lundi 13 juillet 2015

47 Ronin (2013)




En 1701, au Japon, un groupe de samouraïs dont le daimyo avait été contraint de faire seppuku décida de venger son maître déshonoré. Ils allèrent jusqu'au bout de leur vendetta, tout en sachant qu'elle ne pouvait que les conduire, eux aussi, au suicide rituel. Aujourd'hui encore, après avoir donné lieu à maints traitements, et par nombre de médias différents, l'histoire de ces 47 ronin fait partie de l'histoire nationale du Japon, tant elle porte au pinacle la notion même d'honneur. La dernière adaptation en date de cette histoire nous est venue d'Hollywood et, après une genèse chaotique, fut un échec commercial cinglant. 

Kai, enfant trouvé dans les bois, est un sang-mêlé que Naganori Asano, le daimyo de la province de Ako a recueilli tout bébé. Lorsque le grand Shogun, accompagné du seigneur Kira, vient visiter Ako, des festivités en l'honneur du maître du Japon sont organisées, dont un duel entre les champions de Asano et celui du Shogun. 
Le perfide Kira, par l'entremise de la sorcière qui le seconde, prend Asano au piège. Contraint au suicide rituel, le daimyo laisse ses samouraïs  (et Kai) sans maître. Devenus des ronin, ceux-ci jurent de venger l'honneur d'Asano...et donc de tuer Kira.

L'histoire des 47 ronin est une véritable ode à l'honneur, tel qu'il est célébré par les samouraïs japonais. C'est sans doute de peur que le public ne puisse franchir le fossé culturel séparant cette culture des repères occidentaux que les scénaristes ont pris pas mal de libertés avec l'histoire originale. S'emparer d'un mythe, que dis-je, d'un monument national, pour en faire une oeuvre destinée à un public international, soit. Mais, en l'occurrence, l'histoire des 47 ronins a été sacrément passée à la moulinette pour pouvoir être ingérée par tous.
Non content d'y greffer un personnage occidental, interprété ici par Keanu Reeves (toujours aussi peu expressif), les producteurs ont cru bon d'ajouter à la très belle histoire de ces samouraïs perdus une épaisse couche de fantastique, pensant sans doute que, parce que c'est en vogue, cela rendrait le film plus bankable. Voyant sans doute que cela ne suffisait pas, ils usèrent du gros levier de la romance impossible entre Kai et la fille du daimyo, quitte à obtenir un film extrêmement chargé. 

Doté d'un budget dantesque (200 millions de dollars, paraît-il), "47 Ronin" les engloutit dans des décors somptueux, des costumes superbes, mais aussi pas mal d'effets spéciaux foireux et souvent peu utiles à l'histoire. Le réalisateur, Carl Erik Rinsch, dont c'était le premier long métrage, semble n'avoir à aucun moment contrôlé le projet qui lui fut alors confié.  
Après un tournage chaotique et une post-production calamiteuse, de multiples reports de sortie (dus en partie à une inutile conversion en 3D), lorsqu'il sortit enfin en salles, "47 Ronin" partait avec un gros handicap, et fut naturellement le désastre financier annoncé. 

Le pire est sans doute que "47 Ronin" n'est même pas l'épouvantable bouse criée ça et là. Doté d'indéniables qualités esthétiques et réussissant par moments à porter l'esprit de l'histoire originelle, ce film maudit reste un honnête divertissement, voire une oeuvre dont transpire parfois le matériau originel, sous les épaisses couches de fantastique, de romance et d'action qui le recouvrent la plupart du temps. Esthétiquement très réussi, "47 Ronin" rate le but qu'on aurait pu lui fixer, à cause d'un scénario lourdingue, alors que l'épure lui aurait conféré de grandes vertus. 
On notera enfin une belle bande originale, hélas souvent trop présente, malgré ses qualités. 

Il y a fort à parier que "47 Ronin" rejoigne "John Carter" au rang des échecs qui condamnèrent leur réalisateur au purgatoire, avant de finalement trouver grâce aux yeux de quelques fans. En attendant, loin d'être la purge clamée ça et là, ce film mérite sans doute un peu d'indulgence. 


11 commentaires:

  1. A la différence que Andrew Stanton peut toujours revenir chez Pixar (comme Brad Bird avec Les Indestructibles 2 après l'échec commercial de Tomorrowlannd) comme le prouve Le monde de Dory qui sortira l'an prochain. ;)
    Pour le reste un film qui s'est fait dézingué plombé par une promo à la ramasse (on met un tatoué visible durant 15 secondes sur les affiches et pas Hiroyuki Sanada qui est le deuxième rôle principal) et bouffé par son studio. Un film fort sympathique qui n'est jamais meilleur que quand il évoque l'honneur de ses ronins en titre. D'autant que cela joue plutôt bien. Dommage pour le gendre de Ridley Scott qui a pourtant du talent à revendre.

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    1. Si l'on fait abstraction de la promotion désastreuse de ce film, on constate, en le visionnant, qu'il n'est vraiment pas si mauvais que cela et aurait gagné à être mieux fignolé, et surtout mieux vendu. Quel gâchis.

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    2. J'avais hésité à le voir et quand il ne fut plus exploité j'ai demandé à un camarade de fac, histoire de découvrir la chose. J'ai été fort surpris. Et quand j'ai lu un peu plus dessus tu vois que ce n'est pas le réalisateur qui a merdé mais Universal. Ils voulaient un film de sabre puis un film fantastique puis reshoots en pagaille et puis on supprime un peu de fantastique. Pas possible de foutre en l'air sa production.

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    3. Un bel exemple de saccage par le studio, effectivement.
      Merci de tes apports et de ta fidélité à ce blog, Borat !

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  2. "Le pire est sans doute que "47 Ronin" n'est même pas l'épouvantable bouse criée ça et là." c'est tout à fait ça ! C'est très loin d'être un grand film, mais ce n'est pas déshonorant pour autant. Il se laisse voir grâce à ses indéniables qualités esthétiques et à ces détails culturels flottant à la surface d'un script fourre-tout.

    La preuve que l'occidentalisation des récits n'est pas gage de succès.

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    1. Tout à fait : un film plutôt honorable (ça tombe bien, c'est le thème).
      Merci de ta fidélité, 2flicsamiami

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  3. J'étais sûre qu'un jour il finirait sur ton blog ! Ce film possède un bon capital sympathie malgré son échec au cinéma. L'utilisation du fantastique m'a déroutée au début et puis je me suis habituée. J'avais aussi un peu peur de la présence d'un occidental au casting mais Keanu n'est pas le centre du film. Au final, j'ai passé un bon moment et de ce que j'ai lu dans les commentaires précédents (avec les magouilles d'Universal),ça aurait pu être bien pire. Dommage que le réalisateur ait été torpillé (si j'ai bien compris) parce qu'il avait compris, notamment sur l'esthétisme, le cinéma asiatique

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    1. Nous sommes tout à fait d'accord et je suis bien content, finalement, de l'avoir vu. Si ce billet peut lui redonner quelque chance, j'en serai ravi.
      Merci de ta fidélité, Mel :)

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  4. Même impression chez moi. J'ai plutôt été agréablement surpris par cette production qui promettait d'être kitsch et lourdingue à souhaits. Universal a vraiment un problème pour vendre ses films, fait des choix calamiteux (je ne reviendrai pas sur l'exploitation honteusement sacrifiée du dernier Michael Mann). Cette version japonisante du folklore mondial vaut en tous cas nettement mieux que l'imbitable "roumaniement" du "Dracula untold" qui tentait une ultime transfusion de sang neuf à ce vieux comte transylvanien.

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    1. Je vois que nous sommes finalement nombreux à avoir cette impression : un film plutôt agréable à regarder, même s'il fut massacré par son studio.
      Merci d'être passé, Prince.

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  5. Moi j'ai vraiment beaucoup apprécié ce film. J'ai été contente de retrouver des créatures du folklore asiatique (bien que je ne comprends pas pourquoi ils veulent tuer le Kilin au début du film, c'est normalement une créature sacrée porteuse de bonne augure....).
    Bref, un bon divertissement et une histoire qui m'a emportée.

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