Sorti en pleine campagne présidentielle (et, à ce titre, accusé d'être partisan), le dernier film de Lucas Belvaux, "Chez nous" n'a sans doute pas eu d'effet sur les suffrages. Même si on parlât quelque peu de ce film lors de sa sortie, il n'eut pas le succès que l'on aurait pu escompter. Pourtant, il fait partie des quelques rares tentatives du cinéma d'explorer la politique française, qui plus est en prenant un angle social : ce ne sont pas les élus qui sont filmés, comme dans le remarquable "L'exercice de l'état". Avec le recul, on peut sans doute mieux juger de sa valeur en tant que film.
Infirmière à domicile à Hénart, dans le Nord, Pauline est appréciée de tous pour sa gentillesse, sa compétence et l'énergie qu'elle déploie auprès de ses patients, de ses deux enfants et de son père malade. Quand elle est approchée pour être tête de liste sous les couleurs du parti d'extrême-droite, Pauline hésite : après tout, elle est bien placée pour voir que tout ne va pas si bien, dans sa région. Le regard des autres sur Pauline change d'un coup, entre admiration et haine : une étrange machine s'est mise en marche, quitte à la dépasser.
On laissera de côté la polémique qui entoura la sortie de ce film, objet d'une tempête dans un petit verre d'eau, sans grande justification finalement. Concentrons-nous sur le long métrage et ce qu'il raconte. Sa première partie, sans doute la plus réussie, décrit l'instillation d'une idée, à la (dé)faveur d'un contexte. Comment la très humaine infirmière accepte-t-elle d'être investie par un parti aux antipodes de son patrimoine (son père fut militant communiste, en l'occurrence) ? C'est dans cette première moitié du film que Lucas Belvaux se montre le plus habile, car on comprend la démarche de Pauline, même si elle peut susciter des réactions diverses. Entre drame social et chronique politique (mais à hauteur de citoyen, ce qui fait toute la différence), "Chez nous" décrit la mécanique d'un parti pas comme les autres, d'un ton presque documentaire (et sans doute peu éloigné de la réalité). Le sentiment de réussite de l'entreprise est, hélas, tempéré par la deuxième partie du film, moins efficace, parce que plombée par une dose de romanesque finalement peu utile et une résolution décevante.
En dehors de ce bémol, il faut saluer l'autre atout de ce film engagé : la formidable Emilie Duquenne, exceptionnelle dans le rôle de Pauline, témoin d'une époque. Encore une fois remarquable, l'actrice mérite le visionnage du film à elle seule. A ses côté, on appréciera la prestation de Guillaume Gouix, tandis que celles d'André Dussolier et, surtout, de Catherine Jacob peuvent décevoir. En dirigeante d'extrême droite, cette dernière est trop caricaturale (et trop dans l'imitation d'une femme politique bien réelle, surtout) pour être crédible.
Engagé parce qu'il décrit comment fonctionne le recrutement d'un parti et, surtout, que ce parti n'est pas n'importe lequel, "Chez nous" a nombre de vertus pédagogiques, à l'adresse tant de la célèbre "France d'en bas" qu'à ceux qui prétendent au pouvoir (et apprendraient beaucoup à regarder plus souvent vers le bas). Sans sa conclusion, qui peut paraître bâclée, surtout si on la compare à sa première partie, "Chez nous" aurait pu être un grand film.
J'avais "zappé" ce film, qui ne me paraissait pouvoir ne convaincre que les seuls convaincus. Je le rattraperai peut-être un jour ou l'autre. Émilie Dequenne le mérite: c'est une grande actrice, que je trouve bonne dans tous ses films !
RépondreSupprimerElle est effectivement le plus bel atout de ce film, très intéressant, du reste.
SupprimerMerci de ta fidélité, Martin.