samedi 15 octobre 2016

John Carter (2012)



Avant que Disney ne s'empare, à grands coups de dollars, de Lucasfilm, il y eut de la part du géant aux grandes oreilles une tentative d'incursion dans la science-fiction. Utilisant comme matériau de base le roman "Une princesse de Mars" d'Edgar Rice Burroughs (le papa de Tarzan), Disney s'aventura sur les terres de George Lucas, le space opera. Il est intéressant de noter que, depuis Star Wars, aucune autre saga sidérale n'a réussi à s'implanter durablement et à générer un triomphe comparable. A ce titre, l'expérience "John Carter" (budgetée aux alentours de 250 millions de dollars) est déjà louable. Malheureusement, elle se solda par un des échecs commerciaux les plus mémorables de ces dernières années.

Mars n'est pas la planète qu'on croit : il s'y déroule des luttes entre des peuples ennemis depuis toujours. Sur Barsoom (le nom qu'elle porte là-bas), les martiens rouges (ressemblant aux humains) se déchirent, tandis que les martiens verts (des humanoïdes de grande taille à quatre bras) tentent de se maintenir à l'écart du conflit.
Sur Terre, John Carter, soldat de l'Etat de Virginie, poursuivi par l'armée américaine et les Amérindiens, se retrouve propulsé sur la planète rouge sans comprendre ce qui lui arrive. Il devra faire ses preuves et devenir un héros...

Le roman "Une princesse de Mars",  d'Edgar Rice Burroughs (le papa de "Tarzan", accessoirement) a probablement nourri bon nombre de réalisateurs de science-fiction. Burroughs, l'un des pionniers de la science-fiction, aurait mérité depuis des décennies qu'on lui rende hommage autrement qu'en digérant lentement son oeuvre, pour n'en livrer ça et là que quelques traces d'un legs indéniable. Car le plus grand défaut du "John Carter" de 2012 (il en existe une autre adaptation, datée de 2010 et sortie directement en vidéo), c'est d'arriver trop tard, tel le fils légitime et prodigue revenant au foyer après que l'héritage ait été dilapidé. 

A la réalisation, on retrouve un ancien de Pixar (vous savez, l'ancienne division "animation" de LucasFilm, avalée il y a quelques années par...Disney, décidément) : Andrew Stanton, qui avait fait preuve d'un énorme talent créatif sur le génial "Wall-E" et "Le monde de Nemo". A la réflexion, pour réaliser un film gorgé d'effets spéciaux numériques, c'était sans doute l'un des meilleurs choix : le fait est que Stanton fait montre de tout son talent dans certaines séquences où il arrive à faire oublier la présence des fonds verts.

Il y avait de la matière, dans le roman originel de Burroughs (dont le personnage apparaît furtivement dans le film), d'une densité telle qu'on s'y perd un peu, du moins dans la première heure du film qui aurait gagné à être simplifiée. A force d'ellipses et parce qu'il injecte beaucoup de personnages, d'enjeux et de nouveautés, "John Carter" peut dérouter, voire perdre une partie de son public. Il faut attendre la seconde heure du film pour que l'épopée l'emporte et qu'on prenne vraiment plaisir au spectacle. C'est dommage, parce que cet univers avait un réel potentiel et surtout un ton unique, quelque part entre space opera et steampunk

On pourra déplorer le jeu un peu fade de Taylor Kitsch, qui incarne John Carter sans foi ni charisme. De même, le scénario n'est en rien novateur et ne surprendra pas les amateurs du genre. Cela dit, la réalisation de Stanton et l'esthétique du film sont souvent de haute volée. Ajoutez à cela une superbe bande originale de Michael Giacchino (qui assurera prochainement la partition de "Rogue One") et vous comprendrez que les atouts de film sont à la hauteur des regrets qu'il inspire. 

Mais le fait est que "John Carter", sans être le film du siècle, est un honnête divertissement, sabordé par la façon dont il fut vendu au public : un space opera, dont les affiches annonçaient qu'il était destiné aux enfants, tout en affichant clairement son côté adulte : de quoi y perdre son latin. Ce n'est pas la première fois qu'on peut se faire cette réflexion, ni la dernière, mais le fait est que Disney semble ne plus savoir vendre un film. 

On connaît la fin de l'histoire : le film fut un gouffre financier qui eut raison du président de Walt Disney Studios, débarqué après ce cuisant échec. La boîte à Mickey s'en remit cependant fort bien, en achetant quelques mois plus tard LucasFilm (pour quelques milliards de dollars) : plutôt que de loucher sur le succès de la licence Star Wars, autant s'en emparer. Une fois de plus, Disney prouva qu'il savait vendre des licences, mais pas des univers.

Mais, si "John Carter" avait eu le succès qu'il méritait, l'histoire aurait été radicalement différente, sans doute...


15 commentaires:

  1. Merci pour cette chronique, Laurent ! J'ai très envie de lui donner sa chance, à ce petit film. Je ne l'ai pas encore vu passer sous mes radars, mais à la première occasion, je tâche de ne pas le louper. Je suis sûr effectivement qu'il vaut mieux que sa faible réputation.

    Et puis, il y a Willem Dafoe ? Rien que pour ça...

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    1. Je pense qu'il mérite mieux que son sort funeste. Si tu lui consacres un billet, je le lirai avec la même attention que ceux qui nourrissent "Mille et une bobines", Martin.

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  2. Perso j'aime beaucoup de film ! Je sais qu'il s'est fait descendre par les critiques, ce qui m'a étonné car je ne lui trouve pas plus de défaut qu'un blockbuster actuel rapportant gros (par exemple, certains films MARVEL....). Enfin bref.
    Pour moi c'est un bon divertissement, qui a le mérite de dépayser et d'apporter un bestiaire intéressant. J'aime ça. :)

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    1. Il est clair qu'il ne méritait pas son triste sort, ce brave John Carter. Merci du passage, Avel.

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  3. Perso, ce n'est pas du tout son échec commercial qui fait que je ne suis pas attirée par ce film. L'univers, l'affiche, le titre... rien ne me donne envie !

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    1. C'est bien ce que je dis : il a été fort mal vendu...pourtant, si on s'y penche, il a pas mal d'atouts.
      Merci de ta fidélité, Tina !

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  4. Je n'ai pas aimé du tout. Le commentaire de Tina m'amuse "L'univers, l'affiche, le titre... rien ne me donne envie !" Et bien je dirais que le film correspond bien à l'univers, l'affiche, le titre... ! Un truc de mec testostéroné mi super-héros, mi fantasy... Ras-le-bol !

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    1. Un peu dur, ce jugement, je trouve. Il a de vraies qualités esthétiques, ce film, et aussi le mérite d'essayer un univers un peu nouveau. Mais il est clair que l'affiche ne fait pas envie...
      Merci d'être passée, Chonchon.

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  5. Le film a pas tant perdu que ça et surtout il s'est bien vendu en dvd et br. Le film est aujourd'hui totalement reconsidéré ce qui n'est pas le cas d'un Lone ranger par exemple. Le réel problème de John Carter c'est que Star wars, Flash gordon et Avatar ont tous été pioché dans les livres de Burrough et le plus ironique est de dire aujourd'hui que ce film John Carter s'inspire d'eux! Ce qui revient à marcher sur la tête. Triste que ce space opera est probablement un de mes films cultes des 2010's. Un superbe film magnifique dans son visuel et sa musique, avec un personnage complexe (la scène où il affronte une horde de tarks est monumentale de dramaturgie) et un univers concret. J'espère qu'un jour John Carter reviendra au cinéma.

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    1. A mon humble avis, John Carter mériterait même une série, qui permettrait de développer son univers, ses enjeux et ses personnages. Pour le coup, ce film reste un échec...et a été jugé bien durement (j'en veux pour preuves certains des commentaires de nos amies communes), je trouve.
      Merci de ton passage, Borat !

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    2. Oui pourquoi pas, mais il faudrait de gros moyens, Andrew Stanton ayant même eu droit à des reshoots visiblement bénéfiques. Disney n'était vraisemblablement pas mécontente du film, c'est juste qu'ils n'ont pas su le vendre et si le film s'est planté c'est à cause de ça. Pas du sujet, ni même du film lui-même. Un blockbuster mal vendu les trois quarts du temps il se plante. Surtout qu'à cette époque (mars 2012 donc) il n'avait pas de réelle concurrence. Un film comme Cloud Atlas à la rigueur je le comprends car c'est un véritable défi narratif, mais pas un John Carter. Le film aurait pu autant plaire qu'Avatar qui s'inspire des mêmes bouquins. C'est ça le plus triste.
      Je trouve Chonchon assez dure, car justement ce film n'est pas un gros truc avec un mec bodybuildé qui défonce du bonhomme à tour de bras. C'est avant tout un homme veuf dans les pires conditions possibles et trouvant un nouvel el dorado et une nouvelle mission grâce à une princesse. Puis surtout c'est ce que je disais, Chonchon dit en avoir ras le bol de ce type de films mi super-héros, mi fantasy, mais les romans sont à l'origine de ce type de films qu'aujourd'hui elle voit. Les Star wars, les Avatar, même certains super-héros héritiés du pulp. Quand Doc Savage de Shane Black va se dévoiler avec The rock, j'attends ce type de réactions "mais on dirait un truc d'autrefois", "un film à la Indiana Jones"... Mais ils ne sauront peut être pas que c'est CE type de romans pulp qui ont inspiré Indiana Jones. ;) C'est un cercle vicieux en fin de compte.

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    3. C'est une vraie malédiction qui s'est abattue sur ce film...ou, plus bêtement, un problème de timing : s'il était sorti quelques dizaines d'années plus tôt, ce serait maintenant un classique.
      Cela dit, sa promotion fut et reste une catastrophe.

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    4. Et pourtant adapter John Carter ne date pas d'hier. Il devait être initialement le premier long métrage d'animation mais la MGM n'y a jamais cru. Walt Disney a tout rafflé avec Blanche Neige. Dans les années 80-90, John McTiernan devait le réaliser sur un script de Terry Rossio et Ted Elliott avec Tom Cruise. Le projet s'est planté car les moyens de réaliser le film n'est pas encore concret. Jon Favreau a essayé de relancer le projet dans les 2000's et finalement le projet est venu à Andrew Stanton. C'est un mauvais concours de circonstance au final.

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  6. Pas encore suivi Carter sur la planète rouge. J'avoue que comme Tina, je fus rebuté par les visuels. Mais en lisant cette chronique et l'avis de Borat, me démange soudain l'envie de partir à la découverte de ce film maudit.

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    1. Je serai ravi de lire ton avis sur ce film, Prince...au sujet des visuels, je me souviens, en voyant les affiches ça et là dans l'espace public, d'avoir été proche du dégoût. Comme quoi, le contenant et le contenu peuvent être bien différents...

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