samedi 29 décembre 2018

Battle of the sexes (2017)


Les temps changent et il était temps. A grands coups de hashtags et de manifestations, on est en train d'abolir la notion de sexe faible. Il reste du chemin  à parcourir, mais rien ne sera comme avant. Naturellement, le cinéma s'est emparé du sujet, avec plus ou moins de talent et, sous divers angles, la question de l'égalité femme-homme est posée. Ainsi, après le très sympathique "Little Miss Sunshine", le duo de réalisateurs Jonathan Dayton et Valerie Farris a mis un coup de projecteur sur l'odyssée de Billie Jean King, une de ces héroïnes "bigger than life" qui fit bouger les lignes.

1972 : Billie Jean King, après avoir remporté l'US Open, devient numéro une mondiale du tennis. Pourtant, ses primes de match ne représentent qu'une infime somme, au regard de celles touchées par ses confrères masculins. Elle décide alors de créer la Women's Tennis Association, avec quelques-unes de ses consœurs. Face à elle, les mâles se pavanent et se moquent. L’exubérant Bobby Riggs, joueur compulsif et macho affiché, décide de défier la jeune joueuse.

En visionnant "Battle of the sexes", on est tenté de faire la comparaison avec le très réussi "Borg Mc Enroe", autre film traitant d'un affrontement entre deux tennismen. Encore une fois, c'est un duel sur fond de sport qui nous est proposé. Valerie Farris et Jonatha Dayton, dont on avait goûté jusque là la bienveillance, emmènent le spectateur dans le passé pour narrer un affrontement autrement plus politique que celui qui opposait Borg et Mc Enroe. 

La reconstitution est de bonne facture : qu'il s'agisse des costumes, des décors, tout contribue à l'atmosphère seventies du film, et favorise donc sa crédibilité. Voilà un premier bon point. On peut illico en attribuer un autre à "Battle of the sexes" pour l'affection que porte les réalisateurs à leurs personnages. On s'en doutait un peu depuis "Little Miss Sunshine", Dayton et Farris aiment ceux dont ils racontent l'histoire. mais, si cela est louable dans une fiction, ça peut handicaper un film censé raconter une histoire vraie. Emma Stone, tout à fait charmante, est désarmante à force de sourire et l'on se demande si Billie Jean King a un jour douté du succès de la cause dont elle portait l'étendard. En face d'elle, Steve Carrell tient plus un rôle de bouffon que de vieux lion sur le retour. Sans réclamer à tout prix une plus forte dose de drame, "Battle of the sexes" aurait sans doute gagner à être plus sérieux, plus grave. Ses enjeux en seraient sortis grandis.


C'est cependant du côté de sa réalisation, curieusement peu ambitieuse, que pêche le plus "Battle of the sexes". Alors que son sujet méritait un véritable souffle, le film semble avoir été formaté pour le petit écran et se contente souvent d'un ton quasi-documentaire, qui nuit à l'impact de son propos. Ecrit comme un feel-good movie et traité comme un documentaire, le sujet (méconnu du grand public) qui alimente "Battle of the sexes" aurait mérité plus d'ambition et une mise en avant plus puissante de ses enjeux. Avec plus d'énergie, la très belle reconstitution aurait servi son sujet, qui le méritait bien. A défaut, ce film reste plaisant au visionnage, sans cependant laisser derrière lui un souvenir impérissable.







lundi 24 décembre 2018

Monsieur et Madame Adelman (2017)


J'évoquais tout récemment le problème que peuvent représenter les taglines élogieuses dont les affiches de certains films sont affublées. Il est des cas où la dithyrambe est contre-productive. Dans le cas récent de "Monsieur et Madame Adelman", réalisé par Nicolas Bedos et le mettant en scène aux côtés de sa compagne Doria Tillier, le film serait, si l'on en croit les critiques (enfin, celles sélectionnées pour figurer sur l'affiche), romanesque, brillant, drôle, grinçant, sexy, émouvant et incroyable. 
Ça fait beaucoup pour un seul film, non ? Pour en avoir le cœur net, le mieux est d'y jeter un œil. 

Alors qu'on enterre Victor Adelman, le célèbre écrivain, son épouse Sarah raconte à un journaliste sa vie aux côtés du grand homme. Quarante années de vie commune, de la rencontre à la fin, voilà ce qui reste d'un couple, avec ses éclats de bonheur et ses plongées sordides. A travers les décennies et malgré les épreuves, c'est la chronique d'un couple, d'une ascension vers le succès et de deux personnalités fortes qui va s'écrire...
Tout commence à Paris dans les années 1970...

On aime ou on n'aime pas Nicolas Bedos. Il semble que cet homme de média n'inspire pas la tiédeur. Et, quand il se met en scène, qui plus est aux côtés de sa compagne, dans un film qu'il a écrit, ses détracteurs devraient prendre la fuite. Néanmoins, le thème annoncé du film, à savoir la description, vue de l'intérieur, d'un couple, peut attirer l'attention. J'avoue être agacé par le personnage public qu'est Nicolas Bedos, mais faisant fi des préjugés, j'ai lancé à "Monsieur et Madame Adelman" sa chance. Alors, ce film est-il une grande fresque romanesque ou un récit très auto-centré ? J'avoue - hélas ! - pencher pour la deuxième hypothèse.

Ce n'est pas tant la réalisation qui est à mettre en cause : quelques séquences sont particulièrement réussies, d'un point de vue technique, et le pari (risqué) de couvrir plusieurs décennies est plutôt réussi. Les défauts du film sont à chercher du côté du scénario et, surtout, de l'impression gênante d'ego-trip qu'il laisse en fin de visionnage. 
Le problème principal de ce film (en dehors de l'omniprésence de son réalisateur-scénariste-acteur principal) est qu'il n'aborde l'histoire du couple souvent que sous un angle. Tenté par l'utilisation du twist final, Nicolas Bedos oublie d'en faire le pivot de son histoire et nous impose un retournement finalement sans grand intérêt, comme s'il cherchait à allumer un dernier contre-feu, destiné à détourner un instant l'attention, comme s'il voulait prouver qu'il y a autre chose que de l'auto-contemplation dans ce film. Le procédé est un peu balourd et ne prend pas. Et puis, à l'image du psychanalyste, qui suit des années durant Victor, on aimerait pouvoir lui dire stop. 

Trop long, trop redondant, "monsieur et Madame Andelman", excessivement auto-centré, donne l'impression souvent gênante de regarder la vie d'un couple qu'on n'envie pas forcément, malgré sa fortune et sa réussite.


mercredi 19 décembre 2018

Other people (2016)



Il faut se méfier des films dont les affiches arborent des taglines élogieuses. Combien de fois me suis-je laisser prendre au piège et ai du subir un film bien en-deçà de ses promesses ? Cela dit, parfois, ces morceaux choisis de critiques, qui envahissent parfois une grosse partie de l'affiche, peuvent aussi s'avérer contre-productifs : en ce qui me concerne, trop de superlatifs sur un film à peine à l'affiche me font hausser le sourcil. Récemment, ce fut le cas avec "En liberté !" (au sujet duquel je produirai un billet prochainement), mais aussi avec "Other people", un film même pas sorti dans les salles françaises et donc directement accessible en VOD, malgré un passage remarqué au festival de Sundance.

Alors qu'il vient de rompre avec son compagnon, David, auteur de comédie new-yorkais,  revient à Sacramento, dans sa famille, parce que sa mère est gravement malade. Il ne sait pas encore qu'il va passer une année particulière, entouré des siens, là où il a grandi. 
Alors que sa mère meurt doucement, David assiste à la reconstruction de sa famille, que le temps avait lentement rongé, tout en cherchant sa place...

A lire le pitch de "Other people", on pouvait penser qu'il allait courir trop de lièvres à la fois : traitant de la maladie, des liens familiaux et de l'homosexualité (et encore, je ne cite que les sujets les plus visibles), ce film pouvait paraître ambitieux. Et le premier sentiment qu'il suscite, lors de son visionnage, c'est qu'il a peut-être voulu trop en faire. Chris Kelly, son réalisateur et scénariste, livre pour son premier long métrage (après pas mal de courts métrages et son travail au Saturday Night Live) un film en demi-teinte. Nous invitant pour une année (dont on connaît l'issue, le film commençant par la fin et dissipant tout doute) aux côtés de David, Kelly oscille entre sourires (rarement, très rarement) et larmes (plus souvent),. 

Malgré le "Hilarious" plaqué sur l'affiche, on rit peu, en visionnant "Other people" : les maladresses des protagonistes ne font que les rendre plus humains, et font que l'on encaisse leurs souffrances en même temps qu'eux. Il est difficile de s'esclaffer pendant ce film, où la faucheuse rôde, omniprésente.

Malgré ses nombreuses imperfections et le fait qu'il ne creuse pas autant qu'il l'aurait pu les nombreux thèmes qu'il aborde, "Other people" a pour lui une atmosphère et une humanité touchantes. Et, surtout, on ne sort pas de son visionnage brisé, comme cela aurait pu être le cas.

Si vous êtes amateur de ces films où la caméra se met à hauteur d'homme et de femme, où nul artifice ne vient enjoliver la réalité, où l'on se frotte aux "vrais gens", "Other people" peut vous interpeller. Les amateurs de blockbusters et celles et ceux qui souhaitent s'évader passeront leur chemin.


vendredi 14 décembre 2018

Pour elle (2008)



Avant de se tourner vers la comédie (notamment "Radin !" ou le récent "Le jeu"), Fred Cavayé, ancien photographe de mode, s'est fait un nom avec des films où l'action était omniprésente. Ainsi, il réalisa coup sur coup "Pour elle", "A bout portant" et "Mea culpa". Le premier de ces films, qui était également son premier long métrage, mettait en scène Vincent Lindon, habitué des rôles d'hommes ordinaires trouvant au fond d'eux le courage (je songe notamment à l'épatant "La loi du marché" ou à "Welcome"). Appréciant particulièrement cet acteur, j'ai eu envie de visionner de film, condamné depuis à hanter les grilles des programmes télévisés.

Lisa et Julien forment un couple des plus heureux, avec leur fils Oscar. Tout va pourtant basculer en un instant : sans comprendre comment ni pourquoi, Lisa est arrêtée et emprisonnée, pour le meurtre de sa patronne. Alors que tout l'accuse et que Lisa est sur le point de renoncer, Julien décide de la faire évader de prison. Celui qui était un honnête professeur de lycée va se montrer prêt à tout, pour elle.


Si le pitch du film peut laisser penser qu'on va assister, dans "Pour elle", à la métamorphose d'un homme, et que le moteur de cette mutation est l'amour qu'il porte à sa femme, ce parcours n'est pas l'objet principal du film. Fred Cavayé, pour son premier film, le revendique haut et fort : "Pour elle" est un film d'action, un thriller louchant fortement vers ceux venus d'outre-Atlantique. Le réalisateur a sans doute vu et apprécié "Le fugitif" et ses cousins, films où le héros doit, seul contre tous (et contre les autorités) prouver son innocence, ou celle de son aimée.

Une fois ce postulat posé, il faut reconnaître que l'ouvrage remplit le cahier des charges : on ne s'ennuie pas une seconde, en compagnie d'un Vincent Lindon toujours épatant et d'une Diane Krueger convaincante (en tout cas bigrement plus que dans le registre comique, comme dans "Un plan parfait", par exemple). Si l'on laisse de côté son esprit critique et qu'on veut simplement se divertir, "Pour elle" est de ces produits parfaitement calibrés et remplit sa mission, quitte à être rapidement oublié après son visionnage.

Par contre, si l'on se penche un peu plus sur son cas, et malgré une réalisation efficace, on déplorera l'usage abusif de ficelles scénaristiques (les héros échappent toujours au danger de justesse) et, surtout, l'absence de traitement d'une partie vitale de l'intrigue au profit de l'action. En effet, bien que le début du film le laissait envisager, "Pour elle" évacue très rapidement la question de l'innocence de l'héroïne et du rétablissement de la vérité : l'adrénaline avant tout, donc.

Si, sur la forme, "Pour elle" remplit parfaitement sa mission, en posant son ambiance et en déroulant son action tambour battant, il peut décevoir sur le fond. Se souciant de la psychologie de ses personnages comme d'une guigne et laissant de côté nombre de questions, le film taille sa route, mais peut laisser les spectateurs exigeants sur le bas-côté.

Ce film a été vu dans le cadre du Movie Challenge 2018, pour la catégorie 
"Un film réalisé par un non-réalisateur à l’origine"

dimanche 9 décembre 2018

Alpha (2018)


Les films traitant de la préhistoire, époque où ceux-qui-marchent debout affrontaient des âges farouches, sont rares. On se souvient du très réussi (mais un peu daté) "La Guerre du feu", restant la référence en la matière, ou du moins bon "Ao, le dernier Neanderthal", par exemple. Mais, souvent, la préhistoire sont rares et pour la plupart, ne sont qu'un prétexte (on reparle de "10 000" ?). En nous proposant "Alpha", Albert Hughes, jusque là travaillant de concert avec son frère (on se souvient de"From Hell" ) nous conta une histoire se déroulant il y a 20 000 ans.

Parce qu'il a atteint l'âge d'homme, Keda, fils du chef de son clan, accompagne les hommes pour la chasse qui nourrira sa tribu. Le périple jusqu'au troupeau est périlleux et l'affrontement ne l'est pas moins. 
Encore frêle, le jeune garçon est laissé pour mort et ne survit que par miracle. Il devra traverser de nombreuses épreuves pour retrouver les siens mais, surtout, il devra aussi se faire un allié inattendu. 

Que j'avais envie d'aimer ce film, qui explore une époque trop rare et propose de magnifiques paysages ! C'est avec une vraie indulgence (plus encore que d'habitude) que j'ai commencé le visionnage, en mettant de côté ma suspension d'incrédulité. Bref, j'avais envie d'y croire. 
Mais, très vite, la dite suspension a repointé le bout de son nez, pointant quelques incohérences et le manque de moyens évidents du long métrage. Visiblement, Albert Hughes est plus doué pour les prises de vue que pour raconter une histoire. Si ça se trouve, c'est son frère Allen qui a hérité de ce don. 

On peut évoquer les décors, assez remarquables et plutôt bien filmés, et faire en sorte d'occulter les quelques défauts inhérents à un budget peut-être limité (quoique je doute de cet argument), mais le défaut majeur de "Alpha" est ailleurs : il est difficile de croire à cette histoire, et encore plus difficile d'imaginer que son équipe y croie. Sans révéler quoi que ce soit à l'intrigue du film, la façon dont Keda survit relève du deus ex machina et la facilité avec laquelle il passe du frêle adolescent au survivant endurci laisse rêveur. Arrivé à une vingtaine de minutes dans le film, la suspension d'incrédulité dont je faisais mention plus haut a définitivement pris la fuite en pleurant. 

Assez étonnamment, nombre de critiques soulignent la réussite de ce film d'aventure paléolithique, pointant plus ses effets spéciaux envahissants et pas toujours réussis, comme si la forme comptait désormais plus que le fond. En ce qui me concerne, c'est surtout les énormes trous et incohérences du scénario qui m'ont fait très vite sortir de l'histoire. Ces défauts, majeurs à mes yeux, occultent les quelques réussites (essentiellement esthétiques) du film. 





mardi 4 décembre 2018

Floride (2015)

Certains acteurs, qui semblent avoir depuis toujours fait partie de notre paysage cinématographique, laissent un vide immense lorsqu'ils s'en vont, rattrapés par la faucheuse. Quand Jean Rochefort, dont on ne compte pas les rôles marquants dans le cinéma français, est décédé, il y a quelques mois, c'est un pan du patrimoine qui s'est effondré. Son film, "Floride", de Philippe Le Guay, n'avait pourtant pas déplacé les foules : il y affrontait pourtant la vieillesse, la décrépitude, la mort. Il est temps de rendre un hommage à ce grand monsieur, à l'occasion de son ultime passage sur grand écran.

Claude Lherminier, octogénaire, autrefois grand industriel, souffre de troubles et d'absences, au point qu'il ne peut rester seul. Sa fille Carole, en plus de lui avoir succédé à la tête de l'entreprise familiale, se charge de tout ou presque, aux dépens de sa propre vie. Tout attachant qu'il soit, Claude n'est pas facile à vivre et a ses exigences, comme celle, chaque matin, d'avoir un verre de jus d'orange de Floride, là où réside son autre fille, Alice. Sauf qu'Alice est morte depuis neuf ans...

Tiré de la pièce de théâtre "Le père" de Florian Zeller, le film de Philippe Le Guay (récemment réalisateur de "Normandie Nue") aurait pu sombrer dans le pathos : traiter de la déchéance du corps et de l'esprit n'est pas sans risques. Mais le scénario fait le choix de ne pas tout voir en noir ou en blanc. Oui, le héros a la tête qui flanche et le corps qui fatigue, mais, au hasard de quelques fulgurances, il a aussi l’œil qui pétille et le charme intact. Oui, sa fille est dévouée au point de négliger sa propre histoire, mais elle aussi des faiblesses. C'est donc grâce à se deux personnages principaux que "Floride" est plutôt réussi et émouvant. 

Émouvant, parce qu'il s'agit du dernier rôle de Jean Rochefort. La moustache la plus célèbre du cinéma hexagonal, le timbre inimitable qui nous a accompagné tant d'années durant sont là, presque intacts, malgré l'âge et la fatigue. Et, surtout, parce qu'il n'hésite pas à exposer ce qu'il est, Jean Rochefort n'en est que plus touchant. Face à lui, Sandrine Kiberlain réussit à tirer son épingle du jeu et lui renvoie la balle chaque fois que nécessaire, toujours avec justesse. On notera au passage l'interprétation toute en nuances de Laurent Lucas, acteur trop rare, qui est ici au rang des dommages collatéraux de l'avancée de l'âge. 

Sur un thème qui n'était ni vendeur, ni facile, Philippe Le Guay réussit, avec "Floride", un film émouvant sur le grand âge et les relations entre père et fille. Il faut dire que ce film est magnifiquement porté par des acteurs remarquables, dont l'immense et regretté Jean Rochefort. Ne serait-ce que pour rendre hommage à celui qui reste l'un des plus grands comédiens français, "Floride" mérite d'être (re)vu.