mercredi 29 août 2012

Chez Gino (2011)


Les films de Samuel Benchetrit ont une tonalité, une saveur unique. Que l'on aime ou pas ce réalisateur à part, force est d'avouer qu'il a su définir, en quelques longs métrages, un ton qui lui est propre. Qu'il s'agisse du particulièrement barré "Janis et John" ou du remarquable "J'ai toujours rêvé d'être un gangster", les précédentes oeuvres de Benchetrit ont leur lot d'admirateurs et également de détracteurs.
 
Le Gino du titre, incarné par José Garcia, tient une pizzeria tant bien que mal, et gère comme il le peut sa petite famille, entre une femme lassée d'avoir épousé un loser et deux enfants qui lui échappent. Alors qu'il vient de faire appel à un cinéaste amateur (joué par Benchetrit lui-même) pour faire sa promotion, son passé le rattrappe. Son oncle, gros parrain de la mafia, est à l'agonie et Gino doit hériter d'une part de sa fortune. Seulement, il y a un hic : pour toucher le pactole, Gino doit prouver qu'il est, lui aussi, un gros bonnet de la pègre brusseloise. Il fait donc appel au même réalisateur pour tourner un documentaire sur ses prétendues activités mafieuses.

Samuel Benchetrit profite à maintes occasion de ce film pour poser un regard attendri sur le septième art, comme il l'avait déjà fait lors de son précédent opus ("J'ai toujours rêvé d'être un gangster"). Il faut cependant avouer que, dans "Chez Gino", l'impression principale est celle d'un joyeux bazar, partant souvent en dérapage, pas toujours contrôlé. Qu'il s'agisse de la réalisation, du scénario ou de l'interprétation, on a parfois le sentiment d'avoir affaire à de l'improvisation. 

Pourquoi pas, après tout ? Si l'exercice est mené avec talent, cela peut être un vrai régal, d'autant plus que l'histoire s'y prête. Il faut d'ailleurs avouer que certaines scènes sont particulièrement jouissives (celle du poney, par exemple).  L'enthousiasme des acteurs y est pour beaucoup, il faut le souligner : José Garcia, moins exubérant qu'à son habitude, Anna Mouglalis, fidèle à son image, Sergi Lopez et même le vétéran Ben Gazzara semblent se moquer d'eux-mêmes avec délice.
 
Alors, que reprocher à ce film ? C'est sans doute sa forme et la légèreté de son scénario qui pêchent le plus... A plus d'une reprise, on a l'impression (comme je disais plus haut) d'assister à un film fait de bric et de broc, l'ensemble de l'édifice tenant par je ne sais quel miracle. Pour les spectateurs habitués à des structures plus solides, c'est évidemment difficile à appréhender. Et pour les cinéphiles exigeants, l'amateurisme dont on pourrait taxer "Chez Gino" (à tort, évidemment) peut également s'avérer gênant.
Au final, "Chez Gino" ne peut sans doute plaire qu'aux fans de ce cinéma qui ne se prend pas au sérieux, même s'il effleure des thèmes qui le sont..
 
A la fois comédie absurde, parodie de film de genre et mise en abyme, "Chez Gino" aurait sans doute mérité un meilleur accueil lors de sa sortie en salles (puisqu'il fut boudé par le public à sa sortie). Même s'il ne s'agit aucunement d'un film inoubliable, ce joyeux chaos mérite amplement une deuxième chance...


mardi 28 août 2012

The Prodigies (2011)



Elles sont rares, les incursions françaises dans le film d'animation, et plus rares encore, parmi elles, les oeuvres adultes. Inspiré du roman-culte "La nuit des enfants rois" de Bernard Lentéric, "The Prodigies" fait donc figure d'exception culturelle. En y réfléchissant bien, on peut d'ailleurs se demander pourquoi il fallut trente ans pour voir débarquer sur les écrans l'adaptation de ce roman. Mais là, je m'égare...

Pour ceux de mes lecteurs qui ne connaîtraient pas le livre originel (fort recommandable, d'ailleurs), voici un petit résumé : jeune prodige doté de pouvoirs hors du commun, Jimbo réussit à trouver d'autres prodiges aussi doués que lui, par l'entremise d'un jeu en ligne. Alors qu'il les réunit tous à New York, les cinq enfants exceptionnels sont victimes d'une agression particulièrement brutale. Dès lors, ils n'ont plus qu'un seul but : mettre leurs pouvoirs au service de leur vengeance envers le monde "normal". Seul Jimbo sera à même de les arrêter..à moins qu'il ne les rejoigne. 

Marc Missonnier, le producteur du long métrage, a toujours été un admirateur du roman. Malgré son style très cinématographique, il lui aura fallu près de dix ans pour en boucler l'adaptation. Force est cependant d'avouer que le résultat est à des années-lumière du matériau originel, en termes d'efficacité et de réussite. Là où le roman était épique, le film joue sur le style, préférant les effets visuels à la richesse narrative. Le réalisateur, Antoine Charreyron (qui fut réalisateur de deuxième équipe sur le calamiteux "Babylon AD" de Mathieu Kassovitz), est peut-être à blâmer pour cela. Toujours est-il que l'on a maintes fois l'impression que toute cette vaine agitation cache un immense vide scénaristique. 

Le style graphique du long métrage joue également en sa défaveur. Pourquoi avoir choisi d'en faire un film  d'animation (qui plus est en 3D) ? Même s'il faut saluer l'audace du procédé, l'adaptation (déjà casse-gueule) du livre de Lentéric aurait été plus facile, et sans doute plus probante si elle avait donné lieu à un film "live". Comprenons-nous bien, il n'est pas question de juger ce film sur sa forme, mais il eût fallu que celle-ci serve l'histoire. Or, dans le cas présent, il faut bien reconnaître qu'elle la dessert. D'un point de vue technique, l'animation et le graphisme sont bien en-deça des références du genre (on est loin du foisonnement d'un Pixar, par exemple). 

En ce qui concerne le fond, ça n'est guère mieux. La force du roman s'est-elle diluée au cours des trentes années écoulées ? Ou (comme j'ai tendance à le penser) les choix scénaristiques d'adaptation ont-ils appauvri le sujet et l'intrigue ? Certes, le roman multipliait les effets peu transposables. Cela dit, certains choix sont particulièrement calamiteux (les séquences à la Maison Blanche, par exemple).

Au final, il semble que le public ne s'y soit guère trompé en ne se rendant pas dans les salles obscures à la sortie de ce film. Annoncé comme une révolution, "The Prodigies" ne fut rien d'autre qu'un pétard mouillé. Il nous reste cependant le roman, à défaut de son adaptation. 




samedi 25 août 2012

Last chance for love (2008)



Il y a quelques mois, France 3 a eu la bonne idée de diffuser coup sur coup deux films de l'immense Dustin Hoffman. Si le choix de placer le sublime "Le lauréat" en deuxième partie de soirée était discutable, ce fut l'occasion de découvrir, en première partie, le méconnu "Last chance for love", où l'interprète de "Marathon Man", "Tootsie" et "Little big man" (entre autres) partage l'affiche avec la grande Emma Thompson. 

Réalisé par Joel Hopkins (qui avait déjà à son actif "Mariage et conséquences"), "Last chance for love" est une comédie romantique respectant à la lettre tous les codes du genre, à ceci près qu'elle s'applique (une fois n'est pas coutume) à une tranche d'âge souvent oubliée. En effet, dans "Last chance for love", les deux protagonistes principaux sont des quinquagénaires. L'expérience de la vie dont ils disposent, et les regrets qu'ils ont pu accumuler les rendent d'ailleurs d'autant plus riches.

Résumons rapidement l'histoire : Harvey Shine, compositeur de jingles publicitaires, se rend à Londres pour le mariage de sa fille, qu'il n'a pas vu depuis des années, cette dernière ayant d'ailleurs tissé des très forts avec son beau-père. Il croisera le chemin de Kate Walker, une célibataire endurcie, vivant sous le joug de sa mère. Durant ces quelques jours, ils vont apprendre à se connaître et à s'apprécier.

Comme je le disais plus haut, le scénario de "Last chance for love" respecte presque tous les codes de la comédie romantique et ne regorge pas de surprises. Néanmoins, pour qui apprécie le genre, c'est une véritable réussite, en grande partie grâce à l'interprétation hors pair de ses deux acteurs principaux. On ne peut que regretter le manque de succès que connut ce film, alternant joliment bonne humeur et regard sans concession sur la vie.

Certes, la réalisation n'a rien de mémorable, certes le scénario est des plus communs. Il reste cependant regrettable qu'un si joli petit film n'ait pas, en son temps, rencontré le succès qu'il méritait. Gageons que sa récente diffusion ait un peu corrigé cette injustice.




jeudi 23 août 2012

Et si on vivait tous ensemble ? (2012)



Attention, malentendu en vue ! 
Je suis persuadé qu'au vu de l'affiche de "Et si on vivait tous ensemble ?", vous pensez avoir affaire à une comédie, mettant en scène des acteurs qu'on placera sans leur faire outrage dans la catégorie "seniors". En tout cas, c'était mon cas... Il faut dire que, lors de sa sortie, la promotion faite autour de ce film abondait dans ce sens. Même la petite formule, en bas de l'affiche ("Amis depuis toujours, colocataires depuis une semaine !") laisse penser qu'on va bien s'amuser, avec ces vieux chevaux sur le retour.

Eh bien, non, perdu. Ce film n'est pas drôle (ou très peu)...mais il ne méritait pas pour autant le peu de succès qu'il rencontra lorsqu'il fut projeté dans les salles obscures.
Résumons l'histoire, vite fait. Claude, Albert, Jeanne, Jean et Annie sont amis depuis plus de quarante ans et ne manquent pas de vivre la vie à pleines dents, malgré l'âge et ses complications. Lorsque Claude voit son coeur flancher, son fils décide de le placer dans une maison de retraite. Ni une, ni deux, ses amis viennent l'en tirer et tous décident de vivre ensemble. Ils vont être confrontés à la vieillesse qui les rattrappe.

On ne peut pas vraiment parler de tromperie sur la marchandise, mais le fait est que ce film n'est pas de ceux on l'on se tord de rire. Au contraire, même, les thèmes abordés (la dépendance, la sexualité des anciens, la mort, etc) ne sont pas de ceux qui engendrent le fou-rire, non ?

Par petites touches, des sujets graves qui parlent à chacun sont évoqués dans ce petit film qui n'eut pas le succès escompté (à peine 400 000 entrées en France). Réalisé par Stéphane Robelin, dont le premier long-métrage, "Realmovie", eut une diffusion quasi-confidentielle, "Et si on vivait tous ensemble ?" est un film sur la fin de vie plus que sur la vie en communauté.

Porté par des acteurs remarquables (mention spéciale à Pierre Richard, extrêmement émouvant), ce film souffre pourtant de quelques défauts. La réalisation est en effet assez plate et sans audace, et ne confère pas à ce film le rythme qui lui manque. Même s'il s'agit d'une histoire sur la vieillesse, un peu plus de tempo eut été souhaitable. Quelques longueurs sont également à signaler, comme si le metteur en scène peinait à remplir son film...

Cependant, "Et si on vivait tous ensemble ?" mérite d'être vu, ne serait-ce que parce qu'il aborde un sujet rarement traité (voire tabou) au cinéma, et pose de véritables questions. Et, pour qui aime les acteurs, ce film est un véritable régal. Les six acteurs (nos cinq "anciens" et Daniel Brühl, vu dans "Inglorious Basterds" et "Goodbye Lenin !") s'en donnent à coeur joie et, sans cabotiner, montrent que le talent ne se tarit pas avec l'âge.

Au final, voilà un film sur un sujet grave, qui ne sait trop comment le traiter. Fort heureusement, il est sauvé par ses interprètes, tous épatants. Laissez-vous tenter, si le coeur vous en dit, ce film mérite mieux que son accueil en salles.

mardi 21 août 2012

Super (2010)



Frank n'a pas de chance. Doté d'un physique banal, pour ne pas dire ingrat, il gagne tant bien que mal sa vie en travaillant dans un fast-food, tandis que sa seule raison de vivre, sa femme, le quitte brutalement après avoir replongé dans la drogue. C'est à ce moment précis de sa vie, où il touche le fond, qu'il a une révélation : Frank va devenir un super-héros. 

Le pitch de « Super » repose, à l'instar du très réussi « Kick-Ass », sur une bonne idée de départ. C'est vrai, quoi : on pourrait se demander pourquoi personne n'a jamais, un jour, franchi le pas, et enfilé un costume flashy, slip par dessus son pantalon, pour ambitionner de devenir super-héros et tenter de lutter à sa manière contre le crime. 

Avec un petit budget, mais un casting plus qu'honorable (Rainn Wilson en tête d'affiche, Kevin Bacon, Liv Tyler et Ellen Page dans des rôles significatifs, tout de même), « Super » aurait pu recevoir le même succès critique et public que le déjà cité « Kick-Ass », qui valut à son réalisateur de reprendre les manettes de la franchise « X-Men » pour le très bon « X-men : le commencement ». Il n'en fut rien, car « Super » fit un flop lors de sa sortie et n'est connu que des plus curieux des amateurs de films de super-héros. 

Ce bide fut-il justifié ? J'ai bien peur de devoir répondre par l'affirmative à cette question, après avoir visionné récemment ce film. Là où « Kick-Ass » réussissait, « Super » échoue, en grande raison à cause d'un manque évident d'ambition. 

C'est tout d'abord la réalisation qui pêche. Filmé à hauteur d'homme, « Super » donne souvent l'impression d'une vidéo amateur. Certes, cette façon de filmer est en vogue (notamment dans le film fantastique et l'horreur, comme « Le projet Blair Witch » ou « Cloverfield »), mais est particulièrement peu adaptée au thème du super-héros. Considérons que c'est un parti-pris audacieux, renforcé par des couleurs particulièrement réalistes (le ciel est toujours gris, les décors souvents sales). 

On sera moins indulgent face au manque de rythme dont fait preuve le film à maintes reprises. Dans le cadre d'un film d'action, c'est nettement moins pardonnable. Sujet à de violentes accélérations (des pics étant parfois atteints lors de scènes presque « gore »), « Super » voit son rythme chuter lors de longues séquences où le héros, d'une placidité digne d'un parpaing, entraîne le spectateur dans l'ennui. 

Enfin, la direction d'acteurs est un des défauts majeurs du film : laissés à eux-mêmes, ceux-ci en font partant des  tonnes et partent parfois en vrille (Ellen Page, notamment, qui étonnera ceux qui l'ont vu précédemment dans « Inception » ou « Juno »). Pour parachever le tout, la version française calamiteuse est la cerise de trop sur l'indigeste gateau. 

J'émettrais également quelques réserves sur le scénario, qui joue maladroitement de thèmes forts (la religion, la justice, la place du héros dans la société). La fin du film, en justifiant les choix pourtant discutables du héros, m'a laissé un drôle de goût. A en croire l'histoire de « Super », qu'importe sa façon expéditive de rendre la justice (et le qualificatif est parfois faible), la fin justifie les moyens. Il y aurait matière à discussion, mais n'attaquons pas « Super » sur ce terrain-là : il ne s'agit clairement pas d'un film à message. 

Enfin, j'espère.


samedi 18 août 2012

Le treizième guerrier (1999)



Prenez un romancier à succès, dont les ouvrages ont maintes fois les beaux jours d'Hollywood (en l'occurrence, Michael Crichton, à l'origine de « Jurassic Park », mais aussi « Prisonniers du temps » ou « Harcèlement », pour ne citer qu'eux). Ajoutez un metteur en scène dont le talent n'est plus à démontrer (au hasard, l'excellent John McTiernan, capable avec « Die Hard » de transformer un simple thriller en modèle de film de genre). Saupoudrez le tout d'une distribution solide, avec en tête d'affiche le très bon Antonio Banderas et la présence d'Omar Sharif. 

Dans un monde « normal », pareille combinaison suffirait à assurer le succès d'un film, non ? 

Il n'en est rien, puisqu'avec « Le treizième guerrier », les pertes s'élevèrent à plus de 100 millions de dollars. Pareille ardoise pesant lourd, la carrière du talentueux McTiernan sombra et le cinéma de genre perdit un orfèvre. Mais, me direz-vous, tel bide était-il mérité ? 

Je serai bref (et, j'espère, objectif) : non, « Le treizième guerrier » n'aurait pas du être un tel échec commercial. Avant d'en parler davantage, je vous fais un rapide résumé du pitch. En exil loin de ses terres natales, Ahmed Ibn Fahdlanest l'objet d'une prophétie et doit s'allier à douze Vikings partant porter secours au seigneur Rothgar, dont le village est assailli par des créatures mi-hommes mi-démons. 

Sur une toile somme toute assez classique, « Le treizième guerrier » exploite le thème intéressant du choc des cultures (quand l'Orient rencontre les Vikings) sans sombrer dans les clichés. Servi par une mise en scène extrêmement efficace (les plus fidèles lecteurs de ce blog savent toute l'admiration que je porte à John McTiernan), « Le treizième guerrier » est plus qu'un simple film d'aventure et d'action. Habité du début à la fin par une atmosphère souvent oppressante, voire angoissante, il remplit sans faillir son contrat... 

Mais où est l'os, me demanderez-vous ? 

Je citerais au nombre des défauts de ce film, la noirceur de son propos (transparaissant jusque sur son affiche, et je reste persuadé qu'elle a pu repousser bien des spectateurs). Ensuite, aussi efficaces soient certaines scènes, il faut bien reconnaître que lorsque les protagonistes usent chacun de leurs langages respectifs (un coup de langage viking par ci, un coup d'arabe ancien par là), cela nuit au plaisir du spectateur : on visionne ce film pour l'action, avant tout, ne soyons pas dupes. 

Enfin, la plus grosse carence de ce film, c'est son montage. Charcuté par ses producteurs (dont Crichton lui-même, qui alla jusqu'à re-tourner certaines scènes), « Le treizième guerrier » perd une grande partie de son impact à force de scènes trop rapides. 

Je vous rassure, malgré tous ces points négatifs, « Le treizième guerrier », film maudit de John McTiernan reste un vrai bon film d'aventure, sale, brutal, sombre. 

Dans un monde parfait, il aurait fait l'objet d'un director's cut (on peut toujours rêver) et aurait rencontré le succès qu'il mérite. 

Nous ne vivons pas dans un tel monde, hélas. 


vendredi 17 août 2012

Les fils de l'homme (2006)



Le nom d'Alfonso Cuaron est associé, pour le grand public, à la saga Harry Potter, et plus précisément à son troisième épisode (sans doute le meilleur, à mon humble avis), « Le prisonnier d'Azkaban ». Moins nombreux sont les spectateurs ayant vu ses autres films, notamment « Les fils de l'homme », dont je vais vous entretenir aujourd'hui.
 
En l'an de grâce 2027, l'humanité approche de son extinction. En effet, hommes et femmes ne peuvent plus se reproduire. Alors que le dernier être humain ayant vu le jour décède, à l'âge de 18 ans, une jeune femme tombe enceinte, ce qui n'est plus arrivé depuis une vingtaine d'années. Celle-ci devient l'enjeu de toutes les luttes. C'est la raison pour laquelle Theo, ancien activiste politique, est engagé pour assurer sa sécurité. Dans un monde où tout espoir a disparu, Theo devra réapprendre à se battre, pour elle et l'espoir qu'elle porte...
 
Tiré du roman éponyme de P.D. James, « Les fils de l'homme » est un film d'anticipation extrêmement sombre, proche de grands classiques comme « Soleil Vert » ou « 1984 ». Doté d'un casting en béton armé (tant au niveau des premiers rôles que des seconds), il a globalement été bien accueilli par la critique, mais ne rencontra pas le succès public escompté.
 
Si vous voulez mon avis (et si vous lisez ces lignes, c'est probablement le cas), « Les fils de l'homme » aurait mérité un véritable triomphe. Loin de n'être qu'un film d'anticipation, il s'agit là d'une véritable réflexion sur l'avenir de l'homme. Dans un décor où s'entremêlent terrorisme, religion, contestation et immigration, ce long métrage est de ceux qui donnent à réfléchir (une des caractéristiques des grands films d'anticipation, justement). Certes, il s'agit d'un film complexe, tant il sollicite la matière grise de ses spectateurs, au vu des thèmes abordés. Mais c'est une œuvre qui ne laisse pas indifférent et, surtout, reste longtemps présent à l'esprit, par les questions qu'il a soulevé.
 
D'un point de vue purement cinématographique, force est également d'avouer qu'il s'agit d'un grand film. Alfonso Cuaron, dont on avait déjà apprécié le talent narratif et technique dans « Le prisonnier d'Azkaban » (avec, notamment, la scène où ses héros remontent le temps), donne ici libre cours à sa virtuosité, à l'occasion de quelques plans-séquences de toute beauté. Navigant à son aise dans un monde essentiellement gris et sale, Cuaron rend son histoire crédible, mettant toute l'efficacité son talent au service de celle-ci. Nombre de festivals ne s'y sont pas trompé, le film ayant été maintes fois récompensé pour sa photographie, sa direction artistique ou son scénario...
 
Enfin, cerise sur le gâteau, le casting est à l'avenant. En tête d'affiche, quelques grandes stars (Clive Owen, Julianne Moore et Michael Caine), et d'autres acteurs moins connus donnent eux aussi toute la mesure de leur talent, au service du film.
 
Alors, pourquoi un tel flop, me direz-vous ?
On jettera la pierre, tout d'abord, au distributeur du film (UIP, pour le nommer), qui n'assura pas la  promotion des « Fils de l'homme » comme il l'aurait fallu. Suite à une campagne marketing bâclée, le film n'eut pas, en son temps, une grosse couverture médiatique et peina à rencontrer son public à sa sortie. Pire encore, alors que bouche-à-oreille aurait pu lui être favorable, voire salutaire, le distributeur choisit de le retirer des salles, à la faveur d'autres films sortis à la même époque.
La seconde pierre est à réserver au film lui même. Malgré ses indéniables qualités, énumérées plus haut, il faut bien reconnaître qu'il s'agit d'un film complexe et plutôt anxiogène. A n'en pas douter, ces caractéristiques ne jouent pas en la faveur de la rencontre entre un film et son public, ce dernier étant souvent plus difficile à entraîner dans les salles obscures quand le film demande quelque effort
 
Les années qui s'écoulent sont bénéfiques pour certains grands crus. Je pense qu'elles peuvent aussi l'être pour certains films, dont celui-ci fait partie. Il ne nous reste plus qu'à offrir aux « Fils de l'homme » une deuxième séance, en DVD par exemple.


mercredi 15 août 2012

Le séminaire (2009)



En 2001 débarquait sur nos petits écrans (et, pour être précis, sur la chaîne M6) une sorte d'OVNI télévisuel, au format court (7 minutes par épisode quotidien) : "Caméra café". Cette micro-série, en peu de temps, cassa la baraque, notamment auprès des amateurs d'humour et de dialogues percutants. Aux manettes se trouvaient le talentueux duo Bruno Solo/Yvan Le Bolloc'h. 
Très vite, "Caméra café" s'impose comme un succès, tant et si bien que la série restera au programme pendant cinq saisons, avant d'être remplacée, sur le même créneau (20h30) par la non moins redoutable "Kaamelott", puis "Scènes de ménage". Un genre était donc né et le public se familiarisa vite avec Hervé Dumont, Jean-Claude Convenant, Maeva, personnages caricaturaux, certes, mais dans lesquels tous pouvaient projeter une part de leur vécu.

Dans la foulée de leur succès, les deux compères tentèrent l'aventure du grand écran, une première fois en 2005, avec "Espace détente", réalisé par Charles Némès. Si l'on avait, dans cette adaptation de la série, l'occasion de retrouver....force est d'avouer que la comédie perdait à passer au format "long". Moins percutante, plus délayée, la version longue de "Caméra café", si elle réservait quelques bons moments, était souvent ennuyeuse, et donc à mille lieues de la série originale (qui était loin d'engendrer la mélancolie).
 
Le premier film, sans être un triomphe, réussit tout de même à trouver son public... Quelques années, plus tard, Solo et Le Bolloc'h décidèrent de renouveler l'expérience et concoctèrent "Le séminaire", réalisé une nouvelle fois par Charles Némès. De l'eau avait coulé sous les ponts, les temps avaient changé. Cette fois, les employés de la compagnie Geugène partent tous en séminaire de remotivation, à Paris.
Alors, signe des temps ? Fin d'une époque ?

Toujours est-il que la machine à café ne fonctionne plus et qu'on assiste à une comédie laborieuse, voire poussive d'où émergent à peine quelques gags. Nombreux sont les symptômes, mais le diagnostic est clair : ce "Séminaire" est un échec, tout simplement. 
D'aucuns pourraient se demander pourquoi, par exemple, le personnage de Sylvain a disparu du scénario, ayant été malencontreusement tué...En réalité, Bruno Solo s'étant brouillé avec Alexandre Pesle, son interprète, a décidé purement et simplement de tuer son personnage. Au dernières nouvelles, tous deux ne se sont pas rabibochés. Ce  genre de querelle en dit long. 

On pourrait aussi s'interroger sur l'intérêt d'insister lourdement sur les travers des personnages, au lieu de consacrer du temps à donner une véritable ossature, c'est-à-dire une histoire solide. A ce titre, "Le séminaire" est exemplaire, puisque son scénario n'est finalement qu'un accessoire au service de personnages devenus caricaturaux et, de fait, sans aucune crédibilité. En inversant ce curieux rapport de forces, nul doute que la recette eût donné un film plus équilibré et donc moins raté. 

Servi par une réalisation minimale, le casting fait ce qu'il peut pour aller jusqu'au bout du voyage, sans donner l'impression de croire en son histoire (fût-ce une comédie burlesque). L'ennui étant communicatif, le spectateur est maintes fois tenté de déserter devant ce qui s'avère être une comédie pas drôle (un comble !). J'avoue avoir craqué avant la fin, en toute honnêteté.

"Le séminaire" est donc un constat amer (comme le café) du naufrage d'une bonne idée de base, exploitée malgré elle sur un support qui ne lui convient pas. Alors que "Kaamelott" devrait, prochainement subir le même traitement, on est en droit de craindre le pire, soit dit en pasant.

Donc, pour résumer, si vous avez l'occasion de ne pas voir "Le séminaire", faites-le.



Le dernier présage (2006)


Vous feriez quoi, vous, si un voyant prophétisait votre mort prochaine ? Quand Jimmy Stark, VRP égaré au Nouveau-Mexique, reçoit cette prédiction, il reste incrédule. Mais quand certaines des annonces faites par le voyant se réalisent, il commence à prendre peur. Commence pour lui un long voyage (intérieur, mais pas seulement)...

Une fois de plus, c'est d'un film sorti directement en DVD qu'il est question, dans ce blog. Ca devient une habitude, on dirait...mais après tout, c'est un des objectifs de ce blog, que de donner un coup de projecteur sur des oeuvres ayant "raté" leur sortie (que ce soit justifié ou pas). 
Sans vouloir radoter, on pourrait, au sujet de ce film, déplorer une nouvelle fois le titre français, qui torpille (encore une fois) la puissance évocatrice du titre original, "First Snow". Dans l'histoire, c'est en effet aux premières neiges que doit se réaliser le présage visant Stark.

Le réalisateur du "Dernier présage", bien que passant pour la première fois derrière la caméra est loin d'être un inconnu pour les plus cinéphiles d'entre vous. Il s'agit de Mark Fergus, jusque là scénariste, à qui l'on doit les scripts de "Iron-Man", "Cowboys et envahisseurs" et (surtout) du très beau "Les fils de l'homme" d'Alfonso Cuaron (que je vous incite à voir). Fergus est retourné, après l'échec du "Dernier présage" à ses activités de scénariste. Ce film est donc son unique expérience de réalisation, pourtant fort honorable...
En tête d'affiche, et portant le film sur ses épaules, le remarquable Guy Pearce ("Memento", "L.A. Confidential") mène un casting impeccable : la très jolie Piper Perabo, l'énigmatique J.K. Simmons (le père de "Juno" et, pour le grand public, le rédac' chef de "Spiderman") et l'inquiétant William Fichtner (une des "gueules" du cinéma hollywoodien, spécialistes des seconds rôles, vu dans "Heat" ou "The Dark Knight"). Cette distribution remarquable réalise un parcours sans fautes dans "Le dernier présage". Dirigés de main de maitre par Mark Fergus, les acteurs mettent tout leur talent au service d'une histoire qui fonctionne sans heurts, même si elle est simple, au premier abord...
 
A bien y réfléchir, le handicap qui fit que ce film ne fut pas (aux yeux des producteurs) digne d'une vraie sortie en salles réside peut-être dans cette simplicité. Sous des abords trompeurs de thriller fantastique, "Le dernier présage" n'est finalement rien d'autre qu'un voyage initiatique, celui d'un homme qui sait ses jours comptés et se livre à un périlleux exercice d'introspection.

Vous en conviendrez, pareil script paraît fort peu bankable, à prime abord. C'est sans doute la raison pour laquelle le scénario s'est vu greffer une simili-intrigue policière (sur les  pratiques douteuses d'Ed, le collègue de Stark) qui, finalement, n'amène que peu de plus-value à l'histoire. 
A mon sens, "Le dernier présage", même si son résumé tiendrait sur un post-it, est un film riche, parce qu'il pose plus de questions qu'il n'apporte de réponses. Simplement, méfiez-vous : dans votre vidéo-club, il risque d'être rangé dans la mauvaise rubrique. Loin d'être un film à suspense, il s'agit plus d'un véritable drame.

En revendiquant haut et fort ce statut, "Le dernier présage" aurait peut-être eu droit au public qu'il n'a pas eu (et qu'il risque de ne pas avoir, au vu de la stratégie marketing choisie pour sa sortie en DVD). Décidément, je ne comprendrai jamais les choix de certains producteurs...


lundi 13 août 2012

The company men (2010)



Premier film au cinéma de son réalisateur, "The company men", porté par un attrayant casting, n'a pas connu le succès dans les salles obscures. S'il trouve aujourd'hui sa place dans ce blog, on peut cependant s'étonner du peu de spectateurs qu'il séduisit lors de sa sortie. L'heure est venue de lui offrir une séance de rattrappage.

Illustration parfaite de la réussite à l'américaine, Bob Walker est licencié du jour au lendemain, lorsque la compagnie qui l'emploie met en place un plan drastique de réduction des effectifs. Devant renoncer à tous les privilèges auxquels il était habitué, il va apprendre à se battre, à renoncer à ce qu'il pensait acquis, pour finalement changer. Sous la poussée des actionnaires, la compagnie continue de mettre d'autres hommes au chômage, broyant les vies pour maintenir le cours de ses actions.

Réalisé par John Wells, délaissant le temps d'un film ses activités télévisuelles, "The company men" est inscrit dans son époque. A l'heure où la crise économique frappe de plein fouet l'Amérique, cette histoire se penche sur le destin de plusieurs hommes, incarnés à l'écran par des acteurs au meilleur de leur forme : Ben Affleck (qui trouve là l'un de ses meilleurs rôles), Tommy Lee Jones (impérial, comme souvent), Chris Cooper (un acteur à redécouvrir) et Kevin Costner (inattendu, mais épatant). A leurs côtés, les femmes, même si elles ont des rôles plus ingrats, tirent remarquablement leur épingle du jeu. Maria Bello (connue pour son rôle récurrent dans "Urgences") et surtout Rosemarie DeWitt (remarquée dans les séries "Mad Men" et "United States of Tara", mais qui ne devrait tarder à accéder au succès qu'elle mérite) sont tout simplement remarquables.

La crise économique et ses répercussions a fait l'objet de maints longs métrages, plus ou moins dramatiques. A priori à mille lieues du traitement qu'en aurait fait un Ken Loach (par exemple), John Wells décortique à la loupe et à un rythme étonnament humain les trajectoires d'hommes se retrouvant au chômage, alors que leur statut aurait (a priori, toujours) du les épargner. La crise qu'ils affrontent, loin d'être seulement matérielle et financière, est aussi existentielle : que devenir lorsque l'entreprise qu'on a contribué à construire vous rejette ? Porté par des interprètes exemplaires (je me répète), le film ne donne pas une réponse unique à cette question, ni ne se pose en fable morale. A bien des égards, il rappelle "A la recherche du bonheur", mais s'avère finalement plus efficace, parce que plus réaliste : la réussite d'une vie ne se compte pas forcément en billets verts.

Malgré toutes les qualités que je viens de citer, il peut sembler étonnant que "The company men" n'ait pas connu le succès lors de sa sortie. J'y vois plusieurs raisons. En premier lieu, le thème traité n'est pas de ceux qui incitent les spectateurs à se déplacer, fût-ce pour son casting. La crise et ses conséquences étant omniprésentes dans notre quotidien, on peut comprendre qu'aller au cinéma rime plutôt avec détente. De plus, les personnages au centre de ce film ne font pas partie de l'Amérique d'en-bas, mais sont (a priori) des nantis, nullement protégés par leurs stock-options. Si ce choix est au final ce qui rend le film encore plus percutant (et plus démoralisant, peut-être), on peut comprendre qu'il ne soit guère engageant pour le spectateur lambda.

Enfin, et c'est sans doute ce qui joua le plus en défaveur de ce film lors de sa sortie, "The company men", malgré tous ses atouts, a été extrêmement mal vendu. Desservi par une bande-annonce médiocre, voire trompeuse (et je ne parle pas de son affiche !), il n'a pas fait l'objet de la promotion adaptée. Nul doute qu'avec une meilleure présentation, il aurait eu droit à un vrai succès public. Il mérite amplement une deuxième chance, que je vous invite à lui offrir...



dimanche 12 août 2012

Another Earth (2011)


Il faudra m'expliquer comment se détermine la diffusion d'un film. Sur quels critères les distributeurs se basent-ils pour décréter que tel film aura droit à une sortie dans un circuit de salles conséquent et que tel autre sera projeté à la sauvette, dans une poignée de cinémas répartis "au petit bonheur la chance" dans l'hexagone ?

Certes, je ne suis pas totalement candide. Le pedigree du réalisateur, le casting qu'il aligne dans son film et le talent du producteur y sont pour beaucoup. N'empêche que, parfois, certains films mériteraient d'être plus exposés qu'ils ne le furent...et d'autres mériteraient moins de tapage, si vous voulez mon avis. La preuve par l'exemple : l'an dernier, après un Festival de Cannes où il fit son petit scandale, Lars Von Trier nous offrit son "Melancholia", fresque intimiste à gros budget dans laquelle une planète jusqu'alors inconnue menaçait la Terre. Je suis persuadé que peu d'entre vous ignorent l'existence de ce film (assez surestimé, à mon goût). Mais qui a entendu parler de "Another Earth", sorti dans une quinzaine de salles en France, et où une planète jumelle de la nôtre apparaît dans le ciel ? Certes, les moyens mis en oeuvre ne sont pas comparables, mais à l'arrivée, je ne suis pas sûr que le meilleur des deux films soit celui que l'on croit. 

Farouchement ancré dans le bastion du cinéma indépendant américain, "Another Earth" revendique son appartenance à cette mouvance radicale du septième art. Ici, point d'effets visuels superflus, ni d'interprétation alambiquée : on est dans le cinéma à hauteur d'homme, dans l'hyper-réalisme, et je pense que certaines scènes comportent de l'improvisation. Vous voilà donc prévenus.  

Dans "Another Earth", le destin de plusieurs personnages bascule lorsqu'apparaît une deuxième terre. Rhoda, jeune astrophysicienne terminant ses études, percute (en état d'ébriété) la voiture de John Burroughs, compositeur au sommet de sa carrière, tuant sa femme et son fils. Quatre ans plus tard, alors qu'elle sort de prison, Rhoda, brisée et en quête de rachat, s'inscrit pour partir à destination de la deuxième terre, tout en cherchant à retrouver celui dont elle a détruit l'existence. 
   
On pourra reprocher à "Another Earth" sa mise en scène parfois erratique, son côté brouillon, que ces deux traits soient volontaires ou non.Comme s'il voulait à tout prix revendiquer son appartenance au cinéma indépendant américain, le réalisateur Mike Cahill cède aux défauts les plus flagrants de ce genre particulier. Fort heureusement, il emprunte aussi à cette niche du septième art ses plus belles qualités. L'histoire sort des canons traditionnels et ne répond pas à tous les standards scénaristiques en vigueur à Hollywood.
 
L'interprétation est un des points forts de "Another Earth". Brit Marling, en particulier, illumine le film de sa  présence tout au long de l'histoire, bâtie autour de son personnage à fleur de peau. il y a fort à parier que l'on n'a pas fini d'entendre parler de cette jeune actrice prometteuse. Face à elle, William Mapother (essentiellement remarqué dans des séries télévisées) évite l'écueil de l'excès et nous livre une composition toute en nuances. 
 
Face au très médiatisé "Melancholia", "Another Earth" n'a pas à rougir de la comparaison. Là encore, le postulat fantastique n'est qu'un prétexte à une histoire finalement très ordinaire, très humaine.
 
Un film à découvrir, sans l'ombre d'un doute, si l'on sait passer sous silence ses petits défauts (mineurs).


vendredi 10 août 2012

Pathfinder (2007)


C'est bien connu, Christophe Colomb n'est qu'un vil usurpateur, les Vikings ayant découvert l'Amérique bien avant lui. Se basant sur cette vérité historique, le réalisateur Marcus Nispel, ayant déjà commis les remakes de "Massacre à la tronçonneuse", de "Vendredi 13" et (plus récemment) de "Conan le Barbare" nous propose une confrontation entre Amérindiens et Vikings, choc des cultures dont on devine aisément qu'il ne se résoudra pas tranquillement autour d'une table, mais plutôt les armes à la main.

Il y a bien longtemps, un drakkar viking aborda les côtes du Nord de l'Amérique. Lors de l'affrontement avec les autochtones, le choc fut violent, à tel point que seul un enfant viking survécut, avant d'être adopté par les Indiens.Quinze ans plus tard, les Vikings reviennent et massacrent tout le village. Survivant encore une fois, l'enfant viking, devenu homme, va devoir les affronter, pour sauver la femme qu'il aime.  
C'est beau, un pitch pareil, non ?

Je vous préviens tout de suite : je ne connais pas le comics dont est tiré le film (paru chez Dark Horse), ni le film original, "Le Passeur" (1987). la critique qui suit ne concerne donc que le long métrage de Marcus Nispel. 

On est tout de suite mis dans le bain, lorsque commence "Pathfinder" : il s'agit d'un film d'action brutal, rude et sale. Il y a de la boue, du sang et de la testostérone chez les protagonistes de cette dark-fantasy sur grand écran. Cela dit, il n'y a rien de déshonorant ni de honteux dans ce style de film, bien au contraire. Ce créneau cinématographique vit l'éclosion de quelques pépites, parfois mésestimées : je pense notamment au "Treizième guerrier".  

Hélas, dans le cas de "Pathfinder", force est de constater que l'on a affaire à un ratage. Si le scénario tient la route, si la photographie est indéniablement réussie et contribue à donner une ambiance particulière au film, quantité de défauts majeurs coulent irrémédiablement "Pathfinder", à commencer par son réalisateur. 

Marcus Nispel, sans doute victime de son passé de réalisateur de clips, et de l'influence néfaste de Zack Snyder (mes lecteurs les plus réguliers auront remarqué le peu d'estime que je voue au metteur en scène de "300") chorégraphie à outrance chaque scène, jouant du ralenti ad nauseam et utilisant un montage souvent fait en dépit du bon sens. 

L'interprétation est elle aussi, pour beaucoup, dans le sentiment d'échec. Si les seconds rôles, notamment Clancy Brown, l'inoubliable Kurgan de "Highlander", sont honorables, il faut bien avouer que Karl Urban, ayant pourtant remaquablement tiré son épingle du jeu en Eomer dans "Le Seigneur des Anneaux", fait preuve ici d'un charisme d'huître. La preuve en est que diriger les acteurs est une composante indispensable du métier de réalisateur. 

Au final, "Pathfinder" laisse une impression de gâchis et, s'il se laisse regarder sans peine, fait partie de ces films qu'on a vite oublié. C'est dommage : confié aux bons soins d'un réalisateur digne de ce nom (ah, si les producteurs avaient eu la présence d'esprit de missionner John MacTiernan, par exemple), et affranchi de l'influence esthétique en vogue lors de sa sortie (merci Zack Snyder), il eut fait un film de genre particulièrement efficace, et aurait sans doute rencontré lors de sa sortie le succès mérité.


mercredi 8 août 2012

Instinct de Survie (2009)


Avant de commencer l'épluchage en bonne et due forme du film susdit, je vais d'abord pousser un petit coup de gueule. Y a-t-il, dans les studios hollywoodiens, quelqu'un dont le job consiste à traduire les titres de films pour les adapter aux différents pays où ils sont exportés ? Parce que, si c'est le cas, le lascar en question mériterait qu'on lui remonte les bretelles, si ce n'est plus. Le cas de « The new daughter », devenu dans nos contrées « Instinct de survie » pourrait faire office d'exemple, aux côtés d'autres titres massacrés par les traducteurs (le pompon étant toujours détenu par « Voyage au bout de l'enfer », initialement titré « The deer hunter »)...

Et, si ça se trouve, ce sinistre individu, responsable de la traduction des titres, il partage son bureau avec celui qui décrète que tel ou tel film ne sortira pas en salles et finira dans le circuit « direct-to-dvd ». J'imagine que le jour où « The new daughter » leur a été soumis, tous deux étaient particulièrement de mauvaise humeur, parce que ce film, on peut dire qu'ils ne l'ont pas loupé...

« Instinct de survie », qui n'eut donc pas les honneurs d'une sortie en salles, est sorti récemment en DVD, bien que tourné il y a déjà deux ans. Pourtant, son casting était plutôt bankable, puisque le rôle principal est tenu par Kevin Costner (la grande star des années 90, dont la carrière continue de suivre une pente dramatique depuis « Waterworld »), et que dans le rôle de sa fille aînée se trouve Ivana Baquero, déjà remarquée dans le très beau « Labyrinthe de Pan ». Derrière la caméra, Luiso Berdejo a déjà acquis ses lettres de noblesse en tant que scénariste, notamment avec « Rec ». La non-carrière de « Instinct de survie » est donc étonnante à bien des égards. Parce que, figurez-vous, ce film n'a rien d'honteux, bien au contraire.

Un petit pitch, pour avoir une idée de la chose ?
John James, sortant douloureusement de son divorce, emménage, avec ses deux enfants, Louisa et Sam, dans une maison loin de tout, au fond des bois. Très vite, il se rend compte des changements qui affectent Louisa, qui entre dans l'adolescence. Mais la véritable cause du comportement déroutant de la jeune fille est toute autre. Je n'en dirai pas plus, afin de laisser aux futurs spectateurs de ce film tout le plaisir de la découverte.

La mise en scène de Luiso Berdejo, sans être audacieuse, est très efficace et est mise au service d'une ambiance pesante, qui réussit à distiller l'angoisse, au point qu'on est parfois mal à l'aise. L'interprétation, tout à fait remarquable, contribue à l'instauration de l'atmosphère quasi malsaine qui émane de ce film. Kevin Costner, d'une rare sobriété, est parfait dans le rôle du père dépassé par une situation qui lui échappe. Quant aux enfants, ils sont interprétés avec justesse par Ivana Baquero et Gattlin Griffith, ce qui est plus que notable (on songera, par exemple, au premier opus des « Harry Potter », en partie gâché par le surjeu de ses jeunes interprètes(1)).

Alors, pourquoi tant de haine ? Qu'est-ce qui fait que ce film n'ait pas mérité une sortie digne de ce nom ? C'est une bonne question, je vous remercie de me la poser.
Il faut, en effet, reconnaître que « Instinct de survie », hormis son titre, a bien des défauts. On citera, par exemple, la bande originale, excessivement présente et insistante, au point de torpiller parfois les effets de la réalisation. Quelques maladresses de montage, également, sont à noter. Mais le principal coupable de l'échec de « Instinct de survie » (mis à part les deux bougres cités dans mon coup de gueule), c'est son final. Après 90 minutes irréprochables de tension, durant lesquelles les nerfs du spectateur sont mis à rude épreuve, la dernière partie du script , en s'évertuant à donner à tout prix un dénouement explicite, paraît bâclée et bien en-deça de tout ce qui a été mis en place depuis le début du film.

Sans expliquer le destin cruel qui fut celui de ce film, ce final torpillé est pour beaucoup dans l'échec final de l'entreprise. Cependant, malgré ce défaut majeur, « Instinct de survie » (et son titre stupide) mérite largement un visionnage, voire une place dans votre dévédéthèque.



(1) : Opinion qui n'engage que moi.

mardi 7 août 2012

L'aigle de la neuvième légion (2011)


Genre longtemps relégué aux oubliettes (après l’âge d’or de la période « Cecil B De Mille »), le péplum a connu, il y a quelques années, un retour en grâce, avec le très bon « Gladiator » de Ridley Scott. Dans la foulée, d’autres fresques historiques mettant en scène des hommes en jupe ont été mises en chantier, avec plus ou moins de bonheur. A titre d’exemple, et comme on ne fait jamais assez d’auto-promotion, citons le décevant « La dernière légion », le très esthétique "300", ou les séries « Rome «  ou « Spartacus ».
Suite au matraquage publicitaire dont « L’aigle de la neuvième légion » est l’objet ces derniers temps, j’ai décidé de visionner ce film, que les producteurs tentent visiblement de rentabiliser sur le marché vidéo (sa sortie en salles n’ayant pas déchaîné les foules).
 
Basé sur un roman de Rosemary Stutcliff (qui s’inspire lui-même d’écrits de l’époque), « L’aigle de la neuvième légion » nous narre le destin de Marcus Aquila, fils d'un centurion disparu au nord du mur d'Hadrien avec la Neuvième Légion. Vingt ans plus tard, en pleine disgrâce, Marcus, avec l'aide d'Esca, son esclave personnel, va entreprendre de retrouver l'Aigle de la Neuvième Légion, et ainsi réhabiliter l'honneur de sa famille.
 
Blockbuster en puissance, « L’aigle de la neuvième légion » est réalisé par Kevin McDonald (qui fut aux manettes du « Dernier roi d’écosse »). Le casting, même si il ne comporte pas de véritables stars est plus qu’honorable, puisque les rôles principaux sont tenus par Channing Tatum (vu dans "Sexy Dance") et Jamie Bell (le Billy Elliott du film éponyme, qui prêta également sa silhouette au rôle titre des « Aventures de Tintin » de Peter Jackson et Steven Spielberg), mais aussi le vétéran Donald Sutherland, qu'il est toujours agréable de revoir, et également Tahar Rahim, quasiment méconnaissable et fort surprenant.

D'emblée, le film évite toute démarche spectaculaire à outrance. Les effets spéciaux sont discrets, voire absents, le réalisateur cherchant visiblement à garder un ton réaliste, voire sale. A titre de comparaison, l'ambiance générale du film fait plus penser au "Treizième guerrier" (ce qui, venant de moi, est un compliment) qu'à "Gladiator" : point de toges blanches immaculées, ici, mais des hardes sales (et trouées, qui plus est) en guise de costumes. Esthétiquement parlant, "L'aigle de la Neuvième Légion" est une vraie réussite, surtout au niveau des décors. A de nombreuses reprises, on est soufflé par la beauté plastique des images et l'efficacité de la photographie... 

Alors, pourquoi un tel insuccès (que rattrapera peut-être le marché vidéo) ? c'est vrai, quoi, à lire les précédentes lignes, vous devez tous penser que "L'aigle de la neuvième légion" aurait du rencontrer son public, alors que ce ne fut pas précisément le cas. Après visionnage du film, il faut bien reconnaître que, même s'il est réussi sur plusieurs points (l'esthétique, comme je le disais plus haut), ce film pêche en bien d'autres et principalement en son ossature principale : le scénario.

La faute en incombe sans doute à un pitch un peu léger et ne réservant que peu de surprises au spectateur. Du coup, il s'agit plus d'une longue ballade en terre bretonne, parsemée, ça et là, d'affrontements bien virils.
J'avoue n'avoir pas lu le roman dont est tiré ce film et ne pourrait donc comparer les deux œuvres. Le fait est, cependant, que le long métrage aurait gagné à être doté d'un scénario un peu plus épais.


dimanche 5 août 2012

Never let me go (2011)



Il est des thèmes qui, selon le traitement qu'ils subissent, peuvent donner des films radicalement différents. A titre d'exemple, je pourrais citer "Armageddon" (de Michael "Bulldozzer" Bay) et "Deep Impact" (réalisé par Mimi Leder) : partant du même pitch de base, les deux films n'ont, au final, que peu en commun, l'un (devinez lequel) accumulant les effets spectaculaires, tandis que l'autre réussit à garder une dimension humaine. 

En visionnant "Never let me go", on ne peut s'empêcher de faire la même comparaison, son pendant "hollywoodien" étant cette fois "The Island" (de Michael "char Panzer" Bay, encore !). En effet, il est question, dans ce film de science-fiction, de clones "élevés" pour servir de donneurs d'organes, en vue de prolonger l'existence des nantis leur ayant servi de modèle.
Même si le décor a changé (nous ne sommes plus sur une île, mais en Angleterre), nul n'est besoin d'être devin pour voir les similarités entre les deux films. Le parallèle entre "The Island" et "Never let me go" est l'occasion de mesurer la différence de traitement entre deux réalisateurs (j'irais même jusqu'à parler de deux conceptions du cinéma). D'un point de vue "business", le verdict fut sans appel : "The Island" fut couronné de succès, tandis que son pendant britannique est passé aux oubliettes. Faites le test autour de vous, vous constaterez sans peine, j'en ai peur, que peu de gens connaissent "Never let me go", tandis que le film de Michael "Caterpillar" Bay jouit d'une relative notoriété. 

Pour résumer le film, sachez que, dans "Never let me go" (tiré du roman "Auprès de moi toujours" de Kazuo Ishiguro), les "clones" futurs donneurs d'organes sont élevés dans une institution coupée du monde vouée, semble-t-il, à leur apporter le meilleur. Quand ils arrivent en âge d'accomplir leur mission, ils quittent cette école pour remplir leur mission, consciencieusement, puisque théoriquement dépourvus d'âme. Le seul espoir d'un sursis réside dans l'existence entre eux de l'amour, qu'ils doivent néanmoins prouver. 
 
Entre science-fiction et tragédie romantique, "Never let me go" est réalisé par Mark Romanek, sur un scénario de Alex Garland, collaborateur régulier de Danny Boyle. Son casting compte les jeunes (et excellents) Andrew Garfield (tête d'affiche du récent reboot de "Spiderman"), Keira Knightley et Carey Mulligan, mais aussi Charlotte Rampling, impériale de sobriété. Sur un rythme lent, le film éblouit par sa beauté plastique. Mais, surtout, il est de ces films qui font réfléchir, une fois leur visionnage terminé. L'un des buts de la science-fiction est de servir de miroir à notre monde, et à y projeter ses travers. "Never let me go" excelle dans cette utilisation d'un genre si souvent décrié. 

A ce titre, comme à celui de la réussite cinématographique, l'échec commercial de ce film est foncièrement injuste (surtout au regard du succès du blockbuster de Michael Bay, dont vous aurez tous compris à quel point j'ai peu d'estime). Il mérite amplement une deuxième séance...