mardi 26 avril 2016

Mr Holmes (2015)




Sherlock Holmes fait partie des personnages les plus déclinés au grand (et au petit) écran. Il est difficile de dénombrer le nombre de fois où l'illustre personnage tiré de l'imagination de Sir Arthur Conan Doyle prit les traits d'un acteur pour entraîner à sa suite les spectateurs ébahis par sa sagacité. Tout récemment, Bill Condon, réalisateur du "Cinquième pouvoir" (et également de deux épisodes de la sinistre saga "Twilight") s'est frotté à l'exercice, en adaptant le roman "Les abeilles de Monsieur Holmes". Cet ouvrage, écrit par Mitch Cullin, mettait en scène un Holmes au crépuscule de son existence. Le film qui en fut tiré dut attendre des mois pour avoir les honneurs d'une sortie en salles dans l'Hexagone, bien après que nombre de nos voisins européens aient pu le voir...

1947 : Sherlock Holmes profite d'une retraite bien méritée dans sa résidence du Sussex, entouré de sa gouvernante, Mrs Munro et du fils de celle-ci, le jeune Roger, admirateur du grand détective. Entre ses ruches, dont les abeilles sont victimes d'un mystérieux mal, et une affaire vieille de plus de cinquante ans, Holmes va devoir une dernière fois mettre sa sagacité à l'épreuve. Cependant, son esprit, tout comme son corps, semble accuser le poids des années passées.

Se pencher sur les dernières années du grand détective, pourquoi pas ? Si la preuve nous est régulièrement donnée qu'il est encore possible d'exploiter avec inspiration l'époque de sa grandeur, il y eut également de grands films sur sa jeunesse (comme, par exemple, "Le secret de la pyramide") et des pastiches savoureux (je songe notamment à "La vie privée de Sherlock Holmes"). Le grand âge du célèbre détective pouvait donc donner lieu à un beau film et aurait pu aborder les dommages du temps, thème finalement assez tabou.

Pour que la mission soit remplie, il aurait fallu confier l'ouvrage à un metteur en scène plus
talentueux. Bill Condon, qui n'a jusque là guère brillé, ne montre guère de virtuosité dans son adaptation. Malgré des interprètes habités par leurs personnages, qu'il s'agisse du grandissime Ian McKellen, de Laura Linney ou du jeune et prometteur Milo Parker, l'histoire qui se déroule sous les yeux du spectateur laisse pantois, tant elle ne réussit à aucun moment à captiver son attention comme devrait le faire tout opus du détective au deerstalker. 

Le problème majeur de ce film vient sans doute d'un scénario confus et ne générant pas l'étincelle habituellement rencontrée dans les pas du locataire du 221b Baker Street. A vouloir jouer sur les deux tableaux (le déclin d'un grand cerveau et l'ultime mystère qu'il doit résoudre) et (surtout) à cause de sa réalisation sans relief, Bill Condon livre un film sans grand intérêt, se prenant les pieds dans le tapis dès les premières séquences. Sherlock Holmes, fût-il décati, méritait mieux.







jeudi 21 avril 2016

Itinéraire Bis (2011)


J'ai eu un moment de faiblesse, l'autre soir et ai allumé la télévision. Paresse intellectuelle ou véritable curiosité ? C'est sur "Itinéraire Bis", une petite comédie romantique totalement passée inaperçue lors de sa sortie que ma zapette m'a dirigé. Avec pour décors les paysages corses et comme acteurs principaux Leïla Bekhti et Fred Testot, ce film semblait disposer de quelques éléments intéressants : allais-je me réconcilier avec la comédie romantique à la française ?

Jean, 35 ans, dirige laborieusement le restaurant que lui a offert sa mère, chez qui il vit toujours. Timoré, le jeune homme n'a jamais vraiment pris les commandes de sa vie. Lorsqu'au volant de la Porsche confiée par un client, il secourt Nora, qui vient de se faire jeter du bateau de son petit ami (à l'instar de tout ce qui est encombrant), commence une drôle d'histoire. Elle est colérique, souvent superficielle, mais diablement charmante, il est réservé et trop gentil pour être honnête : tout les oppose, mais le destin en a décidé autrement.

La comédie romantique est un genre balisé dont on connaît les passages obligatoires. "Itinéraire Bis", première incursion de son réalisateur dans ce domaine, respecte ces jalons, mais n'y ajoute rien qui mérite le déplacement. Pire encore, alors qu'on pourrait suivre ce road-trip dans l'île de Beauté avec plaisir, le scénario comporte tant d'incohérences et d'hésitations sur l'allure à adopter qu'il gâche tout le voyage. Plutôt que de profiter du voyage, on se surprend à en espérer la fin. C'est d'autant plus dommage que le metteur en scène, Jean-Luc Perréard, dont c'est le premier film à sortir dans les salles obscures, avait à sa disposition deux acteurs dotés d'un fort potentiel de charme, dont on sent qu'ils auraient pu donner vie à une belle histoire.

On portera au crédit de cet "Itinéraire Bis" le charme et le talent de ses deux interprètes principaux, ainsi que les très beaux décors naturels (j'ai très envie d'une balade en Corse, maintenant, c'est malin) et une bande originale faite de tubes entraînants qu'on a plaisir à entendre. Hélas, tout cela ressemble trop à du remplissage destiné à boucher les trous dans un scénario plein de failles et d'incongruités.

Quand arrive laborieusement la scène finale, éminemment prévisible, on s'interroge : que reste-t-il à sauver de cette poussive comédie romantique ? Les sublimes paysages de Corse, le charme des deux interprètes principaux et une belle bande originale : la carte postale est jolie, mais ne raconte rien qui vaille la peine.


samedi 16 avril 2016

Jupiter : le destin de l'univers (2015)


Curieuse trajectoire que celle des ex-Wachowski brothers, récemment devenues les Wachowski sisters (puisque Larry est maintenant Lara et qu'Andy est désormais Lilly) : après avoir fortement secoué le cinéma de science-fiction avec "Matrix", ils n'ont eu de cesse de chuter dans l'estime du public, film après film, de "Speed racer" à "Jupiter : le destin de l'univers", en passant par le surprenant "Cloud Atlas". Si ce dernier a limité les dégâts et s'est vu reconnaître (y compris dans ces colonnes) de vraies qualités, peut-on en dire autant de "Jupiter : le destin de l'univers", sévère échec l'an dernier ?

Jupiter Jones a hérité son prénom de la passion qu'avait son père pour les astres lointains. Avec ce qui lui reste de famille, elle vivote aux Etats-Unis, se consacrant avec résignation au nettoyage des toilettes. Quand elle est sur le point d'être éliminée par d'étranges créatures et que surgit pour la sauver un mercenaire tout aussi étrange, elle découvre que son destin est loin de ce qu'elle imaginait.


Graphiquement, c'est beau et surprenant, comme on pouvait s'y attendre venant des Wachoswki. La mise en scène est également élégante, même si certaines scènes auraient mérité d'être plus courtes, pour gagner en efficacité (notamment certaines séquences de poursuite et de confrontations). L'orgie visuelle offerte par les deux metteurs en scène peut suffire à certains spectateurs, c'est vrai. Mais, dès qu'on est un peu plus exigeant, et que l'on cherche une histoire derrière les images, le bilan est bien plus mitigé.

Ce pseudo-conte de fées mâtiné de space-opera est à la fois une oeuvre ambitieuse et une histoire vieille comme le monde, voire même un brin simpliste, même si elle est enrobée dans des tonnes d'action et de pseudo-rebondissements qu'on voit arriver avant les personnages. Si "Cloud Atlas" pouvait être fascinant par sa structure et les portes qu'il ouvrait pour le spectateur, "Jupiter : le destin de l'univers" est finalement décevant, ne surprenant guère le (maigre) public. Alternant scènes (trop longues) de bagarre au format XXL et discours lénifiants, le film souffre d'un manque de cohérence et d'intérêt pour l'amateur de science-fiction, alors qu'il ne sait pas attirer le profane en la matière.

Pour incarner Jupiter Jones, le choix de Mila Kunis, moue boudeuse en avant, agacera les détracteurs de l'actrice autant qu'il enchantera ses fans. Face à elle, Channing Tatum (oui, celui dont les tablettes de chocolat font se pâmer ces dames) fait le job en assurant le minimum syndical. Du côté des seconds rôles, le bilan est plus mitigé : c'est un vrai plaisir de retrouver Sean Bean, une fois de plus, tandis que la prestation d'Eddie Redmayne pourra laisser songeur, tant il sombre dans la caricature. 

"Jupiter : le destin de l'univers" a tout du cadeau de Noël offert par un richissime oncle d'Amérique qui finalement connaît bien mal son neveu : sous un somptueux emballage, se cache un film finalement très anodin, qui pèche à parler à son public. Il sera vite relégué aux oubliettes et ira prendre la poussière dans son coin.


lundi 11 avril 2016

Angèle et Tony (2010)



C'est l'ami Martin (dont je ne peux que vous recommander les 1001 bobines) qui m'a incité à écrire un billet sur ce film, une histoire de gens comme les autres. Bien qu'ayant reçu de nombreuses récompenses, ce petit long métrage d'Alix Delaporte est passé sous les radars de nombre de spectateurs. Voici venu le moment d'une séance de rattrapage. 

Angèle, jeune femme perdue au parcours chaotique, fragile et sauvage, arrive à Port-en-Bessin, petit port de pêche normand, frappé par la crise. Là, elle croise le chemin de Tony, patron pêcheur bourru, lui aussi écorché par la vie, qui l'embauche à la débarque. Les mains dans le poisson fraîchement tiré de l'eau, Angèle réapprend la vie.
Tous deux s'observent, se cherchent, se jaugent...se trouveront-ils ?

Une histoire simple, ancrée dans la réalité, voire le quotidien, une fois de temps en temps, c'est plus que salutaire. Se souvenir qu'il existe autre chose que la terreur, la haine et la bêtise, en notre bas monde, a bien des vertus, quand s'évader ne suffit plus. Le premier film d'Alix Delaporte, "Angèle et Tony" revendique ce réalisme, si souvent malmené par le cinéma et dont les plus grandes réussites viennent souvent d'outre-Manche.

Filmé à hauteur d'homme (et de femme), "Angèle et Tony" va au plus près de ses protagonistes, quitte à prendre parfois le docte ton du documentaire. Ce parti-pris, souvent malhabile, se révèle dans le cas présent le meilleur choix qui soit. Guidé par la mise en scène, le spectateur observe tout d'abord le petit monde dans lequel il finit par entrer, comprenant lentement les personnages, avant d'irrémédiablement s'attacher à eux. 

Deux interprètes magnifiques (ils furent d'ailleurs récompensés par César pour ce film) portent cette histoire : la divine Clotilde Hesme, à la fois enfant fragile et animal sauvage, donne vie et épaisseur à Angèle, tandis que Grégory Gadebois réussit la prouesse d'incarner un Tony à la fois bourru et attachant, sans sombrer dans la caricature.  Autour d'eux (qui méritent à eux seuls le visionnage de ce film), gravitent également de nombreux seconds rôles emplis d'humanité.

L'humanité, voilà le moteur principal de ce petit film. Souvent évoquée en vain, rarement ressentie lors d'une projection, elle est là, qui vibre à chaque séquence de "Angèle et Tony". Si vous êtes en quête de cette denrée souvent devenue rare, n’hésitez pas : ce film en regorge.




mercredi 6 avril 2016

Suspect zéro (2004)


Le tueur en série fascine les cinéastes depuis l'invention du septième art, ou peu s'en faut. De "M le maudit" au "Silence des agneaux", en passant par "Se7en", nombreux sont les chefs d'oeuvre s'étant penché sur ce personnage fascinant de monstruosité. Dans l'inventaire des films traitant du serial-killer, il y a également maintes tentatives vaines, voire purement mercantiles, d 'exploiter un juteux filon. Échec injuste ou bide bien mérité ? Le cas de "Suspect Zéro", réalisé par E. Elias Merige mérite qu'on se penche sur lui.

L'enquêteur Thomas MacKelway, du FBI, après une longue traversée du désert, enquête sur des meurtres, a priori sans lien entre eux. Mais lorsqu'un mystérieux message revendique les assassinats, se profile la présence d'un tueur en série, qui chasse lui-même d'autres tueurs en série. MacKelway, accablé par ses démons, et sa collègue Fran, vont remonter la piste, jusqu'à une mystérieuse expérience de vision à distance...


Repéré pour son précédent film, "L'ombre du vampire", E. Elias Merige s'est emparé, pour "Suspect zéro", d'un scénario cherchant preneur depuis plusieurs années à Hollywood. Lorsqu'on découvre l'histoire dont il est question, on comprend mieux pourquoi ce script a mis tant de temps à être choisi pour donner lieu à un film. Tarabiscotée à outrance, ce pseudo-thriller traitant d'un tueur de tueurs laisse le spectateur interloqué : et puis quoi, encore ? La surenchère relative aux motivations du méchant du film semble assez vaine, surtout au regard du résultat.

On serait bien mal inspiré de reprocher son manque de moyens à un film, mais le fait est qu'on a vu de tous petits budgets donner de grandes choses. Cependant, dans le cas de "Suspect zéro", force est de constater que, bien souvent, le manque d'ambition se ressent à l'écran. C'est d'autant plus flagrant que le metteur en scène use et abuse de techniques "clipesques" (notamment d'agaçants passages usant de filtres rouges pour signifier la "présence" du tueur). 

La psychologie des personnages est dessinée à traits épais, voire caricaturaux, sans aucun souci de crédibilité. C'est là un des points (très) faibles du film, le réalisme des protagonistes étant pour beaucoup dans la réussite d'un film de ce genre (les exemples abondent). Endossant des rôles mal fichus, les acteurs ne donnent pas, c'est un euphémisme, le meilleur d'eux-mêmes. Aaron Eckhart n'est guère convaincant en enquêteur torturé et Ben Kingsley en fait des tonnes dans le rôle du tueur plus intelligent que celui qui le pourchasse. Il n'y a guère que la lumineuse Carie-Anne Moss pour sauver l'interprétation de ce médiocre thriller.

Exploitant sans inspiration un thème déjà essoré, "Suspect zéro" n'est pas de ces films qui transcendent un genre pour devenir une oeuvre mémorable. Il est préférable de l'oublier...


vendredi 1 avril 2016

The two faces of January (2014)


On ne compte plus les romans de Patricia Highsmith qui furent adaptés au grand écran, avec plus ou moins de bonheur. De "L'inconnu du Nord Express" à "L'ami américain", en passant par "Plein soleil", certains films tirés de ses romans font aujourd'hui figure de classiques. D'autres sont tombés dans l'oubli ou presque. Lorsque Hossein Amini, pour sa première réalisation, s'empara de "The two faces of January", il ne rencontra pas le succès espéré. Porté par un trio d'acteurs qui avait tout pour attirer le public (Viggo Mortensen, Kirsten Dunst et Oscar Isaac), le film passa sous les radars de bon nombre de spectateurs.

1952 : un couple d'Américains, Chester et Colette, visitent l'Europe et se sont arrêtés en Grèce où ils découvrent le Parthénon. Ils attirent l'attention de Rydal, jeune Américain séjournant à Athènes et se proposant d'y être leur guide. Quand Chester est rattrapé par ses malversations financières et qu'il tue accidentellement l'homme chargé de le retrouver, Rydal va se retrouver pris dans un engrenage meurtrier, en étant sous l'emprise de Chester et le charme de Colette



On songe à Hitchcock, à la lecture du pitch de "The two faces of January". Il faut, hélas, constater que la comparaison ne va pas plus loin. Faute de savoir instaurer une véritable tension et d'utiliser habilement les superbes décors offerts par la Grèce, Hossein Amini, déjà repéré pour ses talents de scénariste, démontre qu'on ne s'improvise pas metteur en scène. Filmant son histoire platement, il n'arrive presque jamais à faire décoller son intrigue et à susciter l'intérêt du spectateur. Les mésaventures de Rydal et la relation trouble qu'il entretient avec ses deux "amis" auraient gagné être filmé sur un mode plus fébrile et entraînant. Faute d'énergie communicative, "The two faces of January" manque cruellement d'intensité et a souvent des allures de mauvais téléfilm.

La direction d'acteurs est sans doute l'un des autres grands défauts de ce film : qu'il s'agisse du magnétique Viggo Mortensen (dont le talent n'est plus à démontrer), de Kirsten Dunst ou du très prometteur Oscar Isaac, les interprétes de "The two faces of January" peinent à convaincre, comme s'ils étaient peu persuadés de l'entreprise dans laquelle ils se sont embarqués. C'est d'autant plus regrettable qu'on sait que ces acteurs sont remarquables lorsqu'ils sont bien dirigés et qu'on leur offre une partition digne de leur talent.

Filmé platement, et joué sans conviction, "The two faces of January" est - hélas ! - un thriller où l'on ne frissonne guère et où l'on s'ennuie. C'est d'autant plus dommage qu'on sent, au visionnage, qu'il y a avait là matière à un grand film à suspense, digne de ceux que nous offrit le grand Hitch à son époque. Celui dont l'ombre plane sur "The two faces of January" aurait probablement fait de cette histoire un long métrage mémorable.