vendredi 26 février 2016

Made in France (2016)



Il est des films maudits, dans la carrière d'un réalisateur. Qu'ils soient nés à la faveur d'une production calamiteuse ou simplement qu'ils arrivent dans un fâcheux timing, ces longs métrages passent à côté du succès qui leur était promis. Parce qu'il aurait du sortir durant cette sinistre année 2015 et qu'il évoque la formation d'une cellule djihadiste se destinant à préparer un attentat à Paris, "Made in France", le dernier film de Nicolas Boukhrief, ne sortira jamais en salles. Il est cependant disponible en VOD depuis peu. 

Musulman pratiquant, journaliste, Sam décide d'enquêter sur les mosquées radicales de la région parisienne et sur les mouvances intégristes qui les gangrène. Il réussit à approcher un groupe de quatre jeunes hommes qui, sous le commandement du charismatique Hassan, revenu du Pakistan, se prépare à commettre un attentat sur le sol français. Très vite, Sam va se rendre compte qu'il est impossible de faire marche arrière...


On a forcément la gorge serrée en visionnant "Made in France", tant on a présent à l'esprit le souvenir de ces journées sinistres de janvier et de novembre 2015, faites de barbarie et de souffrance. Pour oser s'attaquer à ce phénomène, il a sans doute fallu de longs mois de recherche et de documentation au méticuleux Nicolas Boukhrief. Voir l'actualité percuter violemment l'oeuvre de fiction (tourné avant les événements de janvier) fut sans doute pour lui un choc dont il est difficile de se remettre. Cette collision est d'autant plus regrettable qu'elle met dans l'ombre les grandes qualités de "Made in France". 

C'est un grand cru que ce film de Nicolas Boukhrief, tout en tension du début à la fin. La mise en scène et la direction d'acteurs sont, une nouvelle fois, de grande qualité, et servies par une interprétation remarquable, réussissant à éviter la caricature. Les cinq acteurs principaux (Maliz Zidi, Dimitri Storoge, François Civil, Nassim Si Ahmed et Ahmed Dramé) livrent des personnages tout à la fois terrifiants et terriblement humains (ce qui les rend finalement plus inquiétants encore). N'eût été une conclusion presque décevante, on aurait pu parler de chef d'oeuvre (maudit, certes).

Prophétique, réaliste, inoubliable, ce film risque fort d'être celui qui marquera la carrière de Nicolas Boukhrief. Espérons cependant que ce soit pour ses immenses qualités, tant sur le fond que sur la forme, plutôt que pour la polémique qu'il engendra lors de sa non-sortie.



dimanche 21 février 2016

Monique (2002)


Albert Dupontel, après une remarquable carrière de comique, passa avec le succès et le talent que l'on sait au grand écran. Qu'il soit d'un côté ou de l'autre de la caméra, ses prestations cinématographiques furent souvent mémorables, quoique pas toujours couronnées de succès. Il est un film, parmi ceux où il apparut, qui témoigne de l'étendue de ses intentions. A mille lieues d'un "Convoyeur" ou de "Bernie", la première réalisation de Valérie Guignabodet était doté d'une certaine audace, puisqu'il confrontait son héros à une poupée moulée (je laisse les curieux procéder aux recherches sur ces jouets pour adultes), voilà presque quinze ans. "Monique" n'attira cependant pas les foules.

Dans la vie d'un couple, il y a des hauts et des bas. Entre Alex et Claire, c'est le creux de la vague. Il s'ennuie, ne parle plus, au point que Claire décide de faire une pause, du côté de chez son professeur d'arts plastiques. 
Par erreur, le vin aidant, Alex passe une commande et reçoit un étrange colis : Monique, une poupée moulée, toute en sensualité (certes artificielle), avec qui le dialogue est superflu. Étonnamment, Alex va renaître, tandis qu'autour de lui, tout son entourage subit les conséquences de l'arrivée de Monique.

Un élément perturbateur qui vient bouleverser un équilibre plus ou moins précaire, c'est un procédé classique au cinéma (et dans d'autres médias, d'ailleurs). L'arrivée de la sensuelle autant qu'artificielle Monique dans la vie d'Alex et de son entourage se pose là, en matière de perturbation. Avec son physique de rêve, cette compagne choisie sur catalogue va changer le mutique et triste Alex en homme épanoui, au grand désarroi de ses proches. C'est là le postulat de base de "Monique" : pour aller mieux, son héros n'a besoin que de la compagnie physique d'une femme, et surtout pas de ses incessants bavardages et de ses envahissants questionnements.

On peut s'étonner du point de vue adopté par Valérie Guignabodet pour ce long métrage. Il y a fort à parier que pareil sujet, traité par un homme, aurait déclenché l'ire des féministes et de bon nombre d'autres bien-pensants. Mais, malgré sa promesse de transgression, force est de reconnaître que, très vite, "Monique" tourne en rond. Ce qu'elle a à dire est vite exposé et elle doit user de stratagèmes pour faire durer le plaisir. N'eut été la belle interprétation d'Albert Dupontel (mais c'est un euphémisme, tant cet acteur démontre chaque fois son immense talent), le film aurait été fort dispensable.

Finalement pas très subversif, "Monique" ne laissera pas un grand souvenir aux cinéphiles. Valérie Guignabodet, depuis "Monique", a de nouveau sévi avec "Mariages !" et "Danse avec lui", mais cette "Monique" est passée très vite aux oubliettes, faute d'une vraie épaisseur. Voulant traiter de la panne des sens et du couple en péril, elle reste souvent au bord de la route, faute d'essence. En regardant "Monique" avec ses yeux d'aujourd'hui, le spectateur devra bien constater qu'elle a mal vieilli. Le plastique, même sous ses plus charmants atours, ce n'est pas fantastique.

mardi 16 février 2016

La vie devant ses yeux (2007)


Les tueries dans les lycées américains sont - hélas ! - des événements trop fréquents qui ont déjà inspiré les cinéastes. On pense évidemment à "Bowling for Columbine" ou "Elephant" dans deux registres différents (ou pas). Mais les films qui utilisent ces massacres au pays des armes en libre circulation comme point de départ d'une intrigue sont plus rares. Récemment, Arte a eu la bonne idée de diffuser "La vie devant ses yeux", passé quasiment inaperçu lors de sa sortie en salles, malgré la présence en tête d'affiche de la très belle Uma Thurman. Ce fut l'occasion d'une séance de rattrapage, fût-elle télévisuelle.

Briar Hill, petite bourgade américaine, a connu, il y a quinze ans, un terrible drame. Son lycée fut en effet le théâtre d'une tuerie dont le souvenir a marqué chaque habitant. Survivante du massacre, Diana semble avoir surmonté ce terrible traumatisme. Mariée et mère d'une petite fille qui donne du fil à retordre à ses institutrices, Diana se souvient de sa jeunesse, des jours qui précédèrent le drame, de son amie Maureen.
Dans son esprit, passé et présent s'entremêlent, alors qu'on célèbre la mémoire de ceux qui perdirent la vie ce jour-là.

Vadim Perelman, le réalisateur de "La vie devant ses yeux" ne s'était guère fait remarquer avant de se lancer dans l'adaptation du roman éponyme de Laura Kasischke. Rares sont ceux qui se souviennent de son précédent film, "House of Sand and Fog" Pourtant, avec son deuxième long métrage, il fait preuve d'une belle maîtrise de la mise en scène, se permettant parfois quelques audaces visuelles qui peuvent produire leur petit effet. Servi par l'image léchée de Pawel Edelman, le réalisateur montre qu'il sait comment se servir d'une caméra.

Malheureusement, si un indéniable talent est à mettre au crédit de la forme, il en va tout autrement pour ce qui est du fond. Le scénario de "La vie devant ses yeux", virevoltant entre passé et présent, perd souvent en lisibilité et égare plus d'une fois son spectateur. Le twist final (que certains verront venir à l'avance) est gâché par des erreurs du scénario, qui s'attarde inutilement sur des éléments qui n'en méritaient pas tant et ne traite pas avec suffisamment d'égards certaines pièces majeures du puzzle. 

Pour contrebalancer ce défaut majeur, les deux rôles principaux (qui n'en sont finalement qu'un, à
bien y réfléchir) sont tenus par deux actrices remarquables : Uma Thurman, lumineuse et Evan Rachel Wood, diablement convaincante, donnent à ce film ses meilleures cartes. On aura aussi une petite pensée pour la belle prestation d'Eva Amurri, qui s'en sort honorablement.

C'est un sentiment mitigé qui règne, à la fin de "La vie devant ses yeux". Doté d'un thème fort et qui place la barre très haut, magnifiquement filmé et très finement interprété, ce film souffre cependant d'un traitement brouillon, qui nuit à sa crédibilité. On ne peut que regretter ce demi-échec (ou demi-réussite, selon qu'on voit le verre à moitié plein ou à moitié vide).



jeudi 11 février 2016

Je suis mort mais j'ai des amis (2015)


Alors que son tout récent "Les premiers les derniers" est à l'affiche, il m'a paru intéressant d'évoquer un des films où apparaissait récemment Bouli Lanners, acteur pas assez connu (et reconnu) à mes yeux. Mis en scène par Guillaume et Stéphane Malandrin, "Je suis mort mais j'ai des amis" promettait un esprit rock'n roll (à tous les sens du terme) trop souvent absent des long métrages actuels. Sans doute ce film franco-belge était il trop atypique, puisqu'il ne draina pas les foules lors de sa sortie.

Ce n'est pas parce qu'on est quinquagénaire qu'il faut ranger les guitares électriques et cesser de suivre le rock'n roll way of life. 
Ce n'est pas parce que le micro rend l'âme qu'il faut arrêter de chanter. 
Ce n'est pas parce que le chanteur du groupe meurt dans un accident bête qu'il faut renoncer à une tournée américaine. 
Ce n'est pas parce que ses amis découvrent qu'il avait un amant depuis plusieurs années qu'il faut être déçu.
Quand on est rockers et amis, c'est pour la vie.

Dès les premières scènes de "Je suis mort mais j'ai des amis", le ton est donné : le groupe dont il est question est de ceux qui jouent au fond des bars, éclusent des litres de bière et sont soudés comme on l'est rarement. Ceux-là ne rempliront jamais les grandes salles ou les stades, mais resteront authentiques toute la vie, voire même après, puisque c'est le propos du film. Après la mort idiote de leur leader et chanteur, les membres survivants entraînent le spectateur dans une épopée digne des Pieds Nickelés.

Pour filmer cette odyssée faite de bric et de broc, Stéphane et Guillaume Malandrin ont choisi de filmer à hauteur d'homme, au plus près de leurs héros. Malgré un scénario qui paraît parfois improvisé et absurde (mais ce critère est ici hors de propos), on se surprend à accrocher à cette fable rock'n roll, tout sauf sérieuse, mais traitant de sujets profonds. On rit souvent, on est ému également, bref : "Je suis mort mais j'ai des amis" provoque des réactions du côté du myocarde et des zygomatiques. Nombre de films dont le budget paraîtrait pharaonique au regard de celui de ce petit film franco-belge ne peuvent se targuer de produire cet effet.

Mais le plus enthousiasmant dans "Je suis mort mais j'ai des amis" reste sa distribution : qu'il s'agisse du formidable Bouli Lanners, de Wim Willaert (que ce film m'aura permis de découvrir), de Serge Riaboukine (décidément trop rare), de Lyes Salem ou de Jacky Lambert, tous sont épatants de naturel et d'énergie. Souvent, c'est l'élan qu'ils suscitent qui confère de l'intérêt au film. Malgré leurs travers, leurs caractères, on apprend vite à aimer ces personnages, profondément humains et sans doute inspirés par de vrais rockers rencontrés ça et là.

Alors, malgré l'impression de bricolage qu'il laisse souvent, l'énergie et l'humanité de "Je suis mort mais j'ai des amis" sont communicatives, en grande partie grâce à ses interprètes. Enfin, cerise sur le gâteau, la bande originale est à la hauteur (un film qui permet d'entendre les Olivensteins ne peut être forcément mauvais).


samedi 6 février 2016

Caprice (2015)


Le cinéma français m'a été source de nombreuses déceptions et je n'ai pas manqué de les partager, parfois avec colère, toujours avec amertume. Le fait est que ce cinéma me manque et que, dès que je vois poindre l'espoir d'un bon petit film français, c'est plus fort que moi : je fonce, parce qu'au fond, le septième art hexagonal, qui m'a donné tant de plaisirs et me déçut tant, me manque. Le joli casting de "Caprice" ainsi que nombre de bruits positifs à son sujet m'ont poussé à visionner ce petit film, pourtant boudé par le grand public lors de sa sortie. 

Clément est instituteur et a une grande passion : il est fou de la comédienne Alicia Bardery, et assiste à chaque représentation de ses pièce de théâtre. Par un heureux concours de coïncidences, la belle actrice et le maître d'école vont se rencontrer et s'aimer. 
Seulement, il y a Caprice, une étrange jeune femme qui ne cesse de croiser le chemin de Clément, et a tendance à lui compliquer la vie, parce qu'elle est persuadée que Clément et elle sont faits l'un pour l'autre. 
Les histoires d'amour ne sont jamais simples...

Emmanuel Mouret s'est fait une spécialité : il filme des histoires d'amour, souvent douces-amères, parfois compliquées, qui touchent une population pas forcément représentative (comprenez par là ceux souvent qualifiés de "bobos"). Pourquoi pas ? En d'autres temps, il fut des auteurs qui se penchèrent avec talent leur microscope cinématographique sur quelques individus sortant de la masse. On aime ou on n'aime pas le cinéma d'Emmanuel Mouret, touchant et sincère pour les uns, artificiel et vain pour les autres. Ce "Caprice" est un échantillon de luxe de ce qu'Emmanuel Mouret (qui s'offre au passage le premier rôle du film) sait faire et de l'univers de ce réalisateur.

Le plus gros problème de "Caprice" est que ce film ne sait pas vraiment sur quel pied danser. Comédie romantique ? Drame passionnel ? Il est difficile de ranger ce film dans une case, ce qui pourrait être une belle qualité, mais qui devient ici un handicap. Faute de choisir un vrai ton, "Caprice" peine à emmener son spectateur et à lui faire accepter son déroulement. Cette lacune est accentuée par un vrai manque de rythme, encore plus marqué dans sa seconde partie, qui mène souvent à l'ennui.

L'interprétation est, quant à elle, inégale. C'est avec un plaisir non feint qu'on retrouvera Laurent Stocker et la superbe Virginie Efira, mais l'interprétation pataude d'Emmanuel Mouret et celle, plutôt agaçante d'Anaïs Demoustier contrebalancent hélas la performance de leurs deux partenaires.

On sourit parfois aux péripéties des personnages de "Caprice", mais le sentiment prépondérant reste, malheureusement, l'ennui et, quand tombe le générique de fin, c'est aussi la perplexité qui s'impose : tout ça pour quoi ?


lundi 1 février 2016

Forces spéciales (2011)


Les hommes des forces spéciales, qui interviennent dans les pires situations, au péril de leur vie, furent plus d'une fois à l'actualité, ces derniers mois. La vie qui est la leur, en service ou en civil, mériterait qu'on leur consacre un film digne de ce nom. C'est sans doute ce que s'est dit Stéphane Rybojad, pour son premier (et dernier à ce jour) long-métrage de fiction, "Forces spéciales". Totalement passé sous mes radars lors de sa sortie, ce film a été récemment télédiffusé. Méritait-il son triste sort ?

En mission en Afghanistan, la reporter Elsa Casanova est prise en otage par les Talibans. Très vite, le gouvernement français organise une expédition destinée à la sauver du sinistre destin qui est promis. Si on n'agit pas rapidement, la jeune femme sera décapitée et les seuls à pouvoir agir sont les hommes des Forces Spéciales. 
Alors, un groupe d'entre eux est parachuté au Pakistan, avec pour mission de sauver la jeune femme.


Le réalisateur de "Forces spéciales" est issu du monde du documentaire et, dès les premières séquences, on peut constater qu'il a gardé quelques habitudes venues de cet univers, en particulier celle d'indiquer à l'écran le nom des personnages qui apparaissent, ainsi que les lieux de l'action. Dans un film bien écrit, le scénario est assez habile pour faire en sorte que pareil procédé nous soit épargné. Autant dire que "Forces spéciales" commençait mal. 

La suite n'arrange rien : les premiers échanges entre personnages, à coup de punchlines plus ridicules qu'efficaces, annonce que "Forces spéciales" se prend très au sérieux, mais n'est pas crédible, hélas. Ressemblant très vite à une publicité à la gloire des forces militaires françaises, le film s'enfonce très vite en territoire de nanardise, et remplit son vide à l'aide de scènes d'action souvent peu crédibles, reliées entre elles en dépit du bon sens.

Les personnages de "Forces spéciales" sont une impressionnante collection de clichés. Les interprètes jouent sans conviction, voire faux pour certains. Diane Kruger, Djimon Hounson, Denis Ménochet, Benoît Magimel, Raphaël Personnaz, veillez à ne pas faire figurer "Forces spéciales" sur votre curriculum vitae, cela vaut mieux.

Visiblement, Stéphane Rybojad n'a pas eu assez d'argent pour s'acheter un trépied. Ayant visiblement peur d’attraper des escarres, il ne s'offre jamais le temps d'un plan fixe et filme tout caméra à l'épaule, épuisant son spectateur et n'exploitant jamais les magnifiques décors où son film a été tourné.

Cerise sur le gâteau, la bande-son achève de transformer le film en un immense vidéo-clip à la gloire de l'Armée Française. Au vu du résultat, celle-ci a bien mal été récompensée des moyens qu'elle mit à la disposition de la production.