mercredi 27 novembre 2019

Celle que vous croyez (2018)




Il est difficile de catégoriser certains films : ainsi, nombre de longs métrages sont étiquetés "comédie dramatiques", ce qui, vous en conviendrez, ne veut pas dire grand chose. Le film "Celle que vous croyez" était catalogué dans ce registre et je ne savais guère à quoi m'attendre en le visionnant. La présence au casting de Juliette Binoche et de François Civil pouvait suffire à éveiller l'intérêt de nombreux cinéphiles, cela dit. Ne sachant cependant si j'allais rire ou pleurer, c'est à ce film qui fut bien peu visible que je consacre un article. Malgré une sélection à la Berlinale, "Celle que vous croyez" n'eut que peu de succès dans les salles.

Quinquagénaire divorcée, professeure de littérature, Claire décide un jour de créer un faux profil sur un célèbre réseau social. Alors qu'elle voulait au départ espionner son ex-amant, et sous l'identité de Clara, superbe jeune femme sortie de son imagination, elle va séduire Alex, un jeune photographe, et être séduite par lui. Mais, tôt ou tard, le virtuel ne suffit plus et Claire va devoir affronter les conséquences de ce qui était, initialement, un petit mensonge.


Adapté du roman homonyme de Camille Laurens, "Celle que vous croyez", réalisé par Say Nebbou, déjà remarqué pour "Dans les forêts de Sibérie" n'est pas une comédie, que cela soit clair une fois pour toutes. La spirale dans laquelle Claire s'engage prête plus à l'inquiétude qu'au rire. Se prenant au jeu en même temps qu'elle se prend au piège, l'héroïne de "Celle que vous croyez", remarquablement interprétée par Juliette Binoche, est à la fois coupable et victime et, si elle est de tous les plans ou presque, la réalisation n'en fait par pour autant l'unique objet du film. C'est plutôt une belle surprise que ce film, qui évoque les dangers du virtuel en même temps que l'importance de l'âge et la difficulté d'aimer, tout en conservant une vraie dose de suspense.

C'est bien d'un thriller romantique qu'il s'agit là, qui joue habilement de son époque et met en avant ses personnages, ancrés dans leur époque, la nôtre. Réaliste en même temps que surprenant, "Celle que vous croyez" réussit presque son coup, puisque seule sa dernière partie pêche un peu. Servis par une mise en scène efficace, qui évite d'être tapageuse, les acteurs incarnent avec conviction ces deux égarés, s'aimant sans se connaître. Si François Civil confirme tout le bien qu'on pouvait déjà penser de son talent et laisse augurer du meilleur pour la suite de sa carrière, Juliette Binoche, inattendue dans pareil rôle, est parfaite en assumant son âge et son statut. Derrière eux, on remarquera les jolies prestations de Guillaume Gouix et de Nicole Garcia, en psychiatre attentionnée.

Malgré une conclusion pas forcément à la hauteur, "Celle que vous croyez" est une belle tentative de thriller, abordant des thèmes d'actualité et les traitant plutôt habilement. Filmé avec talent et interprété par des acteurs impeccables, ce film français aurait mérité mieux lors de sa sortie en salles. Il n'est peut-être pas trop tard pour lui donner une deuxième chance.


vendredi 22 novembre 2019

Permis de mariage (2007)

Un acteur ne meurt jamais tout à fait. Quand il quitte ce monde, il laisse derrière lui tous les personnages qu'il a incarné et la possibilité de passer à nouveau un moment en compagnie de son talent. Robin Williams, trop tôt disparu, manque à nombre de cinéphiles. Voir ou revoir certains de ses films est parfois salutaire. Le méconnu "Permis de mariage", où il exerçait ses talents comiques dans le rôle d'un prêtre un peu particulier, fut récemment l'occasion pour moi de retrouver ce grand acteur. Ce film faisait-il honneur à Robin Williams ?

Ben et Sadie s'aiment et souhaitent se marier. Afin de préparer au mieux ce grand saut dans l'inconnu, Sadie choisit de suivre les cours de préparation du Révérend Frank. Les deux tourtereaux n'ont plus que trois semaines pour prouver à ce prêtre hors du commun que leur couple est fait pour durer et que leur engagement est sérieux. Mais cette préparation est constituée d'épreuves surprenants préparées par le Révérend. Obtiendront-ils leur permis de mariage ?

Je vous rassure tout de suite : puisqu'on est dans la comédie romantique, genre extrêmement codifié, l'issue de l'intrigue ne fait guère de doutes. Ce qui peut présenter un intérêt, dans ce registre, c'est le chemin qu'emprunte le film pour atteindre son objectif. Dans le cas de "Permis de mariage", on a affaire à un pitch de base plutôt amusant, quoique peu réaliste, qui présente un vrai potentiel comique, fait de décalages et d'inattendu. Seulement, pareil potentiel n'est pas infini et, à force de tirer sur la corde, il se pourrait qu'elle casse : c'est malheureusement ce qui se produit assez rapidement avec "Permis de mariage" qui, à force d'exagération, finit par lasser et agacer le spectateur. Malgré un dernier quart d'heure qui rentre sagement dans le rang (devant bien respecter le cahier des charges de la romcom), ce film de Ken Kwapis (déjà épinglé dans ces colonnes pour "Randonneurs amateurs") ne tient que grâce à ses interprètes. 

Si le duo vedette est interprété sans faille par la charmante Mandy Moore et John Krasinski ("The Office"), c'est évidemment la prestation de Robin Williams qui est le plus grand atout (si ce n'est le seul) de "Permis de mariage". Dans le rôle du Révérend Frank, avec sa façon bien à lui de tester les apprentis mariés, l'acteur se fait plaisir et magnétise les scènes où il apparaît, quand il n'est pas parasité par son jeune acolyte. Ce personnage, incarné par le jeune Josh Flitter, est sans doute le plus agaçant du casting, en plus de ne servir à rien dans le scénario. 
retrouve Kwapis, qui le dirigea sur "

Vous l'aurez compris, "Permis de mariage" est une comédie romantique louchant fort du côté du versant comique de son ascendance, mais ne parvenant pas à faire rire, sauf lors de quelques scènes où brille le regretté Robin Williams. C'est probablement un des films les plus oubliables de sa carrière et ce doit être réservé à ceux qui cherchent à tout prix à revoir leur acteur chéri, quitte à visionner certains films qui n'en méritaient pas tant.





dimanche 17 novembre 2019

Quand on crie au loup (2019)




L'histoire de l'enfant qui criait au loup est un joli conte et, à lire le titre du deuxième film de Marilou Berry (après "Joséphine s'arrondit"), on pouvait espérer une bonne surprise. En voyant l'affiche du film, il y avait, certes, de quoi être refroidi, tant s'annonçait une comédie familiale pas forcément finaude. Mais, n'écoutant que mon devoir et continuant de croire que, tel l'habit ne faisant pas le moine, l'affiche pouvait cacher un chouette film, j'ai visionné pour vous "Quand on crie au loup" (qui, avec 35 000 entrées, avait pris une sévère déculottée lors de sa sortie).


Victor vit avec son grand-père, gardien d'immeuble, depuis la mort de ses parents, et a l'imagination fertile. Plus d'une fois, les pompiers ou les policiers se sont déplacés parce qu'il était persuadé d'avoir vu un voleur ou un début d'incendie. Mais, à force de crier au loup, plus personne ne le croit et, quand de vrais braqueurs se réfugient dans l'immeuble, il est seul pour les affronter. 


Se référant, pour ses influences, aux classiques que sont devenus des films comme "Les Goonies", "ET" ou "Big" (oui, carrément), Marilou Berry louche plutôt du côté de "Maman j'ai raté l'avion". Comptant sans doute capitaliser sur le retour en grâce des eighties (qui, si vous voulez mon avis, n'étaient pas si glorieuses que cela et sont enjolivées par le vernis nostalgique), la réalisatrice choisit donc de cibler un jeune public. Les adultes de l'histoire sont souvent idiots et ne représentent pas de vraies menaces pour les jeunes héros qui sont, eux, rusés et débrouillards. Alors que le cadre familial du héros (pour ne citer qu'un exemple) autorisait un traitement digne de ce nom, aucune vraie gravité ne s'installe jamais. Du coup, on peine à croire aux aventures de Victor, aux prises avec un gang de bras cassés (dont on se demande comment ils ont réussi un braquage).

Ce n'est pas parce qu'un film se destine à un jeune public qu'il doit être idiot. Il ne faut pas prendre les enfants pour des imbéciles, pour le dire autrement. Avec "Quand on crie au loup" et son cortège de personnages auxquels on peine à croire et pour lesquels il est difficile d'avoir de la sympathie, Marilou Berry rate son coup, là où (presque) n'importe quel film de l'époque évoquée réussissait son tour. 

Les quelques instants touchants de "Quand on crie au loup" sont, hélas, torpillés par un scénario au ras des pâquerettes et un traitement bâclé. Ce n'est hélas pas l'interprétation qui sauve le film, tant les acteurs sont prisonniers de leurs personnages, caricaturaux et antipathiques. 

Il existe quantité d'autres comédies dites "familiales", des années 80 et d'autres décennies, plus réussies et méritant le (re)visionnage. "Quand on crie au loup" n'a pas fait forte impression lors de sa sortie et sera vite oublié : c'est tout ce qu'il mérite, hélas. 


mardi 12 novembre 2019

Père Fils Thérapie (2016)


Oh, un remake, un de plus ! Dans cette catégorie, qui me fait régulièrement pester, "Père Fils Thérapie" a un signe particulier : celui qui réalisa son remake, Emile Gaudreault, était déjà aux commandes de l'original, le film québecois "De père en flic", plusieurs fois récompensé dans son pays d'origine (ce qui explique probablement la mise en oeuvre du dit remake). Cela dit, la réussite (publique) de l'original ne fut pas contagieuse, puis que "Père Fils Thérapie" passa sous les radars des spectateurs. 

Flic de choc et d'élite, Jacques Laroche ne s'entend pas avec son fils Marc. Alors que l'un de ses collègues est retenu en otage par un parrain mafieux, Jacques et Marc intègrent un stage de réconciliation entre père et fils, auquel participent aussi l'avocat du dit parrain et son rejeton, entre lesquels ça ne va pas très fort non plus. 
En gagnant la confiance de l'avocat, les policiers espèrent sauver leur collègue...et réparer leur relation père-fils. 

En matière de mise en place de son intrigue (ou, si vous préférez, de prétexte à la situation comique), "Thérapie Père-Fils" se montre laborieux, comme vous avez pu le deviner dans le pitch que je viens de vous faire. Il y avait sans doute plus simple et moins consommateur de temps et d'énergie. Arrivés au fameux stage, les protagonistes peuvent enfin apprendre à se connaître et à s'apprécier, jusqu'à la conclusion sans surprise aucune. 

La situation de base, laborieusement exposée, et utilisant un contexte de thriller, est vite laissée de côté pour céder le pas aux relations entre pères et fils. A coups de situations incongrues et de répliques qui font parfois mouche, la comédie déroule alors son fil, tant bien que mal. Mais, si le matériau de base était sans doute viable (j'avoue n'avoir pas vu le film original), "Père Fils thérapie" donne l'impression d'un objet bancal, qui ne fonctionne que rarement. 
Souffrant dès le début d'un déséquilibre entre ses personnages (puisqu'il consacre de longues scènes au duo Richard Berry - Waly Dia), le film ne se redresse jamais complètement, faute d'un traitement équitable entre ses protagonistes et entre les thèmes qu'il exploite. 

On aurait pu espérer que le film soit sauvé par ses interprètes, mais là aussi, c'est le déséquilibre qui est flagrant : Richard Berry, surjouant, n'est jamais drôle, tandis qu'on est souvent gêné pour Jacques Gamblin, embarqué dans une galère qu'il ne méritait pas. C'est du côté de la jeune génération (Waly Dia en tête) que vient la seule note de fraîcheur du film, à coups de dialogues piquants, mais insuffisants à relever l'ensemble. 

Poussif, rarement drôle, "Père-Fils Thérapie" est une comédie laborieuse, singeant maladroitement des modèles pas forcément recommandables venus d'outre-Atlantique. Encore un remake pour rien. 




jeudi 7 novembre 2019

IO (2019)


Signe des temps ou opportunisme ? Les films traitant de la fin du monde se multiplient, en même temps que se posent les questions (légitimes) de la survie des espèces et de l'état (navrant) de notre pauvre planète. Netflix, jamais en retard quand il s'agit d'exploiter un filon juteux, a récemment mis en ligne "IO", réalisé par le français Jonathan Helpert. Ce film aura sans doute échappé à pas mal de spectateurs potentiels. Penchons-nous un instant sur ce qu'il nous proposait. 

Cela devait arriver : la Terre est devenue inhabitable et des vaisseaux ont emmené les survivants en orbite autour de Io, le satellite de Jupiter. Restée sur Terre, Sam explore chaque jour les ruines de la civilisation pour tenter de comprendre comment la vie pourrait reprendre. Alors qu'elle est rejointe par Micah, un autre survivant, et que le dernier transport à destination de l'espace est annoncée, Sam voit sa détermination vaciller : doit-elle rester ? Ou vaut-il mieux fuir, comme le reste de la population ? 

Le pitch du film fait penser à celui des "Survivants", récemment chroniqué dans ces colonnes. Cependant, c'est un tout autre traitement auquel il a le droit. Se concentrant sur ses deux protagonistes principaux et limitant sa part d'effets spéciaux, "IO" cherche à enraciner son intrigue dans un réalisme scientifique et à poser des questions sur le devenir de l'humanité. Pourquoi pas ? Le cinéma (mais Netflix produit-il du cinéma ?) fait partie de ces médias qui peuvent interroger le spectateur en plus de le distraire. 

Le problème de "IO", c'est qu'il n'exploite jamais judicieusement le matériau dont il dispose. Évoquant un instant la survie des derniers habitants de la Terre, le scénario se dirige ensuite vers le sauvetage perdu d'avance de l'atmosphère et de la vie sauvage, avant de s'embarquer dans un pseudo-débat sur les choix s'offrant (ou pas, d'ailleurs) à l'héroïne et son compagnon d'infortune. Cela donne à l'ensemble du film un ton artificiel, parfois prétentieux, mais ne le fait jamais quitter le plancher des vaches (encore qu'il ne doive pas en rester beaucoup, des vaches). 

Pour incarner l'héroïne, Margaret Qualley (récemment appréciée dans "Once upon a time in Hollywood") fait de son mieux, mais on ne peut s'empêcher de penser que "IO" joue de la visibilité toute récente de l'actrice. Face à elle, Anthony Mackie (l'un des Avengers, comme environ la moitié de la population d'Hollywood) paraît parfois désemparé, comme s'il ne savait que faire du rôle qu'on lui a confié : est-il un "bon", un "méchant", ou juste un être humain perdu ? La question reste posée, même après le visionnage du film (qui semble parfois bien long). 

Désespérément plat, alors qu'il convoque les étoiles, "IO" ne décolle jamais. On pourrait incriminer un manque d'ambition ou de budget, mais c'est aussi la faute à un scénario qui cloue ses personnages au sol et ne leur permet jamais de s'élever. 





samedi 2 novembre 2019

Venise n'est pas en Italie (2019)


On a tout lieu de se lamenter sur l'état actuel de la comédie française. A-t-elle changé à ce point, que seuls ses représentants les moins fins (je suis sûr que des noms vous viennent à l'esprit) décrochent la timbale, en termes d'audience ? Ou fais-je partie de ces nostalgiques d'un "avant" enjolivé ? Ivan Calbérac a déjà eu droit à un article sur ce blog pour "Irène", gentille comédie romantique menée par Cécile de France. Cette fois, c'est "Venise n'est pas en Italie", adaptation de son propre roman, qui, malgré une presse favorable, ne reçut pas le succès public attendu. 

Emile a une drôle de famille. Entre sa mère, qui vend des paniers bio et lui décolore les cheveux pour qu'il soit plus beau et son père, qui chante fort au volant et joue les VRP, ce drôle de clan vit en caravane en attendant que la construction de la maison familiale puisse avancer. 
Parce que la fille qui le fait craquer, au collège, l'invite à la voir en concert, à Venise, Emile se retrouve sur la route, avec cette encombrante famille dont il a parfois honte. Commence alors un drôle de voyage en caravane. 

Vous l'aurez compris, c'est à un road-movie familial qu'on a affaire ici. "Venise n'est pas en Italie" n'est pas le premier du genre mais il faut bien avouer qu'il ne démérite pas. Aussi étonnant que cela paraisse, cette comédie familiale est bien plus drôle que nombre de films français sur le même créneau. Je songe évidemment à certains films qui drainèrent dans les salles des millions de nos concitoyens, sans me tirer un éclat de rire (mais je suis peut-être un monstre froid, allez savoir). 

Même si ce n'est pas un grand film, "Venise n'est pas en Italie" a pour lui une chaleur qui fait du bien. Irène", par exemple : il ne fait pas rire aux dépens de ses personnages (le travers de nombre de comédies, si vous voulez mon avis), mais rend ceux-ci attachants autant qu'ils peuvent se montrer agaçants. A l'image d'Emile, le spectateur est d'abord agacé par la fantasque famille menée par Benoît Poelvoorde, puis s'attache à elle. Joli tour de force, si vous voulez mon avis. Avec cette petite comédie, Ivan Calbérac confirme ce qu'on avait déjà perçu dans "Irène" et "Une semaine sur deux (et la moitié des vacances scolaires)" : il aime ses personnages et sait les faire aimer du public.

Doté d'un réel équilibre et porté par des comédiens convaincants (Benoît Poelvoorde touche ici l'un de ses meilleurs rôles depuis longtemps et les jeunes acteurs du casting pourraient en remontrer à quelques acteurs plus installés), "Venise n'est pas en Italie" est une bonne surprise. Pour une comédie française, c'est étonnant. Même s'il ne s'agit pas d'un film incontournable, "Venise n'est pas en Italie" méritait mieux que le sort qui fut le sien lors de sa sortie dans les salles obscures. Grâce à ses personnages et à la façon dont le réalisateur les traite, ce long métrage porte une chaleur et une sincérité salutaires.