Nous vivons, paraît-il, une époque formidable. Il faudra en convaincre celles et ceux pour qui la vie quotidienne est synonyme de galère. Le cinéma, en média actuel qu'il sait être, a conté plus d'une fois la vie de gens qui chutent, parce que le monde ne veut plus d'eux. Spécialité britannique, la comédie sociale a connu quelques tentatives, pas toujours heureuses, de notre côté de la Manche. Malgré la présence à l'affiche de Sandrine Kiberlain et d'Edouard Baer, malgré sa promesse de feel good movie, "Encore heureux", sorti en ce début d'année, n'a pas fait le bonheur de ses producteurs...
Marie s'interroge sur sa vie. Sam, son rêveur de mari, depuis qu'il a perdu son poste de cadre supérieur, est devenu un ours misanthrope vivant dans la tente plantée au milieu du salon. Elle est obligée de voler dans les magasins, avec la complicité de ses deux enfants, pour nourrir sa famille. Sa mère survit tant bien que mal dans une maison de retraite dont elle aimerait la sortir. Et il y a cet homme visiblement épris d'elle, que Marie est bien tentée de suivre...
Partant d'un postulat de base que nombre de cinéastes auraient traité sous la forme d'un drame, Benoît Graffin (remarqué pour ses scénarios et dont "Encore heureux" est le troisième long métrage en tant que réalisateur) entraîne Marie et sa petite famille dans une fable où la morale et le réalisme prennent quelques coups. Pour la première, rien de grave : on a vu d'excellents films qui torpillaient joyeusement les convenances et "Encore heureux", de ce point de vue, peut se targuer de marquer quelques points de ce côté-là. Par contre, en ce qui concerne la crédibilité de toute cette histoire, il est permis de tiquer : en solidifiant un peu plus son scénario (auquel participèrent également Mila Tard, Déborah Saïag et Nicolas Bedos), Benoît Graffin aurait pu faire de ce film une comédie sociale toute en acidité, bien plus réussie qu'elle ne l'est finalement.
En choisissant la voie de l'improbable pour se dérouler, jusqu'à sa résolution et tordant gentiment le cou aux convenances, "Encore heureux" ne se soucie guère de la vraisemblance, au point qu'on renonce à croire à ce qui arrive à ses protagonistes. Ajoutons à cela une réalisation souvent pataude, insistant souvent lourdement alors qu'un brin de finesse aurait donné au film une légèreté bienvenue.
Heureusement, il y a les acteurs, à commencer par la sublime Sandrine Kiberlain, qui sauve à elle seule le film de la banalité et irradie de sa présence chaque scène où elle apparaît. Face à elle, Edouard Baer donne vie avec un vrai talent à son personnage d'homme déchu, mais finalement toujours debout. On donnera, une fois n'est pas coutume, une mention spéciale aux jeunes Carla Besnaïnou et Mathieu Torloting, qui incarnent les deux enfants du couple avec un vrai naturel, ainsi qu'à Bulle Ogier et à Benjamin Biolay. Une fois encore, ce sont donc les acteurs qui sont le plus bel atout du film.
Malgré un postulat de base intéressant, "Encore heureux" ne réussit pas, faute de mordant, à être la comédie sociale, ni le feel good movie qu'on aurait pu attendre. Les interprètes (servis par des dialogues souvent percutants et efficaces) sont le meilleur atout du film et méritent à eux seuls son visionnage. Cependant, il y a fort à parier qu'il ne marque pas les mémoires.
Je partage ton enthousiasme à propos de l'actrice Sandrine Kiberlain et j'ai tendance à la suivre les yeux fermés mais bizarrement pas avec ce film-ci, tout en étant incapable de t'expliquer pourquoi. Et j'ai bien été inspirée visiblement, tant je n'ai rien raté d'essentiel hmhm
RépondreSupprimerComme tu as pu le lire, Sandrine Kiberlain est le meilleur atout de ce film, qui s'oublie vite, cependant. Tu peux t'en dispenser, Sentinelle...
SupprimerJ'aime beaucoup Sandrine et Edouard, ce qui m'a presque incité à aller voir le film au moment de sa sortie cinéma. Et puis non ! Finalement, je suis passé à côté. Je le verrai sans doute lors d'un passage télé, même si je me dis aussi que ce genre de chroniques sociales (référencées ?) prend vite de l'âge à mesure que le temps passe. Merci pour ta chronique, Laurent.
RépondreSupprimerTu pourras, je pense, te rattraper sur le petit écran et retrouver avec plaisir la divine Sandrine (qui sauve le film à elle seule, je me répète).
SupprimerMerci du passage, Martin