dimanche 27 décembre 2015

Ao, le dernier Neandertal (2010)


Il m'aura fallu une conférence sur la disparition de l'homme de Neandertal, pour que je m'intéresse à "Ao, le dernier Neandertal", film de Jacques Malaterre, connu pour ses documentaires (notamment "L'odyssée de l'espèce"). Abondamment cité par le conférencier, ce long-métrage n'avait pas, en son temps, séduit les foules. On peut le regretter, d'autant que les tentatives d'offrir au public des films à caractère documentaire, a fortiori s'il s'agit d'évoquer nos lointains ancêtres préhistoriques.

A l'aube de l'humanité, Ao, homme de Neandertal dont la tribu a été massacrée par des homo sapiens, erre seul dans ce qui sera plus tard l'Europe. Hanté par la vision d'Oa, son frère jumeau, il cherche à retrouver le clan de son enfance. En chemin, il est capturé par des homo sapiens et rencontre Aki, une jeune femme elle aussi prisonnière et promise à un funeste destin. Tous deux réussiront à s'évader : commence alors un long périple où les deux hominidés apprendront à se connaître. 


Un film mettant en scène la préhistoire et nos ancêtres, voilà qui est chose rare. Qu'il soit en plus didactique et ne se permette pas (ou peu) de fantaisies sous prétexte d'épicer son scénario, c'est encore plus rare. C'était donc avec une bonne dose d'indulgence que j'abordai "Ao, le dernier Neandertal", inspiré d'un roman de Marc Klapczynski.

La reconstitution est de bonne facture, et l'on saluera le talent de Jacques Malaterre pour ce qui y est de recréer un monde et des personnages disparus. Ao prend vie sous nos yeux, incarné avec foi par Simon Paul Hutton (assez peu remarqué pour sa carrière jusqu'à présent), autant qu'Aki, interprétée par la très dynamique Aruna Shields. Mais, hormis l'aspect documentaire soigné de "Ao, le dernier
Neandertal", force est de constater qu'il reste peu  de chose à se mettre sous la dent. Notre lointain ancêtre (dont la relation très forte avec la nature aurait gagné à être plus exploitée) et ses aventures n'emportent que peu le spectateur. Sans réussir à s'affranchir du genre documentaire et à offrir au public un véritable film d'aventures, pleinement assumé et cependant réaliste.

Enfin, le plus gros défaut du film est la présence horripilante des voix off, sensées décrire les pensées et sentiments des deux protagonistes. Là où une réalisation savante aurait suffi à mettre en évidence leurs états d'âme, la lourdeur de ces commentaires met en évidence le défaut majeur du film : sa narration.

Même avec trente années de plus, le remarquable "La guerre du feu" reste plus convaincant que cette épopée de l'espèce. Ao, lointain ancêtre oublié, aurait mérité mieux que ce film bien en-deçà des espérances qu'il générait.




mardi 22 décembre 2015

En solitaire (2013)


Il est des acteurs qui portent en eux un capital sympathie. François Cluzet, à mes yeux, est de ceux-là. Engagé, sincère, l'homme m'est sympathique et j'ai toujours plus d'indulgence pour un film où il joue. Le récent "En solitaire", en plus d'un décor assez rare au cinéma (puisque prenant place lors du Vendée-Globe), semblait porteur d'un thème social très en phase avec l'actualité. Ce film où il retrouvait Guillaume Canet, après deux gros succès au box-office ("Ne le dis à personne" et "Les petits mouchoirs") n'attira pas autant de spectateurs que ses prédécesseurs, loin s'en faut, 

Parce son ami Frank Drevil a été victime d'un accident, Yann Kermadec, marin comme lui, prend sa place au départ du Vendée-Globe. Très vite, le navigateur prend la tête de la course, jusqu'à une avarie qui le contraint à faire étape aux Canaries. Ce n'est que plus tard qu'il va se rendre compte qu'il n'est plus seul à bord. Un jeune garçon venu de Mauritanie s'est en effet glissé sur le voilier et compte bien rejoindre la France.
Pour le skipper, les choses se compliquent, quand il découvre le passager clandestin.


Premier film de Christophe Offenstein, "En solitaire" est une entreprise ambitieuse. Avec un tournage qui se déroula souvent dans les conditions réelles de la course à la voile, il offre des images souvent saisissantes des éléments déchaînés, tout en offrant un bel aperçu de la vie du marin en solitaire. La trajectoire des navigateurs a rarement fait l'objet d’œuvres cinématographiques, mais mériterait cependant qu'on s'y intéresse plus souvent, tant elle est fascinante.

La plus grande réussite de Christophe Offenstein est sans conteste le choix de son interprète principal. François Cluzet, endossant les habits du marin, prouve, s'il en était besoin, l'immense étendue de son talent. Face à lui, Guillaume Canet se montre presque convaincant (alors qu'il aurait pu contrebalancer le capital positif de l'acteur principal, à mes yeux), tandis que Virginie Efira se montre d'une belle sobriété, prouvant au passage qu'on peut lui confier autre chose qu'un rôle de comédie facile. Enfin, dans le rôle du jeune réfugié, Samy Seghir, découvert dans "Neuilly sa mère", tout en retenue, donne ici une belle prestation. Les interprètes de "En solitaire" sont, à n'en pas douter, son meilleur atout.

On peut cependant trouver nombre de défauts ou de faiblesses à "En solitaire", mais là où le bât blesse le plus, à mes yeux, est qu'il ne va pas jusqu'au bout de ses promesses et qu'il ne surprend que peu son spectateur. Les intrigues sportives et humaines se révèlent peu exploitées et on aurait aimé que le film s'aventure en des eaux plus tourmentées. Là où l'on pouvait s'attendre à un discours humaniste ou politique, on a droit à un propos trop consensuel et confortable. Ne se mettant jamais en danger (sur quelque thème que ce soit), "En solitaire" déroule son intrigue comme on s'y attend et franchit les vagues et le gros temps sans qu'on ait peur de sombrer. 

Même s'il ne convainc pas tout à fait, faute d'aller sur un terrain plus dangereux, "En solitaire" présente quelques bons moments. Ce n'est pas le film qu'on était en droit d'attendre, mais son visionnage peut se faire sans déplaisir.


jeudi 17 décembre 2015

Les mots pour lui dire (2014)


En visionnant, tout récemment, "Les mots pour lui dire", film qui n'eut même pas les honneurs d'une sortie en salles (du moins en France), j'ai eu le sentiment d'être devant le prototype même du film pour lequel ce blog fut créé. En effet, cette quatrième collaboration entre Hugh Grant et Marc Lawrence (après "Le come-back", "L'amour sans préavis" et "Où sont passés les Morgan ?") pouvait paraître victime d'un traitement injuste : non content de passer sous les radars des spectateurs, il a eu droit à un de ces ré-étiquetages absurdes dont les distributeurs ont le secret : "The rewrite" est devenu "Les mots pour lui dire" et fut doté d'une affiche annonçant (de façon mensongère) qu'il s'agissait d'une comédie romantique. Existe-t-il manière plus efficace de saborder un film ?

Depuis qu'il a décroché l'Oscar du meilleur scénario, il y a quinze ans, Keith Michaelsn'a plus rien produit. Sa vie familiale est à l'image de sa carrière, puisqu'après son divorce, il n'a plus revu son fils, qui était pourtant sa plus belle réussite.
Parce qu'il faut bien vivre, Keith accepte donc un poste de professeur à au fond de la Nouvelle-Angleterre., bien loin d'Hollywood. Là, il va devoir enseigner l'art du scénario à de jeunes étudiants (et surtout à de belles étudiantes, d'ailleurs). Parmi ses élèves, se trouve Holly, mère célibataire qui n'a pas sa langue dans sa poche...

Soyons clair : "Les mots pour lui dire", en plus d'avoir été honteusement re-titré en français, n'est pas une comédie romantique, mais un film doux-amer où l'on suit la métamorphose d'un homme. Hugh Grant, autour duquel le film tourne, est égal à lui-même et ravira ses admirateurs tout autant qu'il exaspérera ses détracteurs. On pourra cependant regretter qu'il se contente d'une prestation "confortable", alors qu'il a prouvé récemment qu'il pouvait faire autre chose (j'en veux pour preuve sa prestation dans "Cloud Atlas", par exemple). Face à lui, on remarquera la prestation de Marisa Tomei, pleine d'une énergie hélas sous-exploitée. De même, on pourra regretter que certains seconds rôles ne soient pas plus mis en avant : JK Simmons et Chris Elliott, pour ne citer qu'eux, auraient mérité plus que les quelques scènes où ils brillent.

Ce sont ses longueurs qui sont le premier défaut majeur de ce film : au vu de son intrigue prévisible (mais ça n'est pas forcément un défaut), il aurait finalement gagné à être plus court d'une bonne vingtaine de minutes. L'autre défaut qui empêche "Les mots pour lui dire" de prétendre à la réussite est son statut bancal entre plusieurs genres qu'il ne fait qu'effleurer, sans en assumer aucun. Caressant tour à tour la romance, le thème du mentor (la référence au "Cercle des poètes disparus" est clairement affichée) et la reconstruction  du héros (au sens moral du terme).

Ces défauts mis de côté, il reste heureusement quelques atouts dans l'inventaire de "Les mots pour lui dire" : ses interprètes et son ton bienveillant. Cela ne suffit hélas pas à faire de ce film une oeuvre inoubliable. Trop paresseux et dénué des ambitions qui en auraient fait un grand film, "Les mots pour lui dire" est typiquement le genre de film qu'on oublie vite après son visionnage. Si au moins il avait eu un générique de début tel que celui du "Come back" (ce sera le plaisir coupable du jour)...


samedi 12 décembre 2015

Microbe et Gasoil (2015)




Michel Gondry n'est pas un cinéaste comme les autres. Le réalisateur de "Eternal sunshine of the spotless mind", réputé pour sa fantaisie et son goût du bricolage, a ses admirateurs et aussi ses détracteurs. On avait cru le perdre quand il prit en charge l'adaptation de "The green hornet", mais c'était mal le connaître. L'homme a su rebondir et nous est revenu avec "L'écume des jours", qui déçut pas mal de ses fans, puis avec "Microbe et Gasoil", sorte de road-movie en territoire d'enfance. Hélas, ce n'est pas encore avec ce film qu'il touchera un grand public.

Daniel, adolescent timide et doux, est surnommé "Microbe" par les enfants de sa classe. Lorsque Théo, alias "Gasoil", bien plus expansif que lui débarque dans sa classe, les deux garçons, souvent mis à l'écart, se prennent d'amitié. Alors que les vacances d'été commencent, Microbe et Gasoil décident de partir, mais pas n'importe comment. S'armant de leur débrouillardise et de leur imagination, ils construisent de toutes pièces une voiture faisant également office de maison et partent sur les routes de France.

Adepte du bricolage, de mise en scène parfois innovante et surtout, d'une immense (et salutaire !) bienveillance envers ses personnages, Michel Gondry a sa touche personnelle, et l'affirme une fois de plus dans "Microbe et Gasoil", même si on ne retrouve pas ici les trouvailles visuelles d'opus précédents (comme "Soyez sympas rembobinez"). En grande partie inspiré par ses souvenirs d'enfance, le réalisateur s'offre (et nous offre) ici un voyage en territoire d'adolescence, dans des années vues au travers de son prisme personnel.

Lors de ce périple improbable, le spectateur apprend à découvrir et à aimer les deux personnages
principaux, interprétés par deux jeunes acteurs absolument remarquables de naturel et de spontanéité. Ange Dargent et Théophile Baquet, débutants (ou presque) crèvent l'écran et accrochent l'affection presque immédiatement, laissant dans l'ombre les autres interprètes (dont Audrey Tautou).

Sans être une grande cuvée, "Microbe et Gasoil" est un film dans lequel on reconnaît la patte de Michel Gondry, mais sans outrance. Posant un regard d'une grande tendresse sur ses personnages, interprétés par deux gamins bourrés de naturel, ce voyage au pays imaginaire est celui qu'effectuerait un Peter Pan des temps modernes.

Lorsque le voyage prend fin, et avec lui le rêve, force est de constater qu'il fut agréable et qu'on est bien contents d'avoir retrouvé Michel Gondry. Porté par l'énergie du rêve et le talent de ses jeunes acteurs, le réalisateur nous offre ici l'un de ses plus beaux films.


lundi 7 décembre 2015

Puzzle (2014)


Pour une fois, je me dois de commencer cet article en saluant l'élégante traduction d'un titre de film. "Third person", le dernier long métrage de Paul Haggis, auréolé d'un Oscar pour "Collision" est en effet devenu "Puzzle" lorsqu'il arriva dans les salles hexagonales. Hélas pour lui, cela ne fut pas suffisant pour assurer son succès critique

Paris, New York, Rome : dans ces trois villes, des couples se font, se défont, s'aiment, se mentent, se trahissent. Il y a l'écrivain en panne d'inspiration et sa maîtresse, manipulatrice mais fragile. Il y a cet espion industriel et une étrange gitane qui semble jouer avec lui, tout en cherchant à retrouver sa fille. Il y a aussi cette jeune femme perdue, qui ferait tout pour revoir son fils, que la justice lui interdit de rencontrer. Tous ces individus sont en proie à l'amour, sous toutes les formes qu'il puisse revêtir, et en souffrent...
Et si ces destins étaient liés entre eux ? 


Une accroche ambitieuse, un casting de prestige : il est  a priori étonnant que "Puzzle" ait rencontré un tel échec public (et critique) lors de sa sortie en salles. Paul Haggis avait, auparavant, rencontré un beau succès avec son "Collision" ou avec "Million dollar baby". L'échec est donc inattendu, de la part de pareil réalisateur. Il est pourtant tangible et, une fois le film visionné, finalement mérité.

En effet, une fois arrivé le générique de fin, après plus de deux heures de film (et deux heures, c'est long), on peut n'être pas convaincu de la réussite de l'entreprise. Le twist qu'on attend depuis 137 minutes laisse le spectateur sur sa faim, au point qu'on a juste envie de se demander "et alors ?". Certes, on a eu droit à de très belles images (qui laissent à penser que Rome, New York ou Paris sont des villes dignes de catalogues), à une distribution haut de gamme, mais dans quel but ?

Que nous ont raconté Paul Haggis et ses acteurs, qu'il s'agisse de Liam Neeson, d'Olivia Wilde, de James Franco, d'Adrien Brody, de Mila Kunis, de Maria Bello ou de Kim Basinger (quand je vous parle de casting exceptionnel, le mot n'est pas galvaudé) ? Les malheurs que s'infligent (souvent eux-mêmes, d'ailleurs) des femmes et des hommes qui voudraient être aimés, tout simplement ? Les tourments de l'écrivain face à ses fantômes ? Rien n'est clair (ce qui n'est pas foncièrement répréhensible) mais aucun indice n'est donné au spectateur pour se faire son idée (ce qui est plus discutable). 

Alors, certes, "Puzzle" est beau et bien filmé, mais regorge de clichés et en devient souvent caricatural. Mais ce n'est pas là son plus grand défaut. Quand le rideau tombe sur ce "Puzzle" de luxe, une impression demeure : celle de s'être trouvé face à un casse-tête auquel il manquerait tellement de pièces qu'il devient finalement inintéressant d'y perdre son temps. Annonçant crânement un film choral dont les personnages ont un destin lié par un lourd secret, "Puzzle", malgré ses belles images et son casting haut-de-gamme, fait l'impression d'une baudruche qui se dégonfle au fur et à mesure de son déroulement. 


samedi 5 décembre 2015

Blogger Recognition Award



L'ami Martin m'a fait un grand honneur en me "taggant," tout récemment : cette reconnaissance m'est allée droit au cœur. Si j'ai bien compris, il s'agit de donner un petit coup de pouce à un ou plusieurs blog(s) que l'on apprécie, après avoir narré l'histoire du sien, ainsi que son principe de fonctionnement. A la gentille invitation de Martin, donc, je me prête au jeu.

L'histoire de Deuxième Séance est simple. Fan de cinéma depuis tout petit, j'ai aimé quantité de films dont certains n'ont jamais connu la gloire qu'ils auraient mérité (à mes yeux).Tout naturellement, une idée s'est imposée à moi : celle de donner un coup de projecteur sur des films mal-aimés du public ou des critiques (voire des deux), et éventuellement de tenter de leur offrir une nouvelle chance.Ajoutez à cela une véritable envie d'écriture et de communication : il était inévitable que naisse ce blog.

L'idée principale de Deuxième Séance est et reste une grande bienveillance. La critique dévastatrice y est minoritaire, le principe restant de rendre, en quelque sorte, justice à des films mal traités lors de leur sortie. Certes, quelquefois, je suis sujet à de véritables colères, mais c'est parce que je suis déçu. Chaque fois qu'un film a échoué à séduire, je cherche à mettre en avant ses atouts plutôt que ses défauts. 

Je serais bien en peine de livrer tout de go des conseils imparables à ceux voulant se lancer dans l'aventure du blog. Quelques ingrédients me semblent incontournables si l'on veut éviter l'échec : être régulier, porter attention à ses lecteurs (et à leurs commentaires) et (surtout) prendre plaisir à communiquer. Ne courez pas après l'audience ou les clics monétisables : aimez ce que vous faites et respectez ceux qui vous lisent. 

Je passe donc le témoin à quelques amis blogueurs et dont je hante régulièrement les colonnes, toujours avec plaisir (je n'oublie pas les autres, mais il semble qu'ils ont déjà fait l'objet d'un "parrainage") : Mel, Borat, Inglourious Cinema et Ronnie, c'est à vous de jouer (si le coeur vous en dit, bien évidemment !).  

mercredi 2 décembre 2015

Wild (2014)


Jean-Marc Vallée, réalisateur notamment du chaleureux "C.R.A.Z.Y.", semble avoir du mal à être reconnu de ce côté-ci de l'Atlantique. Certes, son "Dallas buyers club" a connu chez nous un joli succès critique, mais on pourrait se demander pourquoi il ne remplit décidément pas les salles. Récemment, "Wild", malgré un joli succès aux Etats-Unis, n'a pas drainé les foules dans les salles hexagonales. Ce sort était-il mérité ?

Un jour, Cheryl Strayed a décidé de parcourir à pied la côte est des Etats-Unis. Sa vie est un naufrage : son couple a échoué, elle ne s'est jamais remise de la mort de sa mère, et s'est perdue, corps et âme. Sans préparation physique, avec sur le dos un sac aussi lourd qu'elle, la jeune femme commence un périple tout aussi physique qu'intérieur. 
Affrontant tant la nature parfois hostile que les fantômes qui la hantent, Cheryl n'est pas au bout de ses peines...


Pour incarner l'héroïne (sans mauvais jeu de mots) de "Wild", Jean-Marc Vallée a fait appel à Reese Witherspoon, Ce qui pourrait passer pour un pari risqué est finalement une des plus belles idées du film. Celle à qui l'on a trop longtemps collé l'étiquette de la bimbo écervelée met ici tout le monde d'accord. N'hésitant pas à se mettre en danger (et je ne parle pas ici du danger physique, quoi qu'il ait sans doute été présent lors du tournage), Reese Witherspoon fait montre d'un talent évident et porte le film à bout de bras, non contente d'avoir été à l'initiative du projet. On saluera également la belle prestation de Laura Dern, décidément trop rare au cinéma. 

Trop souvent vendu comme un "Into the wild" au féminin, "Wild" présente cependant de nombreuses différences avec le film de Sean Penn. Cheryl, l'héroïne du présent long métrage, entame une marche au cours de laquelle elle cherche la rédemption, alors que le personnage central de "Into the wild" était en quête de la solitude. La comparaison, en plus d'être inadaptée, a joué en la défaveur du film de Jean-Marc Vallée et cela est bien dommage.

Au cours de la longue marche de Cheryl, on comprend mieux les motivations de la jeune femme, on souffre avec elle, parce que la route est difficile et parce que l'épreuve qu'elle s'impose est de celles qu'on traverse douloureusement. Filmé au plus près de son interprète principale, "Wild" emmène son spectateur en voyage, sans s’embarrasser d'angélisme. Quasiment documentaire, le film pose quelques questions, sans donner de réponses toutes faites. On pourra lui reprocher ce ton, mais d'aucuns (dont je suis, et j'assume) sauront se retrouver dans le public auquel il s'adresse.

Il est finalement dommage que "Wild" n'ait pas eu l'audience qu'il méritait, du moins dans nos contrées. Porté par une Reese Witherspoon qui gagne à l'occasion des galons qu'on aurait pu jusqu'alors rechigner à lui accorder, ce voyage initiatique et très physique est de ceux qui ne s'oublient pas.





vendredi 27 novembre 2015

Robin des bois, la véritable histoire (2015)





Je ne sais pas ce qui m'a pris. Cela fait des mois, voire des années, que je me lamente sur le sort de la comédie française. Et puis, là, sous le coup d'un moment d'égarement, j'ai voulu visionner "Robin des bois, la véritable histoire". Le truc sentait à des lieues la parodie potache, l'humour pas très fin, bref : ça n'augurait rien de bon. Mais j'y suis allé quand même. Je ne comprends pas pourquoi, j'ai appuyé sur le bouton "play"

Robin dit "des bois", parce qu'il habite dans les bois, justement, trouve que voler les pauvres, c'est un bon moyen de gagner sa vie. Et, comme il aimerait bien racheter la maison close où il passe le plus clair de son temps, parce que c'est trop cool de boire des coups entouré de femmes de petite vertu, Robin, avec son acolyte Tuck, décide de monter un gros coup.

Je vais être franc avec vous, amis lecteurs. Je suis bien incapable d'aller plus loin dans le résumé de "Robin des bois, la véritable histoire", de et avec Max Boublil, tout simplement parce que j'ai arrêté le visionnage, que dis-je, le massacre, après dix minutes (qui me parurent une éternité). Et pourtant, j'étais en demande : en ces temps troublés où la peur rôde dans chaque coin de notre esprit, où l'on cherche désespérément un prétexte au rire, fût-il facile, je pense que même une comédie de Fabien Onteniente m'aurait fait sourire. 

Mais là, non, ce qui aurait pu être un remède fut pire que le mal. Comment peut-on monter un film basé sur autant de bêtise et de vulgarité crasse ? Est-il possible que des professionnels du septième art se disent que l'accumulation de scènes pipi-caca, de clichés machistes puisse donner un film digne de ce nom ? En visionnant le début de "Robin des bois, la véritable histoire", j'ai eu le sentiment d'avoir marché dans un truc sale qui aurait du rester dans le caniveau.

Sans doute n'ai-je pas compris qu'il fallait prendre tout cela avec un deuxième, voire un troisième ou un quatrième degré, me rétorqueront ceux qui ont goûté l'humour de ce film (ils ne sont pas si nombreux, au vu des faibles audiences de ce film). J'ai tendance à douter de la présence même de ces degrés et de leur maîtrise par ceux qui commirent cet accident cinématographique. Visiblement bricolé à la va-vite par Max Boublil et sa bande de potes, cette innommable bouse ne mérite qu'une destination : l'oubli.




dimanche 22 novembre 2015

Comme un avion (2014)



A chaque décennie sa crise, semble-t-il. A celle de la quarantaine, déjà maintes fois illustrée au cinéma, succède maintenant la crise de la cinquantaine. Bruno Podalydès, frère de Denis, a, il y a peu, raconté sa version de cette étape de vie. Néanmoins, bien qu'encensé par la critique (pour une fois quasiment unanime), "Comme un avion" n'a pas rencontré un franc succès dans les salles. Alors, avons-nous assisté là à un schisme entre public et critique ? Ce ne serait ni la première, ni la dernière fois. 

Michel, infographiste, a toujours aimé les avions, mais n'a jamais osé prendre son envol. Au hasard d'un palindrome, il découvre le kayak qui, avec son fuselage quasi-aérien, lui donne envie de partir pour un voyage en solitaire. Alors, il s'embarque au fil de l'eau, laissant sa femme sur la rive.
Il rencontrera des pêcheurs à la ligne, d'autres kayakistes, mais s'arrêtera sur un curieux îlot, où semblent l'attendre une veuve énergique, une jeune fille romantique et des artistes agités : bref, un autre monde, une autre vie.

Il est clairement deux ou trois choses que l'on peut reprocher au cinéma de Bruno Podalydès. Tout d'abord, à rester dans l'ombre de la capitale, on pourrait tiquer sur son apparent parisianisme, a priori renforcé par l'adulation que lui portent les critiques parisiennes, justement. Comme pour affirmer son amour pour Paris et sa couronne, Podalydès narre une histoire où il n'arrive pas à s'éloigner de plus de quelques kilomètres. Au passage, il montre qu'en restant dans sa zone de confort à lui, il réussit tout de même à dérouler son scénario et à partir en voyage, fût-ce à petite échelle. 

Un des autres reproches que l'on pourrait faire à Bruno Podalydès est de faire du cinéma uniquement pour ceux qu'on qualifie aisément de "bobos" (parisiens ou non), ou plus largement de rester dans un entre-soi un brin hermétique. Ce sentiment prédomine ici une fois de plus, comme c'était déjà le cas dans "Bancs publics". Le petit monde décrit ici n'est pas celui de la vraie vie et nombreux sont ceux
qui peuvent ne pas se sentir concernés par la navigation du héros. Le fait que le réalisateur se soit entouré de ses acteurs fétiches ne peut que renforcer cette impression, sans doute pas étrangère au peu de succès du film de l'autre côté du périphérique.

Cela dit, il faut rendre cependant justice à "Comme un avion", qui est avant tout un joli petit film où le temps s'écoule au rythme du courant de la rivière que suit Michel. Cette ballade douce-amère, s'embourbant parfois dans des scènes où l'ennui affleure, regorge cependant de moments amusants, voire franchement drôles.  Et, surtout, ce film est porté par des comédiens épatants. Autour de Bruno Podalydès, gravitent les toujours remarquables Agnès Jaoui (qu'on n'avait pas vue aussi épanouie depuis belle lurette), Sandrine Kiberlain (dont la seule présence suffit à magnétiser n'importe quelle scène), Vimala Pons (découverte dans ce film avec un rôle tout en sensibilité), mais aussi Michel Vuillermoz, Denis Podalydès, Jean-Noël Brouté, et Pierre Arditi (dans une apparition inattendue).

Si "Comme un avion" n'est pas le chef d'oeuvre cinématographique qu'ont annoncé les critiques emphatiques, ce petit film regorge pourtant de bons moments. Pour peu qu'on soit enclin à se laisser porter par cette histoire simple et légère, la ballade peut être agréable...


mardi 17 novembre 2015

La tendresse (2013)


Avec une histoire simple, on peut faire un beau film, fût-il petit. Des réalisateurs ont autrefois fait la preuve qu'il n'était pas nécessaire de déployer de grands moyens pour emporter l'adhésion des spectateurs. Avec "La tendresse", Marion Hänsel (essentiellement connue pour son adaptation des "Noces barbares") nous proposait, il y a peu, une de ces histoires simples, à hauteur d'homme et de femme. En ces temps de blockbusters parfois démesurés, pareille entreprise pouvait paraître salutaire. Hélas, ils furent peu à se déplacer en salles pour "La tendresse".

Lorsque leur fils est victime d'un grave accident de ski, Frans et Lise, séparés depuis quinze ans, sont contraints de faire route ensemble de Bruxelles aux Alpes. Dans la station enneigée, ils vont rencontrer les amis de leur fils et la fiancée de celui-ci. Ce couple de divorcés, unis le temps d'un voyage et autour de leur fils blessé va-t-il profiter de l'occasion pour se redécouvrir, s'apprécier, voire s'aimer ? 
Comme on le voit au résumé ci-dessus, l'histoire que narre Marion Hänsel dans "La tendresse" est toute simple : je ne vous ai pas menti. Cela dit, cette simplicité n'est jamais transcendée par la réalisation ou par les personnages. Ne tournons pas autour du pot : "La tendresse" n'attire pas l'affection. Ses deux personnages centraux, qui passent une bonne partie de leur temps à faire l'inventaire de ce qui a changé et de ce qui n'a pas changé depuis leur séparation, n'ont qu'un capital de sympathie réduit au minimum. Conséquence immédiate : on ne s'attache pas à eux et l'envie de suivre leur voyage fond comme neige au soleil, dès les premières scènes.

Faute d'un scénario épais, c'est vers les personnages qu'on devrait pouvoir se tourner. Ici, c'est en pure perte. Pour ajouter au ratage, leur interprétation est grandement décevante. La réalisatrice Maryline Canto, particulièrement peu inspirée, incarne Lise, mais sans lui donner la chaleur humaine qu'on aurait pu attendre de pareil rôle. le jeune Adrien Jolivet semble lui aussi peu inspiré (le talent peut sauter une génération, on a vu des précédents). Heureusement, il y a l'excellent Olivier Gourmet, dont le personnage est finalement celui auquel on s'attache le plus, en grande partie parce que son interprétation est, comme souvent, remarquable, bien que son rôle soit (comme la plupart des personnages) assez mal écrit.

Mise à part la présence d'Olivier Gourmet, "La tendresse" ne mérite guère plus qu'un visionnage distrait, avant d'être vite oublié. Ce petit film belge n'est pas de ceux qui font honneur à la prolifique et intéressante moisson d'outre-Quiévrain.



mardi 10 novembre 2015

Un illustre inconnu (2014)

 

Il est des films bâtis sur leur distribution. D'autres, plus audacieux encore, misent tout sur leur acteur principal : leur réussite réside alors sur le talent de celui-ci et également sur sa capacité à drainer les spectateurs. Sorti il y a quelques mois, "Un illustre inconnu" a eu, hélas pour ses producteurs, l'honneur de faire partie des films les plus boudés par le public français. Malgré un pitch intrigant et une affiche accrocheuse, il mettait en scène Mathieu Kassovitz, le sale gosse du cinéma français.

Nicolas, discret employé d'une agence immobilière, n'est personne. Mais, lorsqu'il s'empare de l'existence d'un autre, se métamorphosant en lui, copiant jusqu'à ses moindres traits, Nicolas existe enfin et devient quelqu'un.
Faute de vivre sa vie, il vit donc celle des autres, jusqu'à ce qu'il se glisse dans celle d'un homme étrange et fascinant, dont le passé va remonter à la surface, jusqu'à submerger Nicolas.


On a peine à croire que "Un illustre inconnu", avec son atmosphère de thriller sous tension (du moins dans sa première partie) porte la signature de Matthieu Delaporte, co-réalisateur de la comédie "Le prénom". Les premières scènes, en effet, installent un malaise diffus qu'on n'avait pas ressenti depuis longtemps. Sur une idée de base audacieuse et plus qu'intéressante, "Un illustre inconnu" est une réussite, jusqu'à sa deuxième partie, quand l'histoire s'égare du côté de l'intrigue familiale, et perd de sa puissance. C'est d'autant plus dommage que Delaporte réussissait à poser une vraie ambiance et à exploiter un pitch improbable que bon nombre de réalisateurs auraient transformé en n'importe quoi.


Heureusement, encore une fois, les acteurs sont là et représentent le plus bel atout du film. En tête, évidemment, celui sur les épaules duquel repose tout l'édifice : Matthieu Kassovitz, absolument éblouissant. L'enfant terrible du cinéma français montre ici qu'il est au nombre des grands du septième art. Comme en écho à "Un héros très discret", son personnage d'usurpateur est sans conteste à classer parmi ses meilleurs rôles et ses grandes compositions. Face à lui, Marie-Josée Croze s'en sort avec les honneurs, bien que son personnage n'ait finalement que peu d'épaisseur (et serve la partie la moins intéressante du scénario).

N'eût été l'époustouflant numéro d'acteur de Matthieu Kassovitz, "Un illustre inconnu" ne présente finalement qu'un intérêt relatif. Partant d'un postulat de base trop gonflé pour tenir la distance, ce film est finalement une demie-déception..ou une demie-réussite, selon l'humeur.




jeudi 5 novembre 2015

Return to sender (2015)




Dans la carrière de certains acteurs, il suffit d'un film pour passer de l'ombre à la lumière. Reste alors à gérer la suite. On en a vu des étoiles filantes s'éteindre après avoir intensément brillé dans une oeuvre. Lors de la sortie récente de "Gone girl", la belle Rosamund Pike eut l'honneur des tapis rouges et de la presse spécialisée. Le rôle offert par David Fincher lui avait donné l'occasion d'exprimer une facette méconnue de son talent. Il était donc logique qu'on lui propose des rôles similaires, sans doute dans l'espoir de profiter du filon. "Return to sender" de Fouad Mikati, toujours inédit dans nos salles obscures (comprenez par là qu'il sera cantonné au marché vidéo), est un bel exemple de cette tentative.

Miranda, une belle infirmière, vit seule ou presque, entre deux visites de son père. Quand elle accepte un rendez-vous d'un inconnu, chez elle qui plus est, sa vie bascule. Dès lors, elle va tenter de se reconstruire, tandis que l'homme qui l'a violée croupit en prison. 
Contre toute attente, Miranda va tenter de retrouver la trace de ce monstre, afin de communiquer avec lui. Commence alors une étrange correspondance entre la victime et son bourreau, sous le regard effrayé de l'entourage de Miranda.

Croyez-le ou non, en écrivant le pitch ci-dessous (et c'est parfois un exercice délicat), je me suis rendu compte à quel point l'intrigue de "Return to sender" manquait d'épaisseur. Il s'en est, en effet, fallu de peu que les quelques lignes de présentation (censées donner l'envie de visionner le film, le cas échéant) ne résume l'intégralité de l'histoire. Vous conviendrez donc que ce billet commence plutôt mal. Pour son deuxième long-métrage, après "Opération : Endgame", Fouad Mikati livre un film vendu comme un thriller psychologique, mais dont l'emballage est hélas trompeur. Il n'y a pas grand chose dans la boîte et l'on est en droit de râler, une fois le visionnage terminé. 

Partant d'une idée qui aurait pu donner quelque chose d'intéressant, le scénario arrive rapidement au bout de son discours et doit, pour remplir le format réglementaire, faire du remplissage. On a donc droit à de nombreuses scènes inutiles, afin de patienter jusqu'au dénouement et au twist final, amené avec une maladresse telle qu'on ne peut y croire un instant.


Pour donner vie à cette histoire invraisemblable, c'est essentiellement sur les épaules de trois acteurs que repose la tâche. En premier lieu, Rosamund Pike, certes très belle, mais semblant ici peu convaincue de l'histoire (on la comprend), livre le minimum syndical. En face d'elle, en psychopathe repenti (ou pas), Shiloh Fernandez, jusque là surtout remarqué dans les séries télévisées, en fait mille fois trop. Enfin, le vétéran Nick Nolte, dans les quelques scènes où il apparaît, a souvent l'impression de se demander ce qu'il fait là. 
Le spectateur aussi, d'ailleurs. 

Certes, Rosamund Pike est très belle, mais cela ne suffit en rien à assurer la réussite d'un film. Pour ce faire, il faut quelques ingrédients indispensables : un scénario digne de ce nom et un réalisateur capable de mettre ce dernier en images. Faute de disposer de l'un ou de l'autre, "Return to sender" s'oublie très vite.





samedi 31 octobre 2015

Capitaine Alatriste (2006)


La très belle série de romans consacrée par Arturo Perez-Reverte (7 tomes à ce jour, aux éditions Points), qui a récemment fait l'objet d'une série télévisée, fut adaptée au cinéma, il y a quelques années. Sorti en catimini en France (en 2008, après que sa sortie fut maintes fois repoussée) et précédée d'échos désastreux, il fut chez nous un bide monumental, quoique prévisible. Malgré son budget impressionnant, pour un film hispanique, "Capitaine Alatriste" est vite passé aux oubliettes...

Sous le règne du Roi Philippe IV, entre les intrigues de cour et les conflits qui émaillent l'Europe, l'Espagne impériale est au faîte de sa puissance. Au service de Sa Majesté le Roi, celui qui se fait appeler Capitaine Alatriste va vivre une existence faite de combats, de passions, de trahisons et d'amitié. De la boue et des brumes des Flandres à la mémorable bataille de Rocroi, en passant par les galères espagnoles, lui et Inigo, son jeune protégé vont vivre mille périls. 



Première surprise : là où n'importe quel producteur hollywoodien aurait choisi de n'adapter que le premier roman, c'est l'intégralité des aventures d'Alatriste qu'Agustin Diaz Yanes a choisi de retranscrire en un film de deux heures. Ceux qui connaissent les romans ne manqueront pas d'être surpris par pareille approche, tant nous sommes habitués à voir une franchise essorée au maximum (jusqu'à tronçonner un tome en deux films pour en augmenter la rentabilité). Dans le cas de "Capitaine Alatriste", le résultat est plutôt curieux, puisqu'on a l'impression d'assister à un résumé de la carrière de ce spadassin remarquable, sur le mode accéléré, en ne prenant le temps que de focaliser sur quelques séquences marquantes. Hélas, pareil traitement donne l'impression d'un film particulièrement décousu, comme peut donner celle des bonnes feuilles d'un roman (et uniquement de celles-ci). 

Là où la série souffre de longueurs, le film a donc les défauts inverses. Zappant sans vergogne les scènes de présentation, il se concentre sur celles qui sont le plus visuelles, à savoir les affrontements, là où les romans prennent le temps de la description au plus près de l'Espagne du XVIIème siècle. C'est d'autant plus dommage que, budget à l'appui, la reconstitution est esthétiquement très réussie, en tout cas mille fois plus que ce que proposait la récente série "El Capitan". Loin de la flamboyance colorée des traditionnels films de cape et d'épée, "Capitaine Alatriste" a un décor réaliste, souvent sale, en tout cas très vivant, comme le souhaitait Arturo Perez-Reverte quand il commença à écrire ses romans. L'écrivain a d'ailleurs renié la série, mais fait un caméo dans le film, soit dit en passant. 

Le casting est l'autre point fort de cette adaptation. L'impérial Viggo Mortensen donne corps au Capitaine Alatriste, sans sembler forcer son immense talent. En comparaison, Aitor Luna, qui a repris ce rôle dans le pendant télévisuel, paraît bien falot. Autour du grand Mortensen, les autres interprètes donnent vie avec brio aux protagonistes des romans, collant parfaitement à l'image qu'on pouvait s'en faire à la lecture des livres. 

L'impression qui se dégage au visionnage du film (si tant est que vous réussissiez à mettre la main dessus) ne peut être que mitigée. Visuellement très réussi et interprété avec brio, "Capitaine Alatriste" est hélas gâché par le choix d'adapter en un seul film toute une série de romans.  


lundi 26 octobre 2015

SMS (2014)


Suivre les mésaventures d'un personnage qui en prend plein la gueule, que ce soit au propre comme au figuré, c'est une figure imposée du cinéma comique. Bien évidemment, les amoureux de la comédie française (la vraie, pas celle qu'on nous sert régulièrement et n'a d'autre vocation que de remplir l'espace de cerveau disponible du dimanche soir sur TF1) se souviennent avec émoi des petits bonheurs provoqués par Pierre Richard et consorts. L'an dernier, "SMS", mettant en scène Guillaume de Tonquedec, promettait, du moins dans sa bande-annonce, une succession de catastrophes pour son héros. Au vu de la bande-annonce, on pouvait espérait passer un bon moment.

Sale journée pour Laurent, adepte du téléphone portable. Il pleut dans sa maison (parce qu'il en a confié la rénovation à un certain Fedor, visiblement peu doué pour le bâtiment), il se dispute avec sa femme, se ridiculise en emmenant son fils à l'école et y découvrant que le bambin est malade, reçoit un texto adressé à sa femme et l'enjoignant de le quitter, se fait voler son précieux portable, renverser par une voiture, oublie son fils dans la rue et finit en garde à vue.
Ça fait beaucoup, pour un seul homme, tout ça.


Les premières minutes de "SMS" sont prometteuses : les péripéties sont riches et le personnage principal subit une cascade d'avanies comme on en a rarement vu : on est dans la comédie cynique, et c'est réjouissant, du moins le temps de l'introduction. D'autant plus que la réalisation est plutôt dynamique. Gabriel Julien-Laferrière, qui s'était fait connaître avec "Neuilly sa mère", sait visiblement se servir d'une caméra. 

Malheureusement, tout cela ne suffit pas à faire un bon film, et encore moins une bonne comédie. Passées les premières séquences, le film n'arrive pas à tenir le rythme qu'il s'était imposé à son début. Comme un sprinter qui voudrait entreprendre un marathon, il se retrouve vite à bout de souffle et doit composer avec des bouts d'intrigue n'apportant rien à l'histoire, et jouant du hors-sujet à maintes reprises. Perdant de vue son pitch de base, "SMS" s'égare vers des thématiques n'ayant rien à voir avec la comédie (l'évocation des ondes électromagnétiques est totalement contre-productive, par exemple). Comme s'il n'assumait pas son propos initial, Gabriel Julien-Laferrière sort de son chemin initial et n'en retrouve hélas jamais la trace. 


Une grande comédie repose également sur ses personnages, on le sait depuis le théâtre antique. C'est également l'un des grands défauts du film. On a du mal à s'attacher au personnage principal, doté de suffisamment de travers pour n'être pas sympathique. Ce n'est pas encore pour cette fois que Guillaume de Tonquedec (que les amateurs de "Fais pas ci, fais pas ça" auront plaisir à retrouver) obtiendra un rôle digne de son talent (jusque là bien mal exploité, à mon humble avis). Les seconds rôles, quant à eux, n'ont pas suffisamment d'intérêt et d'enjeux pour peser sur l'intrigue, le pompon étant décroché par le décidément insupportable Franck Dubosc, qui ferait bien de comprendre qu'il n'est pas fait pour le cinéma.


En confondant vitesse et précipitation, "SMS" rate son coup, malgré un bon départ. C'est dommage car, même en restant une comédie faiblarde, il est largement au-dessus de la moyenne actuelle dans ce registre du cinéma français. Cela n'a rien d'une prouesse, c'est vrai.



mercredi 21 octobre 2015

Broadway Therapy (2014)




Dites, messieurs les distributeurs, vous ne nous prendriez pas pour des imbéciles, parfois ? Parce que renommer "She's funny that way" en "Broadway Therapy", ça ne présente aucun intérêt. Non content de passer d'un titre anglophone à un autre titre anglophone, ça donne aussi le sentiment que le spectateur est pris pour un idiot. Remarquez, dans le cas précis de ce film, il n'y eut pas tant d'idiots que cela, parce qu'ils furent peu à se déplacer en salles pour aller le voir. 
On a parlé d'accident industriel pour moins que ça.


Izzy, ancienne call-girl devenue actrice, raconte à sa psy comment elle en est arrivée là. Tout a commencé avec sa rencontre avec le metteur en scène Arnold Albertson, marié à la tempétueuse Delta, qui s'offrit ses services un soir de solitude. Charmé par la jeune femme, Arnold lui offrit la coquette somme de 30 000 $ pour qu'elle puisse tenter sa chance sur les planches. Lors de son audition, Izzy séduisit Joshua, un dramaturge, pourtant en couple avec une psy, sous l’œil goguenard du comédien Seth Gilbert. Compliqué, non ? Vous n'avez encore rien vu...


A lire le petit pitch ci-dessus, vous devez vous dire que le scénario de "Broadway Therapy" est particulièrement tarabiscoté. C'est le cas : entre adultères, rencontres impromptues et portes qui claquent, on n'est jamais très loin du vaudeville. Mais ce style a, en général, ceci de particulier qu'il ne perd pas son spectateur en route, à force de multiplier les personnages, les intrigues et, surtout, les époques. Réalisé par le vétéran Peter Bogdanovitch, de retour après treize années sans être passé derrière la caméra, "Broadway Therapy" se veut un joyeux bazar, cherchant sans doute le point d'équilibre entre Woody Allen et Wes Anderson (ce dernier est d'ailleurs co-producteur sur ce film). En un mot comme en cent, c'est raté. Si ce point existe quelque part dans le cinéma, Bogdanovitch le rate complètement.

C'est vrai qu'à la base, le scénario, qui se veut délirant, n'est que bordélique et que les acteurs sont
loin, très loin, de donner le meilleur d'eux-mêmes. Qu'il s'agisse d'Owen Wilson, qui donne l'impression d'être totalement ahuri, d'Imogen Poots, extrêmement mauvaise, aussi mignonne soit-elle, de Jennifer Aniston (qui touche là son plus mauvais rôle depuis longtemps), ou de pratiquement tous les autres, on a l'impression que les interprètes sont en roue libre et que, faute de direction, ils cabotinent à outrance. Seul Rhys Ifans donne quelque intérêt à son personnage, mais j'avoue n'être pas totalement objectif vis-à-vis de cet acteur (dont les passages, même brefs, dans un film, sont souvent salvateurs). Malgré la brochette qu'il a devant sa caméra, Peter Bogdanovitch échoue à obtenir un résultat ne serait-ce que potable. La version française ajoute encore, s'il était possible, au désastreux bilan. Et ce n'est pas le court passage de Quentin Tarantino himself qui m'incitera à l'indulgence...

A moins d'être amateurs de films sans colonne vertébrale, de vénérer particulièrement tel ou tel acteur présent au générique de "Broadway Therapy", vous pouvez sans hésiter passer votre chemin. 


vendredi 16 octobre 2015

Gardiens de l'ordre (2009)



Décidément, le film de genre ne réussit pas à Nicolas Boukhrief. Le sort malheureux de son "Convoyeur" fut déjà l'objet d'un billet sur ce blog et, en visionnant récemment "Gardiens de l'ordre", je me suis dit que celui qui fut un des piliers de la revue Starfix avait décidément bien du mal à s'imposer comme réalisateur, malgré ses tentatives dans un registre qui fit pourtant les beaux jours du septième art hexagonal. Avant la sortie prochaine de "Made in France" (dont la distribution est longtemps restée incertaine), penchons-nous sur "Gardiens de l'ordre".

Au cours de ce qui aurait dû n'être qu'une intervention banale suite à un tapage nocturne, deux policiers assistent à la mort de l'un d'entre eux, tué à bout portant par un jeune homme sous l'emprise de la drogue. Contraints de classer l'affaire, parce que le tueur est le fils d'un député, tous deux vont enquêter, de leur propre initiative, sur la drogue qui a poussé le jeune garçon à devenir un tueur...

En mettant en boîte "Gardiens de l'ordre", Nicolas Boukhrief tentait sans doute de convoquer les fantômes des grands réalisateurs de jadis, qu'ils aient pour nom Verneuil ou (c'est flagrant ici) Melville. Cette belle démarche est tout à son honneur, mais est hélas vouée à l'échec. Certes, "Gardiens de l'ordre" regorge de belles images, de plans réussis et diffuse une ambiance indéniable, mais il manque une véritable ossature à tout cela, c'est-à-dire un scénario plus robuste que celui de la première série télévisée venue. Malgré tout le soin apporté à l'atmosphère et la précision avec laquelle Boukhrief filme tout cela, le fait est que "Gardiens de l'ordre" manque d'âme et a du mal à accrocher l'intérêt de son spectateur.

Le peu d'intérêt que suscite l'histoire narrée tant bien que mal dans "Gardiens de l'ordre" vient aussi de ses personnages, finalement bien pue épais, alors qu'il y aurait eu matière à exploiter le background de ces flics borderline. A force d'invraisemblances et faute de véritables enjeux, on se désintéresse vite de l'histoire que conte le film, pour ne se consoler qu'avec l'intérêt technique que représentent certaines scènes. C'est bien peu, au regard des promesses initiales du projet. 

On notera l'excellente interprétation de Cécile de France, qui compense celle, plus oubliable, de Fred Testot, dans l'un de ses premiers rôles marquants au grand écran. Faisant passer son personnage de l'austérité au glamour, elle magnétise l'écran et est un des rares atouts du film.

Au final, "Gardiens de l'ordre" est vite oublié, car très oubliable. Souhaitons que Nicolas Boukhrief retrouve sa patte et, surtout, des projets à la hauteur de ses capacités. Pour une fois qu'un metteur en scène porte un réel amour pour le septième art, il serait justice de lui fournir matière à l'exprimer.



dimanche 11 octobre 2015

Arthur Newman (2013)



Changer de vie, qui n'a jamais caressé cette idée ? Tout plaquer, repartir de zéro et reconstruire autre chose, forcément meilleur, voilà une thématique déjà explorée par le cinéma. Pour son premier long métrage, Dante Ariola réalisa, il y a peu, "Arthur Newman", avec deux belles têtes d'affiche : Colin Firth et Emily Blunt. Hélas, cet essai ne fut pas transformé puisque ce film laissa peu de souvenirs chez les cinéphiles.

Wallace n'aime pas sa vie. Ce quadragénaire divorcé n'a plus aucun lien avec son fils, sa maîtresse le lasse, son métier l'ennuie. Alors, il décide de mettre en scène sa propre mort et de repartir de zéro, en s'improvisant golfeur professionnel. Dans sa fuite en avant, il rencontre Michaela, une jeune femme qui ne sait pas très bien qui elle est. Tous deux vont s'éprendre l'un de l'autre et faire route ensemble, se glissant dans la vie des gens qu'ils croisent, occupant leurs maisons le temps d'une étreinte.
En se fuyant eux-mêmes, ils vont se découvrir...


C'est une histoire toute simple que celle de Wallace et de Michaela, de celles qui peuvent surprendre et générer de beaux films. En lisant le billet que lui avait consacré l'une de mes consoeurs (qui se reconnaîtra sans doute), le fait est que ma curiosité avait été piquée. A l'arrivée, c'est une légère déception qui fut mienne. La réalisation assez plate de Dante Ariola (dont c'est le premier et dernier long métrage de fiction à ce jour) est pour beaucoup dans l'impression que laisse "Arthur Newman".

Ne mettant guère en valeur les personnages, pourtant au centre de son histoire, Ariola se contente d'aligner les séquences, sans leur donner le relief et le rythme nécessaire. Tout cela manque cruellement d'épaisseur et de vie, et ne contribue guère à faire accepter au spectateur le postulat de base du scénario, hautement improbable. 

Heureusement, il y a les deux interprètes de cette histoire : Colin Firth, que je me surprends à apprécier de plus en plus, et Emily Blunt, décidément remarquable, et dont on espère qu'elle aura bientôt un rôle à sa mesure. Les deux acteurs sont finalement le meilleur atout de ce film sans relief, dont la bonne idée de départ ne suffit pas à assurer la réussite.

Lorsqu'arrive le générique de fin, on peut penser qu'on est passé à côté d'un joli film et qu'on oubliera vite "Arthur Newman". C'est bien dommage...