mercredi 27 juin 2018

Les hommes du feu (2017)



Autrefois acteur (souvenez-vous du "Dernier Combat"), Pierre Jolivet est passé de l'autre côté de la caméra et s'est fait un nom de réalisateur, avec des films comme "Ma petite entreprise" ou "Le frère du guerrier", pour n'en citer que deux, dans de genres assez différents. Posant souvent sa caméra à hauteur d'homme (et de femme), il donne à ses films un ton social qui lui est propre. L'an dernier, "Les hommes du feu", qui mettait à l'honneur la très honorable profession de pompier n'a pas séduit le public.

Mutée dans une caserne du sud de la France, alors que l'été et la perspective des incendies approchent, Bénédicte a sa profession dans le sang. S'intégrant dans son nouveau cadre de vie, elle est vite propulsée dans les urgences, le quotidien des sapeurs-pompiers. Mais, une nuit, c'est le drame. Lorsqu'elle doit intervenir sur un accident de la route, Bénédicte fait une erreur et ne voit pas une victime, éjectée du véhicule et laissée sur le bas-côté. Alors qu'autour d'elle la vie continue, Bénédicte doit vivre avec cette erreur et ses conséquences...

Tourné en partie dans des conditions réalistes et encadrées par les sapeurs-pompiers du Var, "Les hommes du feu" a des airs de documentaire. En cela, il est très louable, parce qu'il permet de découvrir les femmes et les hommes sous l'uniforme, et d'embarquer avec eux. Seulement, ce n'est pas un documentaire, mais une véritable fiction, et si le film permet de s'imprégner de l'ambiance de la caserne, il souffre tout de même de ce qu'il est : une fiction documentée, jeu d'équilibre subtil entre deux genres, pas toujours synonyme de réussite.

L'intrigue annoncée par le pitch du film est finalement assez peu utilisée et diluée dans un canevas assez lâche, où chacun des personnages poursuit sa quête personnelle. Entre ses tourments personnels et les tensions professionnels, chaque protagoniste des "Hommes du feu" tente d'avancer, sur une trajectoire hésitante. Celles et ceux dont il est question dans ce film, c'est-à-dire les pompiers et leur entourage, sont incarnés par des acteurs convaincus de leur mission, mais pas toujours habilement servis. Ainsi, on pourra pointer certaines scènes un peu "forcées" du côté du personnage de Roschdy Zem, par exemple. Enfin, on déplorera l'utilisation de quelques clichés qu'il eût été plus habile de contourner, afin de rester sur un axe plus solide. 

Partant d'une très noble intention, celle de célébrer des hommes et des femmes s'évertuant à sauver des vies, parfois au péril de la leur, "Les hommes du feu" est une déception. Faute d'une ossature solide et partant un peu dans tous les sens, ce film rate son objectif. 


vendredi 22 juin 2018

A la poursuite de Ricky Baker (2016)


Le précédent long métrage de Taika Waititi, "Vampires en toute intimité" avait fait l'objet d'un billet élogieux en ces colonnes et nombreux étaient ceux qui l'avaient apprécié. On pouvait espérer, au vu de la réussite de ce film, que les suivants de son metteur en scène aient droit  une sortie en salles. Que nenni, mes amis, puisque, malgré des critiques souvent à son avantage, "Hunt for the Wilderpeople", son dernier film, est sorti uniquement en vidéo dans l'hexagone, sous le titre "A la poursuite de Ricky Baker" et ce, pas mal de temps après sa "vraie" sortie, dans les pays qui le traitèrent comme un film digne de ce nom.. Ce ne fut que pour son film suivant, "Thor : Ragnarok", que le cinéaste néo-zélandais eut le droit à une sortie digne de ce nom dans notre pays. Tout vient à point à qui sait attendre, paraît-il...


Ricky Baker, jeune garçon à problèmes, est reçu par sa nouvelle famille d'accueil. Tante Bella et Oncle Hec vivent au fin fond de la campagne néo-zélandaise et comptent bien offrir un vrai foyer et de vraies valeurs à cet adolescent rebelle. D'abord en opposition, l'enfant et les adultes vont devoir apprendre à se supporter, voire à s'apprécier.
Mais, quand Tante Bella décède subitement, pour Hec et Ricky, c'est toute une aventure qui commence...

Le moins que l'on puisse dire à la lecture du pitch, c'est qu'on pouvait verser dans le mélodrame. Ce serait mal connaître Taika Waititi, qui prend un malin plaisir à mettre en place tout un édifice qu'il fait ensuite s'écrouler, comme un sale gosse. Et le voyage (initiatique, mais pas uniquement) qui commence alors pour Hec et Ricky est un sacré périple, au cours duquel le réalisateur n'épargne personne (et surtout pas ses héros). La liberté de ton et le talent de mise en scène, alliés aux décors sauvages de Nouvelle-Zélande, donnent un cocktail inattendu, qui aurait sans doute mal fini entre d'autres mains que celles de Waititi (qui a aussi un petit rôle savoureux dans le film).

Il y avait longtemps qu'un film, qui plus est une comédie, ne m'avait pas surpris et emballé à ce point (et ce n'est pas faute de multiplier les tentatives). Il aura donc fallu chercher à l'autre bout du monde pour trouver un long métrage malin et marrant. Étonnant, non ?
La réussite de ce film est également à porter au crédit d'un casting formidable. En tête, le jeune et étonnant Julian Dennison, tour à tour touchant et insupportable, donne vie à Ricky Baker avec un mélange de sincérité et d'énergie qui promettent de belles choses à l'avenir. Sam Neill, en vieux grincheux, trouve son meilleur rôle depuis longtemps au cinéma et, malgré un rôle plutôt bref, Rima Te Wiata trouve le juste point d'équilibre entre émotion et fantaisie. 

Comme le faisait remarquer ma consœur Tina dans son fort joli billet au sujet de ce film, "Hunt for the Wilderpeople" (désolé, mais le titre français est au-dessus de mes forces) est un conte, sans doute écrit sous l'emprise de certaines substances, ajouterai-je. Ce conte là, je veux bien me le laisser raconter.
Ce film a été vu dans le cadre du Movie Challenge 2018, pour la catégorie 
"Un film ni américain ni européen"

dimanche 17 juin 2018

RRRrrr !!! (2003)



Enfant de la télévision (à laquelle il est récemment retourné avec le succès que l'on sait), Alain Chabat a fait son entrée avec le succès que l'on sait, avec "Didier", puis le triomphe de "Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre", sans doute la meilleure adaptation de la bande dessinée éponyme. On se rappelle moins qu'il a aussi réalisé, juste après, "RRRrrr !!!", avec les Robins des Bois. Le succès ne fut pas vraiment au rendez-vous, même si cette comédie a, avec les années, acquis un statut qui n'est pas loin d'en faire un film-culte pour certains. Alors, le public de l'époque est-il passé à côté d'un grand film ?
A l'âge de Pierre (prénom très usité à l'époque, d'ailleurs), deux tribus très différentes voisinent tant bien que mal : les Cheveux-Propres, qui ont découvert le secret du shampoing, et les Cheveux Sales, qui aimeraient bien accéder à ce savoir.
Un jour, dans la tribu des Cheveux Propres, est commis le premier meurtre de l'histoire de l'humanité. Alors, puisque le sorcier de la tribu l'a décidé, deux des Cheveux Propres vont se lancer dans la première enquête criminelle de l'humanité.

Une chose est sûre, lorsqu'on regarde "RRRrrr !!!", quinze ans (bigre, déjà !) après sa sortie : ce film porte la marque de fabrique des Robins des Bois, aux manettes du scénario avec Alain Chabat. La vanne et le gag, maîtrisés à merveille par l'ex-Nul, font mouche. Le problème de "RRRrrr !!!" est ailleurs : s'il contient pas mal de bons morceaux d'humour, cela ne suffit en rien à faire un film. Il faut aussi une histoire et des personnages. La première est presque inexistante et les seconds n'ont rien d'attachant. C'est d'autant plus dommage que la préhistoire est un thème trop peu exploré dans le cinéma, a fortiori lorsqu'il se lance dans la délicate mission de faire rire. 

Les critiques assassines qui furent réservées à "RRRrrr !!!" lors de sa sortie affectèrent fortement Alain Chabat, au point qu'il mit longtemps avant de repasser derrière la caméra. Certaines comédies qui rencontrèrent un succès notable et furent applaudies par les mêmes critiques n'offrent même pas au public les quelques moments vraiment drôles de cette farce préhistorique inégale.

Maladroit et parfois lourdingue, "RRRrrr !!!" contient quelques gags franchement amusants et certaines références assez rigolotes, mais ne dispose d'aucune ossature sur laquelle se développer. C'est d'autant plus regrettable qu'Alain Chabat avait démontré qu'il maîtrisait largement l'exercice de style avec ses films précédents.

Il n'y avait sûrement pas de quoi faire un grand film dans "RRRrrr !!!", mais ceux qui y participèrent se firent plaisir, à n'en pas douter, et ne méritaient pas le vilain traitement qui leur fut réservé. On a vu pire depuis...mais on a aussi vu largement mieux.




mardi 12 juin 2018

Un profil pour deux (2017)


Il est certains acteurs à qui l'on pardonne beaucoup, parce qu'on a une histoire avec leur filmographie, parce qu'ils tiennent une place particulière dans notre vie de cinéphile. Pierre Richard est de ceux-là, à mes yeux. Il avait déjà joué devant la caméra de Stéphane Robelin, dans "Et si on vivait tous ensemble ?", assumant son âge et s'en amusant. Les deux hommes se sont récemment retrouvés pour "Un profil pour deux", qui ne connut pas le succès qu'avaient, autrefois, les films du plus célèbre Grand Blond du cinéma français. 

Veuf et amer, Pierre ne sort plus de chez lui : il s'ennuie. Lorsque sa fille lui propose d'apprendre à se servir d'Internet et, pour cela, de recevoir des leçons de la part d'Alex. En fréquentant les sites de rencontre, Pierre tombe sous le charme de Flora, qu'il séduit par sa prose, tout en cachant sa véritable identité. Quand vient l'heure du premier rendez-vous, Pierre envoie Alex à sa place. Ce qui devait arriver arriva : Flora est séduite par Alex. Mais qui aime-t-elle vraiment ?

L'intrigue de base de "Un profil pour deux" est des plus simples : l'amour et l'imposture sont au rendez-vous. Il ne reste plus qu'à la traiter de façon respectable pour en faire un film honnête, voire agréable.  La promesse n'est qu'à moitié tenue, hélas, dans ce long métrage dont le thème, vieux comme le monde, percute l'époque. Tel un Cyrano des temps modernes, pas forcément à l'aise avec un siècle qui va trop vite pour lui, le personnage incarné par Pierre Richard séduit à l'ancienne, alors que les codes ont changé.

Ne nous mentons pas : c'est essentiellement pour Pierre Richard, autrefois clown facétieux, aujourd'hui vieil homme mélancolique, que "Un profil pour deux" mérite d'être vu. Assumant son âge et dispensant sur son passage un charme qu'entame à peine la profonde tristesse de son personnage, celui qui enchanta nombre d'amateurs de comédie est l'atout numéro de ce film. Dans son sillage, les autres comédiens, Yaniss Lespert et Fanny Valette en tête, réussissent à faire croire en leurs personnages et tirent plutôt bien leur épingle du jeu.

C'est cependant au niveau de l'intrigue que le bât blesse. Si l'idée de base était séduisante, elle est vite épuisée et doit, pour remplir totalement la durée attendue, subir ça et là quelques remplissages pas toujours habiles. Il n'y a pas de grandes surprises, dans "Un profil pour deux", il y a simplement le plaisir de revoir Pierre Richard et d'entendre, comme en écho aux comédies d'une autre génération, les mélodies de Vladimir Cosma. C'est peu, mais comparé à certains autres longs métrages du moment, c'est déjà beaucoup.


jeudi 7 juin 2018

Un heureux événement (2011)


Rémi Bezançon, réalisateur du "Premier jour du reste de ta vie", a déjà eu les honneurs (ou pas) de ce blog avec "Ma vie en l'air". J'ai d'ordinaire une réelle sympathie pour ce réalisateur, qui pose généralement sa caméra à une hauteur humaine et photographie avec justesse les fragments de nos vies. En adaptant le roman "Un heureux événement" d'Eliette Abécassis, c'est cette fois au couple qu'il s'intéresse, et plus précisément aux jeunes parents. Avant, pendant et après la naissance, "Un heureux événement" narrait le parcours pas toujours simple de ses héros. Hélas pour ce film, nombre de spectateurs n'ont pas suivi...

Plus qu'un heureux événement, l'arrivée d'un enfant dans un couple, fût-il bâti sur l'amour, est une étape majeure et souvent une épreuve. Pour Barbara et Nicolas, qui filent jusque là le parfait amour, la grossesse, puis la naissance de leur enfant va tout chambouler. Ce grand bouleversement commence dans le corps de Barbara, puis déborde sur la vie de son couple, de sa famille et du monde qui l'entoure. Souvent idéalisé, le passage au statut de parents n'est pas un long fleuve tranquille...


La première chose qui marque, au visionnage de "Un heureux événement", c'est le changement de ton certain adopté par Rémi Bezançon. Alors qu'il régnait sur "Le plus beau jour du reste de ta vie" une certaine bienveillance, l'atmosphère qui règne sur ce long métrage est moins sereine. Très vite, passées les scènes décrivant (d'une façon qui amusera les cinéphiles) la rencontre entre Barbara et Nicolas, une tension se fait sentir, qui ne lâchera plus le spectateur jusqu'à la fin du film. On a connu Rémi Bezançon moins acide sur le genre humain. 


Certes, quelques touches particulièrement bien senties feront résonner un certain vécu chez ceux qui connurent les affres de la parentalité, mais on ressent peu les émotions plus positives. Devenir parent ressemble plus, dans ce film, à une épreuve dont on peut sortir en miettes, qu'à une étape grandissant ceux qui la traversent. Le film de Rémi Bezançon pourrait donc faire réfléchir nombre de futurs parents mais, pour éducatif qu'il soit, il perd de sa valeur en temps qu'objet de cinéma. L'histoire du couple formé par Pio Marmaï (plutôt convaincant) et Louise Bourgoin (qui l'est moins) peut donc laisser sur le bas-côté de la route nombre de spectateurs.

Cette (large) tranche de vie d'un couple, pas toujours en accord avec son titre, est sans doute celui des films de Rémi Bezançon où l'on éprouve le moins de sympathie pour les personnages. Là où une immense tendresse sourdait de chaque plan du "Premier jour du reste de ta vie", on est souvent à deux doigts de l'agacement devant les gesticulations du futur père et les humeurs de la mère en devenir. Si le propos était de démystifier la venue de l'enfant, la mise au point est sans appel, mais le film aurait gagné à un peu plus de douceur et à moins d'amertume.








samedi 2 juin 2018

Garde alternée (2017)


Un mari, une femme, une maîtresse : on ne compte plus le nombre d'intrigues tressées autour de ce trio infernal, au théâtre, en littérature ou au cinéma. Les traitements furent si multiples qu'on pourrait penser que le filon est épuisé. Mais non, il reste des scénaristes pour exploiter le triangle amoureux. Récemment, c'est sous l'angle de la comédie qu'Alexandra Leclère (qui avait précédemment réalisé "Le grand partage") utilisa ce grand classique. Mal lui en prit, puisque "Garde alternée" ne reçut que peu de succès en salles.

Jean et Sandrine sont mariés depuis quinze ans et deux enfants. Un jour, Sandrine découvre, en fouillant le téléphone de son mari, que Jean a une maîtresse. Passée la colère, elle fait la connaissance de Virginie, sa rivale, et comprend vite ce chez elle qui a fait craquer Jean. Toutes deux décident finalement d'un nouveau fonctionnement : Jean passera alternativement une semaine sur deux dans sa famille et chez sa maîtresse. Le principal intéressé n'est pas au bout de ses peines. 

En visionnant les premières séquences de "Garde alternée", on est rapidement fixé : le film ne fait pas dans la dentelle, ni dans la finesse. Le pitch de base est plutôt gonflé et sa réalisatrice a sans doute pensé qu'il lui fallait donc un traitement qui ne fasse pas dans la demi-mesure. Mais il semble malheureusement qu'une idée un tout petit peu originale ne suffise pas à faire un film, qui plus est dans le registre de la comédie.

Une fois qu'elle a utilisé toutes ses cartouches (et la rafale est de courte durée), Alexandra Leclère ne sait visiblement plus trop quoi faire de son sujet. C'est donc à de nombreux allers-et-retours que le spectateur est contraint d'assister, le scénario ayant visiblement été bricolé sans grand souci de vraisemblance, ni de cohérence. Souvent embarrassant, rarement drôle, "Garde alternée" fait beaucoup songer à "Sept ans de mariage", dans lequel Didier Bourdon connaissait déjà les affres de l'usure du couple. 

Si les réserves que l'on peut avoir sur Didier Bourdon, visiblement cantonné à des rôles donnant dans le même domaine, et à Valérie Bonneton, forcée de passer par des scènes outrancières pour tenter d'arracher un sourire au spectateur, le reste du casting fait peine à voir. On est  bien embêté de voir des acteurs comme Michel Wuillermoz, Laurent Stocker ou la délicieuse Isabelle Carré gâcher leur indéniable talent dans cette farce plutôt grasse et pas très drôle.

Pensant sans doute tordre le vieux cliché du triangle amoureux, Alexandra Leclère livre ici un film où les facilités et les clichés abondent, faisant reposer ses effets comiques souvent en-dessous de la ceinture. Le résultat est un film sans intérêt, se voulant drôle, mais s'avérant le plus souvent gênant.