vendredi 30 avril 2021

Mes meilleurs copains (1989)

Devenu depuis culte pour bon nombre de ceux qui l'ont découvert, "Mes meilleurs copains" est l'exemple-type du film dont on oublie qu'il fut un échec au box-office. Pour tout vous dire, ami(e)s lecteurs(trices), c'est à des films comme celui-là que ce blog doit son existence. En hommage au merveilleux Jean-Pierre Bacri, qui n'a pas fini de nous manquer, voici un billet consacré à un de mes plaisirs (même pas coupables) de cinéma. 

Jean-Michel, Richard, Antoine, Dany et Guido sont les meilleurs amis du monde. Ce soir-là, à l'Olympia, ils se retrouvent parce que Bernadette Legranbois, la célèbre chanteuse québécoise, est de retour. Mais Bernadette, c'est aussi le grand amour de leurs vingt ans. Le week-end qui va suivre va raviver de vieux souvenirs, des vieilles rancœurs, mais surtout leur rappeler qu'ils sont les meilleurs amis du monde.

Découvert par hasard, il y a des années de cela, "Mes meilleurs copains" est l'un de mes films fétiches, de ceux qu'il m'arrive de revoir régulièrement, comme si je retrouvais à chaque fois de vieux amis. Ne vous attendez donc pas, chers lecteurs, à une critique en bonne et due forme, mais plutôt à un coup de projecteur sur ce morceau de cinéma. 

Pourtant, le tournage de ce qui reste l'un des meilleurs films "de pote" du cinéma hexagonal fut compliqué. Entre des conditions météorologiques désastreuses et une ambiance délétère, "Mes meilleurs copains" aurait pu tourner au fiasco. Il n'en est rien et c'est sans doute parce que les comédiens qui incarnent cette bande d'amis qu'on aimerait avoir donnent ici le meilleur d'eux-mêmes. Reconnaissons aussi la qualité des dialogues, écrits par Christian Clavier et Jean-Marie Poiré, les mêmes qui allaient commettre peu après "Les visiteurs".

Pris en grippe par le réalisateur (au point que son pote Gérard Lanvin en vint à prendre sa défense), Jean-Pierre Bacri livre une de ses plus émouvantes compositions, dans un rôle en avance sur son temps. Impossible également de ne pas évoquer l'interprétation géniale de Jean-Pierre Darroussin, en baba nonchalant, du regretté Philippe Khorsand en metteur en scène colérique. Il m'est difficile de ne pas tous les citer, tant je les aime, dans ce film. S'agit-il d'un de ces instants de grâce que peut offrir le cinéma, qui fait que, pour cette fois, l'alchimie fonctionne à plein entre le film, ses acteurs et le spectateur ? Toujours est-il que, malgré les années, je fais partie de ceux qui continuent à aimer "Mes meilleurs copains" et à le considérer comme un antidote au cafard (et je ne vous parle pas de l'épatante bande originale, remplie de classiques du rock'n roll). 

Malgré leurs défauts, on sent, on sait que les cinq amis du titre ne cesseront jamais de s'aimer, que cette amitié est de celle qui survit à tout. En comparaison, d'autres tentatives, plus récentes, de "film de potes" paraissent bien pâles : à aucun moment ce lien ne fut tangible dans le pourtant acclamé "Les petits mouchoirs". Parce que c'était ce film, parce que c'était moi, pourrait-on dire, en copiant la célèbre formule. Certains de ces copains se retrouveront plus tard, dans quelques jolis films, prouvant au passage que l'amitié n'était pas qu'à l'écran. 

Si "Mes meilleurs copains" avait connu lors de sa sortie le succès qu'il méritait, la comédie française s'en serait sans doute mieux portée. Qui sait si on aurait eu droit aux "Visiteurs" (et à leurs pitoyables séquelles) et si la carrière de Christian Clavier aurait pris pareil tour ? Cette question restera sans réponse mais je continuerai à voir et revoir cette inséparable bande...with a little help from my friends.



vendredi 23 avril 2021

La traque (1975)


Une fois n'est pas coutume, plongeons aujourd'hui dans le cinéma français du millénaire passé pour exhumer un film oublié de tous ou presque. Réalisé par Serge Leroy, "La Traque" présentait un casting remarquable, mais ne fut pas pour autant le succès espéré. Comment se fait-il qu'un film où se côtoyaient Jean-Pierre Marielle, Michael Lonsdale et Jean-Luc Bideau, pour ne citer qu'eux, n'ait marqué personne ou presque ? Sorti en 1975, ce film n'a bénéficié d'une sortie vidéo que cette année : en matière de visibilité, il y a de quoi s'interroger.

Jeune universitaire nommée à Caen, Helen Wells vient visiter une maison qui l'intéresse, dans la campagne normande. Le destin va vouloir qu'elle croise le chemin d'une bande d'amis, partis à la chasse au sanglier dans les bois qu'ils connaissent bien : il y a là toutes les couches de la société, ou presque. Quand l'un d'eux la viole, Helen se venge en lui tirant dessus. Ses compagnons vont alors tout faire pour empêcher Helen de raconter ce qui s'est passé. Commence une traque éprouvante pour la jeune femme.

Sur une trame classique, celle du rape and revenge, et avec une esthétique proche du documentaire, Serge Leroy, issu de la télévision, propose ici un film rare, dérangeant, âpre et sans doute en avance sur son temps. On pourrait sans mal classer "La traque" dans la catégorie des "films de genre" ou le comparer à des monuments du même registre (comme "Les chiens de paille", par exemple). Tout en tension, ce long métrage est éprouvant à plus d'un titre et fait partie des films qu'on n'oublie pas. En le visionnant, quarante-cinq ans après sa sortie, on se demande comment pareil film n'est pas devenu culte. 

En empruntant maintes fois au style documentaire, dans lequel il avait fait ses armes et où il puisa une partie de son inspiration pour "La traque", Serge Leroy, cinéaste français méconnu, livre sans doute ici son opus le plus percutant. Le portrait qu'il dresse des hommes, dans une activité à haute teneur en testostérone, n'épargne personne, mais n'est pas pour autant primaire. Face aux monstres ordinaires joués par des acteurs au diapason, il dresse la formidable et fragile Mimsy Farmer, brandissant bien des années en avance, l'étendard féministe. La meute derrière la proie, incarnée par une brochette d'acteurs au meilleur de leur forme, fera frémir, dans sa cruauté autant que son humanité. Face à l'étrangère, ces locaux, au statut de notables, n'ont rien à voir avec ceux de "Delivrance", mais ne s'avèrent pas meilleurs, finalement. 

Il est dommage que "La traque", malgré un casting épatant, soit tombé dans l'oubli. Sa récente (après quarante ans dans les limbes) sortie en vidéo est l'occasion de (re)découvrir ce film audacieux, sans doute trop pour son époque. Il ne serait que justice qu'il accède enfin à la reconnaissance qui lui est due. 



samedi 17 avril 2021

47 meters down (2017)

 

Dans le registre des films à sensation, voire d'horreur, le film "de requin" est une catégorie à part entière, au sommet de laquelle trône l'indépassable "Les dents de la mer". De ses (trop) nombreuses séquelles à des tentatives plus honnêtes comme "Peur bleue" ou "Instinct de survie", les requins, et plus spécifiquement le Carchardon carcharias, ou grand requin blanc, a terrorisé des millions de spectateurs, à tort, d'ailleurs. Récemment, "47 meters down" a connu un joli succès outre-Atlantique, au point d'avoir droit à une suite. Néanmoins, il n'eut pas l'honneur d'une sortie en salles en France. A tort ou à raison.

Lisa et Kate, deux sœurs, sont en vacances ensemble au Mexique. Quand l'opportunité leur est offerte d'observer les grands requins blancs, enfermées dans une cage de protection, elles tentent l'aventure, malgré les réticences de Lisa. Mal leur en prend puisque la cage va chuter jusqu'au fonds marins, à 47 mètres de profondeur. Voilà les deux sœurs en grand péril : le temps leur est compté et les requins rôdent. 

Le postulat de base de "47 meters down" est simple et on ne saurait lui reprocher d'être malhonnête.  Il va s'agir pour les protagonistes du film de se sortir du mauvais pas où elle se sont fourrées, alors que les difficultés s'accumulent. Sur ce schéma classique, nombre de réalisateurs ont fait des propositions et les échecs furent nombreux, notamment pour cause de surenchère : même improbable, les péripéties se doivent de maintenir un certain équilibre, faute de rompre le fil du suspense. Bien que se permettant pas mal de facilités, "47 meters down" se sort plutôt bien de cet exercice et Johannes Roberts, son réalisateur, joue de façon maline avec les nerfs des spectateurs. 

Sans disposer de moyens faramineux, "47 meters down" maintient la plupart du temps la tension et n'offre que peu de temps morts. Les deux actrices principales, Mandy Moore et Claire Holt, dans des rôles qui auraient pu tourner à ceux de potiches prises au piège, offrent une prestation honorable, même si la psychologie de leurs personnages reste peu approfondie (mais le genre empêche pareille introspection). 

Si l'on passe sur les nombreuses incohérences et invraisemblances du scénario, l'exercice de style s'avère plutôt réussi et on se surprend à appréhender ce qui va tomber sur les deux malheureuses, au fond de l'eau, alors qu'autour d'elles rôdent les dents de la mer. Initialement prévu pour une sortie en vidéo uniquement, le film fut finalement projeté en salles aux USA, et connut un succès tel qu'une suite fut tournée. Le destin de "47 meters down" fut tout autre, de ce côté-ci de l'Atlantique : on pourra s'en lamenter, pour peu qu'on goûte ce genre de cinéma. 






dimanche 11 avril 2021

Avant l'hiver (2013)


Les romans de Philippe Claudel explorent souvent le fond de l'âme humaine, quitte à mettre les mains dans le plus sombre de l'homme. A l'occasion, cet écrivain s'est fait réalisateur, notamment avec "Il y a longtemps que je t'aime" ou "Le bruit des trousseaux". Son troisième long métrage, "Avant l'hiver", qui disposait d'un beau casting, n'a guère rencontré le public à sa sortie. Était-ce mérité ?

Marié à Lucie depuis longtemps, Paul est un neurochirurgien de renom. S'il ne cesse de travailler, son épouse s'ennuie chez elle. Un jour, le couple découvre des bouquets de roses rouges sans savoir qui les leur adresse. Paul, de son côté, croise à de multiples reprises Lou, une jeune femme énigmatique. Sous le regard de son ami Gérard, psychiatre, Paul va tenter de comprendre ce qui lui arrive...

Sans adapter l'un de ses romans, Philippe Claudel assure ici le rôle de scénariste et de réalisateur pour conter l'histoire d'un homme se retrouvant pris au piège de sa propre existence. Très vite, et avec une efficacité redoutable, il instille le malaise : les questions affluent chez Paul, au fur et à mesure de ces bouquets de roses déposés sur son passage et de ses rencontres avec l'étrange Lou. Paul a-t-il la vie qu'il attendait ? Et s'il avait fait d'autres choix, que serait-il aujourd'hui ? Les vertigineuses questions que se pose Paul restent intérieures et demandent au spectateur un effort, faute de quoi, il sera frustré par ce que le film propose (ou, plutôt, par ce qu'il n'offre finalement pas). 

A la lecture des romans de Philippe Claudel, on est souvent frappé par leur évidente cinégénie : qu'il s'agisse du "Rapport de Brodeck" ou de "L"archipel du chien", on devine en parcourant leurs pages que l'auteur les envisage comme des films, souvent à hauteur d'humanité. En se faisant réalisateur, Claudel fait montre d'un vrai talent de mise en scène : techniquement, "Avant l'hiver" est irréprochable.  

Et puis, l'interprétation de "Avant l'hiver" est assez remarquable. Daniel Auteuil, dans le rôle principal, montre ici qu'il peut être capable de faire d'excellents choix de rôles (on pouvait en douter, ces dernières années), tandis que, dans le rôle de son épouse, Kristin Scott-Thomas se montre impériale, une fois de plus. Face à eux, Leïla Bekhti, dans un rôle pas évident, tire brillamment son épingle du jeu. J'avoue avoir été moins convaincu par la prestation de Richard Berry, difficilement crédible en psychiatre. 

Sur un territoire de cinéma élégant, qui fait parfois penser à Chabrol ou à Sautet, Philippe Claudel offre ici un drame teinté de suspense où peu de choses sont dites et où rien n'est évident. Pour peu qu'on goûte ce genre, et qu'on apprécie les acteurs qui donnent vie au film, "Avant l'hiver" est doté d'un vrai pouvoir de séduction.




lundi 5 avril 2021

Qui c'est les plus forts ? (2015)

Vous, je ne sais pas, mais j'ai terriblement besoin de me détendre les zygomatiques, en ce moment. Et, pour cela, il m'arrive parfois de m'égarer vers des comédies pour lesquelles, dans le monde d'avant, je n'aurais pas fait le déplacement. C'est ainsi que j'ai visionné récemment "Qui c'est les plus forts ?", réalisé par Charlotte de Turkheim et tiré d'une pièce de théâtre. A sa sortie dans les salles, cependant, ce film fut reçu tièdement, et c'est le moins qu'on puisse dire. Vérifions s'il ne méritait pas mieux.

A Saint-Chamond, dans la Loire, on vibre encore au souvenir de l'A.S. Saint-Etienne, les fameux Verts du ballon rond. Depuis la fermeture de l'usine de découpe de poulets, Samantha vivote comme elle le peut. De peur de perdre la garde de sa jeune sœur, souffrant de forts troubles du comportements, elle va accepter le contrat que Paul, séduisant avocat, lui propose. Et tant pis si Céline, sa meilleure amie, qui arrondit ses fins de mois grâce au téléphone rose, n'est pas d'accord et préfèrerait qu'elle se marie avec le gentil Dylan.

Avec "Qui c'est les plus forts ?", Charlotte de Turkheim louche fortement sur le modèle britannique de la comédie sociale. Hélas, n'est pas Ken Loach qui veut et il faut vite se faire une raison : la tentative n'est pas couronnée de succès, loin s'en faut. Pourtant, les premières séquences augurent d'une relative fidélité au dit modèle : une usine qui ferme, des ouvrières restées sur le carreau et la vie qui tente de continuer, les ingrédients étaient pourtant là. Malheureusement, même avec les composants les plus adaptés, réussir une recette impose un peu de rigueur. A trop ajouter d'éléments, on finit par rendre le plat indigeste. Arrêtons là la métaphore culinaire, c'est sans doute préférable. 

Toujours est-il qu'en multipliant les sous-intrigues et les fardeaux que doivent porter les personnages, mais en leur conférant une énergie souvent artificielle, Charlotte de Turkheim rend son film peu crédible : le sort des héroïnes importe finalement peu au spectateur, alors qu'il eût été souhaitable qu'elles attirent un minimum d'empathie. 

On peut donc incriminer un scénario sans colonne vertébrale, chassant plusieurs lièvres à la fois pour finalement n'en capturer aucun, mais ce n'est pas le seul défaut de "Qui c'est les plus forts ?". L'interprétation est également à mettre dans la colonne du passif de ce film : qu'il s'agisse de l'exaspérante Audrey Lamy, d'Alice Pol ou de Grégory Fitoussi, pour ne citer qu'eux, enfermés dans des rôles plus caricaturaux que crédibles, ils ne sont guère convaincants dans cet alignement de saynètes plus ou moins réussies (et plutôt moins que plus, d'ailleurs).

Le mètre-étalon de la comédie sociale est probablement stocké de l'autre côté de la Manche. Si quelques tentatives hexagonales réussissaient le tour de force de s'aventurer avec succès dans ce registre (je songe notamment au très chouette "Discount"), force est de reconnaître que, la plupart du temps, les réalisateurs français qui s'y frottent échouent. C'est hélas le cas pour ce "Qui c'est les plus forts ?" qui, à force d'en faire trop, n'accomplit rien et, surtout, ne convaincra personne.