En visionnant la très belle série "Le Bureau des Légendes" (voilà l'occasion de signaler que, oui, il est possible, en France, de créer de vraies bonnes séries télévisées) dont il est le principal architecte, l'envie m'est venue de revoir "Les patriotes" d'Eric Rochant, qui n'avait pas reçu le succès escompté en son temps. Pourtant, dès ce troisième film (après "Un monde sans pitié !" et "Aux yeux du monde"), l'ambition du cinéaste était là : évoquer l'espionnage de façon réaliste, à mille lieues de la vision glamour du célèbre agent anglais par exemple. Pourquoi, en utilisant une matière première assez similaire, "Les patriotes" n'eut-il pas le succès que rencontre la série "Le bureau des légendes" ? Tentons de répondre à cette question.
Jeune Juif français, Ariel décide de quitter Paris pour aller vivre dans un kibboutz, en Israël. Là-bas, il est recruté par le Mossad et apprend à devenir espion. Quand il reviendra en France, ce sera pour deux missions très différentes, mais tout aussi complexes, où les compétences qu'il a pu acquérir seront mises à profit. Son équipe va d'abord devoir convaincre un ingénieur de livrer les plans d'une centrale nucléaire irannienne, puis récupérer un agent américain désireux de changer de camp.
En partie basées sur des faits réels, les deux intrigues contées dans "Les patriotes" annoncent le parti-pris. On est ici dans un film d'espionnage réaliste, où les héros (si tant est qu'on puisse les qualifier ainsi) jouent plus de la manipulation que du Walter PPK. Pas d'explosions en technicolor, ni de grand méchant ayant décidé de conquérir le monde au petit déjeuner dans ce film. Le Mossad, dans ce film plutôt bien documenté, tente de parvenir à ses fins en utilisant des leviers plus intimes. Au final, c'est diablement plus convaincant que n'importe quel épisode des aventures de James Bond, même si "Les patriotes" ne joue évidemment pas dans le même registre.
Il y a de magnifiques idées de cinéma et une mise en scène qui sait les porter, dans "Les patriotes" et on peut se demander, encore aujourd'hui, pour la belle ambition du film ne fut pas récompensée à l'époque. Quelques éléments de réponse sont sans doute à aller chercher du côté du scénario. Bâti en deux parties, ce dernier ne peut que mettre en évidence le déséquilibre entre ces deux morceaux. Mais le fait est qu'une seule des deux missions auxquelles participe le héros n'aurait pas suffi à remplir un film. C'est là le paradoxe qui valut, je pense, à Eric Rochant d'essuyer pareil insuccès : à choisir entre ne traiter qu'une seule mission de son héros (et en tirer un film plus court, voire trop court) et aborder deux intrigues (quitte à ne les traiter qu'insuffisamment), le réalisateur fit le second de ces choix dont aucun n'était idéal. Enfin, on pourra aussi tiquer sur l'épilogue du film, sorte de happy-end forcé gâchant le réalisme qui tenait le coup jusque là.
Imparfait et sans doute trop ambitieux pour tenir en un film, "Les patriotes" comporte cependant quelques beaux morceaux qu'on ne vit jamais plus dans le cinéma français. Porté par une distribution épatante (les prestations de la jeune Sandrine Kiberlain, de Jean-François Stévenin et de Bernard Le Coq sont parmi les pépites de ce film), "Les patriotes" passe tout près du grand film qu'il aurait pu être. A défaut, c'est déjà un très bon film, qui augure de l'intérêt de son créateur pour un thème qu'il explorera plus tard de la manière que l'on sait. Si, au grand écran, Eric Rochant ne sut pas convaincre le public en parlant d'espionnage, il eut sa revanche beaucoup plus tard, au petit écran.
Tout vient à point à qui sait attendre...
Le Bureau des Légendes, vu 3 saisons, l'insupportable et peu crédible Sara Giraudeau à eu raison de mon enthousiasme initial.
RépondreSupprimerCa fonctionnait pas mal cela dit. ;-)
Comme tu l'as lu, j'ai bien accroché à cette série et si Sara Giraudeau n'était pas mon personnage préféré, me suis avalé les 5 saisons d'un trait.
SupprimerMerci du passage, Ronnie :)
"Le bureau des légendes", encore un série qui est dans mes cartons. Depuis le temps que je me dis qu'il faut m'y mettre !
RépondreSupprimerJamais vu "Les Patriotes" non plus. Quelle lacune...
Je vois que nous avons tous une pile de films à rattraper. Le confinement n'aura finalement pas suffi à la faire baisser ;-)
SupprimerUn film d'espionnage assez froid et lent, mais qui a développe son univers de manière cohérente et travaillée. On sent le sens du détail dans le script avec les méthodes d'espionnage évoquées en long, en large et en travers et le manque d'émotions des personnages correspond bien à l'univers.
RépondreSupprimerTout à fait ! Ce manque de chaleur a pu jouer en sa défaveur, à sa sortie, cela dit.
SupprimerMerci du passage, Borat !