mercredi 26 février 2014

Trop loin pour toi (2010)


La comédie romantique, genre maintes fois abordé dans ces colonnes, est un genre inépuisable, même si les films de ce domaine sont souvent prévisibles. Bien sûr, en utilisant l'inévitable canevas qui prévaut dans cette catégorie, il est possible de sortir un peu du cadre hyper-défini, mais le but de la romcom reste le même : malgré toutes leurs différences et après avoir vaincu les aléas, les deux tourtereaux doivent in fine finir dans les bras l'un de l'autre. Vendu lors de sa sorti en partie sur l'argument que Drew Barrymore et Justin Long étaient (à l'époque) en couple à la ville comme à l'écran, "Trop loin pour toi" utilisait bon nombre des ficelles de la comédie romantique, mais adoptait aussi un ton plus trash, comme le font moult comédies venues d'Amérique. Malgré cela, les recettes du film ne furent pas à la hauteur de ce qu'espéraient les producteurs.

Après leur rencontre dans un bar new-yorkais, Erin et Garrett se sont rendus compte qu'ils étaient faits l'un pour l'autre. Hélas, Erin a décroché un poste dans une rédaction à Los Angeles, tandis que Garrett travaille pour une maison de disques située à New-York. Ils vont cependant tenter de s'aimer à distance, séparés par plusieurs fuseaux horaires et pas mal d'heures d'avion, sous le regard de leurs amis et familles.
Très vite, Erin et Garrett vont se rendre compte que la distance joue contre eux. 

Premier film de Nanette Burstein, qui avait jusqu'alors essentiellement réalisé des documentaires, "Trop loin pour toi" ("Going the distance", en version originale) donne l'impression de n'être ni réussi ni raté. Ce n'est déjà pas mal, vue la quantité de navets qui envahissent les salles obscures, mais cela reste un brin frustrant. Exploitant sans vergogne les clichés du genre et picorant les recettes qui marchent dans la comédie américaine actuel, "Trop loin pour toi", réalisé sobrement, donne souvent l'impression de sortir de la route avant de reprendre son chemin bon an mal an, quitte à laisser le spectateur perplexe.

Inévitablement, "Trop loin pour toi" glisse à de nombreuses reprises dans l'humour au-dessous de la ceinture (décidément très en vogue outre-Atlantique). A mon goût, ces scènes-là, trop nombreuses, sont l'équivalent d'un "hors-sujet" dans une rédaction. C'est dommage car, en dehors de ces moments là, le film est plutôt réussi et dissimule quelques jolis moments. je songe notamment aux scènes où apparaît le groupe indépendant The boxer rebellion, qui existe réellement et dont les prestations scéniques dans le film sont formidables. 

Du côté de l'interprétation, c'est surtout Drew Barrymore qui tire son épingle du jeu (ce qu'elle a grandi, la petite soeur d'Elliott dans "E.T." !). Justin Long, son partenaire, fait une nouvelle fois (après le quatrième "Die Hard" de sinistre mémoire), fait une nouvelle fois preuve d'un charisme proche du néant (avis sans doute subjectif de ma part). Dans des rôles plus secondaires, on notera l'interprétation déjantée de Charlie Day et de Jason Sudeikis, les deux trublions du film, dont les interventions le font souvent sortir du registre sage de la comédie romantique traditionnelle.

Bancal mais parfois drôle, "Trop loin pour toi" n'est ni une franche réussite, ni un total désastre. C'est un film qui peut, à la grande rigueur, remplir une soirée, si l'on n'est pas trop regardant. Une fois vu, il s'oublie vite et ne laissera pas une trace marquante dans la carrière de son équipe, ni dans la mémoire de son spectateur.





vendredi 21 février 2014

Millions (2004)


Danny Boyle a eu déjà l'honneur de ces colonnes, à plusieurs reprises (pour "La Plage" et "Une vie moins ordinaire"). Alternant curieusement les films majeurs (au rang desquels "Slumdog Millionaire" ou "Trainspotting") et les bides cuisants, ce cinéaste dont le talent n'est plus à prouver a cependant plus d'une fois surpris le public. "Millions", sorti après son remarquable "28 jours plus tard", aurait pu faire partie de sa "Bag of money trilogy" (inaugurée avec "Petits meurtres entre amis", puis prolongée avec "Trainspotting" et conclue avec "Une vie moins ordinaire"), tant les thèmes qu'il évoque sont proches de ceux chers à Danny Boyle.

Damian, sept ans, est fasciné par l'histoire des saints. Quand ce petit garçon, dont la mère est récemment décédée, découvre un sac rempli de billets, son frère aîné et lui vont hésiter sur la conduite à tenir. Si Damian souhaite faire le bien autour de lui en distribuant ce pécule aux pauvres, Anthony, son aîné, préfère être prudent et préférerait investir dans l'immobilier. 
Pendant ce temps, le possesseur du sac part à la recherche de son bien. Les événements vont se précipiter autour du fameux sac et les enfants ne sont pas au bout de leurs surprises, d'autant plus qu'avec le passage à l'euro qui s'approche, leur pactole va bientôt perdre toute sa valeur.

Le pitch de base de "Millions" aurait pu alimenter une comédie sociale comme savent les mitonner Ken Loach ou Mike Leigh. L'approche qu'a Danny Boyle est forcément moins ancrée dans une vision très "sociale", pour humaine qu'elle soit. Pourquoi pas, après tout ? Au visionnage des premières scènes du film, pour peu qu'on apprécie le travail de Boyle, on a envie d'aimer ce film. Du coup, on lui trouve quelques qualités, les plus évidentes, hormis la réalisation impeccable et le montage sans faille, auxquels nous a habitué le réalisateur. 

Alors, oui, la bande originale est soignée, comme souvent dans un film de Danny Boyle (quoiqu'elle ne puisse surpasser celle, inoubliable, de "Trainspotting"). Oui, les acteurs sont tous épatants, y compris les enfants, ce qui est une chose appréciable. A noter au passage que le rôle du père est tenu par James Nesbitt, faisant actuellement partie du casting de "The Hobbit" (certes sous le maquillage de Bofur) et que son interprétation est ici remarquable de sobriété. Bien évidemment, la V.O. est à préférer, le doublage français étant assez calamiteux.

Une fois cet inventaire de tout ce qui est bel et bon dans ce film fini, il faut cependant reconnaître que "Millions" n'est pas si réussi que cela et qu'il génère plus d'ennui que d'enthousiasme. Comme si Danny Boyle s'était contenté d'un embryon d'histoire et de sa capacité intacte à mettre en scène, il nous livre là un film boîteux, qui peine à entraîner son spectateur. 

Au final, "Millions" souffre un peu du même symptôme que "Une vie moins ordinaire". Passé l'idée de base, il ne tarde pas à pédaler dans le vide. Le recours à des intrigues secondaires et à des scènes vite incongrues ne suffit pas à dissimuler le peu d'épaisseur du scénario. Ce "Millions" est donc loin d'être indispensable.


dimanche 16 février 2014

Hollow man, l'homme sans ombre (2000)




Après "Starship Troopers", l'un des plus grands malentendus de l'histoire du cinéma de science-fiction, Paul Verhoeven s'attaqua à sa version des aventures de l'homme invisible. Né de l'imagination du prolifique auteur H.G. Wells, ce personnage mythique du fantastique connut maintes vies, sur papier ou sur pellicule. On se souviendra notamment de la série télévisée qui lui était consacrée (mettant en vedette le jeune David McCallum) ou du film de James Whale (le réalisateur du mythique "Frankenstein" de 1931).

Dans un laboratoire oeuvrant pour le compte de l'armée américaine, et dissimulé aux yeux de tous, le Professeur Sebastian Caine et son équipe travaillent d'arrache-pied sur l'invisibilité. Impulsif malgré son génie, Caine décide de tester sur lui-même la dernière formule mise au point. Il devient donc invisible, mais doit vite s'apercevoir que le procédé est irréversible. Alors que ses collègues cherchent une solution, Caine laisse libre cours à ses instincts, maintenant qu'il bénéficie de son nouveau pouvoir. Très vite, il devient incontrôlable.  

Paul Verhoeven eut son heure de gloire durant les années 1990, en livrant coup sur coup quelques films majeurs de cette décennie : "Robocop", "Total Recall" et "Basic Instinct", pour ne citer que les plus connus. Avant de tomber en disgrâce avec "Showgirls", il a su imposer une façon de filmer parfois brutale et sans ambages. Bousculant les conventions, Verhoeven avait sa touche, faite d'impertinence, de violence, de sexualité. Fable sur les apparences et les limites qu'impose la société, le concept de l'homme invisible aurait pu donner lieu à un film de science-fiction au propos corrosif et pertinent. Il n'en est hélas rien, ou presque. 

Le plus grand défaut du film, et il est majeur, c'est son scénario. Basé sur des personnages à la psychologie maigrelette, ce dernier se réfugie derrière des effets spéciaux remarquables (pour l'époque) et des scènes-choc (Verhoeven se fait clairement plaisir à plusieurs reprises) qui ne suffisent pas à cacher le vide de l'ensemble. La dernière partie du film, qui louche fortement du côté du slasher, donne l'impression d'une conclusion bâclée, comme si cette portion du scénario avait été écrite au moment du tournage et tournée à la va-vite, sans grand souci de réalisme.

Kevin Bacon, dans le rôle principal, joue sur le registre de l'excès, à tel point qu'il en fait souvent "trop". La charmante Elizabeth Shue (remarquée quelques années plus tôt dans les deux derniers volets de "Retour vers le futur"), mais aussi Josh Brolin ou Greg Grunberg (qui aura son heure de gloire dans la série "Heroes"), poussent le curseur un peu loin dans leur interprétation de chercheurs dépassés pas leur créature, n'étant jamais crédibles ou presque.

Il n'y a donc pas grand chose à retenir de ce "Hollow man", mis à part quelques effets spéciaux remarquables pour leur époque. Ce film sonna le glas de la carrière américaine de Paul Verhoeven : on peut aisément le comprendre et le déplorer. Assez étonnamment, malgré des critiques négatives, une suite fut tournée, qui sortit directement en vidéo. Pour un peu, c'est le sort qu'on aurait pu envier au premier volet, malgré toute l'estime qu'on peut avoir pour Paul Verhoeven.








mardi 11 février 2014

White House down (2013)



Il ne faisait pas bon traîner ses guêtres du côté de la Maison Blanche en 2013. En effet, à quelques mois d'intervalle sortirent deux films où l'édifice le plus célèbre des Etats-Unis était la cible d'une attaque terroriste et où un homme seul devait affronter une horde d'affreux pour tirer le Président de la première puissance mondiale du bourbier. Après "La chute de la maison blanche" ("Olympus has fallen" en version originale) réalisé par Antoine Fuqua, vint "White house down" (notez la concomitance des titres, en plus de celle des thèmes), réalisé par Roland Emmerich, le plus américanophile des cinéastes allemands. De ces deux déclinaisons du même thème (un Die Hard-like, pour faire bref), celui qui fut le plus gros bide ne fut pas celui qu'on pensait. Pour la première fois après les succès de "Independance Day" (où il s'en prenait déjà à la Maison Blanche), de "Godzilla" et de "2012", Roland Emmerich connut les affres de l'échec commercial.

Cette journée aurait pu commencer comme les autres, pour John Cale, flic aux gros bras qui donnerait tout pour faire partie des gardes du corps du Président des Etats-Unis. Alors qu'il fait à sa fille la surprise de l'emmener visiter la Maison Blanche, voilà qu'il se retrouve au coeur d'une prise d'otages, dont les responsables sont prêts à tout pour parvenir à leurs fins. 
Seul contre tous, ou presque, John Cale va donc devoir secourir le Président et mettre leur misère aux méchants qui ont gâché ce qui s'annonçait pourtant comme une belle journée. Il est comme ça, John : il a le fond gentil, mais il ne faut pas l'embêter, ni s'en prendre à sa fille et encore moins au Président.

Avec Roland Emmerich aux manettes, une chose est sûre : il ne faut pas s'attendre à une comédie romantique ou un drame psychologique. Après avoir tout cassé dans la plupart de ses films, le réalisateur se contente, dans celui-ci, de dévaster la Maison Blanche, édifice sacré Outre-Atlantique. Il s'en faut de peu d'ailleurs, qu'il fasse plus de dégâts et l'on en saura gré au héros du film.

On aurait pardonné à Roland Emmerich de livrer son Die Hard (surtout au regard de ce qu'est devenue la dite franchise) s'il avait sur se cantonner au genre et n'avait pas sombré dans les excès qui sont les siens. Débordant de l'admiration qu'il porte à l'Oncle Sam (on n'échappe pas aux plans du drapeau américain et de la bannière présidentielle) et de sa puissance de frappe, "White House down" ne recule devant rien et devient vite totalement too much, qu'il s'agisse des scènes d'action ou des rebondissements du scénario. Et je vous épargne les multiples placements de produits, faits avec la finesse d'un bulldozer. 
En comparaison, l'outsider "La chute de la Maison Blanche" en devient plus intéressant. C'est dire.

Du côté des acteurs, là aussi, c'est gratiné : Channing Tatum, sans doute engagé pour son physique, fait preuve d'un charisme de parpaing, tandis que Jamie Foxx peine à rendre crédible son personnage. En méchant sans vergogne, James Woods cabotine comme rarement, tandis que Maggie Gyllenhall est tout simplement mauvaise. Mais il y a belle lurette que l'on savait que la direction d'acteurs n'est pas le fort d'Emmerich.

Tellement énorme qu'il en devient presque amusant, "White House Down" est un festival de surenchères. Jamais crédible et rarement distrayant, il donne l'impression de prendre le spectateur pour un simplet qui goberait encore des recettes d'il y a une vingtaine d'années.



samedi 8 février 2014

Les Toiles Enchantées

L'opération "Les Toiles Enchantées" permet d'offrir aux enfants et adolescents hospitalisés des séances de cinéma. Amis blogueurs, je vous invite à la relayer. Et, si vous n'avez pas de blog, un don direct est toujours possible. 

En attendant, je me prête à l'exercice de la mini-interview "Enfance et Cinéma" :


  • Quel est votre premier souvenir du cinéma ?
Une projection du "Cartouche" de Philippe de Broca. La scène finale du carrosse s'enfonçant dans le lac m'a profondément marqué. 


  • Quel est selon vous le meilleur film pour enfants de tous les temps ?
Les titres se bousculent..."Mon voisin Totoro", pour l'universalité de son histoire, peut-être.





  • Une machine à voyager dans les films vient d’être inventée. Vous avez la possibilité de vivre les aventures d’un de vos héros cinématographiques d’enfance, dites nous qui ? (ex : Elliott dans E.T…)
Je ferais bien volontiers un petit tour en Faucon Millenium, dans une certaine galaxie lointaine...



  • Dites nous en une phrase pourquoi vous aimez les Toiles Enchantées !

Le cinéma est souvent plus beau que la vie, la vie est plus belle avec le cinéma !
Merci à toutes et tous...

jeudi 6 février 2014

Le cinquième pouvoir (2013)


Depuis l'apparition d'Internet, les modes de communication ont radicalement changé. Aux médias traditionnels est venu s'ajouter un nouveau moyen d'information. Ce cinquième pouvoir, aux limites encore floues, a déjà fait l'objet de maintes polémiques. L'affaire Wikileaks, qui défraya tout récemment la chronique, en est un exemple. Le fondateur de ce site révélant au vu et au su de tous les informations les plus sensibles qui soient, le charismatique Julian Assange, personnage énigmatique s'il en est, est toujours (à l'heure actuelle) reclus dans l'Ambassade de l'Equateur, à Londres, après avoir semé la panique dans les rangs des services secrets occidentaux (essentiellement américains). Cela n'a pas empêché plusieurs livres de paraître à son sujet et à celui de son site (toujours en ligne). L'un de ces ouvrages (écrit par Daniel Domscheit-Berg) a l'an dernier fait l'objet d'une adaptation au cinéma qui ne connut guère de succès (et fut même l'un des plus gros échecs de 2013).

Jeune journaliste idéaliste, Daniel Domscheit-Berg rencontre un jour le très charismatique et intrigant Julian Assange. Pour celui-ci, la notion même de secret est obsolète et Internet doit permettre à tous d'accéder aux informations que les gouvernements au pouvoir veulent taire.
Ainsi va naître Wikileaks, qui révélera bientôt des milliers de documents secrets, bouleversant la donne diplomatique du globe tout entier. Cependant, Daniel et Julian vont aussi devoir confronter leurs principes respectifs, surtout quand la mise au jour de tous ces secrets risqueront de mettre en péril des vies...

Il faudra m'expliquer ce qui est passé par la tête de ceux qui choisirent le réalisateur de ce biopic  (ou presque). Figurez-vous que ces têtes pensantes confièrent cette tâche au responsable des deux derniers volets de la saga pour adolescentes Twilight, situé à l'exact opposé du genre ici traité. Bill Condon, c'est son nom, pas franchement adulé par les cinéphiles, fut donc un choix étonnant. 
On a vu pire, me direz-vous et après tout, il faut toujours laisser le bénéfice du doute et ne juger que sur les faits. Après visionnage du "Cinquième Pouvoir", hélas, il faut se rendre à l'évidence : les craintes que l'on pouvait avoir étaient justifiées. 

Dès ses premières minutes, marchant dans les traces de son illustre prédécesseur, "Le cinquième pouvoir" souffre de la comparaison avec "The Social Network". N'est pas David Fincher qui veut, hélas. Filmant son histoire avec une frénésie qui nuit au sujet, Bill Condon (à qui l'on serait avisé d'offrir un pied de caméra) parachève sa mise en scène avec un montage au sécateur.
Ajoutons à cela une bande originale médiocre, commise par Carter Burwell qui, lui aussi, avait déjà sévi sur la franchise vampiresque déjà citée plus haut.
Avec ces défauts sur la forme, "Le cinquième pouvoir" dissimule mal son scénario sans surprises, multipliant les répétitions (surtout dans sa deuxième partie, quand les deux protagonistes s'affrontent). Sans doute l'adaptation sur grand écran du livre de Daniel Domscheit-Berg n'était elle pas facile, voire pas nécessaire..

Seule l'interprétation du duo-vedette et, surtout, celle du phénoménal Benedict Cumberbatch, mérite de sauver le film du cruel destin qui fut le sien. Au delà de la métamorphose physique à laquelle il s'adonna, on admirera l'immersion totale de l'interprète de "Sherlock" dans son rôle : je vous engage, à ce titre, à visionner le film en version originale, afin de mieux vous en rendre compte.



samedi 1 février 2014

L'ordre et la morale (2011)


S'il est un réalisateur français qu'on ne saurait qualifier de tiède, c'est bien Mathieu Kassovitz. Dès son deuxième film, "La haine", il fut accusé de partialité : prenant fait et cause pour les jeunes des "quartiers", Kasso livrait là un film coup-de-poing, largement anti-police, mais redoutablement efficace d'un point de vue cinématographique. Depuis, sa carrière a connu les sommets du box-office (avec notamment "Les rivières pourpres"), avant de connaître une dégringolade dès lors qu'il traversa l'Atlantique (j'ai déjà parlé de "Babylon AD" dans ces colonnes). "L'ordre et la morale", son dernier long-métrage, revenait sur la tragique prise d'otages d'Ouvéa (en Nouvelle-Calédonie) qui vit sa conclusion dans un assaut sanglant en 1988. Face à l'échec public, à la polémique déclenchée par le film et au fait qu'il ne récolte qu'une nomination aux César, Mathieu Kassovitz réagit par des tweets virulents au sujet du cinéma français, qui n'est sans doute pas prêt de lui pardonner.

Alors que l'élection présidentielle de 1988 se prépare, en Nouvelle-Calédonie, c'est l'insurrection. Un groupe d'indépendantistes kanaks vient de prendre en otage vingt-sept gendarmes français. Le GIGN, avec à sa tête le Capitaine Legorjus, arrive sur place et découvre que l'Armée a mis en oeuvre les grands moyens. Des négociations s'ouvrent alors, mais la tension est telle que tous craignent que le pire arrive. 

Malgré ce que l'on pu lire ça et là dans la presse, lors de la sortie du film, "L'ordre et la morale" n'a pas nécessairement la complaisance dont on l'a accusé. Personne n'y est complètement bon ou mauvais. En cherchant ça et là sur la Toile, il est difficile de se faire une réelle opinion sur la véracité des faits décrits là. Je me contenterai donc de parler du film, sans évoquer (n'en ayant pas la compétence) l'aspect historique qu'il prétend avoir. Ceux qui souhaitent polémiquer (qu'ils soient dans un camp ou dans l'autre) peuvent donc aller voir ailleurs, merci. 

Avec "L'ordre et la morale", Mathieu Kassovitz retrouve en partie le ton qui avait habité "La haine". Souvent filmé comme un reportage (le décompte des jours avant l'assaut final y est pour beaucoup), le film évolue dans la zone floue qui sépare documentaire et fiction pure. Il faut reconnaître que le réalisateur maîtrise parfaitement ce style et sait semer le trouble dans l'esprit du spectateur.

C'est cependant dans les scènes les plus cinématographiques que Mathieu Kassovitz fait montre de son talent. Certaines scènes (et pas forcément les plus tapageuses) démontrent, s'il en était besoin, la maestria technique dont l'enfant terrible du cinéma français est capable. A cela s'ajoute un montage redoutablement efficace et une bande originale du tonnerre (ré-entendre les Tambours du Bronx fait toujours son petit effet).

J'émettrais des réserves sur l'interprétation, parfois inégale, certains acteurs donnant l'impression, par moments, de lire leur texte (il s'agit peut-être d'un défaut généré lors de la post-production). Ce défaut (mineur) renforce l'impression d'assister à la projection d'un documentaire et de générer le malaise évoqué plus haut.

Certes, "L'ordre et la morale" est porteur d'un parti-pris et peut, pour certains, paraître ré-écrire l'histoire. Encore une fois, ce n'est pas l'objet de cette chronique que de juger s'il est fidèle ou non aux événements. En tant que film, il est cependant assez réussi et aurait mérité que l'on passe outre la maladresse de son propos et les réactions plus que virulentes de son réalisateur.