jeudi 30 mai 2013

Absolom 2022 (1994)


La carrière de certains acteurs est parfois surprenante. Tel notre Christophe Lambert national, Ray Liotta fut propulsé avec un seul film ("Les affranchis") dans le cercle des comédiens "bankables", au début des années 1990. Alors qu'il devait disposer, sur son bureau, de quantité de propositions intéressantes, le bonhomme fit des choix inattendus et ne confirma pas l'essai. Au sein du grand public, ils sont minoritaires, ceux qui peuvent associer son nom aux films dans lesquels il apparut, je pense. Et pourtant, Ray Liotta, dans la décennie qui suivit le film de Scorcese, tourna sous la houlette de nombreux réalisateurs, s'aventurant dans des domaines allant de la comédie romantique (le très sympathique "Corrina" pourrait en témoigner) à l'anticipation, comme avec "Absolom 2022".

Nous sommes en 2022. Ancien héros de guerre, Robbins se trouve envoyé, parce qu'il a tenu tête au directeur de la prison où il était détenu, sur Absolom, une île (gérée par une société privée) dont personne ne peut s'évader. Là, il va découvrir l'enfer. Les détenus d'Absolom suivent la loi du plus fort, avec un seul interdit : l'évasion. Naturellement, Robbins va devoir se faire une place dans cette société, sans perdre de vue son objectif final : s'évader.
Réalisé par Martin Campbell, qui prendra, après ce film, les commandes de "Goldeneye", "Absolom 2022" n'est clairement pas un film qui donnera la migraine à ses spectateurs. Point de réflexion, de drame psychologique dans ce long métrage où l'action règne en maîtresse. Souvent violent, toujours efficace, "Absolom 2022", dont la réalisation augure de la suite de la carrière de son réalisateur, est donc un honnête film d'action, dont il est étonnant qu'il n'ait pas trouvé son public.

Fort bien réalisé, le film est également remarquable par son interprétation, notamment en ce qui concerne les seconds rôles. Stuart Wilson, par exemple, endosse le rôle d'un méchant tel qu'on en voyait dans le cinéma des années 1990, avec une délectation visible à l'écran. On notera aussi la présence d'autres célèbres seconds couteaux du cinéma, comme Lance Henriksen ou Kevin Dillon.

N'ayant pas trouvé sa place, à l'ombre de ses multiples références (en vrac, "Mad Max" ou "New York 1997"), "Absolom 2022" fut probablement victime de son manque d'ambition et de son scénario finalement très classique, qui ne devrait surprendre personne. Si l'ambiance est là, il faut bien reconnaître qu'on suit l'intrigue sans cependant bondir de son siège au gré de son déroulement. 

Malgré son manque d'ambition, "Absolom 2022" n'est pas qu'un sympathique nanar. Il s'agit d'un film d'action assumé, distrayant. Sans grande surprise, il est néanmoins efficace et se laisse revoir avec plaisir. C'est une qualité absente de bien des films. 




samedi 25 mai 2013

L'ultime souper (1995)



Bien qu'ayant reçu quelques récompenses (notamment le grand prix du Festival de Cognac en 1996), "L'ultime souper" n'a pas marqué les mémoires. Sorti en 1995, ce film indépendant n'a attiré que peu de spectateurs dans les salles obscures et n'est connu que d'une infime poignée de cinéphiles. S'inscrivant dans la veine des comédies noires et cyniques, "L'ultime souper" fut réalisé par Stacy Title, réalisatrice américaine dont c'est sans doute le long métrage le plus connu.

Cinq étudiants ont pour habitude de se réunir autour d'une table pour débattre et refaire le monde. Un soir, l'un d'entre eux, tombé en panne, est raccompagné par Zack, un vétéran de la Guerre du Golfe, qu'ils invitent à partager leur dîner. Zack se révèle vite être à l'opposé des convictions défendues par ses jeunes hôtes. Le ton monte et, accidentellement, l'un d'entre eux poignarde Zack. Leurs dîners n'auront plus jamais la même saveur...


Dans la distribution, on retrouve Cameron Diaz, à l'aube de la carrière que l'on sait, mais également Bill Paxton et le grand Ron Perlman ("HellBoy", mais aussi "Le nom de la rose", parmi ses nombreux films). Autour d'eux, la joyeuse bande d'étudiants gauchistes est incarnée par des acteurs qui n'ont hélas pas connu la gloire. De même, la réalisatrice Stacy Title n'a pas non plus conquis Hollywood avec ce film, pourtant bien fichu.

On est clairement dans l'humour noir et cynique, avec ce film. Ce genre, d'ordinaire plutôt enraciné dans le cinéma britannique, est ici exploité jusqu'au bout (rassurez-vous, je ne dévoilerai pas la fin), et Stacy Title nous épargne le "politiquement correct" auquel ont cédé bien des metteurs en scène avant elle. C'est peut-être pour cela que "L'ultime souper" ne déplaça pas les foules lors de sa sortie. 
En effet, même s'il est réalisé sans fièvre, ce film est loin d'être honteux et réserve quelques moments savoureux. Certes, il y a quelques répétitions d'effets et quelques longueurs, mais certaines scènes sont assez jubilatoires et suffisamment grinçantes pour réjouir les amateurs du genre. Farce sanglante, "L'ultime souper", sans être un chef d'oeuvre, est un bon moment de cinéma, emporté par des acteurs qui prennent visiblement grand plaisir à incarner leurs rôles.

Si par hasard, vous avez l'occasion de le visionner, je vous engage à le faire. Il vous faudra néanmoins avoir eu la chance de tomber dessus, dans une pile de DVD oubliés, car sa programmation sur une chaîne reste rarissime. Quoiqu'il en soit, ce petit film joyeusement immoral mérite grandement sa deuxième séance.



vendredi 17 mai 2013

Renoir (2012)



La dynastie des Renoir est riche d'artistes. Les cinéphiles songent bien évidemment à Jean Renoir, metteur en scène de "La grande illusion", mais on peut également se souvenir de son père, le peintre Auguste Renoir, dont certaines toiles sont passées à la postérité (par exemple, "Le moulin de la galette") et qui fut également sculpteur. A l'instar de Van Gogh, ce grand peintre a eu récemment droit à un film, consacré à ses dernières années. Ce film ne reçut pas, cependant, le même succès public que celui consacré au tourmenté Vincent Van Gogh et dans lequel Jacques Dutronc incarnait le peintre, devant la caméra de Georges Pialat.

Alors qu'il approche de la fin de sa vie et que son corps lui fait rudement sentir le poids des années, le peintre  Auguste Renoir, sur la Côte d'Azur, voit revenir du front son fils Jean, blessé lors des combats. Autour du peintre gravitent des femmes qui l'ont aimé et continuent de le servir, ainsi que la troublante Andrée , son dernier modèle. Elle va faire chavirer le cœur du jeune soldat et bouleverser l'équilibre du petit univers des Renoir.

Une chose est sûre : ce film regorge d'images sublimes et la photographie met diablement en valeur tant les paysages du Sud-Est de la France que le corps d'Andrée, rousse flamboyante inspirant à Renoir ses dernières toiles. Cela dit, on l'a déjà dit et répété : des images, aussi splendides soient-elles, ne suffisent pas à faire un bon film. Il faut pour cela une ossature solide : un scénario avec un début, un milieu et une fin. Au visionnage de "Renoir", il faut reconnaître que cette colonne vertébrale est le maillon faible de l'ensemble. Il n'est ici question que de l'affrontement entre deux Renoir, l'un à la fin de son remarquable parcours, l'autre ne faisant qu'entrevoir son avenir, tandis qu'une bourrasque rousse va de l'un à l'autre, bouleversant tout sur son passage.

Du côté des acteurs, le bilan est plus que mitigé. Michel Bouquet est bien évidemment impérial, mais il est difficile d'en dire autant des jeunes interprètes. Entre le "trop" de Christa Théret et le "trop peu" de Vincent Rottiers (déjà aperçu dans le très beau "A l'origine"), la jeune génération peine à s'inscrire dans les très belles images offertes par Gilles Bourdos, déjà réalisateur du "Et après..." (tiré du roman de Musso).

C'est du côté de la forme qu'il faut chercher pour identifier ce que "Renoir" a de plus réussi : des plans sublimes, des couleurs dignes des grands peintres, une bande originale à l'avenant (Alexandre Desplat est à la baguette). Mais, une fois passée la contemplation de cette beauté formelle, il faut bien reconnaître que, sur le fond, "Renoir" souffre d'un vide cruel. Il se passe peu de choses et l'introduction de nouveaux personnages (comme celui de Romane Bohringer), sans doute afin d'épaissir le film, n'y fait rien.

Au final, si "Renoir" regorge de splendides images, c'est un film qui ne tient pas ses nombreuses promesses. C'est fort dommage, car le patronyme donna au septième Art l'un de ses plus grands artisans : à ce titre, il aurait pu s'agir d'un bel hommage.


lundi 13 mai 2013

The box (2009)


Le célèbre et prolifique auteur de science-fiction Richard Matheson a maintes fois fait les frais d'adaptations pas toujours réussies de ses oeuvres au cinéma. On retiendra surtout "Je suis une légende", récemment transposé avec Will Smith dans le premier rôle, mais aussi "The Box", que Richard Kelly, réalisateur du très bizarre "Donnie Darko" adapta il y a quelques années à partir de la nouvelle "Le jeu du bouton". Assez étonnamment  alors que nombre d'adaptations tranchent dans le matériau de base pour tenir dans deux heures de film, Kelly procéda là à l'exercice inverse : de 8 pages écrites, il fit deux heures de pellicule.

Norma et Arthur Lewis, respectivement professeur et ingénieur à la NASA, reçoivent un jour une étrange proposition de la part du mystérieux Arlington Steward. Ce dernier leur confie en effet une boîte munie d'un bouton poussoir. Il leur suffira d'appuyer sur le bouton pour recevoir un million de dollars...et provoquer la mort de quelqu'un, quelque part sur Terre. La tentation est grande pour ce couple endetté : résisteront-ils longtemps ?

Comme je le disais plus haut, la nouvelle à l'origine de ce film (et qui fit déjà l'objet d'une adaptation dans la défunte série "La Quatrième Dimension") est courte et, pour en faire un film de 115 minutes, Richard Kelly a procédé à de nombreux ajouts, tournant autour d'Arlington Steward essentiellement. Lui qui nous avait déjà entraîné dans les territoire du bizarre et de la folie avec "Southland Tales" et surtout "Donnie Darko" s'en donne ici à cœur joie. Et c'est bien ce qui nuit au résultat, et fit sans doute que peu de spectateurs se déplacèrent pour aller voir "The box", malgré la présence en tête d'affiche de Cameron Diaz. Il faut dire que Richard Kelly n'est pas du genre à livrer à ses spectateurs un puzzle facile à assembler et qu'il compte plutôt sur leur sagacité pour trouver chacun leur propre interprétation de l'intrigue, qui plus est placée dans les années 1970. 


A l'instar du très barré "Stay", récemment évoqué sur ce blog, "The box" est donc un film étrange et dont chacun peut choisir le sens, selon l'humeur du moment. L'inconvénient, c'est qu'il fut vendu comme un blockbuster à 30 millions de dollars. L'équation consistant à réunir succès public et scénario crypté (voire indéchiffrable) est, on le sait, difficile à résoudre, à moins de s'appeler Kubrick ou Lynch. Dans le cas présent, c'est l'échec qui fut au rendez-vous. 


On pourra se consoler devant la prestation de Cameron Diaz, qui tire fort bien son épingle du jeu (face à un James Mardsen assez fade, une nouvelle fois) et de Frank Langella, bigrement intrigant. La reconstitution des années 1970 est, elle aussi, à porter au crédit de cet étrange long métrage. Cela ne suffira sans doute pas à l'immense majorité des spectateurs, ceux qui viennent au cinéma pour qu'on leur raconte une histoire. Réservé à un public averti, qui apprécie de devoir se triturer les méninges devant un film et après sa projection, "The box" a eu le succès qu'il méritait : il eut simplement fallu qu'il n'ait pas plus d'ambition.




dimanche 5 mai 2013

La meute (2009)


Le cinéma de genre français, méprisé par le public et snobé par les critiques, est une catégorie très particulière, d'où jaillissent parfois des films qui mériteraient mieux que leur sort. J'ai déjà évoqué en ces colonnes le peu de succès que connut le très bon "Le convoyeur" de Nicolas Boukhrief. On pourrait évoquer avec le même sentiment d'injustice le film "La meute", qui s'aventurait sur le terrain du film d'horreur et ne déplaça hélas pas les foules lors de sa sortie.

Parce qu'elle a pris en stop un mystérieux jeune homme, Charlotte, qui taille sa route au son de ses disques de métal, va découvrir l'horreur. Dans un bar perdu loin de toute civilisation, elle va être confronté à l'indicible et se retrouver plongée dans une horreur sans nom.

Entre western post-industriel et film d'horreur, "La meute" a le mérite d'oser et de ne pas s'embarrasser de fioritures scénaristiques. On est donc là pour être secoué, surpris et, parfois, angoissé par ce qui se passe ou va se passer. Alternant adroitement séquences gore et dialogues savoureux, "La meute" témoigne d'un véritable talent de toute son équipe, réalisateur en tête. Ce dernier, Franck Richard, réalise là un premier film assumé et réussi, même si le succès ne fut pas au rendez-vous.

Interprété avec brio par un casting exceptionnel, "La meute" vaut le déplacement, ne serait-ce que pour ses acteurs. Yolande Moreau, honorée par ses pairs à maintes reprises, en surprendra plus d'un dans son rôle de tenancière de saloon à la gâchette facile. Quant à Benjamin Biolay, il se glisse avec délice, semble-t-il, dans la peau du vénéneux auto-stoppeur. Emilie Dequenne, plus habituée au registre du cinéma d'auteur, est également remarquable de bout en bout. Et il en est de même pour tous les autres membres de la distribution (Philippe Nahon, par exemple).

Certes, il y a quelques moments de flottement et le scénario aurait sans doute mérité d'être étoffé. Une fois que l'on a compris ce qui se passe réellement dans ce no man's land dominé par des terrils maudits, c'en est fini des surprises. Il n'y rien non plus de réellement révolutionnaire dans ce film, qui ne bouleversera pas les amateurs d'horreur.

Mais la réalisation démontre à elle seule le talent de Franck Richard, à qui l'on souhaite que des producteurs donnent une nouvelle chance rapidement.

Enfin, il serait injuste de ne pas évoquer l'esthétique du film, dont les décors et la photographie participent de l'ambiance malsaine, crade et poisseuse. Pour une fois qu'un film a le courage d'assumer son genre jusqu'au bout, soulignons-le. Puisqu'il s'agit, de plus, d'un film français, n'hésitez pas (si vous êtes amateur de ce genre) à lui donner une nouvelle chance.




mercredi 1 mai 2013

Cinéman (2009)


Auréolé d'une réputation catastrophique, "Cinéman", réalisé par Yann Moix, avait depuis longtemps sa place dans les colonnes de ce blog. Pensez donc : le réalisateur de "Podium", encensé par la critique et le public, mettant en scène Franck Dubosc, un des comiques en vogue, sur un thème prometteur...et affichant finalement au compteur l'un des plus gros échecs commerciaux (et critiques) de ces dernières années. Pourtant, sur le papier, le film pouvait séduire plus d'un cinéphile, à en lire le pitch.

Il y est en effet question de Régis Deloux, simple professeur de mathématiques qui acquiert la capacité de voyager de film en film, afin d'y secourir Viviane Cook, actrice enlevée par Douglas Craps, infâme personnage voyageant dans le septième art. Régis va ainsi devenir Cinéman, le héros capable d'être Tarzan, puis Zorro, ou de se retrouver dans un western spaghetti juste avant de débarquer dans "Barry Lyndon". 

Quand on se penche sur la genèse du film, on comprend vite que, dès le début, "Cinéman" était voué à l'échec. En effet, Yann Moix, surfant sur la vague du succès de "Podium", aurait souhaité que le rôle principal soit interprété par Benoît Poelvoorde.
Peu après le début du tournage, Poelvoorde quitta le film (parce qu'officiellement, il trouve le scénario mal fichu), et dut être remplacé en toute hâte par Frank Dubosc. Sur le plateau, l'ambiance devint vite déplorable, accélérant la débâcle. L'humoriste est, il faut le reconnaître, extrêmement mauvais et se contente de jouer sur le personnage de dragueur minable qu'il endosse ad nauseam dans ses sketches. Face à lui, Pierre-François Martin-Laval est tout aussi médiocre. Seules les interprétations de Pierre Richard, d'Anne Marivin et, surtout, de la regrettée Lucy Gordon méritent le coup d'oeil.

Le scénario, déjà médiocre, parce que débordé par son thème et son potentiel, tourne vite à vide sur ce qui aurait pu (entre les mains d'un metteur en scène de talent) être un formidable hommage au septième art. Mais, comme le dit le personnage de Viviane à un moment du film, "Au cinéma, il y a des règles". A ne pas respecter celle, élémentaire, qui consiste à avoir une histoire à raconter et le talent pour le faire, Moix livre une suite de sketches souvent médiocres, rarement drôles et jamais dignes du septième art.

Enfin, pour tenter de sauver le film, Moix décida de remonter le film et de lui faire subir une post-synchronisation désastreuse, comme si cet ultime rafistolage pouvait tenir du miracle. Bien entendu, il n'en fut rien et cela aggrava sans doute le mal dont souffrait "Cinéman". Alors qu'il aurait fallu se résoudre à débrancher ce malade en fin de vie, pour son bien et celui des spectateurs, le réalisateur va jusqu'au bout de sa démarche, fût-elle suicidaire, et livre un long métrage indigne, dont on sort en se demandant comment il est possible de commettre pareil navet. En un mot comme en cent, nul besoin d'une deuxième séance pour ce film, ni même d'une première, d'ailleurs.