vendredi 31 août 2018

Paris Willouby (2016)




On peut dire plein de choses, avec un road-movie. Un voyage, seul ou accompagné, est souvent intérieur et, tout en découvrant de nouveaux horizons et de nouveaux personnages, on peut faire rire, faire pleurer, émouvoir et secouer un peu le spectateur. Les réussites sont légion, au cinéma, dans ce registre. Les échecs aussi. Récemment, parce qu'il mettait en vedette Isabelle Carré (qui, comme mes lecteurs le savent, fait partie des raisons pour lesquelles je peux me pencher sur un film), j'ai visionné "Paris Willouby", l'un des flops du cinéma hexagonal de 2016. 

Claire, divorcée et mère d'Alexandre est remariée avec Maurice, qui a une fille, Lucie. De cette nouvelle union est née Prune, une petite fille curieuse de tout. Mais cette famille recomposée accueille aussi Marc, le frère de Claire, dont Angélique, la petite amie, enceinte, vient de partir, puisqu'il est incapable de s'engager. Quand Claire apprend la mort de son père, qui n'a plus donné de nouvelles depuis sept ans, elle entraîne toute la tribu, pour se rendre aux obsèques de celui-ci. Le voyage ne sera pas de tout repos. 

Si l'intrigue de "Paris Willouby" vous dit quelque chose, c'est probablement à cause de sa très grande proximité avec celle du très réussi "Little Miss Sunshine". Lui aussi réalisé par un duo (aux manettes, Quentin Reynaud et Arthur Delaire, aussi acteurs), "Paris Willouby" souffre trop de la comparaison avec son modèle pour prétendre être plus qu'un simple décalque. En suivant les pérégrinations d'une famille s'entassant dans un monospace pour se rendre à l'enterrement du père absent, la famille Guilby-Lacourt, au gré de son voyage, perd peu à peu l'affection des spectateurs qui auraient pu s'intéresser à elle.

Pour qu'un road-movie fonctionne (et, d'ailleurs, c'est valable pour nombre de films), il faut que les personnages aient quelque chose à perdre ou à gagner. Faute d'enjeu véritable pour les personnages principaux, la balade se résume vite à quelques règlements de compte et quelques éclats qui ne sont jamais exploités sur la durée. Et ce n'est hélas pas du côté de l'interprétation qu'il sera possible de se consoler. On a beau adorer Isabelle Carré, ce n'est pas ici qu'elle trouve son meilleur rôle et la lumière qu'elle apporte d'habitude à un film est ici bien terne. Face à elle, Stéphane de Groodt et Alex Lutz sont peu convaincants, une fois de plus (il va falloir que je trouve le moyen de me réconcilier avec ces deux acteurs), tandis que les plus jeunes de la distribution ne s'en sortent pas trop mal.

Il est possible de se consoler avec la bande originale, assurée par le groupe Gush (dont un troisième album serait le bienvenu, ceci est un appel), qui est sans doute la meilleure idée du film et confère aux scènes qu'elle illustre une énergie communicative.

A trop s'inspirer d'un modèle qui convainquit tout le monde ou presque, "Paris Willouby" singe trop souvent, et bien maladroitement, le très chouette "Little Miss Sunshine" : il ne suffit cependant pas de mettre une famille un peu bancale sur la route pour faire un film réussi. Ça se saurait.


dimanche 26 août 2018

Les goûts et les couleurs (2018)


Depuis quelques années, un nouvel acteur est en train de rebattre les cartes dans la production de fictions. Si Netflix a fait ses preuves en matière de séries, force est cependant d'avouer que, pour les films, on attend encore le long métrage qui sortira du lot. En attendant, Netflix varie son offre et permet de visionner des films sans passer par les salles obscures. Est-ce une bonne idée ? La question reste posée.
Simone, qui vit en couple avec Claire. depuis trois ans, n'a toujours pas réussi à faire son coming-out auprès de sa famille, où la religion juive tient une place importante. Son frère, afin qu'elle ne reste pas célibataire, lui arrange un rendez-vous avec l'un de ses amis, qui a une excellente situation. Pas à un mensonge près, Simone envoie à sa place une amie, que la rencontre ravit. Pour ne rien arranger, Simone tombe sous le charme de Wali, un cuisinier chez qui elle a ses habitudes. Oui, c'est compliqué, chez Simone. Et ça ne va pas s'arranger.

En montant ce projet, l'équipe de production devait lorgner sur l'immense (et pas forcément mérité) succès de "Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu ?". Au centre de l'histoire, Simone et ses histoires d'amour et de sexualité, son rapport à la religion et à ses parents, font immanquablement penser à cette comédie, ça saute très rapidement aux yeux (surtout dans les scènes où Simone est confrontée à ses parents). Pourquoi pas ? Tout n'avait pas été (bien) dit dans ce film et il restait possible d'évoquer les mêmes thèmes avec finesse et drôlerie. L'intention était donc peut-être bonne... 

Seulement, l'histoire que narre "Les goûts et les couleurs" ne tient pas vraiment debout, partant dans tous les sens, sans doute pour exploiter chaque thème passant à sa portée, espérant faire à la fois sourire et réfléchir sur ces thèmes qui continuent de secouer la société. Le personnage de Simone, au lieu d'être l'axe central du film, nous fait le coup du "un pas en avant, deux pas en arrière", forçant l'histoire à suivre une trajectoire chaotique, à laquelle on ne croit finalement pas.

On pourrait se réfugier dans la prestation des acteurs, pour certains au stade de la découverte. Malheureusement, qu'il s'agisse des jeunes pousses (Sarah Stern, Jean-Christophe Folly, Julia Piaton, pour ne citer qu'eux), à qui l'on souhaite de mieux choisir leurs prochains rôles ou d'acteurs plus confirmés (Catherine Jacob, Richard Berry ou Arié Elmaleh), tous semblent bien peu inspirés. La réalisatrice, Myriam Aziza, qui s'était fait un nom dans le registre du documentaire, se contente de regarder et en oublie de diriger tout son petit monde.

Empilement de clichés utilisés pour leur prétendu effet comique, "Les goûts et les couleurs" est loin d'être drôle. Film qui n'aime visiblement pas ses personnages, il ne fait rien pour être apprécié du public. Pour le coup, on peut le laisser passer sous le radar.



mardi 21 août 2018

L'amour a ses raisons (2011)




Un petit air d'Italie, ça ne se refuse pas. Revoir, fût-ce sur écran, les rues de Rome, me touche toujours. Aussi, lorsque l'occasion s'en est présentée, j'ai jeté un œil à "L'amour a ses raisons", film en trois chapitres traitant de l'amour et venu de l'autre côté des Alpes. Comme l'affiche annonçait, en plus, la présence de Monica Bellucci, je ne m'étais pas fait prier. Par contre, la question pouvait se poser : pourquoi ce film (comme finalement pas mal de ses homologues italiens) n'avait-il pas franchi la frontière avec succès ?

L'amour, toujours : à trois périodes de la vie, le voilà qui sévit et fait des ravages dans les cœurs. Il retourne celui de jeune avocat ambitieux se retrouvant dans un petit village peuplé d'originaux. C'est aussi lui qui entraîne ce présentateur de télévision dans une histoire qui lui échappe. C'est toujours lui qui rapproche un américain venu se réfugier à Rome et la fille de son ami, envers et contre tout. Il n'a pas fini de sévir, Cupidon, avec son arc et son taxi (ah oui, on ne vous a pas dit, mais il doit boucler ses fins de mois, cet angelot).

C'est beau, l'Italie, que ce soit en bord de mer ou au centre de Rome. Depuis des décennies, les cinéastes y ont posé leur caméra, pour filmer des drames et des comédies, avec plus ou moins de succès et de grâce. Mais un beau décor n'a jamais suffi à faire un film. Il faut, pour cela, conter une histoire et bien s'y prendre. En l'occurrence, "L'amour a ses raisons" prend le risque d'en narrer trois d'un coup, sur le thème le plus universel qui soit : l'amour. Sans doute le réalisateur, Giovanni Veronesi , s'est-il dit que ce serait facile de jouer sur un terrain aussi connu. Ce n'est évidemment pas aussi facile que cela. Pour universel qu'il soit, le thème est évidemment un chausse-trappe et s'y frotter peut donner le meilleur comme le pire. J'ai bien peur que, dans le cas de "L'amour a ses raisons" (dont le titre original "Manuale d'amore 3" suggère qu'il s'agit du troisième volet que Veronesi consacre aux méfaits de Cupidon), la balance penche plutôt du mauvais côté. 

Les décors sont enchanteurs, oui, les actrices sont belles et généreuses. Mais, malheureusement, les histoires racontées ici ne sont pas à la hauteur du décor et des interprètes. Le premier volet, visiblement improvisé, s'égare dans le boulevard avant de retomber péniblement sur ses pattes. Le deuxième est sans doute le moins intéressant, utilisant comme ressort comique la maladie mentale de son héroïne. Enfin, le troisième est le plus touchant et le plus intéressant, sans doute parce qu'il est interprété par Robert de Niro et Monica Bellucci, même si "L'amour a ses raisons" ne doit pas trôner bien haut dans leur filmographie. Et quelle idée stupide que d'avoir utilisé un personnage de chauffeur de taxi (celui que j'évoquais dans le pitch plus haut), censé personnifier l'amour. 

Enfin, si vraiment vous tenez à voir ce film, évitez la version française comme la peste bubonique. Le doublage est une vraie catastrophe, à peine digne de celui des émissions de télé-réalité perdues au fin fond d'obscures chaînes de la TNT.




jeudi 16 août 2018

Rendez-vous l'été prochain (2010)



Philip Seymour Hoffman, grand acteur récemment disparu, fut aussi réalisateur. Le seul film qu'il mit en scène "Rendez-vous l'été prochain" (dont le titre original était "Jack goes boating") fut l'adaptation d'une pièce de théâtre dans laquelle il avait joué et qu'il avait mis en scène également. Long métrage à petit budget, ce film ne reçut guère de succès lors de sa sortie en salles (moins de 40 000 entrées en France). Il donne pourtant à voir une autre facette du talent de l'immense artiste, passé au Panthéon pour d'autres rôles.


Chauffeur de limousine, Jack est mal dans sa peau, et inadapté dans la société. Son seul ami, Clyde, est en couple avec Lucy. C'est grâce à eux qu'il rencontre Connie, une femme fragile et maladroite, dont il s'éprend. Pour elle, il veut changer et apprendre à nager, à cuisiner, et l'emmener sur le lac, l'été prochain, parce qu'il lui a promis une balade à Central Park.
Tandis qu'entre Connie et Jack, une amour se construit, celui qui soudait Clyde et Lucy se délite.
Qu'en sera-t-il l'été prochain ?

Le moins que l'on puisse dire, c'est que les personnages de "Rendez-vous l'été prochain" ont des problèmes et, surtout, des psychoses. Mal dans leur peau et dans leur monde, les héros de ce film vivent comme en vase clos, enfermés dans leur petit appartement new-yorkais (enfin un film où les protagonistes ne vivent pas dans un logement grand comme un stade, voilà qui est réaliste !) ou dans l'habitacle de leur voiture. Même lorsqu'il tente de se lancer dans le monde extérieur, Jack a besoin de se réfugier dans l'eau de la piscine pour devenir l'homme qu'il aspire à être. Bref, quoi qu'en disent certains sites, "Rendez-vous l'été prochain" n'est pas vraiment une comédie romantique.

L'histoire narrée par Philip Seymour Hoffman l'est à hauteur d'homme et de femme, toute en sensibilité, parfois avec de gros silences qui instillent un léger malaise. En plus d'être un grand acteur, on peut sans conteste dire qu'il était également un talentueux metteur en scène. Et, surtout, Hoffman était aussi un remarquable directeur d'acteurs, sans doute parce qu'acteur lui-même. Les quatre personnages principaux sont incarnés avec grâce par, en plus du metteur en scène, les trop rares John Ortiz, Amy Ryan et Daphne Rubin-Vega, tous épatants dans des rôles loin d'être caricaturaux.
Il est sans doute là, le plus bel atout de "Rendez-vous l'été prochain", dans ses personnages et ceux qui leur donnent vie, dont on sent que le metteur en scène les aime éperdument.

Alors, "Rendez-vous l'été prochain" (titre français finalement pas si désastreux) est certes un petit film, qui parle de "vraies" gens. Mais ce genre de petit film fait parfois du bien, parce qu'il narre une histoire qui peut nous "parler", mais aussi parce qu'il donne la part belle aux acteurs et à ceux qui les aiment. Voir (ou revoir) ce long métrage passé inaperçu à sa sortie peut être un bel hommage à l'immense artiste que fut Philip Seymour Hoffman.

Ce film a été vu dans le cadre du Movie Challenge 2018, pour la catégorie 
"Un film avec une saison dans le titre"

samedi 11 août 2018

Denis (2013)


A peine 44 000 entrées durant une exploitation d'une semaine : voilà ce qu'on appelle un four. Pour nombre de réalisateurs, pareille sanction équivaut à la fin d'une carrière. Lionel Bailliu, aux manettes de l'accident industriel que fut "Denis", officie depuis à la télévision. Ce qui fut à l'époque son second long métrage méritait-il cependant un pareil désastre ? 

Technicien de police scientifique, Vincent n'a pas de chance avec les femmes. Par deux fois, celle qu'il pensait être la femme de sa vie l'a quitté. Pire encore, c'est pour le même homme, un certain Denis, professeur de catch, motard et fêtard qu'elles sont parties. Alors qu'il vit une belle histoire avec Anna, Vincent voit resurgir Denis.
Il veut en avoir le cœur net : qu'a-t-il de plus, ce Denis, avec ses chemises voyantes, pour faire chavirer le cœur des femmes de sa vie ?

Avec une idée de base pareille, on pouvait s'attendre, avec "Denis", à une comédie où deux personnages radicalement différents, après s'être affrontés, apprennent au cours du film à s'apprécier l'un et l'autre. L'opposition entre deux personnages est l'un des ressorts les plus connus et les plus éculés de la comédie, qu'elle soit française ou pas. Pour usé qu'il soit, ce mécanisme peut cependant fonctionner, s'il est au service d'un scénario riche et si l'interprétation le nourrit. Dans le cas de "Denis", il faut bien reconnaître qu'aucune de ces deux conditions n'est remplie. Passé le postulat de base, on a vite l'impression que le scénario est rempli de trous, comblés à la va-vite par le passage de personnages secondaires ou par des séquences de pure comédie. Quelques étincelles parsèment bien le film, laissant augurer de ce qu'il aurait pu être, mais ne suffisent pas à enflammer l'ensemble.

Et, malgré ce remplissage, "Denis" est un film très court (1 heure 10), qui s'arrête faute d'avoir plus à dire (ce qui serait bienvenu dans nombre de cas, si vous voulez mon avis, mais ce n'est pas le propos). Il serait de mauvais goût de reprocher à un film sa courte durée mais, dans le cas de "Denis", une chose est sûre : il aurait vraiment été difficile d'en faire plus, la matière étant rapidement épuisée.

Au service des personnages, les deux acteurs principaux, Fabrice Eboué et Jean-Paul Rouve, sont assez peu convaincants, dans leurs personnages d'hommes antagonistes. Il faut se tourner vers la part féminine du casting pour être plus convaincu, notamment par la fraîcheur apportée par Sara Giraudeau, qui trouvera plus tard des rôles à la mesure de son talent. 

Quelques moments vraiment drôles ne suffisent pas à rendre un film. "Denis" comporte quelques-uns de ces instants, mais, faute de savoir les lier solidement, pêche à tenir ses promesses. Faute de remplir le minimum syndical, ce film, sans mériter l'échec cuisant qui fut le sien, n'a rien d'indispensable.





lundi 6 août 2018

Parlez-moi de vous (2012)



A plusieurs reprises, le cinéma s'est penché sur les hommes et les femmes de radio : on pense évidemment à "Good morning Viet-Nam", à "Un frisson dans la nuit" ou "Good morning England", pour n'en citer que quelques-uns. Il y a quelques années, Karin Viard endossa le rôle d'une animatrice délivrant ses judicieux conseils à son auditoire dans "Parlez-moi de vous". Ce premier film de Pierre Pinaud n'eut qu'un succès limité : c'est tout naturellement qu'il trouve donc sa place dans ces colonnes.
Melina écoute, le soir, les gens qui l'appellent et lui confient leurs problèmes de cœur. Melina leur répond et, lors de son émission radiophonique quotidienne, les aide. Mais, derrière Melina se cache une femme à la dérive. En cherchant à retrouver la mère qui l'abandonna, toute petite, elle découvre un univers bien différent du sien. Melina écoute, mais qui l'écoute, elle ?

C'est du côté de la psychologie de son personnage central, de ses racines et du choc des milieux sociaux que promettait de s'aventurer "Parlez-moi de vous". L'héroïne du film, cachant sa véritable identité et cherchant d'où elle vient, est le pivot de l'histoire qui, hélas, ne tient pas toutes ses promesses. Si, par moments, "Parlez-moi de vous" évoque avec finesse les tourments de ses personnages, il use le plus souvent d'une psychologie un peu épaisse et facile. Le personnage central, Melina, si forte et omnisciente qu'elle soit, ne l'est qu'en apparence. 

Mais c'est évidemment dans le choc de deux mondes différents que se trouve le noyau central du film. Quand l'héroïne met le pied dans l'univers de petites gens,et part à la découverte d'un monde qu'elle connaît mal, sortant au passage de sa zone de confort, le film prend un tout autre tour. L'animatrice se targuant de psychologie devient une femme comme une autre, sans plus fragile qu'elle ne le croit. On peut se dire que le coup de l'émission radio n'était qu'un prétexte comme un autre, finalement, pour suivre un personnage, son parcours, ses découvertes.  

Enfin, s'il est une raison de regarder ce film, c'est évidemment la formidable Karin Viard, qui tient à elle seule toute l'histoire et donne admirablement vie à son héroïne. Derrière elle, les seconds rôles assurent le job, comme on dit, mais l'interprète principale irradie tant de talent qu'elle les occulte parfois. Ainsi Nicolas Duvauchelle, la regrettée Nadia Barentin (à qui est dédié le film) et Catherine Hosmalin, pour ne citer qu'eux, ont parfois du mal à faire exister leurs personnages dans un script qui réserve la part belle à son héroïne.

Sans être tout à fait raté, "Parlez-moi de vous" n'est pas complètement réussi, faute d'un scénario plus solide auquel on aurait pu s'accrocher solidement. Il vaut surtout, vous l'aurez compris, pour la prestation de son actrice principale.



mercredi 1 août 2018

Les enfants (2004)




Les codes ont changé. N'en déplaise à certains, une famille, ce n'est plus seulement une maman et un papa. Nombreuses sont les familles recomposées, même si cette recomposition n'est pas toujours des plus simples.Les films appréhendent peu à peu les nouveaux modèles de famille, mais peu sont nombreux, ceux qui explorent de l'intérieur la reconstruction de la cellule familiale. Christian Vincent, réalisateur de "La discrète" ou de "L'hermine", s'est penché sur l'histoire d'un homme et d'une femme tentant de construire leur vie sur les décombres de leur passé, avec "Les enfants". Il faut croire que le public n'était pas prêt.

Pierre est divorcé et n'accueille ses deux fils, de 9 et 15 ans qu'un week-end sur deux. En quête de l'appartement qui lui conviendrait, il tombe sous le charme de Jeanne, l'agente immobilière en charge de son dossier et elle aussi, divorcée et mère de deux enfants. Après quelque temps de liaison clandestine, Jeanne et Pierre décident de franchir le pas et de vivre ensemble, eux et leur progéniture. Mais mélanger deux fratries n'est pas de tout repos.

En traitant du sujet délicat de la recomposition d'une cellule familiale, Christian Vincent prenait un risque. Soit le traitement partait sur le chemin de la comédie, dont on sait qu'elle peut parfois donner des résultats plus que mitigés lorsqu'il s'agit de parler de faits de société (on pourrait reparler de "Qu'est qu'on a fait au Bon Dieu ?"). Soit, c'est le ton dramatique qui est choisi et le pathos est au coin de la rue, prêt à alourdir le film. C'est entre les deux chemins que le réalisateur s'est engagé, et c'est sans doute la meilleure idée du film, avec celle de rester dans un ton crédible, du début à la fin.

Mais ce choix n'est pas synonyme de réussite totale pour ce film aux jolies intentions. Les maladresses et lourdeurs ne sont pas absentes, hélas. Ainsi, le rôle presque caricatural du fils aîné de Pierre, élément systématiquement perturbateur, déséquilibre le rapport des forces entre les personnages. De même, le personnage de Karin Viard semble vite être le seul moteur du couple en construction, tandis que Gérard Lanvin (remarquable en homme blessé mais qui veut s'offrir une nouvelle vie) se voit contraint de jouer la passivité.

Enfin, la conclusion que se permet le film (et la façon dont elle est traitée, d'un point de vue cinématographique, voix off à l'appui) pourra laisser songeur, voire dubitatif. La dernière impression étant souvent celle qui reste, c'est un arrière-goût peu agréable que laisse finalement "Les enfants". Malgré une intention de départ louable, les nombreuses maladresses du scénario pèsent en défaveur de l'ensemble du film. C'est regrettable, car le sujet traité méritait mieux.