lundi 27 janvier 2020

Mortal Engines (2018)



Il y eu des ricanements, l'an dernier, quand la grosse production "Mortal Engines" cala au démarrage, malgré la présence, à la production et au scénario, de Peter Jackson, Fran Walsh et Philippa Boyens, le trio qui avait conçu l"adaptation cinéma du "Seigneur des Anneaux" avec le succès que l'on sait. En choisissant d'adapter une saga littéraire plus récente, les producteurs ont sans doute voulu renouer avec la réussite. Mal leur en prit, car "Mortal Engines" fit un four, comme on dit. En méritait-il autant (ou si peu, en l'occurrence) ?

Le monde s'est écroulé et l'humanité vit désormais dans de gigantesques villes qui se déplacent, s'affrontant les unes les autres : les plus grandes cités s'emparent des plus petites et les digèrent, pièce par pièce. Londres, la plus grande, règne sans pitié et dévore tout sur son chemin. Mais tous n'acceptent pas cette hégémonie...

Adapté d'un roman à succès, "Mortal Engines" cible  a priori un jeune public. A l'instar des sagas "Le labyrinthe" ou "Hunger games", son adaptation avait sans doute l'intention de donner lieu à plusieurs volets, drainant dans les salles un public jeune (ou moins jeune). Pour le coup, ça n'a pas fonctionné.
Malgré une esthétique steampunk plutôt réussie, "Mortal Engines" ne réussit pas à faire croire à son univers. A qui la faute ? A la fin du visionnage de ce qui aurait pu être un blockbuster, on peut pointer du doigt plusieurs éléments, sans cependant en trouver un qui lui fut fatal.

Le scénario, tout d'abord, est finalement assez pauvre et reprend pour la énième fois des clichés usés jusqu'à la corde. Dès le début du film, on comprend quelles sont les véritables intentions de tel ou tel personnage et il n'y aura guère de surprises à l'arrivée. Quelques intrigues secondaires, plus ou moins efficaces et pas toujours utiles (je songe notamment au "protecteur" de l'héroïne dont le personnage ne sert pas à grand chose), sans doute greffées là pour enrichir l'intrigue, font office de rustines maladroites. J'avoue ne pas avoir lu le roman dont est tiré le film, mais on a connu le trio Jackson-Walsh-Boyens plus inspiré dans l'exercice d'adaptation.

L'absence de personnages auxquels on puisse réellement s'attacher est pour beaucoup dans le sentiment d'échec que l'on peut ressentir : que ce soit l'héroïne (incarnée par l'Islandaise Hera Hilmar) ou de ceux qui l'aident et l'affrontent, les protagonistes, malgré une interprétation correcte, ne suscitent aucune empathie et le spectateur se contente de les regarder courir et sauter dans tous les sens, se battre et lâcher régulièrement des punchlines, sans véritablement construire quelque lien émotionnel avec le public. Christian Rivers, le réalisateur, pour son premier film après qu'il ait fait ses preuves dans les effets spéciaux, était sans doute trop concentré sur l'aspect technique de "Mortal Engines", au point qu'il en délaissa l'intrigue et les personnages.

La forme l'emportant sur le fond, la machine tourne vite à vide. On assiste, deux heures durant, à une démonstration de maîtrise des effets spéciaux et de mise en scène. On aurait cependant apprécié de voir un plus de vie dans cet univers.



mercredi 22 janvier 2020

Annihilation (2018)


Netflix, depuis quelques années, change la donne, en matière de cinéma. Ne serait-ce que pour savoir si les films produits par ce nouveau venu dans le secteur du cinéma ont du succès ou non, la tâche n'est pas aisée, la firme ne communiquant que des chiffres partiels. Quoi qu'il en soit, le dernier film d'Alex Garland, complice de Danny Boyle sur la plupart de ses films et auréolé d'une certaine renommée après "Ex Machina", est sorti sur la plate-forme de streaming et fit parler de lui. "Annihilation", avec en tête d'affiche Natalie Portman, a divisé les spectateurs et les critiques, lors de sa sortie. Penchons-nous sur le sujet, si vous voulez bien.

Un étrange phénomène s'est produit dans une région sauvage et Lena, biologiste et ancienne militaire, se porte volontaire pour être de l'expédition qui va explorer la zone, où son mari a disparu. La région infectée semble être le théâtre d'étranges mutations. Lena percera-t-elle le mystère ? Avec ses compagnes d'exploration, elle n'est pas au bout de ses peines.

En adaptant le roman éponyme de Jeff Van der Meer, Alex Garland propose, avec "Annihilation", un film de science-fiction étrange et beau, mais particulièrement hérmétique. Voilà, en résumé, l'impression que l'on peut avoir à la fin du visionnage de ce long-métrage qui alterne les démonstrations esthétiques et les questionnements pseudo-philosophiques, tout en faisant des allers-et-retours entre présent et passé.

A la base, l'histoire est relativement simple et son traitement par Alex Garland, cherche vainement à la rendre plus dense et complexe qu'elle n'est. Malheureusement, la démarche n'enrichit pas le matériau de base. Au contraire, les séquences où les héroïnes (et en particulier le personnage incarné par Natalie Portman, qu'on ne sent pas toujours très à l'aise dans son rôle mi-badass, mi-scientifique du groupe) s'interrogent sur les tenants et aboutissants du phénomène paraissent artificielles, tandis que celles, plus démonstratives, qui exposent les mutations, font rarement mouche. Le déséquilibre du film nuit à l'intérêt qu'on lui porte, jusqu'à sa dernière partie où il donne plutôt l'impression d'une baudruche qui se dégonfle.

On pourrait également tiquer sur le "réalisme" du procédé qui vise à envoyer dans une région dangereuse (les précédents escadrons ne sont pas revenus) cinq femmes (seulement), pas forcément toutes prêtes à affronter des dangers physiques. La crédibilité de ce postulat de base a, je l'avoue, fortement fait vaciller mon intérêt pour le reste de l'histoire (alors qu'il aurait suffi de les adjoindre quelques gros bras, par exemple). Malgré tout, les cinq interprètes s'en sortent plutôt avec les honneurs, même si elles ne paraissent pas toujours convaincues de l'entreprise à laquelle elles participent (mais, en jouant sur fond vert, on peut les comprendre).

Gonflant plus que de raison un pitch tout simple et y injectant vainement des réflexions philosophiques de bas étage, Alex Garland livre un film plutôt prétentieux, tournant souvent à vide, qui aurait fortement gagné à être raccourci.


vendredi 17 janvier 2020

Andy (2019)


De temps en temps, un petit film léger, cela peut être salutaire. Que ce soit pour s'aérer l'esprit ou pour mettre son cerveau de côté, il nous arrive à toutes et tous d'avoir envie de moins de gravité. Aussi, quand une affiche semble promettre de rire, fût-ce aux dépens de son héros, on peut se laisser tenter. Malgré une affiche promettant un film tournant autour du personnage incarné par Vincent Elbaz et restant dans le registre auquel celui-ci nous a habitués, "Andy", qui n'avait pas déplacé les foules lors de sa sortie, allait-il être une de ces pépites oubliées ? 


Mis à la porte pour la énième fois par une ex-petite amie, Thomas se retrouve à la rue, sans le sou. Ses parents, qu'il ne voit pratiquement plus, ne peuvent l'aider et Thomas se trouve contraint de se réfugier dans un centre d'hébergement, où il est accueilli par Margaux, une étrange jeune femme.  Comme il va lui falloir gagner sa vie et qu'il n'est pas fait pour travailler, Thomas se lance dans une drôle d'entreprise : il sera escort-boy et s'appellera Andy. 

Vincent Elbaz a souvent choisi des rôles proches, déclinant ad nauseam un personnage séduisant mais immature, comme on pu le voir (ou le déplorer) dans "Daddy Cool", par exemple. Le héros de "Andy" n'est guère éloigné de ses prestations habituelles : il pourrait s'agir du même homme, ayant échoué à force de nonchalance. Cela dit, il ne tire pas de leçons de ses errements et continue d'aspirer à la même existence, évitant le travail comme la peste bubonique et comptant sur sa bonne étoile et son physique pour se sortir de l'impasse. En ce qui concerne la remise en question, on repassera : "Andy" ne met guère son héros en grand péril et ce dernier continue de voir ses repères s'effondrer sans volonté de changement.

Comédie romantique avant tout, "Andy" se targue ainsi de marcher sur les plates-bandes du cinéma social. Mais, à trop courir de lièvres, on n'en attrape aucun. Les scènes utilisant le décor du foyer d'accueil sont trop peu nombreuses et n'impliquent pas suffisamment les personnages pour évoquer comme il faudrait cette réalité. Et que dire du traitement des parents du héros, incarnés par Brigitte Rouän et Jacques Weber, dont on entrevoit qu'ils auraient pu être mieux exploités, eux aussi ? Et ce n'est pas du côté de l'interprétation qu'il faut se tourner pour trouver de quoi apprécier ce film : Vincent Elbaz limite sa prise de risque à la légère brioche qu'il affiche, mais est sans arrêt rattrapé par le cliché devenu sien, celui de l'homme immature et irresponsable. Face à lui, Alice Taglioni convainc à peine, malgré la richesse potentielle de son personnage. 

Malgré un pitch de base qui, faute de promettre des surprises, pouvait donner lieu à un film agréable, "Andy", par manque de solidité et de fond, déroule paresseusement son fil et paraît plus long qu'il n'est vraiment. Ce n'est pas pour autant qu'il marquera les mémoires.


dimanche 12 janvier 2020

Les confins du monde (2018)



La guerre d'Indochine, prélude à un Viet-Nam qui inspira quantité de films, n'a pas été portée à l'écran de manière excessive. Il y aurait pourtant matière à exorciser quelques démons, du côté français. En dehors de quelques incursions remarquées, le cinéma de guerre s'est rarement penché sur ce "sale" conflit (quoique je ne suis pas certain qu'il en existe des "propres"). Avec "Les confins du monde", Guillaume Nicloux ("Le Concile de Pierre", "Valley of Love") a proposé au public un voyage au bout de l'enfer. Hélas pour lui, ils furent peu nombreux à lui emboîter le pas.

Indochine, 1945 : alors qu'il est le seul survivant d'un massacre perpétré par les Viet-Minh, Robert a décidé de venger son frère, mort sous ses yeux. Retrouvant l'armée, il peine à reprendre sa place parmi les hommes. Entre sa recherche des assassins de son frère et la belle Maï, jeune prostituée indochinoise, dont il est épris, Robert va devoir faire des choix et verra ses convictions vaciller...

En explorant un pan peu glorieux de l'histoire coloniale, Guillaume Nicloux, avec "Les confins du monde", explore la face sombre de l'humanité. Les horreurs de la guerre ne seront pas épargnées au spectateur. Les corps suppliciés traversent l'écran, témoignant de l'inventivité dont fait preuve l'esprit humain quand il s'agit de s'en prendre à son prochain. Qu'on se le dise, donc, ce voyage, dans le sillage d'un jeune homme égaré et ne sachant plus qui ou quoi croire, risque d'être éprouvant. Pour autant, ce film ne suscite que rarement l'admiration : la route semble bien longue, au regard de la distance vraiment parcourue. En effet, c'est souvent l'ennui qui est le compagnon de voyage de ceux qui voudraient découvrir ce qu'il y a aux confins, si loin, si proches.

La réalisation, au plus proche des personnages, s'attache à mettre en avant l'humanité, mais est trop décousu pour convaincre tout à fait. La plongée au cœur des ténèbres est souvent dépourvue d'une véritable orientation et la partie "romance" est trop mal exploitée pour avoir du sens. S'agit-il d'un film de guerre, de vengeance ou d'une quête philosophique ? Bien malin qui pourrait se prononcer à la fin du visionnage.

Et puis, il y a l'interprétation de Gaspard Ulliel, décidément peu convaincant (à mes yeux, en tout cas), dans la peau de ce soldat perdu que ses semblables inquiètent autant qu'ils l'attirent. C'est du côté des seconds rôles qu'il faudra se tourner pour trouver quelque consolation, notamment avec la prestation de Guillaume Gouix ou de Lang-Khê Tran, tous deux aux antipodes des aspirations du héros.

Avec un casting des plus remarquables, "Les confins du monde", poisseux et violent, souffre d'un scénario finalement assez plat et d'une certaine prétention. A trop vouloir se détacher du ton documentaire, il prend des airs parfois supérieurs qui nuisent à sa crédibilité.



mardi 7 janvier 2020

Budapest (2018)


Il semblerait que la recette, jadis imparable, de la comédie française se soit perdue. Certes, il se peut qu'avec le temps, on regarde avec plus de tendresse des films mineurs et qu'on leur trouve des vertus comiques impossibles à attribuer à des œuvres plus récentes. Mais, pour une "Grande vadrouille", combien de "Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu ?", combien de "Supercondriaque" ? La faute en revient-elle à l'époque ou à l'absence d'inspiration de ceux qui nous proposent d'aller au cinéma ? Une des grandes tendances actuelles de la comédie semble être l'outrance. Depuis "Very bad trip", on ne compte plus les films dont les protagonistes sont victimes ou coupables de gags "hénaurmes", comme disait l'autre. Plus c'est gros, plus ça passe, dit l'adage. Ou pas, parce que dans le cas de "Budapest", énième film dont les héros sont dépassés par les événements, ça n'a pas pris auprès du public. 

Parce qu'ils n'ont pas réussi à fonder leur start-up, à l'instar de leurs compagnons d'études, deux amis, Vincent et Arnaud, choisissent de lancer un business inattendu : celui des enterrements de vie de célibataire à Budapest. Là-bas, paraît-il, tout est permis : l'alcool coule à flots, dans des boîtes de nuit pharaoniques où les strip-teaseuses  valent leurs consœurs de Las Vegas.
Leur business démarre sur les chapeaux de roue, tant et si bien qu'il finit par les dépasser et leur échapper. 


En quelques séquences, "Budapest" réussit à accumuler un nombre invraisemblable de clichés sur la capitale hongroise. Si les excès décrits dans ces scènes sont authentiques (après tout, plus rien ne m'étonne), leur entassement n'en fait pas pour autant un film. Autrement dit, ce n'est pas en reliant, tant bien que mal, des scènes cocasses (et pas toujours drôles) qu'on raconte une histoire. C'est plutôt le procédé inverse qu'il faut utiliser, si vous voulez mon avis. Du coup, "Budapest" ne fonctionne jamais, en tant que film.

Et ce n'est pas la réalisation, souvent frénétique et qui empêche de suivre clairement ce qui se passe, tant elle met en valeur les excès susdits, aux dépens de la pseudo-histoire et des personnages. Ces derniers, incarnés par des acteurs en roue libre ou en retrait, mais jamais dans le juste milieu, ne sont jamais sympathiques et, même lorsqu'ils sont en proie aux pires ennuis, on ne peut s'empêcher de penser qu'ils l'ont bien cherché. Qu'il s'agisse de Jonathan Cohen, de Monsieur Poulpe ou de Manu Payet, ils auraient mieux fait de s'abstenir de participer à cette vaine pochade. 

Copie à peine voilée de "Very Bad Trip", "Budapest" arrive (hélas pour lui) après la bataille. Ceux qui se sont gondolés devant l'original ne le trouveront pas au niveau de son prédécesseur et ceux qui n'ont pas goûté l'outrance de la ballade à Las Vegas passeront leur chemin.




jeudi 2 janvier 2020

Le Tout Nouveau Testament (2015)

Avant tout, je souhaite aux lecteurs (habitués ou non) de ce blog, une très belle année 2020. Qu'elle soit pleine de bonheur(s), petit(s) et grand(s) !


Jaco Van Dormael, connu surtout pour "Toto le héros" et "Le huitième jour", a montré plus d'une fois une véritable ambition, notamment avec "Mr Nobody", qui n'avait pas connu un franc succès. Son dernier opus, "Le Tout Nouveau Testament", dont le pitch était des plus prometteurs, mais également très risqué, fait également partie des films qui passèrent à côté de leur public. Malgré un casting remarquable, avons-nous laissé filer un grand film ? Aurions-nous dû nous presser dans les salles pour y rencontrer ce Dieu qui habite à Bruxelles ?


Dieu est un sale type, omnipotent qui plus est. Il passe son temps à créer des catastrophes et à nuire à l'humanité, sa création. Tandis que sa femme est cantonnée aux tâches ménagères, la fille de Dieu, Ea décide d'intervenir. Elle choisit d'envoyer à chaque être humain, par SMS, la date de sa mort. Ce mystère majeur levé, les hommes perdent la foi en Dieu. Puis, suivant les conseils de son frère aîné, J.-C., Ea décide de se rendre parmi les hommes, pour trouver les apôtres qui rédigeront un Tout Nouveau Testament. 

Comme vous aurez pu le comprendre, le pitch du "Tout Nouveau Testament" est plutôt gonflé et joue habilement du sacrilège (salvateur), tout en se permettant de vraies séquences burlesques (savamment dosées). Souvent absurde, parfois touchant, ce dérapage reste cependant sous contrôle du début à la fin. Corrosif et humaniste, le scénario, s'il s'égare parfois en chemin, impose un ton et une identité indéniable (c'est du belge, dirons certains). 

La mise en scène et l'image, particulièrement soignées. A l'instar de ce qu'il avait montré dans "Mr Nobody", par exemple, Jaco Van Dormael livre ici un film techniquement irréprochable, dont la mise en scène est au service de l'histoire et non l'inverse.  
L'interprétation est également de haute volée. Qu'il s'agisse de Benoît Poelvoorde, en démiurge infect, ou de ceux qui incarnent les êtres humains croisés par Ea (incarnée par la jeune Pili Groyne, qui crève l'écran), les acteurs et actrices sont convaincants, et ce n'était pas gagné d'avance, au vu du scénario. 

Si quelques séquences dispensables émaillent encore, ça et là, "Le Tout Nouveau Testament", ce long métrage est sans conteste une réussite. Si, avec "Mr Nobody", Jaco van Dormael avait fait montre (à mes yeux en tout cas) de prétention, ce film m'a permis de me réconcilier avec lui.