Une oeuvre peut-elle changer le monde ? Ou, au moins, instiller une idée qui ferait de notre planète un monde meilleur ? Il est permis d'en douter. Néanmoins, il est quelques films qui, par les thèmes qu'ils évoquent et les actions qu'ils suggèrent, pourraient prétendre à cela. Le roman "Pay it forward", de Catherine Ryan Hyde, adapté sous le même titre au cinéma par Mimi Leder (et dont le titre français était "Un monde meilleur") m'avait, lors de sa sortie, laissé un joli souvenir. Il ne changea pas le monde, cependant, ni ne marqua les mémoires, malgré une belle ambition.
Dans la banlieue de Las Vegas, le jeune Trevor découvre son nouveau professeur de civilisation. Celui-ci, un homme mystérieux au visage partiellement brûlé, donne à ses élèves un étrange devoir : trouver une idée qui rendrait le monde meilleur.
Ce jeune garçon, dont la mère célibataire tente de survivre entre petits boulots et alcoolisme, va prendre ce devoir très à cœur et mettre son idée en application. Il ne sait pas encore que cette initiative va avoir d'immenses conséquences, même si son plan ambitieux se heurte à la réalité.
Mimi Leder, après "Le pacificateur" et "Deep Impact", sorte de contrepoint parfois mal équilibré au tonitruant et outrancier "Armageddon", livre ici l'adaptation d'un roman plein d'humanité, souvent naïf, mais qui plaira aux rêveurs et aux utopistes. Attention, cependant : on ne sombre jamais dans la candeur et l'angélisme. La réalité à laquelle les protagonistes de cette histoire sont confrontés est dure et ressemble à celle de bien des gens sur la Terre.
Encore une fois, la réalisation de Leder est assez académique et sans audace. Cependant, il faut reconnaître qu'elle sert l'histoire plus qu'elle ne la dessert, même si on aurait apprécié un peu d'inventivité. A défaut, force est de reconnaître que l'on n'est jamais perdu dans les différents arcs narratifs qui s'ouvrent, et que la narration reste fluide. C'est un bon point auquel certains longs métrages ne peuvent pas toujours prétendre.
Cependant, c'est surtout la très belle interprétation donnée par le grand Kevin Spacey, la gracieuse (malgré une coiffure parfois improbable) Helen Hunt et le remarquable Haley Joel Osment, tout juste sorti du "Sixième sens" qui donne à "Un monde meilleur" son humanité et, finalement, tout son intérêt. Insufflant aux héros du roman leur immense talent, et croyant en leur rôle (cela transparait à l'écran), ce magnifique trio incarne à merveille des personnages brisés par la vie, qui se relèvent, tombent à nouveau, mais continuent à vivre parce qu'une lueur d'espoir est toujours à portée de vue.
Derrière eux, on notera également la belle prestation de Jim Caviezel, Jay Mohr, de la grande Angie Dickinson et même de l'inattendu Jon Bon Jovi. Visiblement dirigés par une réalisatrice aimant ses acteurs, tous se mettent au service d'une histoire à laquelle on a envie de croire.
L'époque n'est pas à la bienveillance, ni à la naïveté. Il n'empêche que l'utopie portée par le jeune Trevor pourra donner à certains un peu d'espoir. Sans doute trop humaniste pour rencontrer le succès dans les salles, "Un monde meilleur" mérite cependant un autre regard, évidemment bienveillant.