jeudi 29 décembre 2016

Le limier (2007)


Les remakes sont devenus monnaie courante, depuis quelques années. Il n'est pas de mois où n'en est annoncé un nouveau, aussi improbable soit-il. Si certains se révèlent intéressants, c'est bien souvent l'inquiétude que génère pareil projet chez les cinéphiles. Quand Kenneth Brannagh décida de réaliser "Le limier" et donc de refaire le grand classique de Joseph L. Mankiewicz, il y eut des sueurs froides chez les adorateurs du film original (dont je fais partie). Étaient-elles justifiées ?

Le jeune Milo Tindle, comédien sans le sou, se rend chez le célèbre Andrew Wyke, richissime auteur de romans policiers. Amant de l'épouse du romancier, Tindle se voit proposer un drôle de marché par Wyke : cambrioler la maison de celui-ci, afin qu'il touche la prime d'assurance. En échange, Milo pourra vivre avec l'épouse de Wyke, une fois leur divorce prononcé. 
Entre le riche vieil homme et le jeune amant, commence un trouble jeu, fait de duperie et de fascination, de manipulation et de séduction .
Mais qui manipule qui ?


Adapté d'une pièce de théâtre, le film de 1972 réussissait, en mettant face-à-face deux acteurs prodigieux (Laurence Olivier et Michael Caine) à être aussi fascinant qu'inattendu, subversif et délicieux. Cette nouvelle mouture, dont on peut douter de la nécessité, prend le parti de se différencier du matériau d'origine, tout en espérant en garder la puissance et l'intensité. C'était ambitieux, et pas forcément utile. C'est surtout raté. 

Là où le film de Mankiewicz utilisait comme décor une bâtisse remplie d'un capharnaüm improbable, Brannagh choisit une architecture épurée et fait appel à la technologie plus souvent qu'à son tour. Soit, après tout. Mais l'autre différence avec le film de 1972, et elle est plus regrettable, c'est qu'il remplace la subtilité du "Limier" original par une lourdeur qui se fait de plus en plus présente que le film avance. Si, dans le premier acte, on pouvait espérer en la réussite de l'entreprise, on en doute rapidement avant de devoir se rendre à l'évidence, sans grande surprise : ce remake est un ratage.

On a beau apprécier Michael Caine et comprendre son désir de revivre le duel phénoménal au cours duquel il affronta l'immense Laurence Olivier, on est bien embêté pour lui de le voir se fourvoyer dans pareille entreprise. Quant à Jude Law, son jeu est bien trop excessif pour l'exercice, surtout dans le dernier acte, où il devient carrément outrancier et souvent ridicule.

Avant de voir "Le limier", version 2007, on peut douter de l'utilité de pareil remake. Une fois qu'on l'a vu, on est fixé : il était inutile et, pire encore, irrespectueux, de revisiter l'immense classique originel. A force de balourdise et de maladresse, Kenneth Brannagh n'obtient pour seul résultat que de donner envie de revoir le film original.




samedi 24 décembre 2016

Un homme à la hauteur (2016)


Cela faisait longtemps qu'une comédie romantique n'avait pas été l'objet d'un billet dans ces colonnes. Genre extrêmement codifié, au point qu'en oublier un ingrédient signifie souvent l'échec, la romcom, comme on dit, est le conte de fées du septième Art, pas réaliste pour un sou, mais auquel on se laisse prendre. Virgine Efira, ancienne présentatrice de télévision ayant contre toute attente réussi sa reconversion au grand écran, est l'une des vedettes du genre. Avec comme partenaire Jean Dujardin, qu'on ne présente plus, et devant la caméra de Laurent Tirard (connu pour ses adaptations du "Petit Nicolas"), la jolie Belge n'a cependant pas remporté un triomphe public avec ce film.

Avocate de talent, Diane est belle, pleine de vie et d'énergie, et célibataire. Lorsqu'elle égare son téléphone portable, elle ne sait pas qu'une drôle d'histoire commence. L'homme qui l'a retrouvé la contacte, et lui fixe rendez-vous. Si le courant passe lors de leurs conversations téléphoniques, Diane a la surprise de découvrir que son interlocuteur n'est pas tout à fait comme les autres : Alexandre est en effet petit, très petit. Architecte de talent, père divorcé lui aussi, il serait l'homme idéal, s'il n'y avait ce problème de taille. Mais est-ce un problème ?

On ne peut reprocher à "Un homme à la hauteur" de sortir du cahier des charges de la comédie romantique. Tout y est ou presque : des protagonistes, assez différents pour générer un semblant d'enjeu, mais finalement pas si éloignés que ça, un cadre de vie plutôt propre à faire rêver, une fin connue dès le début du film, mais quelques obstacles posant questions, ainsi que l'inévitable rupture avant la réconciliation définitive du dernier quart d'heure. Tout est là, dans "Un homme à la hauteur", il ne reste donc plus qu'à ce que le mécanisme derrière, assure le fonctionnement de tous ces éléments.

La différence qui oppose les deux personnages de "Un homme à la hauteur" est de taille (pardonnez-moi cette formule facile) et, pour réussir à faire passer Jean Dujardin pour un homme de petite taille, il a fallu passer par des effets spéciaux. Les moins numériques de ceux-ci sont les plus réussis, il faut bien l'avouer. Mais le problème de ce film ne vient pas de ses effets : c'est qu'il ne surprend pas et laisse trop souvent son spectateur à distance. Malgré toute la sympathie que peuvent susciter ses interprètes (notamment la délicieuse Virginie Efira), Laurent Tirard n'arrive pas à dépasser le postulat de base et se réfugie derrière les scènes provoquées par la petitesse du héros masculin. Évoquant le regard des autres sans l'exploiter judicieusement, il se contente de dérouler tranquillement le fil de son film, se reposant sur les jolis décors qu'il propose et sur ses acteurs pour emporter l'adhésion. On était en droit d'en attendre un peu plus.

Remake d'un film argentin, "Un homme à la hauteur" part d'un matériau déjà rôdé. Un échec aurait été incompréhensible, mais une réussite totale était souhaitable. Ce n'est hélas pas ce qui attend le spectateur.




lundi 19 décembre 2016

Carole Matthieu (2016)



Le cinéma social est à la mode, semble-t-il, et je ne suis pas sûr qu'il faille s'en réjouir, tant il met en évidence les faillites de notre triste époque. Produit par Arte et diffusé récemment sur ce qui est sans doute la meilleure chaîne du moment (même si parfois la plus exigeante), "Carole Matthieu" est ensuite sorti dans les salles obscures. Avec, dans le premier rôle la trop rare Isabelle Adjani, ce film social mérite un petit coup de projecteur.

Médecin du travail par choix, Carole Matthieu oeuvre au sein de la Melidem, plate-forme d'appels commerciaux où des télé-conseillers sont chargés de vendre à tout prix des produits à leurs clients. Entre une hiérarchie harcelante et des employés qui s'accrochent à un métier détestable, parce que c'est cela ou rien, Carole tend la main à des gens broyés par leur travail. Mais, à trop voir d'hommes et de femmes tomber, elle en oublie qu'elle aussi, est proche du gouffre.

Si vous souhaitez vous détendre et oublier, le temps d'un film, le quotidien et ce qui est la réalité de bien de nos semblables, passez votre chemin. "Carole Matthieu" est un film réaliste et donc dur, qui plonge son spectateur dans le quotidien professionnel de bien des gens. Sous les lumières froides et le ciel plombé du Nord, où le manteau rouge revêtu par son héroïne peut tenir lieu de balise, ce drame tient, à bien des égards, du documentaire, même s'il est l'adaptation d'un roman, "Les visages écrasés", de Marin Ledun (déjà maintes fois récompensé).. D'écrasement, il est beaucoup question dans cette histoire qui, sauf à se heurter à une inquiétante indifférence, ne laissera personne froid.

Pour incarner l'héroïne de ce drame social, il fallait une actrice hors du commun, capable de donner vie à Carole Matthieu, sans phagocyter le personnage. Isabelle Adjani, assumant son âge et son parcours, et n'hésitant pas à se mettre en danger, incarne magnifiquement Caroline Matthieu, femme et médecin au bord du gouffre, à l'image d'un monde malade. Face à elle, la toujours impressionnante Corinne Masiero, réussit à donner à son rôle la complexité nécessaire. Les autres acteurs, souvent peu connus du grand public, jouent "vrai", ce qui pourrait servir d'exemple à pas mal de leurs confrères plus renommés.

Enfin, la réalisation évite l'écueil du ton documentaire, tout en s'enracinant dans un réalisme qui fait froid dans le dos. On admirera les séquences, souvent troublantes, où la folie guette l'héroïne, femme fracassée, qui tente, tant bien que mal, d'éviter à d'autres la chute qui la guette. Dans ces incursions aux frontières du réel, on frissonne, perplexe, comme au sortir d'un rêve dont on a peur qu'il se réalise. Louis-Julien Petit, dont le "Discount" avait déjà fait forte impression, prouve ici qu'il sait parler de faits de société.

Il est des films qui méritent, par leur sujet, une plus large audience. "Carole Matthieu" est de ceux-là, indéniablement.




mercredi 14 décembre 2016

L'amour est un crime parfait (2014)



Les romans de Jean-Philippe Djian ont déjà plusieurs fois donné lieu à des adaptations cinématographiques. On pense, bien entendu, au célèbre "37°2 le matin", moins à "Bleu comme l'enfer" d'Yves Boisset ou au récent "Elle" de Paul Verhoeven. Son roman "Incidences" a été adapté par les frères Larrieu (repérés avec "Peindre ou faire l'amour") sous le titre "L'amour est un crime parfait". Ce film avait reçu des critiques mitigées et un accueil public plutôt froid, malgré un joli casting. Méritait-il mieux ?

Professeur de littérature dans la très moderne Université de Lausanne, Marc est ce qu'on appelle un Don Juan et fait des ravages parmi ses étudiantes. Après avoir passé la nuit avec l'une de ses élèves, Barbara, c'est aux côtés de son corps sans vie qu'il se réveille. 
Que s'est-il vraiment passé ? Quel rôle a tenu Marianne, la sœur de Marc, qui entretient une relation fusionnelle avec lui ? Et que cherche vraiment Anna, la belle-mère de Barbara ? Et, au fond, qui est vraiment Marc ?


Avec un pitch pareil, on comprend que certains critiques aient parlé de thriller hitchcockien. C'est cependant sans compter avec le malaise qui planait tout au long des pages du roman de Djian. Pour donner à leur film un ton étonnant, qui peut désarçonner. En utilisant le décor (la présence de la neige, l'architecture), le comportement des personnages, leur rapport aux autres, Jean-Marie et Arnaud Larrieu s'approprient l'oeuvre pour livrer un film étrange, mais finalement bancal. 

Étrange, parce qu'il oscille entre plusieurs genres, du polar au drame psychologique en louchant parfois sur la comédie, parce qu'il ne rend aucun de ses personnages sympathiques et qu'on n'arrive pas à éprouver grand chose pour eux. Bancal, parce qu'à jouer sur plusieurs tableaux, "L'amour est un crime parfait" échoue sur tous. 

Certes, le malaise s'installe, par le comportement des personnages, par leurs décisions, par le jeu volontairement (enfin, j'espère) distancié des acteurs, mais on peine à entrer dans l'intrigue ténue qui tient lieu de colonne vertébrale au film. Il faudrait sans doute se contenter d'observer la faune étrange qui nous est présentée par les frères Larrieu, faune essentiellement féminine, en orbite autour d'un mâle dominant auquel peu résistent. Pour ma part, ce n'est pas à cet exercice d'observation que j'avais choisi de me prêter. 

Alors, finalement assez prétentieux, ce pseudo-polar souvent pénible est à réserver à ceux que le cinéma français, dans ses mauvais jours, ne laisse pas froids. Il doit en rester quelques-uns.


vendredi 9 décembre 2016

Sahara (2005)


Souvent cité parmi les films ayant enregistré les plus grosses pertes (pas mal de ceux-ci ont eu droit à leur billet sur ce blog), "Sahara", film d'aventure ambitieux, reste un modèle du genre. Malgré de fortes ambitions, affichées dès le générique, la chasse au trésor annoncée sur l'affiche comme la plus grande de tous les temps (carrément) n'a pas su drainer les foules. Ils sont peu nombreux, ceux qui se déplacèrent pour aller voir ce film à sa sortie, et encore moins nombreux ceux qui s'en souviennent. 

Dirk Pitt, aventurier et chercheur de trésors, est depuis toujours à la recherche d'un navire américain qui aurait mystérieusement disparu en Afrique, au XIXème siècle. Accompagné de son complice Al Giordino et de la jolie docteur Eva Rojas, qui enquête sur une épidémie frappant les habitants de la région. Le trio devra affronter de nombreuses péripéties lors de cette chasse au trésor. 


Adapté d'un roman de Clive Cussler, et dont l'adaptation nécessita le travail de quatre scénaristes, "Sahara" avait sans doute pour ambition de ravir les amateurs d'aventure, de beaux décors, d'action et de sémillants interprètes. Le moins que l'on puisse dire est que le cahier des charges n'est pas satisfait. Si les images sont souvent très belles et si ses acteurs sont ravissants (surtout Pénélope Cruz, si vous voulez mon avis), force est hélas de constater que ce n'est pas encore pour cette fois qu'on sentira le vent de l'aventure souffler sur le septième Art.

La faute à qui ? Aux scénaristes, tout d'abord. A la vision du film, tout porte à croire que le script sur lequel se base le film ne fut pas l'objet d'un travail d'équipe. "Sahara" est, ne nous mentons pas, extrêmement confus, perdant souvent son spectateur, à force d'invraisemblances et de raccourcis. Tout porte à croire que chacun a travaillé dans son coin et que le réalisateur a du travailler avec une matière brute assez hétérogène.

La réalisation, puisqu'on en parle, n'est pas non plus exempte de reproches. Indigne de l'ambition affichée du projet, elle n'est jamais à la hauteur de son sujet. Pour son premier long métrage au cinéma, Breck Eisner se révèle dépassé par les événements et se contente d'aligner les séquences, sans grand souci de cohérence. Espérant sans doute emporter l'adhésion du spectateur par l’esbroufe, la surenchère d'action et de magnifiques paysages, Eisner oublie qu'il a une histoire à raconter à son public et que cet objectif devrait primer sur tout le reste. 

Les interprètes de ce méli-mélo de luxe semblent livrés à eux-mêmes et deviennent vite agaçants plus qu'ils n'attirent la sympathie du spectateur. Là aussi, c'est d'autant plus dommage que leur talent n'est plus à prouver. Je songe notamment à l'exceptionnelle performance de Matthew Mc Conaughey dans la série "True Detective" : sa prestation dans "Sahara" laisse pantois (ou alors, il a beaucoup progressé en quelques années).  Ses deux compères, qu'il s'agisse de Steve Zahn, en comique de service, ou de Pénélope Cruz, en atout charme (voire en récompense du héros) font ce qu'ils peuvent mais ont bien du mal à trouver leur place dans ce périple chaotique et cahoteux. 

Aussi beau soit-il, "Sahara" n'est tout simplement pas bon. Amateurs d'aventure, passez votre chemin pour cette fois.






dimanche 4 décembre 2016

Le contrat (2006)



Il est des acteurs dont la simple présence réussit à bonifier certains films qui, sans eux, passeraient sous le radar de pas mal de monde. Morgan Freeman est de ceux-là. Pourtant, son nom n'est pas forcément synonyme de succès au box-office. J'en veux pour preuve "Le contrat", film réalisé par Bruce Beresford, qui l'avait déjà dirigé dans "Miss Daisy et son chauffeur". L'énorme flop que fut ce long métrage était-il justifié ? C'est une bonne question, chers lecteurs...

Pour renouer les liens avec son fils, Ray Keene, jeune veuf, décide de l'emmener camper en pleine nature. Par le plus grand des hasards, ils vont croiser le chemin de Frank Carden, un tueur au service de la CIA, qui s'est fait arrêter par la police locale et a survécu de peu à un accident de voiture. Poursuivis par les hommes de Carden, Ray et son fils vont devoir se montrer les plus forts. 

J'aurais du me méfier : "Le contrat" est sorti directement en vidéo aux Etats-Unis. Cela n'augure en général rien de bon mais un malentendu est toujours possible. En laissant le bénéfice du doute à ce film, j'ai tenté son visionnage. Qui sait ? Sous son pitch fleurant bon le câble de pont à des kilomètres, pouvait se cacher une bonne surprise.  

Je n'irai pas par quatre chemins : si "Le contrat" n'est pas sorti en salles aux Etats-Unis, ce n'est pas une dramatique erreur de production. Il l'avait bien cherché, ce film, tant il se montre, et ce dès le début, indigne. La réalisation est sans doute le pire défaut de ce film à peine digne d'une audience de deuxième partie de soirée sur une chaînes cachée au fond d'un bouquet satellite. Il faudra bien du courage (ou de l'indulgence, c'est selon) au spectateur pour le visionner jusqu'au bout en résistant au cri de la zappette. 

Que dire des interprètes, si ce n'est qu'on est souvent gêné pour eux de les voir se compromettre dans pareil film ? Ce n'est pas la première des casseroles qu'ils auront sur leur parcours (et John Cusack en a déjà une jolie collection), mais on est toujours peiné de voir des acteurs qu'on apprécie se commettre dans un long mértage laborieux, qui finira sa carrière au fin fond d'une grille de programmes télévisées.

La présence de Morgan Freeman suffit souvent à rehausser le potentiel d'un film. Il faut croire qu'on partait ici de très loin, car ce "Contrat" n'est pas honoré. Se sentant légitimement floué, le spectateur est en droit de demander réparation.