samedi 26 septembre 2015

Une femme de ménage (2002)


Claude Berri, d'honnête artisan du cinéma (à ses débuts) devint avec les années le pape du septième art hexagonal. Producteur, réalisateur, parfois acteur et scénariste, il a alterné productions ambitieuses et films plus modestes. En adaptant le roman de Christian Oster, "Une femme de ménage", c'est le registre de ses films "humains" qu'il vint enrichir, offrant au passage à Emilie Dequenne, son interprète principale, une nomination aux César. Cette fois, Claude Berri ne reçut pas l'accueil public qui était souvent le sien. 

Depuis que sa femme l'a quitté, Jacques, ingénieur du son quinquagénaire, a du mal à reprendre pied. En tombant sur une petite annonce à la boulangerie, il prend à son service Laura, en tant que femme de ménage. La jeune femme, avec l'énergie de son âge, ne va pas enlever la poussière que sur les meubles de Jacques. 
Entre ces deux êtres qu'a priori tout oppose, l'amour va naître, malgré les différences, qu'elles soient d'âge ou de culture. 


C'est une histoire toute simple que Claude Berri narre ici : celle de personnes un peu à la dérive, qui se croisent, apprennent à s'apprécier et à s'aimer, malgré les accidents que la vie leur inflige. Et vous savez quoi ? Quand un tel film est bien réalisé et interprété, cela fait parfois un bien fou. On ne retient souvent de Claude Berri que ses projets pharaonesques et ses succès populaires mémorables, c'est oublier un peu vite qu'il savait également filmer à hauteur d'homme (et de femme). Malgré l'apparente simplicité du scénario, le spectateur est emporté du début à la fin en compagnie de Jacques, aux côtés de Laura et de sa drôle de coiffure. 
Pour interpréter Jacques, le choix de Jean-Pierre Bacri semblait une évidence : en se glissant dans la peau de cet homme blessé, dont le cœur ne bat jamais à la bonne vitesse, l'acteur prouve, s'il en était besoin, son immense talent. Face à lui, Emilie Dequenne se montre à la hauteur, jouant le plus naturellement du monde le rôle de Laura, entre vitalité et fragilité. Les quelques seconds rôles (dont Jacques Frantz, Brigitte Catillon et la réalisatrice Catherine Breillat) ne sont pas totalement éclipsés par les deux magnifiques interprètes principaux de ce film charmant.

Une fois de temps en temps, se laisser emporter par un film à dimension humaine peut faire beaucoup de bien. Si, en plus, ses interprètes sont touchés par la grâce, il se peut qu'une sorte de magie opère. Dans le cas de "Une femme de ménage", film que d'aucuns qualifieraient de mineur, une évidence s'impose : le charme est là, aussi doux-amer soit-il.


lundi 21 septembre 2015

Un jour mon père viendra (2012)


Il y en a, des films qui célèbrent le mariage, ou utilisent cet événement majeur comme point de départ de leur histoire. Que le ton soit à la tendresse, à la dérision, au cynisme ou au romantisme, ils sont nombreux, les réalisateurs qui se sont frottés à l'exercice. Pas si éloigné que cela, le concept du duo en opposition a fait les beaux jours de certains réalisateurs (je ne citerais que l'exemple de Francis Veber). En croisant ces deux genres, Martin Valente a tenté sa chance avec, pour son troisième long métrage, un casting qui paraissait bankable : Gérard Jugnot, François Berléand et Olivia Ruiz. Il faut croire que cela n'a pas suffi : "Un jour mon père viendra" fut un bide sévère.

Pour Chloé, le grand jour approche : elle va faire le mariage de ses rêves, en épousant l'homme idéal, Stephen, ancien tennisman. Mais, si son fiancé est beau, riche et adorable, Chloé a un gros problème : elle n'a nul père à lui présenter. Parce qu'elle veut absolument qu'un père digne de ce nom l'amène jusqu'à l'autel, elle choisit de recruter un comédien professionnel et décide d'ouvrir un casting. Hélas pour elle, ses deux "vrais" pères  (son géniteur et celui qui l'éleva) entrent dans la danse. Tout se complique...
A lire le pitch, on songe très fortement aux films qui mirent en vedette le duo Gérard Depardieu - Pierre Richard et remplirent les salles (ça n'était que justice). Assumant cette référence, Martin Valente, à qui l'on devait auparavant "Les amateurs" et "Fragile(s)" ne semble hélas pas à la hauteur de son entreprise. Force est de le reconnaître, très vite, le film tourne à vide, et qu'il s'avère être à peine digne d'un téléfilm, tant il est poussif et peu convaincant. On met peu de temps à constater que l'entreprise est vouée à l'échec et ne sortira jamais de l'ornière où un scénario indigent et une réalisation pataude l'envoient dès les premières séquences. 

Que dire de la prestation de Gérard Jugnot et François Berléand, à part qu'ils donnent l'impression de s'ennuyer ferme dans des scènes souvent peu drôles, voire poussives ? Capables du meilleur comme du pire dans leurs choix de rôles, ces deux acteurs semblent hélas avoir opté ici pour la moins bonne option. Face à eux, le bilan n'est pas meilleur. Pour son premier rôle au cinéma, coincée entre deux acteurs ayant de la bouteille, Olivia Ruiz, la brune la plus mutine de la chanson française, s'avère particulièrement fade, tout comme son fiancé à l'écran, Jamie Bamber. Celle qui tire le mieux son épingle du jeu est sans doute la délicieuse Laurence Arné, qui ferait bien de mieux choisir ses rôles.

Quand on a aimé quelque chose, on peine à croire en sa disparition. Il faut, pour s'en convaincre, vérifier à plusieurs reprises que c'en est fini. La comédie française, qui réjouit autrefois tant de spectateurs, semble appartenir au passé. Faisons-en notre deuil.




mercredi 16 septembre 2015

Nuit blanche (2011)


Un vrai film d'action à la française, ça vaut le coup d'oeil, non ? Attention, je ne vous parle pas ici des pseudo-blockbusters produits à la chaîne par EuropaCorp et qui louchent tant sur leurs modèles d'outre-Atlantique qu'on a peine à les croire hexagonaux. J'évoque aujourd'hui le film de genre tel qu'en produisit parfois le cinéma français, à sa grande époque. Les réalisateurs d'alors s'appelaient Melville ou, plus proche de nous, Alain Corneau, voire Olivier Marchal. On me rétorquera peut-être que ce genre n'est pas totalement mort : ses derniers soubresauts s'observe surtout sur le petit écran ou, plus rarement, avec quelques films assumant leur ascendance (on pourrait évoquer les films de Fred Cazayé, par exemple).

Infiltré dans un gang de narco-trafiquants, Vincent, un policier, leur dérobe un gros sac de cocaïne, mais a le malheur d'être repéré par les gangsters. Ceux-ci prennent son fils en otage et le retiennent dans une immense boîte de nuit, qui appartient à un clan mafieux. la nuit qui s'annonce va être haletante : Vincent doit récupérer son fils, sans se faire éliminer par les trafiquants. Et c'est sans compter la présence de ses collègues, pas forcément au fait de son identité réelle, et pas tous du bon côté...


Un héros, seul contre tous, dans un lieu quasiment clos : la filiation avec "Die hard", pierre angulaire du cinéma d'action, saute aux yeux. Malgré une apparente économie de moyens, c'est une réelle ambition qu'affichait Frédéric Jardin (frère d'Alexandre Jardin, soit dit en passant). Bien mal récompensé en matière d'audience, "Nuit blanche" (quel titre affligeant de banalité, aussi), s'il ne méritait pas un triomphe public, n'avait rien fait pour recevoir une telle déculottée lors de sa sortie. Il faut le reconnaître : la tentative, pour maladroit qu'elle est parfois, est sincère et parfois réussie. 

Tomer Sisley, ancien humoriste reconverti dans le cinéma d'action (on se souviendra, ou pas, des deux opus de "Largo Winch"), montre ici qu'il est capable d'être le héros d'un film fonctionnant uniquement à l'adrénaline, même s'il échoue souvent à solliciter le cortex de son spectateur. Face à lui, ses partenaires se montrent à la hauteur et donnent de belles prestations, qu'il s'agisse de Joey Starr, de Serge Riaboukine (qu'on désespère de voir obtenir autre chose que des seconds rôles), de l'étonnant Julien Boisselier ou de la remarquable Lizzie Brocheré (vue récemment dans la série "The Strain"), pour ne citer qu'eux. 

Louchant fortement sur "Die Hard", avec son héros qui en prend plein la tête et continue, martel en tête, à se faufiler entre les clubbers, progressant dans les faux-plafonds, défonçant les portes et dévastant une cuisine lors d'une scène mémorable, "Nuit blanche" permet de passer un bon moment, même s'il perd souvent son spectateur dans le labyrinthe artificiel qui lui tient lieu de décor.

On regrettera un scénario assez maigre et avare d'autre chose que d'action. La mise en scène efficace de Frédéric Jardin, qui fit ses preuves avec la série "Braquo" est pour beaucoup dans l'appréciation globalement positive de cette "Nuit blanche". Pour une fois qu'un film français assume son genre jusqu'au bout sans se dégonfler comme une baudruche, saluons le geste. 




vendredi 11 septembre 2015

Les jardins du roi (2015)


Un jardin, sans nécessairement être royal, est un bel endroit, qu'il soit à l'anglaise, à la française ou de curé. Au temps où le Roi de France s'était cru soleil, les jardiniers devinrent royaux et furent consacrés artistes, au point qu'on se souvienne de leurs noms. André Le Nôtre, pour ne citer que le plus célèbre d'entre eux, a été cette année au centre d'un long métrage réalisé par Alan Rickman, acteur qu'on ne présente plus. Ce film,"Les jardins du roi" ("A little chaos" dans sa version originale) n'a cependant pas rencontré autant de succès qu'espéré. Il est l'heure de lui offrir une séance de rattrapage...ou pas, d'ailleurs.

Sous le règne du Roi Louis XIV, alors qu'André Le Nôtre, son maître jardinier a pour mission d'entourer Versailles des plus beaux jardins du monde, une jeune femme, Sabine de Barra se voit confier la réalisation du bosquet des Rocailles. La belle Sabine va devoir affronter les conventions de son siècle, les intrigues de cour et les tourments avant de parvenir à ses fins, sous les yeux du grand Le Nôtre. Et, entre les deux artistes, c'est plus qu'une simple collaboration qui va avoir lieu...

Pour sa deuxième réalisation (après "L'invitée de l'hiver"), Alan Rickman s'est fait plaisir en se frottant au difficile exercice de style du film en costumes. Sous les perruques et les lourds costumes du Versailles de Louis XIV, c'est un propos social que l'inoubliable interprète de Hans Gruber et du Professeur Severus Rogue a voulu tenir. Pensez donc : voir une femme, non issue de la noblesse, réussir à se faire plier la cour royale, après avoir séduit le grand André Le Nôtre, place d'emblée "Les jardins du roi" dans le domaine de la fiction. Au regard des nombreuses libertés prises par le scénario, cette licence est confirmée : le siècle de Louis XIV n'est donc qu'un décor et l'essentiel est sans doute ailleurs.

Pour soignée qu'elle soit, la reconstitution de la vie à la cour et du travail des maîtres jardiniers est l'occasion pour Alan Rickman de mettre en scène la lutte d'une femme pour se faire une place parmi les hommes, malgré ses origines modestes. On saluera donc l'entreprise : sous des dehors de film en costumes, c'est de la société qu'il s'agit. A l'instar des romans de Jane Austen, dont on imagine qu'il les apprécie à leur juste valeur  (il fut l'un des héros du "Raisons et sentiments" de Ang Lee, aux côtés de Kate Winslet, déjà), Alan Rickman livre ici une oeuvre romantique qui, pour être ancrée dans une époque, n'est pas figée en elle.

Mais c'est surtout les deux interprètes principaux qui emportent l'adhésion, Kate Winslet en tête. Alliant beauté et talent, la fiancée du Jack de "Titanic" prouve une fois de plus qu'elle est au nombre des grandes actrices de notre époque. Face à elle, Mathias Schoenaerts, déjà remarqué dans "De rouille et d'os" donne corps à un Le Nôtre rajeuni, tout en réserve, contenant son feu sous une couche de glace que seul l'amour saurait percer. 

Alan Rickman est un immense acteur, qui s'est sans doute un peu perdu à force de grosses productions (il le reconnaissait lui-même il y a peu) et a sans doute voulu se retrouver dans ses dernières apparitions. Le métier de réalisateur n'est pas celui pour lequel il marquera l'histoire du cinéma. Cependant, grâce à quelques scènes superbes et à l'interprétation magistrale des "Jardins du roi", on lui pardonnera sa rigidité et les libertés majeures prises par son scénario. 



dimanche 6 septembre 2015

Gambit, arnaque à l'anglaise (2012)


C'est rigolo, la façon dont les titres des films se voient ajouter un complément destiné au public français. Avec le complément "entre amis" (promis, je ne reviens pas sur le film sinistre portant ce titre), et vous donnerez à n'importe quel long métrage une allure de film choral, glanant ainsi des spectateurs qui ne s'y seraient pas forcément laissés prendre. En ajoutant le label "à l'anglaise", les distributeurs de films pensent certainement que cela conférera à l'oeuvre le "plus" nécessaire à son succès, en attirant les curieux adeptes d'un ton "so british". Hélas, de "Mariage à l'anglaise" à "Petits meurtres à l'anglaise", la méthode a été déclinée ad nauseam, sans démontrer son efficacité. Il n'empêche qu'elle continue d'être déployée, en dépit du bon sens. "Gambit, arnaque à l'anglaise", remake de "Un hold-up extraordinaire" (1968), avec dans les rôles principaux Cameron Diaz, Colin Firth et Alan Rickman fut un sévère bide, il y a quelques années.

Conservateur d'art, Harry Deane décide d'arnaquer son patron, Lord Lionel Shabandar, grand collectionneur. Pour ce faire, il compte lui faire acheter la copie d'un Monet, disparu depuis la Seconde Guerre Mondiale. Flanqué d'une extravagante texane fan de rodéo, sensée faire croire que son grand-père a récupéré le tableau parmi ceux volés par Herman Göring, Deane va voir son plan prendre une tournure inattendue. Entre choc des cultures et retournements multiples, Harry n'est pas au bout de ses peines.


Michael Hoffman, réalisateur de "Gambit, arnaque à l'anglaise" a déjà derrière lui quelques longs métrages, dont le plus connu est sans doute "Un beau jour", dans lequel il dirigea Michelle Pfeiffer et George Clooney. Ce remake d'une screwball comedy comme on savait les faire il y a quelques décennies était pour lui l'occasion d'espérer un grand succès. Quand on sait qu'en plus, le scénario était écrit par les frères Coen, tous les espoirs étaient permis.  Hélas, ces espérances sont rapidement douchées et ce, dès les premières séquences du film. Les allées et venues du scénario rendent vite l'intrigue totalement confuse et illisible, alors qu'elle n'avait rien de particulièrement crypté. Se perdant en apartés inutiles et ratant ses effets chaque fois qu'il veut faire rire, "Gambit, arnaque à l'anglaise" devient rapidement un film où on s'ennuie.

Tout porte à croire que les frères Coen n'aient fait que griffonner un brouillon du scénario de "Gambit, arnaque à l'anglaise" et qu'ils aient choisi sciemment de ne pas porter à l'écran ce remake inutile de "Un hold-up extraordinaire", qui n'avait pourtant pas marqué les esprits. En effet, si la mise en scène de Michael Hoffman n'a rien d’extraordinaire, elle reste honorable, même si elle est souvent sabordée par un montage souvent en dépit du bon sens. Le scénario est, une fois encore, le grand fautif de ce film. 

On pourrait se consoler avec la présence d'acteurs de grand talent, comme Alan Rickman, Colin Firth,  ou Stanley Tucci. Ce serait en pure perte : les voir se gâcher dans pareil ratage fait plus mal au cœur qu'autre chose. Au passage, si quelqu'un pouvait demander à Cameron Diaz d'arrêter de choisir des rôles basés uniquement sur son physique, ce serait lui rendre grand service. Aussi ravissante soit-elle, il est temps de passer aux choses sérieuses. Mal dirigés et sans doute peu convaincus de l'entreprise dans laquelle ils se sont laissés embarquer, les comédiens font finalement peine à voir.

La vague des remakes, reboots et autres sequels gangrène suffisamment le cinéma, d'où qu'il vienne, pour qu'on s'épargne celui-ci. Se réclamant d'un ton qu'on ne trouve jamais au visionnage, quelque part entre l'humour british et celui des frères Coen (dont je n'arrive pas à comprendre la collaboration au script de ce film), "Gambit, arnaque à l'anglaise" tient une seule promesse : il s'agit d'une arnaque, dont les victimes sont les spectateurs (aussi peu nombreux furent-ils).






mardi 1 septembre 2015

Entre amis (2015)


Les retrouvailles entre amis, voilà un grand classique. On ne compte plus les films, réussis ou non, utilisant ce point de départ pour bâtir une histoire chorale, où est célébrée la très belle notion d'amitié. En général, le groupe en question y est mis à l'épreuve, souvent parce que le passé resurgit, mais en sort renforcé. Olivier Baroux, l'ex-compère de Kad Merad, et devenu réalisateur, a proposé il y a quelques mois sa version du film choral avec "Entre amis" (on notera la très grande honnêteté du titre). C'est hélas l'insuccès qui fut au rendez-vous, malgré l'affiche haut-de-gamme. Ce film a-t-il cependant le potentiel pour devenir, avec le temps, une référence en la matière ?

Amis depuis longtemps, Richard, Philippe et Gilles se retrouvent cet été à Marseille, accompagnés de leurs compagnes respectives. Sous l'égide de Richard, ils vont embarquer à bord d'un superbe voilier à destination de la Corse. Mais, entre les personnalités des six voyageurs, les éléments parfois contraires et ce qui remonte à la surface en pareilles circonstances, la croisière ne sera pas de tout repos. Qu'importe : ils sont entre amis...

On ne va pas se mentir, comme disait l'autre : le film d'Olivier Baroux n'est pas de celui qui fera date dans le cinéma hexagonal. Dans le registre du "film de potes", certaines pépites déjà anciennes (les habitués de ce blog ne s'étonneront pas de me voir citer une nouvelle fois "Mes meilleurs copains", qui aura un jour droit à un billet en ces colonnes) surpassent haut la main la plupart des tentatives récentes. Mais le véritable problème de ce film ne vient pas de sa mise en scène, aussi pauvre soit-elle. La véritable question qui se pose en fin de projection est multiple. On s'interrogera sur ce qui en constitue le scénario, puisqu'il est visiblement écrit à l'aveuglette, tentant tant bien que mal d'arriver à une conclusion sans surprise après avoir traversé quelques péripéties dont on soupçonne qu'elles ne soient là que pour occuper la longueur du film. 

On pourra aussi rester perplexe devant les personnages sensés porter haut l'amitié, et dont on se
demande comment ils sont devenus proches et ont réussi à le rester. Pour incarner ces caricatures, les six acteurs qui tiennent l'affiche cabotinent à outrance : Daniel Auteuil, ancien sous-doué devenu acteur de talent, et plus agité que jamais, semble tenté par un retour aux sources, François Berléand et Gérard Jugnot s'en sortant mieux que lui avec des rôles plus secondaires. Du côté des filles, ça n'est guère mieux. Malgré son immense charme, Mélanie Doutey n'arrive pas à faire croire en son personnage, tandis que Zabou Breitman en fait des tonnes et qu'Isabelle Gélinas limite les dégâts. Une nouvelle question se pose, concomitante à la précédente : comment de pareils acteurs ont-ils pu accepter de tels rôles et un tel scénario ?

Pour parachever le naufrage, je pourrais citer la bande originale de Martin Rappeneau (le fils de Jean-Paul Rappeneau, qui fit les beaux jours de la comédie française du temps où celle-ci avait encore un sens) et le montage qui aggrave la platitude de la mise en scène. Ce serait planter les derniers clous du cercueil. Il n'empêche que, non content de ne pas faire rire, cette comédie française aurait plutôt tendance à affliger son spectateur. Alors que nombre de médias débordent de créativité (je songe évidemment aux séries télévisées, mais également à la bande dessinée, par exemple), le septième art, quand il ne se contente pas de décliner des univers ad nauseam, semble être devenu incapable de créativité et d'innovation. En cela, "Entre amis" est révélateur de l'état désastreux d'un certain cinéma, celui qui s'est vendu aux chaînes télé. Faudra-t-il attendre que le bateau coule ?