samedi 11 avril 2020

Vie sauvage (2014)


Refuser la normalité, pourquoi pas ? On peut comprendre que certain(e)s décident de vivre en marge et choisissent un autre mode d'existence. Quand ce choix implique des enfants, le débat mérite d'être ouvert : peut-on imposer à sa progéniture de s'écarter du modèle social ? Rassurez-vous, je n'ouvre pas dans ces colonnes un tel débat : l'endroit serait mal choisi. Mais, avec "Vie sauvage", Cédric Kahn s'était penché sur la question. Tiré de faits réels, ce film, porté par Matthieu Kassovitz, ce film n'avait pas déchaîné les foules à sa sortie. Mérite-t-il une séance de rattrapage ? 

Paco et Nora ont voulu vivre en marge, avec leurs deux fils, Tsali et Okyesa. Et puis, un jour, Nora en a eu assez et a voulu retrouver le monde. Elle a fui la vie sauvage et s'est réfugiée chez ses parents avec ses enfants. Mais Paco, idéaliste et opiniâtre, décide un jour de prendre ses fils en charge et de ne pas les ramener à leur mère. Commence alors pour le père et ses enfants une vie clandestine, souvent en pleine nature ou dans des communautés qui les acceptent. Paco et ses enfants sont libres, mais en cavale. 

Cédric Kahn, cinéaste du réel, s'attache souvent à la vie de personnages qui tentent quelque chose. On se souviendra de "Une vie meilleure", par exemple, qui voyait un jeune couple se fracasser sur la réalité. Les protagonistes de "Vie sauvage" voient également leurs idéaux confrontés au réel : elle a renoncé, tandis qu'il s'entête, et l'on serait bien en peine de donner raison à l'un ou à l'autre. C'est sans doute plus sage, de la part du réalisateur, que d'être resté neutre et de n'avoir pas brossé un tableau idéalisé d'un choix plutôt que d'un autre. Pour autant, cette chronique d'une cavale, devenant presque documentaire, peut laisser le spectateur sur le bord du chemin. 

Après quelques scènes démonstratives, témoignant à la fois des bienfaits du retour à la vie sauvage et de ses inconvénients, le film tourne un peu en rond, et doit se réfugier dans l'affrontement interne à cette drôle de famille. La deuxième partie du film est la moins réussie, se résumant à l'affrontement entre le père et ses fils, puis avec la mère et celui qui fut son mari. La vie décrite alors, pour sauvage qu'elle soit, retrouve le monde des hommes, loin de l'intention initiale. Quant à sa conclusion, qui n'a plus grand chose à voir avec la vie sauvage annoncée, elle pourra paraître hors-sujet, si l'on se fie uniquement au titre et à la promesse qu'il implique.

Incarné par des acteurs inspirés et remarquablement dirigés, "Vie sauvage" n'est pas tout à fait conforme à la promesse faite sur son affiche et dans son titre. Vue en coupe d'une famille déchirée par les choix qu'en firent ses fondateurs. Sans doute à réserver à celles et ceux qui sont curieux de découvrir pareille histoire, ce film n'embarquera pas les autres dans sa démarche.


6 commentaires:

  1. Salut Laurent,

    Intéressant. J'aime beaucoup le ton que tu as adopté pour cette chronique, tout en humilité. Merci, car le sujet est suffisamment sérieux (ou grave). Il faut éviter les caricatures et les postures, ce que tu as remarquablement su faire.

    N'étant pas père moi-même, je ne me sens pas apte à juger. Juste, j'ai un avis. Et je relève une possible contradiction avec l'idée que, "pris" par leur père, les enfants aient réellement été libres. Auraient-ils pu faire ce choix (libre, justement) de ne voir que leur mère ? Ou de continuer à voir les deux ? Il me semble qu'on leur a imposés quelque chose au départ et, ensuite, plusieurs bouleversements. Je ne dis pas que c'est de la maltraitance. Mais cela m'interroge...

    Tout ça nous éloigne du cinéma. Je n'ai pas vu le film, mais j'en ai vu un autre sur le même sujet et basé sur les mêmes faits réels, "La belle vie". Tu le retrouveras sur mon blog si tu le souhaites. Il était sorti presque au même moment.

    Pour ne pas se confronter à trop de réel et éviter de se brûler en oubliant l'aspect cinématographique, je te conseille, si tu l'as pas vu, et sur un thème voisin, le superbe "Leave no trace" (également présenté sur les Bobines). Je pense qu'il devrait t'émouvoir et, à tout le moins, nourrir ta réflexion, si d'aventure tu souhaitais l'approfondir.

    Et sinon... joyeuses Pâques confinées, l'ami ! ;-)
    J'espère que tout se passe "au mieux" pour toi et tes proches.

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    1. Bonjour Martin (j'ignore pourquoi, mais je ne suis plus prévenu des commentaires sur mes articles et répond donc avec retard).
      Merci de ta contribution au débat, tes interrogations sont légitimes et d'ailleurs le film les a suscitées chez moi aussi.
      Je prends note de tes conseils de lecture dans tes jolies colonnes. En ces temps confinés, j'y trouve bien du réconfort.
      Porte-toi bien, ainsi que les tiens, ami cinéphile !

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    2. Hello Laurent. Moi qui suis aussi sur la plateforme Blogger, j'ai actuellement quelques retards dans mes notifications, mais ça finit toujours par arriver. J'ai eu un blocage de quelques semaines voilà quelques mois, lié à la mise en oeuvre du règlement européen de protection des données. Je ne sais plus comment ça s'était réglé, mais peut-être que tu trouveras des éléments... sur Internet.

      Avant de reparler de cinéma, je profite de cette autre intervention pour te remercier de la gentillesse de ton propos sur mon blog. Cela me fait vraiment plaisir de lire que mes chroniques t'apportent du réconfort ! C'est vraiment très agréable de se dire qu'elles peuvent aussi servir à cela. Prends soin de toi, l'ami, et à très vite !

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    3. Hello Martin, je vais y jeter un œil, merci. En attendant, je m'astreins à passer plus souvent par la console d'administration du blog.
      Et je maintiens : les 1001 bobines sont un joli coin qui parle bien du cinéma, des cinémas. Prends soin de toi, ami cinéphile.

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  2. Voilà un film qui m'interpelle, sans doute pour les mêmes raisons qui soulèvent dans ton propos des réserves. Je ne suis pas non plus un adepte de la Vie Sauvage, mais néanmoins cette philosophie mérite d'être éprouvée à bien des endroits. Il se trouve qu'en effet le cinéma s'en est emparé à plusieurs reprises. Martin a cité "Leave no trace" qu'il me faut voir absolument (surtout que j'ai beaucoup aimé le premier Granik, mais ce dernier est encore sous son blister), je pense aussi au très remarqué "Captain Fantastic", qui s'appuie sur la jeunesse du réalisateur.
    Et puis Cédric Kahn est un réalisateur qui questionne les communauté, les choix de vie et comme tu l'as très bien dit, les confronte au réel. On peut notamment voir à la suite de celui-ci ce qu'il propose dans "Une prière" avec ce jeune venu se "rééduquer" dans une communauté religieuse.

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    1. Je n'ai pas fait mention de "Captain Fantastic", que j'avais apprécié (surtout pour ses interprètes, Viggo Mortensen en tête). Merci de réparer cet oubli, Prince....et merci de ton passage sur ces colonnes.

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