vendredi 27 décembre 2019

Rob Roy (1995)


Rob Roy, héros écossais, fut mis à l'honneur sous la plume de Sir Walter Scott. Cependant, le grand public connaît peu (ou pas) ce personnage historique et ceux qui ont entendu son nom le rattachent souvent au film éponyme, mené par Liam Neeson, il y a de cela presque vingt-cinq ans. Sorti peu avant "Braveheart", qui foulait lui aussi les terres d'Ecosse et connut le triomphe que l'on sait, ce long métrage de Michael Caton-Jones est tombé dans l'oubli, ou presque. N'y aurait-il pas là une injustice à réparer ?

En Ecosse, au XVIIIème siècle, Robert MacGregor, dit Rob Roy, fait de son mieux pour diriger son clan, malgré la présence de l'occupant anglais. Quand il se fait escroquer par un aristocrate venu d'Angleterre, guidé par son très fort sens de l'honneur, Rob Roy entre en guerre et n'aura de cesse de venger l'affront.
Face à lui, la noblesse corrompue dispose de tous les atouts. Mais Rob Roy est écossais : cela lui suffit. 

On ne peut s'empêcher, au visionnage de "Rob Roy", de le comparer à "Braveheart", même si les deux films n'exploitent pas la même époque. Les similarités sont nombreuses, à commencer par le statut du héros, opiniâtre et fier, prêt à tout pour venger la blessure faite à son honneur. Mais, dans "Rob Roy", point de grandes batailles brutales, pleines de bruit et de fureur, comme ce fut le cas avec le long métrage de Mel Gibson. L'affrontement oppose essentiellement deux hommes, incarnés à l'écran par Liam Neeson (qui sortait juste du rôle de sa vie, celui d'Oskar Schindler) et Tim Roth, en intendant fourbe (récompensé plusieurs fois pour sa prestation).

En (re)visionnant "Rob Roy", il est flagrant de constater qu'il a terriblement vieilli, à l'instar de bon nombre de longs métrages de cette décennie là. Qu'il s'agisse de sa réalisation ou de son intrigue, il porte quelques traits caractéristiques, qui n'ont pas tous gagné en patine. A titre d'exemple, l'interprétation de Tim Roth, souvent caricaturale, serait sans doute pointée du doigt, aujourd'hui. Mais "Rob Roy" a aussi quelques mérites, dont celui d'évoquer des faits méconnus, quitte à les brutaliser, et de se dérouler dans les très beaux décors d'Ecosse (que Michael Caton-Jones aurait pu mieux exploiter, cela dit). 

Le personnage historique, souvent qualifié de "Robin des Bois écossais", est peu connu. Méritait-il pour autant qu'un film lui soit consacré ? Ou, pour être plus exact, que ce film s'attarde sur un épisode de sa vie et en fasse, en l'altérant notablement, la matière d'un film ? A n'en pas douter, on a vu des films se baser sur des faits encore moins notables. Sans doute Robert Mac Gregor méritait-il d'être mieux honoré que ne le fit Michael Caton-Jones. Avec plus de fidélité et de sincérité, la vie de ce personnage hors du commun aurait donné un plus grand film.







dimanche 22 décembre 2019

Je promets d'être sage (2019)




Vous, je ne sais pas, mais, lors de sa sortie, "Je promets d'être sage" est totalement passé à côté de mon radar. Je ne dois pas être le seul, parce que ce film n'a pas franchi la barre symbolique des 100 000 spectateurs en France. Pourtant, avec Léa Drucker et Pio Marmaï en tête d'affiche, le premier film réalisé par Ronan Le Page aurait sans doute dû attirer plus de spectateurs. Les astres n'étaient pas alignés, lors de la sortie de ce film, mais aurait-il mérité mieux ?

Quittant le monde du théâtre, où sa radicalité l'a mené au burn-out, Franck se retrouve gardien de musée et apprend à passer ses journées dans le silence et le calme. Il découvre vite que ses nouveaux collègues ont tous eux aussi leurs failles. Sybille, en particulier, ne semble guère l'apprécier et a ses petits secrets, que Franck va s'employer à découvrir.

Des personnages qui ne sont pas à leur place, qui portent des blessures les empêchant d'avancer, placés dans un cadre qui leur sied pas : voilà des composants qui font fortement penser au cinéma de Pierre Salvadori, l'un des plus remarquables cinéastes français (à mon sens). La présence au générique de Pio Marmaï, remarquable dans le dernier opus du créateur des "Apprentis", à savoir "En liberté !", ne fait que souligner la grande proximité de "Je promets d'être sage" avec son modèle. 

Certes, l'influence de Pierre Salvadori est évidente, au visionnage de "Je promets d'être sage", mais cela ne suffit pas à assurer la réussite de l'entreprise. Il y a trop de moments dans lesquels l'intrigue ne progresse pas, voire régresse, trop d'instants vides. On sent que l'on n'est pas passé loin de la réussite, mais le résultat final n'est pas à la hauteur de l'ambition initiale. N'acquérant jamais une identité propre, le film se contente d'avancer à vue, ne choisissant jamais entre intrigue dramatique ou fantaisie débridée (cette dernière option, la plus complexe, aurait, je pense, pu donner de grandes choses). 

Les comédiens, que l'on sent livrés à eux-mêmes, ne sauvent pas le film : Pio Marmaï, en roue libre, ne laisse qu'entrevoir ce qu'aurait pu être sa prestation, mais confirme une nouvelle fois tout le bien qu'on peut penser de son talent. Léa Drucker, en personnage blessé dont le passé aurait mérité d'être éclairci, s'en sort moins bien, faute d'un rôle mieux écrit. Derrière eux, les seconds rôles sont sans doute ceux qui s'en sortent le mieux, en particulier Mélodie Richard, en jeune femme exubérante mais à la sensibilité à fleur de peau, qui aurait mérité plus de place dans le scénario.

Voilà un film que j'aurais aimé aimer davantage, mais qui, faute d'une vraie identité et de choisir sa propre voie, se contente de ne pas faire de choix narratifs. Considérons que cette tiédeur est uniquement due au manque d'expérience de son réalisateur et que son prochain opus saura infirmer le diagnostic.





mardi 17 décembre 2019

Le nouveau (2015)



Il m'arrive souvent de visionner un film sans aucun a priori, sans avoir consulté les critiques venues de la presse ni avoir pris connaissance des prix éventuellement reçu par ce film. Souvent, en lisant a posteriori ce qu'en ont dit les professionnels de la profession, force est d'avouer que je suis (au moins en partie) en accord avec eux. Plus rarement, c'est l'incompréhension : comment tel ou tel film a-t-il pu être aussi encensé alors que je ne lui trouve que des défauts ? Pourquoi tel autre a-t-il essuyé pareille rafale de critiques ? Dans laquelle de ces configurations allons-nous placer "Le nouveau", petite comédie collégienne, qui ne fit pas trop de bruit lors de sa sortie en salles ?

Ce n'est pas facile, pour Benoît, de se faire des amis dans le collège où il est le nouveau, suite au déménagement de ses parents. Les clans sont déjà formés et la plupart des autres garçons le regardent de haut, voire s'en prennent à lui. Et seuls les moins populaires tendent la main au jeune garçon. Alors, sur les conseils de son oncle, Benoît va tout faire pour s'intégrer, et tenter de séduire la jolie Johanna, qui semble s'intéresser à lui.

Alors qu'on pourrait penser qu'il s'agit d'une comédie à la français (ce n'est pas un bon présage), "Le nouveau", au visionnage, a tout d' un prequel des "Beaux gosses". Cette plongée en milieu collégien, filmée de façon quasi-documentaire, ressemble en effet au long métrage de Riad Sattouf dans son approche de ses jeunes héros, forçant souvent le trait sur leurs défauts. Repéré en tant qu'acteur (souvent au petit écran), Rudi Rosenberg, le réalisateur, laisse souvent sa caméra tourner tandis que ses comédiens (souvent amateurs) évoluent, improvisant parfois. Le résultat est assez inégal, puisqu'en équilibre entre le documentaire et la comédie. Oscillant sans cesse entre ces deux pôles, "Le nouveau" souffre d'un vrai déséquilibre et de la confusion qu'il affiche.

Malgré une vraie fraîcheur, notamment due à l'interprétation des jeunes héros de cette vraie-fausse comédie, "Le nouveau" donne plutôt l'impression de tourner en rond et d'user sans cesse des mêmes procédés pour amuser le spectateur ou l'interpeller. Côté humour, on repassera, car les gags, si tant est qu'on puisse utiliser ce terme, tombent souvent à l'haut et sont contrebalancés par des moments ne prêtant pas à rire, ce qui torpille l'effet initialement voulu. La présence du personnage incarné par Max Boublil (qui ferait bien de changer de registre ou d'arrêter ses tentatives au cinéma), uniquement là pour la partie comique du film, s'avère artificielle et inutile. Rudi Rosenberg aurait sans doute mieux fait de ne considérer que la partie réaliste de son film, si vous voulez mon avis.

En relisant après visionnage les avis de la presse, et en particulier ceux des critiques souvent les moins tendres, j'ai eu l'impression d'être passé à côté d'un bon film, ne voyant dans "Le nouveau" qu'une comédie brouillonne et hasardeuse, rarement amusante. Sans doute me faudrait-il une deuxième séance pour en avoir le cœur net : l'envie n'est pas au rendez-vous, cependant...




jeudi 12 décembre 2019

Tout de suite maintenant (2015)

  

Le cinéaste Pascale Bonitzer a déjà fait l'objet d'un billet dans ce blog, avec "Cherchez Horthense", film très parisien, qui m'avait laissé perplexe. Arborant également une affiche dessinée par Floc'h (fidèle au réalisateur), "Tout de suite maintenant", qui mettait en vedette Agathe Bonitzer, sa fille, a été l'occasion d'une deuxième tentative de ma part : allais-je ou non adhérer au propos de Pascal Bonitzer ? Allais-je rencontrer son univers ? Le peu de succès public de ce film était-il mérité ? Ou, à en croire les critiques, en majorité positives, les spectateurs étaient-ils passés à côté d'une belle rencontre cinématographique ?


Nouvellement embauchée dans la finance, Nora fait ses premières armes en découvrant que son patron et son père se sont connus, quand ils étaient jeunes. De plus, elle doit subir la concurrence que lui opposent ses jeunes collègues, avides de réussite et de profits. Entre apprentissage professionnel, parcours de vie et découvertes de secrets familiaux, Nora, avec la complicité de sa sœur Maya, va devoir apprendre à s'accomplir.

A l'instar de celui de "Cherchez Horthense", le scénario de "Tout de suite maintenant" met en scène une certaine frange de la population, bien éloignée de celle mise en avant dans le cinéma dit social. Les protagonistes de Pascal Bonitzer, bien qu'à l'abri du besoin, ont des tourments dont on pourrait penser qu'ils sont risibles et, surtout, qu'il n'y a pas de quoi en faire un film. Cela dit, pourquoi pas ? Évoquer les problèmes rencontrés par ces premiers de cordée peut être un moyen de dire quelque chose, d'évoquer leur part d'humanité, voire tout simplement de raconter une histoire. Le tout est de surtout ne pas se montrer élitiste et de faire en sorte d'attirer un minimum de sympathie. 

Alors, oui, les personnages de "Tout de suite maintenant" ne sont pas en proie aux fins de mois difficiles, c'est le moins que l'on puisse dire. Néanmoins, la vie n'est pas pour eux un jardin de roses et les tourments les accablent, comme tout un chacun. Du moins, c'est ce que voudrait faire croire ce film. Parce que c'est là que le bât blesse : aucun des personnages de "Tout de suite maintenant" n'est sympathique ni attachant : c'est sans doute cela qui fait que, très tôt, on se désintéresse de ce qui peut leur arriver. Englués dans leurs tourments artificiels, les protagonistes de ce film ne font rien pour se sortir de l'ornière, ni pour titiller l'empathie du spectateur. Ce dernier restant en retrait, il a tôt fait de se moquer comme d'une guigne des problèmes de petite fille riche qui taraudent Nora. 

Servi par un casting à très fort potentiel, le film n'est cependant pas l'occasion pour les comédiens de tirer leur épingle du jeu. Agathe Bonitzer, dans le rôle principal, passe le plus clair de son temps à faire la tête (décidément !), partageant l'ennui du spectateur. Et même les courts passages d'acteurs plus chevronnés ne suffit pas à faire jaillir l'étincelle : "Tout de suite maintenant" déroule tant bien que mal son fil (doré) sans susciter l'intérêt (le mien, en tout cas). Il semblerait donc que le cinéma de Pascal Bonitzer ne soit pas fait pour moi.




samedi 7 décembre 2019

Roxane (2019)




S'il est avéré que la comédie sociale a écrit ses lettres de noblesse de l'autre côté de la Manche, force est de reconnaître que le cinéma hexagonal se permet quelques tentatives, pas toujours couronnées de succès. En s'emparant de thèmes d'actualité, comme les grandes difficultés que rencontrent nombre d'agriculteurs, quelques films ont fait parler d'eux (et parfois de la cause dont ils s'emparaient). De "Petit paysan" à "Un village presque parfait", il semblerait donc que le cinéma français tienne un filon, sans toujours savoir comment l'exploiter. Le cas de "Roxane" est assez représentatif : avec un casting qu'on aurait pu croire gagnant et un sujet en phase avec son époque, ce film n'a pourtant pas séduit le public.

Raymond, éleveur de poules pondeuses, a un secret : chaque jour, il lit à ses poules, dont Roxane, qui le suit partout, des pièces de théâtre. Quand la coopérative qui le nourrit décide de rompre leur contrat pour se tourner vers un gros producteur, Raymond et ses confrères sont en plein désarroi. Alors que certains renoncent, Raymond, accompagné de la fidèle Roxane, décide de faire le buzz, comme on dit. Qui ne tente rien n'a rien et, sous le regard effaré de son entourage, l'éleveur choisit de s'exposer.


En greffant un problème social bien réel (hélas !) avec un moyen inattendu de s'accomplir (souvenez-vous des strip-teaseurs de "The full monty", par exemple), la comédie sociale a souvent fait mouche, sans cependant changer les choses. La recette est ici sagement appliquée au malaise agricole et la réalisatrice, Mélanie Auffret, choisit la voie du feel-good movie pour "Roxane", pour son premier film. On sourit donc parfois, même si le drame pointe de temps en temps le bout de son nez, sans cependant avoir le temps de plomber l'ambiance.

Film léger, "Roxane" tourne parfois un peu en rond et bégaie ses arguments, perdant du coup de son impact. C'est dommage, car il y avait matière à nourrir un long métrage plus épais, si vous voulez mon avis. Servi par des comédiens convaincants, mais n'ayant pas suffisamment de substance pour nourrir leurs personnages, "Roxane" offre à Guillaume de Tonquedec un rôle qui aurait pu être grand, tout en oubliant parfois celles et ceux qui sont derrière. On ne peut néanmoins pas lui jeter la pierre, tant il suscite l'empathie : on aime cette campagne-là et on a envie d'aimer ce film, malgré tous ses défauts. 

Pas tout à fait réussi, mais pas complètement raté non plus, "Roxane" acquiert, dès le début, un capital-sympathie qu'il ne perd jamais. En utilisant sagement les codes du genre, il réussit sa mission, sans cependant se faire remarquer. C'est déjà ça de pris.



lundi 2 décembre 2019

The man from Earth (2007)



Les idées les plus simples sont parfois les plus riches. Reste ensuite à savoir les exploiter, les "vendre", comme on dit. Cette deuxième étape est souvent la plus compliquée et la moins réussie. Le film "Man from Earth", inspiré d'un roman de Jerome Bixby, romancier de science-fiction, pianiste et peintre (entre autres), est passé sous le radar de nombre de spectateurs. Malgré quelques prix (notamment au festival de Rhode Island), il attendit quatre ans avant de sortir en France, uniquement sur le marché de la vidéo. 


Parce qu'il a décidé de quitter le lycée où il enseigne depuis dix ans, les collègues et amis de John se rendent chez lui, surpris par ce choix brutal. Regroupés dans son salon, ils vont apprendre de sa bouche l'incroyable vérité : John est âgé de 14 000 ans et il est temps pour lui, qui ne vieillit pas, de partir avant d'attirer la méfiance. Alors qu'il fait le récit de sa vie, John provoque un débat passionné. Dit-il vrai ou est-il un mythomane ? 

Comme vous avez pu le lire, le pitch de base de "The man from Earth", qui donna lieu à une suite ("The man from Earth : Holocene", sorti uniquement en téléchargement) est redoutablement simple et aurait pu donner lieu à un film à gros budget, avec un traitement spectaculaire. C'est à l'extrême opposé du spectre que se situe le film de Richard Schenkman Avec un budget sans doute équivalent à une journée de tournage du premier blockbuster venu, "The man from earth" se concentre sur ses personnages et sur le débat qu'ils ont suite à la révélation du héros. L'idée de base, terriblement gonflée, ne donne donc lieu qu'à des paroles et on se prend souvent à ne voir en ce film qu'une pièce de théâtre.

Le pitch est simple et pourrait être efficace. Cependant, la réalisation, dont on pourrait croire qu'elle a été pensée pour le petit écran, ainsi que l'interprétation, dépourvue de chaleur, pêche en défaveur du film. Dans le décor dépouillé (pour cause de déménagement), c'est surtout la frilosité qui s'installe et on peine à s'intéresser à ses beaux esprits qui essaient de comprendre si, oui ou non, leur ami est ce qu'il prétend être. Ajoutons à cela une version française assez médiocre et le tableau sera complet : "The man from Earth", partant d'une promesse potentiellement riche, a nombre de handicaps qui l'empêchent de la tenir.  

On notera également quelques jolis trous dans la raquette. Le plus visible fragilise l'ensemble de l'édifice : si John préfère partir, c'est pour garder son secret intact (ce qu'il réussit après tant d'années), mais ce ballot choisit de tout déballer à ses amis, ce soir-là. J'avoue me gratter encore la tête quant aux motivations de ce drôle de héros.

Si l'on voit "The man from the earth" comme un petit film aux grandes ambitions, on peut se satisfaire du résultat. Mais, si l'on pose quelques exigences, on descend vite du train en marche, pour laisser tout ce petit monde pérorer dans son coin. Chacun son choix.