour Paul Verhoeven. Il y réalisa encore "Starship Troopers" et "Hollow man, l'homme sans ombre", avant de retraverser l'Atlantique. Elisabeth Berkley vit ses espoirs de grande carrière douchés. Les mauvaises langues ajouteront que sa prestation dans "Showgirls" était bien peu flatteuse et qu'on jugea plus de sa plastique parfaite que de ses talents d'actrice. D'autres, plus lucides, pourront remarquer que ce parcours était annoncé dans le film : à tout vendre, y compris soi-même, on se retrouve sans rien.

Voir certains critiques changer d'avis du tout au tout pour un film peut s'avérer réjouissant, dans certains cas. Néanmoins, dans ce "Showgirls", le passage de la crucifixion à la résurrection (pour reprendre la formule utilisée lors de la ressortie du film) peut paraître étonnant. Il ne s'agit pas du meilleur film de son auteur, loin s'en faut, même si ce dernier a souvent été méjugé. 



dimanche 14 mars 2021

My old lady (2014)

 

Attention, affiche trompeuse : si on se fie à elle, on pourrait croire que "My old lady" est une comédie. La présence du souvent facétieux Kevin Kline, le sourire de Maggie Smith, le graphisme même sont autant d'indices en la faveur d'un film où l'on peut s'attendre à sourire. C'est avec cette promesse (tacite) que je me suis embarqué dans le visionnage de ce film, en grande partie aussi pour passer un peu de temps au côté de ses interprètes. Passé sous les radars lors de sa sortie, "My old lady" allait-il offrir un bon moment ?

Matthias débarque à Paris, où il vient d'hériter d'un somptueux appartement, ce qui devrait le sauver de la ruine. Qu'elle n'est pas sa surprise lorsqu'il découvre que l'appartement en question est occupé par Mathilde, une vieille dame qui l'avait vendu en viager à son défunt père. Découvrant cet étrange dispositif français, Matthias va devoir cohabiter avec Mathilde et sa fille Chloé. Mais tous ont leurs secrets et leurs failles et, tôt ou tard, les vérités doivent éclater au grand jour. 

Adapté d'une pièce de théâtre écrite par Israel Horowitz, réalisateur du film, "My old lady" repose essentiellement sur ses trois acteurs principaux. Fort heureusement, le trio en question est sans aucun doute ce qu'il y a de plus intéressant et de plus séduisant dans le film. En effet, ce qui fonctionnait probablement de manière efficace sur les planches s'avère plus laborieux à l'écran. Une fois passées les séquences destinées à présenter les personnages, "My old lady", qui semblait vouloir exploiter la curiosité qu'est le système du viager, s'aventure sur le territoire des secrets de famille et des non-dits. On est donc bien loin des promesses tacites de son affiche.

On pourra aussi légitimement tiquer sur le Paris de carte postale que nous propose "My old lady". Tout, ou presque, est parfait, dans la vision de la capitale : c'est à croire qu'Horowitz a déniché un quartier parisien mystérieux, plus idyllique encore que celui d'Amélie Poulain. Il est donc difficile d'adhérer à l'histoire contée dans "My old lady", donc et seule l'admiration qu'on peut avoir pour ses interprètes lui donne un véritable intérêt. Maggie Smith, remarquable dans le rôle qui donne son titre au film, est une nouvelle fois impériale, tandis que Kevin Kline et Kristin Scott-Thomas se sortent avec les honneurs de leurs rôles.

Je ne suis pas persuadé qu'adapter sa pièce de théâtre fut la meilleure idée qu'ait eu Israel Horowitz. Le passage à l'écran n'apporte finalement que peu, et peut décevoir. 



mardi 9 mars 2021

Jakob le menteur (1997)

 

Le cinéma a mis longtemps à aborder de façon frontale la Shoah, préférant souvent des angles d'approche plus indirects. Il aura fallu "La liste de Schindler" pour qu'enfin, les studios osent mettre en images la Solution Finale. En nous proposant un remake d'un film éponyme, lui-même adapté d'un roman de Jurek Becker, Peter Kassovitz ne reçut pas l'audience espérée, avec "Jakob le menteur". Pourtant, la présence de Robin Williams en tête d'affiche aurait pu suffire. Avons-nous raté un grand film ?

Deuxième Guerre Mondiale : dans le ghetto de Varsovie, enfer sur Terre, on survit tant bien que mal. Parce qu'il a tardé à rentrer chez lui à l'heure du couvre-feu, Jakob doit s'expliquer à la Kommandantur. Là, il entend à la radio que l'Armée Russe s'approche. De retour parmi les siens, il raconte ce qu'il a entendu. Le bruit court, dans le ghetto, que Jakob a une radio. Alors, parce qu'il distille malgré lui un espoir qu'il n'a plus, Jakob va mentir, et se prendre au jeu, jusqu'à ce que la situation lui échappe.

Remake d'un film germano-tchécoslovaque de 1975, "Jakob le menteur" mit du temps à prendre forme. Le projet, cher au cœur de Peter Kassovitz, put démarrer lorsque le grand Robin Williams, sous l'impulsion de son épouse, accepta d'y prendre part. On imagine la déconvenue de l'équipe lorsqu'à sa sortie, l'échec fut au rendez-vous. En le revisionnant aujourd'hui, on ne peut que regretter cet échec, tant le film ne déshonore pas et vieillit plutôt bien.

C'est avant tout un sentiment d'injustice que l'on ressent en visionnant ce film : s'il n'a pas la force de "La liste de Schindler" (et n'y est finalement pas comparable, ne serait-ce que par son angle d'attaque), "Jakob le menteur" est, au moins, aussi fort que "La vie est belle", et souvent plus réussi. C'est en grande partie à son interprète principal, toujours en équilibre entre la drôlerie et la tragédie, qu'il doit cette réussite. Grâce à Robin Williams, on oublie les quelques errements d'un scénario qui fait parfois du sur-place. Si le film aurait sans doute gagné en impact en étant un peu moins long, il reste doté d'une sensibilité remarquable.

Aux côtés du grand et regretté Robin Williams, on appréciera les prestations d'Armin Müeller-Stahl (qui était déjà au casting du film original, de Liev Schreiber (à mille lieues de ses prestations récentes), d'Alan Arkin ou de la petite Hannah Taylor-Gordon. Sobres, humains, ils sont tous émouvants sans pousser le spectateur vers l'ornière du pathos. 

Parfois maladroit, souvent émouvant, toujours tragique, "Jakob le menteur" me semble se bonifier avec les années. La présence en tête d'affiche de Robin Williams est sans doute pour beaucoup dans ce jugement favorable, mais la réalisation est également une grande réussite, pour ce film qui aurait sans doute mérité plus de lumière et de succès à sa sortie. 



jeudi 4 mars 2021

L'île aux pirates (1995)


Parmi les films à la sinistre réputation, "L'île aux pirates" pourrait faire figure de mètre-étalon. De sa production à sa réalisation, toute l'entreprise a laissé de mauvais souvenirs à ceux qui y participèrent et, à l'arrivée, ses pertes furent telles que ce film causa la faillite de Carolco, l'une des maisons de productions les plus florissantes de l'époque. Le renouveau du genre arriva plus tard, avec la saga "Pirates des Caraïbes". Pour autant, le film de Renny Harlin méritait-il l'enfer qui fut le sien ?

Jamaïque, XVIIème siécle : Morgan Adams, la fille du célèbre pirate Harry le Noir, a hérité à la mort de celui-ci d'une partie d'une carte indiquant l'emplacement du trésor amassé par son aïeul. Les deux autres morceaux de la carte appartiennent à ses oncles. Si l'un d'entre eux, Mordechai, finit par lui céder sa part de carte, l'autre, Dawg Brown, veut le trésor pour lui seul et n'est pas à un méfait près. Qu'à cela ne tienne et qu'importent les obstacles, Morgan Adams, embarquant avec elle William Shaw, aventurier habile bretteur, se lance dans la chasse au trésor...

Tout porte à croire que Renny Harlin voulut, avec "L'île aux pirates", rendre hommage à un genre qui avait connu son heure de gloire longtemps auparavant. Une chasse au trésor, des adversaires retors, des voiles qui claquent au vent et des duels à la rapière : tous les ingrédients étaient réunis pour convoquer le genre. L'entreprise était louable, mais il eut fallu, pour que le succès soit au rendez-vous, que le réalisateur ne se comporte pas comme un éléphant dans un magasin de porcelaine. C'est que ça canarde et que ça explose dans tous les sens, souvent en dépit du bon sens (le budget du département pyrotechnie ont du dépasser celui alloué au scénario, si vous voulez mon avis). La crédibilité de l'histoire que tente de nous narrer Harlin (encore qu'il semble plus attaché à nous en mettre plein la vue) est mise à mal à de nombreuses reprises. 

Il faut dire que la production de ce film fut des plus chaotiques. Scénario écrit et ré-écrit maintes et maintes fois, techniciens renvoyés du tournage ou quittant d'eux-mêmes le navire, budget explosé, "L'île aux pirates" accumula très tôt les boulets et reste l'exemple de ce que peut donner une succession de mauvais choix. Financé à perte aux dépens d'autres projets (dont le film consacré aux croisades et porté par Arnold Schwarzenegger). Malgré les millions de dollars mis sur la table, le résultat est, il faut bien le dire, plus navrant qu'enthousiasmant et, même avec l'indulgence qu'on pourrait avoir pour lui, il n'y a pas grand chose à sauver dans "L'île aux pirates".

On peut tenter de se consoler avec le casting, mais force est de constater que ni Geena Davis (pourtant brillante dans certains de ses rôles), ni Matthew Modine n'arrivent à se montrer convaincants. Les mauvaises langues feront remarquer que la première était à l'époque l'épouse du réalisateur qui insista pour qu'elle obtienne le rôle et que le second hérita du sien parce que tout le monde (ou presque) avait décliné l'offre. Frank Langella, en méchant (quoique finalement peu présent, parce que le scénario a cru bon de multiplier les antagonistes, rendant l'intrigue encore plus brouillonne), est peut-être celui qui s'en sort le mieux. 

Le film de pirates aurait pu faire son retour gagnant avec ce film, s'il avait été conçu et réalisé avec un tant soit peu de respect pour le genre et pour le spectateur. Avec "L'île aux pirates", l'autrefois efficace (à défaut d'être talentueux) réalisateur de "58 minutes pour vivre", rate totalement ce rendez-vous. On pourra en tirer une morale simple : les gros moyens ne suffisent pas à assurer la réussite d'un projet. Je doute cependant que l'industrie du cinéma en ait tiré une leçon. 



samedi 27 février 2021

Janis et John (2003)

Samuel Benchetrit a déjà eu droit à un billet dans ces colonnes, pour "Chez Gino". Ce réalisateur, à l'univers si particulier, n'a que rarement rencontré le succès public, mais possède une vraie "patte", qui fait que ses films sont reconnaissables entre tous. Son premier long métrage, "Janis et John", par exemple, a pu marquer ceux qui le virent lors de sa sortie, il y a de cela une vingtaine d'années (bigre !). A-t-il bien vieilli ? 

Pablo Sterni a une vie banale et travaille pour une compagnie d'assurances. Pour arrondir les fins de mois, il décide d'empocher les cotisations que paie Monsieur Cannon pour protéger sa voiture de collection. Quand celle-ci est accidentée, Pablo est pris à la gorge. C'est à ce moment qu'il apprend que son cousin Léon vient d'hériter d'une grosse somme. Léon, lui, n'est jamais revenu d'une prise d'acide et ne vit que pour Janis Joplin et John Lennon. Afin de lui soutirer l'argent qui le sortira du guêpier où il s'est fourré, Pablo décide de lui envoyer ses idoles. Les ennuis ne font que commencer. 

Comme le laissent deviner ce pitch et la bande-annonce, "Janis et John" est un premier film audacieux dans son intention. Et ses premières minutes augurent du meilleur, tant sur le fond que sur la forme. Pour son premier long métrage, Samuel Benchetrit imprime très rapidement sa marque. Sur fond d'une bande-son très rock'n roll, son film ambitionne de secouer son spectateur et de sortir des sentiers battus. Démarrant sur les chapeaux de roue, "Janis et John" n'arrive hélas pas à maintenir son allure jusqu'au bout. Il contient cependant de très jolis moments et de vraies tentatives, souvent réussies, d'aller vers quelque chose de neuf. Loin d'être aussi artificiel que certains films ayant voulu adopter ce ton très rock'n roll, "Janis et John" touche du doigt, et à plusieurs reprises, l'humanité de ses personnages, qu'on se prend à aimer, malgré leurs défauts. 

La distribution qui donne vie aux personnages de ce conte rock'n roll est pour beaucoup dans le plaisir qu'on prend à le visionner. Qu'il s'agisse de la regrettée Marie Trintignant (dont c'est le dernier film et qui décéda avant sa sortie, dans les tragiques circonstances que l'on sait), de François Cluzet, de Sergi Lopez (remarquable) ou de Christophe Lambert (qui hérite d'un rôle tout en autodérision), tous sont remarquables et forment sans doute le plus bel atout de "Janis et John". Pour son premier long métrage, Samuel Benchetrit s'offre également la participation de Jean-Louis Trintignant, dans un rôle discret mais décisif. On pouvait imaginer pire. 

Même s'il ne tient pas toujours la distance, "Janis et John" porte en lui une vraie audace et dispense un charme fort agréable (dû en grande partie à ses interprètes). Comédie à la fois barrée et douce-amère, ce premier film est probablement l'un des plus réussis de son auteur.