dimanche 10 juillet 2016

Dune (1984)


Inadaptable, c'est un qualificatif qui revient souvent au sujet d’œuvres littéraires complexes, dont le passage au grand écran laisse augurer un ratage. Souvent attendu à la sortie par les admirateurs de l'œuvre originelle, le film qui en découle cause souvent des cris d'orfraie et plus rarement l'enthousiasme. Pour un "Fight club", combien de "L'écume des jours" ? "Dune", monumental cycle de science-fiction, fut en son temps adapté au cinéma par David Lynch, après avoir été envisagé (entre autres) par Alejandro Jodorowski. Produit par l'immense (à l'époque) Dino de Laurentiis, le film fut un bide monumental et est aujourd'hui regardé comme une curiosité kitsch. 

En l'an 10491 après la Guilde, l’Épice est la substance au centre de toutes les convoitises, et est produite sur la seule planète Arrakis, aussi appelée Dune par ses natifs. L'Empereur choisit de confier cette planète au Duc Atréides, qui vient s'y installer avec sa concubine Jessica et son fils Paul. La maison rivale, celle des Harkonnen, décide, avec le soutien de l'Empereur, de s'emparer du nouveau fief des Atréides. Paul et sa mère échappent au massacre et sont recueillis par les Fremen, la peuplade vivant dans les déserts de Dune. Et si Paul était l'Elu tant attendu, celui par lequel le destin de l'univers sera changé ?

Les romans de Frank Herbert ont profondément marqué leurs lecteurs, tant l'univers décrit y est structuré, complexe et empli de sens. Traduire pareille épaisseur dans un film de deux heures était une gageure. Quand il récupéra les droits de "Dune", Dino de Laurentiis, sur l'insistance de sa fille, subjuguée par le récent "Elephant Man", en confia l'adaptation au jeune David Lynch. L'éprouvant périple qui commença avec l'écriture du scénario ne se termina qu'à la sortie du film (et encore !). Faute de budget, les effets spéciaux furent à peine terminés et semblent bien bâcles à l'écran (en comparaison de ceux de films contemporains, comme 'Le retour du Jedi"). Le montage initial proposé par Lynch, long de quatre heures, dut être revu une première fois (donnant un film de trois heures), puis encore une fois sur l'insistance des producteurs. Au final, ce que Lynch qualifie encore aujourd'hui de son pire film fut un bide retentissant et compromit fortement l'avenir de Dino de Laurentiis (la suite de "Conan le destructeur" passa aux oubliettes, par exemple).

"Dune" méritait-t-il son sort ? On ne va pas se mentir, comme disait l'autre : cette adaptation est ratée. Malgré des moyens substantiels mis à sa disposition, Lynch ne produit ici qu'un capharnaüm de luxe, incompréhensible pour ceux qui ne connaissent pas l'univers des romans, et paraissant trahir ceux-ci aux yeux des lecteurs. La faute en revient essentiellement au scénario déjà rempli d'ellipses et de répétitions (un comble !) et à un montage fait en dépit du bon sens (on ne remerciera jamais assez les productions de mettre leur nez dans cette étape). Il est, par contre difficile d'accabler l'aspect esthétique du film, qui s'efforce de donner à l'univers de "Dune" une couleur unique, proche de ce qu'ont pu ressentir les lecteurs du matériau originel.

On pourra également apprécier un casting de luxe, même si tous les acteurs ne semblent pas persuadés du bien-fondé de l'entreprise à laquelle ils participent. Ajoutons à cela une version française calamiteuse (et là, on peut une nouvelle fois pointer le manque de professionnalisme des producteurs). Parfait exemple d'adaptation faite en dépit du bon sens et sans l'ambition nécessaire à l'ampleur de l'entreprise, ce film est un objet maudit, mal aimé, mais cependant difficile à défendre. Les autres transpositions de "Dune", qu'elles soient télévisuelles, vidéo-ludiques et j'en passe, méritent plus l'attention des admirateurs de Frank Herbert. 







8 commentaires:

  1. Contre toute attente, j'avais plutôt bien aimé, moi. Je n'ai pas lu les bouquins, mais l'imagerie du film était parvenu à m'embarquer un moment. Comme quoi...

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    1. Lors d'un récent re-visionnage, j'ai été plus indulgent avec ce film que je ne l'avais été la première fois. Comme quoi...

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  2. Comme tu l'écris, le film brille par ses défauts. Toutefois, il faut bien reconnaître qu'il possède aujourd'hui un charme dont sont dépourvus beaucoup d'autres productions SF. A mon sens, il est remarquable au moins à un titre : celui d'avoir joué la carte du space opéra décadent, gothique, voire sinistre, se démarquant nettement de l'héroïque fantaisie de la guerre des étoiles, ses nounours, son chevalier noir et son gnome vert.

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    1. Kitsch dès sa sortie, il ne peut plus vieillir ni se ringardiser. C'est déjà ça.

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  3. Perso je connaissais rien de Dune avant de voir ce film et pas de problème de compréhension. Le seul truc c'est que c'est un univers complexe et dense. Donc difficilement adaptable. Pour le reste c'est un divertissement correct qui a pris un grand coup dans la gueule.

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    1. Il eut fallu faire le choix de cisailler l'immense oeuvre de Herbert pour l'adapter correctement : on aurait eu plusieurs films (ou, idéalement, une série télévisée) de grande qualité.

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  4. Moi j'ai trouvé ça pas mal. Un peu démodé, mais une fois le concept admis, c'est plutôt inventif.

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    1. Une autre facette de la SF (genre ayant une infinité de facettes, cela dit), un peu kitsch, souvent bancal, mais attachant.

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