jeudi 27 juin 2013

Perfect sense (2010)


Signe des temps ? Les films traitant de la fin du monde se sont multipliés, ces dernières années. Si certains jouaient uniquement sur le registre du film-catastrophe ("2012", pour ne citer que le plus connu), d'autres ont utilisé ce créneau pour fouiller plus profondément l'âme humaine, à la recherche de l'intime. Parmi ces œuvres, on peut citer "Melancholia", "Jusqu'à ce que la fin du monde nous sépare", 'La route", mais aussi un film n'ayant pas déplacé les foules lors sa sortie : "Perfect Sense", du réalisateur britannique David Mackenzie, connu pour "Toy boy", entre autres. 

Alors qu'une étrange pandémie prive les humains du goût, puis de l'odorat, un chef cuisinier et une épidémiologiste tombent éperdument amoureux. Tandis que le monde s'écroule autour d'eux, tous deux, malgré leurs fantômes et leurs peurs respectives, vont s'accrocher l'un à l'autre...

Remarquablement interprété, "Perfect Sense" est mené par son duo d'acteurs principaux, l’impressionnant Ewan McGregor et la très troublante Eva Green. L'un et l'autre prouvent ici, s'il en était besoin, l'immense talent dont ils sont capables, pour peu qu'on leur confie des personnages riches. Reposant essentiellement sur leurs épaules, "Perfect Sense" vaut le déplacement, ne serait-ce que pour leur prestation.
A noter, la présence dans un rôle secondaire certes, de Denis Lawson, l'oncle d'Ewan McGregor, connu des fanboys pour avoir incarné à l'écran Wedge, l'un des pilotes rebelles de la trilogie Star Wars originelle. Voilà pour la petite anecdote qui vous vaudra à coup sûr l'admiration de votre auditoire.
Mais la distribution enthousiasmante de ce film n'est pas son seul atout, loin s'en faut. 

Sous le film catastrophe se cache bien plus qu'un simple suspense, et la passion amoureuse décrite dans "Perfect Sense" ne représentent qu'un des niveaux de lecture de ce film (même si ce niveau est déjà grandement satisfaisant pour le spectateur). 
Le propos éminemment politique de "Perfect Sense" le classe d'emblée parmi les films les plus subtils qui soient. Ce monde qui s'efface doucement est celui dans lequel nous évoluons chaque jour et qui révèle ses vacuités et ses vanités quand les sens disparaissent. C'est en perdant quelque chose qu'on mesure à quel point cela avait de l'importance. 

Film d'anticipation d'une rare finesse et d'une intelligence qui rappelle parfois quelques chefs d'oeuvre du genre (on pense parfois au remarquable "Les fils de l'homme", par exemple), "Perfect Sense" mérite le coup d’œil. Il fait partie d'une catégorie de films rares, de ceux qui restent en mémoire longtemps après leur visionnage.



dimanche 23 juin 2013

Les ex de mon mec (2005)


Le cinéma américain nous offre régulièrement quelques incursions dans le domaine de la comédie, employant pour cela différents angles d'attaque. Entre l'approche pas toujours légère des productions Apatow, celles des comédies romantiques ou des lourdingues "American Pie", on a l'embarras du choix et n'importe quel spectateur doit pouvoir y trouver son compte. 

Stacy, jeune journaliste qui vient de trouver un poste dans une chaîne câblée, vit le parfait amour avec Derek. Tout irait pour le mieux si la jeune femme n'avait l'idée de fouiner dans le Palm de son conjoint, alors que ce dernier est absent. Découvrant (naïve qu'elle est) qu'il a eu d'autres aventures avant elle, Stacy va vouloir rencontrer les ex de son mec, quitte à risquer de le perdre.

Un thème pareil aurait pu, avec un traitement en finesse, donner une comédie douce amère, à l'image du meilleur du cinéma italien. A l'autre bout du spectre, le sujet aurait également pu déboucher sur un film délirant digne du meilleur des frères Farelly. Il faut hélas reconnaître que Nick Hurran, réalisateur chevronné pour la télévision (on lui doit le dernier épisode de la saison 2 du remarquable "Sherlock", par exemple), livre ici un film poussif, rarement drôle, et dont on sort avec un impression de gâchis, face au potentiel que portait l'idée de base. Car, non content de répéter ses effets ad nauseam, les scénaristes (Elisa Bell et Melissa Carter, elles aussi issues du milieu de la télévision) ont cru bon de placer l'essentiel de l'intrigue, et surtout son dénouement, dans le cadre d'une émission de télé-réalité animée par une Kathy Bates qui se demande comment elle a pu échouer là.

Comédie pénible, "Les ex de mon mec" n'est même pas sauvé par son casting. En tête d'affiche, Brittany Murphy, aussi mignonne soit-elle, est particulièrement cruche, au point qu'on finisse par se dire qu'elle mérite bien ce qui lui arrive. Face à elle, Ron Linvingston, lui aussi habitué du petit écran, ne vaut guère mieux. Et que dire des actrices plus chevronnées (hormis la déjà citée Kathy Bates, on retrouve ici la grande Holly Hunter) qui, dans des seconds rôles, semblent être uniquement là pour de mauvaises raisons ?

Quand vient (enfin) la scène finale, c'est donc une véritable délivrance pour le spectateur. Décidément, avec  la comédie américaine, on peut s'attendre au meilleur et au pire. Dans le cas des "Ex de mon mec", c'est dans la deuxième catégorie qu'on se retrouve, une fois de plus.



samedi 15 juin 2013

Scott Pilgrim (2010)


Les adaptations de comic-books ont le vent en poupe, depuis le succès de certaines licences. Toutes ces transpositions ne sont pas marquées du sceau de la réussite et du succès, mais, avec l'arrivée de quelques réalisateurs passionnés, on a parfois le droit de découvrir sur grand écran des héros dont on n'avait pas forcément entendu parler auparavant. A l'image du "Frelon Vert" (par exemple) ou de "Cowboys et envahisseurs", "Scott Pilgrim" est une bande dessinée peu connue du grand public, mais qui a récemment eu droit au passage sur grand écran. A la réalisation, se trouvait Edgar Wright, que les amateurs avaient déjà repéré suite aux très bons "Shaun of the Dead" et "Hot Fuzz".

Scott Pilgrim, éternel adolescent, sort avec une lycéenne fascinée par lui et son groupe de rock. Le jour où il croise Ramona, il sait qu'elle est celle dont il rêve depuis toujours. Il se débarrasse (non sans difficultés) de sa jeune prétendante et se lance à la conquête de la belle.  Mais, pour sortir avec elle, il va devoir vaincre les sept ex maléfiques de la jeune fille. L'amour est à ce prix. Tel le héros d'un des jeux vidéo qu'il affection, Scott Pilgrim va donc affronter des ennemis terrifiants.

Dès le générique, le ton est donné : le logo Universal animé sur un mode 8-bit, le nom des héros, le mode narratif, tout dans ce film a une touche "geek" qui ravira les amateurs du genre. Comédie délirante et assumée, "Scott Pilgrim" a un ton qui n'appartient qu'à lui, et lui réussit plutôt bien. Truffé d'effets s'inscrivant parfaitement dans l'histoire et la servant donc (ce qui n'est pas toujours le cas, n'en déplaise aux aficionados de Zack Snyder). Du côté de l'interprétation, tout le casting est irréprochable, Michael Cena (déjà vu dans le très touchant "Juno", par exemple) et son allure pataude en tête. Les jeunes acteurs (Mary Elizabeth Winstead, Jason Schwartzman, Kieran Culkin, pour ne citer qu'eux) assurant les seconds rôles sont à l'avenant et semblent bien s'amuser à endosser les rôles des amis et ennemis de Scott Pilgrim. Cerise sur le gâteau, les dialogues sont assez savoureux et, une fois n'est pas coutume, plutôt bien traduits. 

L'échec commercial de "Scott Pilgrim vs the World" (un peu plus de 20 000 entrées dans l'hexagone !) est incompréhensible, tant ce film regorge de moments savoureux, de trouvailles ingénieuses et d'éléments souvent absents des grosses machineries hollywoodiennes (ou hexagonales) ayant pourtant plus de succès. Bourré de références à la culture populaire, le film est, du début à la fin, un hommage réussi à cet univers et à ceux qui le font vivre. 

Espérons que le prochain opus d'Edgar Wright ("The world's end", qui sortira le 16 octobre 2013 ) sera l’occasion pour ce réalisateur de connaître enfin le succès qu'il mérite.
Il serait temps que justice soit faite.



mardi 11 juin 2013

Dangereuse séduction (2007)



Il n'existe pas de recette miracle pour assurer le succès d'un film (fort heureusement, ajouteront les plus sages d'entre vous, chers lecteurs). Ainsi, un casting extrêmement bankable ne peut en rien préjuger de la réussite finale d'un long métrage. Halle Berry et Bruce Willis, stars sur le seul nom desquelles plus d'un film a été vendu, ont connu l'une et l'autre des triomphes et des bides. "Dangereuse séduction" fut l'occasion pour les vedettes des sagas "X-Men" et "Die Hard" de partager l'affiche, mais aussi le désaveu critique et public. 

Rowena, journaliste aux dents longues au caractère bien trempé, décide de prouver que Harrison Hill, magnat de la publicité, est responsable de la mort de Grace, une de ses amies. Assistée par Miles, son collègue, génie de l'informatique, elle se fait embaucher dans l'agence dirigée par Hill et commence son investigation. Découvrant son nouveau patron, être énigmatique et tout-puissant, elle va tenter de mener son enquête, qui lui réservera bien des surprises.
Il est difficile d'en dire plus sur l'intrigue de "Dangereuse séduction" ("Perfect stranger" en version originale) sans révéler quelques éléments du scénario. Ce thriller est, en effet, particulièrement tortueux et s'évertue à surprendre le spectateur, à force de fausses pistes et de chausse-trappes. Dans ce domaine qui connut ses grandes heures dans les années 1990 (dans le sillage de "Basic Instinct"), c'est la règle du jeu : rien n'est tel qu'il parait.

Dans le cas précis de "Dangereuse séduction", le scénario, à force d'ajouter des niveaux de complexité, finit par désintéresser son public, tant il devient invraisemblable. Entre les conquêtes supposées de Harrison Hill, l'ex-petit ami de l'héroïne l'ayant quitté pour Grace et revenant vers elle (tout le monde suit ?) et le trouble collègue de Rowena, on perd vite en lisibilité. Au final, c'est avec soulagement qu'on découvre la clef de l'énigme, qui aurait pourtant mérité un traitement plus limpide. 
C'est donc une impression de ratage qui prédomine, au visionnage de ce film. James Foley, à qui l'on doit plusieurs longs métrages n'ayant pas marqué l'histoire du septième Art ("Comme un chien enragé", ou "L'héritage de la haine", par exemple), signe ici un film sans grand intérêt. 

Alors, effectivement, Halle Berry est très belle, mais il lui faudrait apprendre à mieux choisir ses rôles. Après le calamiteux "Catwoman" ou le très raté "Gothika", elle gâche son talent dans ce qui aurait pu être un thriller palpitant. Quant à Bruce Willis (qui ferait bien d'oublier toute expérimentation capillaire, soit dit en passant), s'il a su faire montre de son talent dans des registres variés, fait ici le minimum syndical. La meilleure performance du casting est à mettre à crédit de l'inquiétant Giovanni Ribisi (découvert dans "Il faut sauver le soldat Ryan").

Thriller vite noyé dans son ambition, "Dangereuse séduction" laisse au final un amer goût de gâchis, tant il aurait pu s'avérer vibrant. Avec au départ quantité d'atouts dans sa manche, il réussit à échouer et à ne présenter qu'un intérêt minime.



vendredi 7 juin 2013

Touristes (2012)


Depuis quelques années, le cinéma britannique, en plus de sa traditionnelle veine "sociale" (chère à Ken Loach et Mike Leigh, pour ne citer qu'eux), voit émerger une certaine forme d'humour. Tête de file de cette nouvelle vague, Edgar Wright, réalisateur des excellents "Shaun of the dead", "Hot Fuzz" ou "Scott Pilgrim vs the world", fait figure de pivot, même si ses films n'ont pas toujours le succès qu'ils mériteraient (1). Parmi les films témoignant de cette nouvelle vitalité du cinéma britannique, "Touristes" (produit par le susdit Wright), sorti l'an dernier et ayant pourtant été sélectionné dans la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes, n'a pas reçu le succès qu'on pouvait attendre de lui. 

Après avoir toujours vécu sous la coupe de sa mère possessive et malade, Tina a enfin rencontré un homme. Ce dernier, Chris, l'entraîne avec lui dans un périple touristique en Grande-Bretagne. Tirant leur caravane, les deux tourtereaux vont devoir affronter leurs semblables, quitte à en venir au meurtre quand ceux-ci leur paraissent trop insupportables.

A en lire le pitch, on comprend vite que "Touristes" ("Sightseers", en version originale) est une farce macabre, comme le cinéma en produit parfois. Filmé avec un petit budget, le voyage (initiatique, mais pas seulement) de Tina et de Chris est parsemé de cadavres, sous le ciel souvent gris et pluvieux d'outre-Manche. A l'origine du film, Alice Lowe et Steve Oram, les deux acteurs principaux (également scénaristes) développent ici des personnages qu'ils avaient créé sur scène. Tous les deux prennent un vrai plaisir à incarner ces touristes aux mains ensanglantées, ne reculant devant rien pour tracer leur route.

Aux manettes, Ben Wheatley, déjà remarqué avec "Kill list" explore une nouvelle fois le côté sombre de ses
(anti)héros. Filmant leur voyage à hauteur d'homme et laissant au spectateur le soin de prendre le recul nécessaire, le réalisateur adopte un ton qui peut heurter, tant la farce est habile.
Il y a un petit goût d'humour trash et provocateur chez ces touristes, qui rappellera à certains le mémorable "C'est arrivé près de chez vous". La descente aux enfers des personnages, festival d'humour grinçant et d'irrévérence quasi-punk, ne laissera sans doute personne indifférent. A l'instar de cet auguste ancêtre, "Touristes" est à réserver à un public averti (et désireux de se plonger dans cette ambiance bien particulière). 

Comédie acide et acerbe, "Touristes", malgré ses maigres moyens, mérite plus que le peu d'éclairage qu'on lui porta lors de sa sortie confidentielle. Pour peu que vous soyez amateur d'humour noir (voire très noir), je vous engage donc à y jeter un oeil. Sans être un grand film, c'est une comédie macabre, assumant son propos jusqu'au bout qui vous fera passer un bon moment. 




(1) le très bon "Scott Pilgrim vs the World" fera prochainement l'objet d'un billet sur ce blog, d'ailleurs.

lundi 3 juin 2013

Safety not guaranteed (2012)



Il existe, au sein du cinéma américain, une fraction indépendante qui tente de survivre, bon gré mal gré, à l'ombre des productions des grands studios. Souvent célébrés au célèbre festival de Sundance, les films produits par ce cinéma indépendant n'arrive pas tous jusqu'à nous. "Safety not guaranteed" pourrait tenir lieu d'exemple. Maintes fois récompensé (au festival susdit et ailleurs), ce film n'a toujours pas eu l'honneur d'une distribution dans les salles hexagonales, malgré une critique des plus élogieuses. 


Trois employés d'un magazine sont chargés d'écrire un article à partir d'une étrange petite annonce. L'individu qui a fait paraître celle-ci est en effet à la recherche d'un compagnon pour un voyage dans le temps (dont la sécurité n'est pas assurée, d'où le titre du film). Nos trois compères (un rédacteur hâbleur, une stagiaire désabusée et un jeune geek à la limite de l'autisme) vont se trouver embarqués dans une série de rencontres dont ils ne sortiront pas indemnes.

A l'origine de "Safety not guaranteed'", on retrouve les producteurs du très joli "Little miss Sunshine", autre perle du cinéma indépendant. Pour être clair, si vous avez aimé leur précédente production, vous tomberez probablement sous le charme de cette aventure du côté d'Ocean View (état de Washington). Là aussi, le voyage voient trois protagonistes apprendre à se découvrir et à découvrir les autres. Adoptant souvent un ton léger, voire drôle, "Safety not guaranteed" aborde cependant des thèmes riches, voire graves. Mais il ne s'agit pas uniquement d'une déclinaison de "Little Miss Sunshine", loin de là. Riche de sa propre identité, "Safety not guaranteed" parle de sa propre voix et sait trouver les mots.

Du côté de la réalisation, le film est conçu à la manière, typique, des films indépendants. Pas de fioritures, ni de décors exubérants, c'est ici dans le réalisme qu'on s'inscrit et la caméra est au plus près des acteurs. Ces derniers, pour la plupart issus de l'univers des séries télévisées américaines, et a priori peu connus du public français, tirent fort bien leur épingle du jeu. Enfin, soulignons le point fort du film : son scénario, à la fois humain et malin, qui évolue en douceur entre humour, tendresse et gravité.

Le fait que pareil film ne soit pas distribué en France reste un mystère insondable, tant il vaut mieux que bien des films envahissant les salles obscures à leur sortie, et dotés de bien moins de qualités. Si cette lacune est sans doute due à un pitch surprenant et à un casting inconnu dans nos contrées, elle devrait être réparée au plus tôt, tant ce film vaut le détour.