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mardi 30 mars 2021

Pourquoi j'ai pas mangé mon père (2015)

 


Le roman de Roy Lewis "Pourquoi j'ai mangé mon père" fait partie des classiques, aux yeux de bien des lecteurs (je vous le recommande au passage). Aussi, quand Djamel Debbouze l'utilisa comme matière de base pour un film en motion-capture, on aurait pu s'attendre à ce qu'il connaisse un succès d'audience. Ce fut loin d'être le cas et le film ne rentra qu'à peine dans ses frais. Innovant (en utilisant notamment des scènes jouées par Louis de Funès, tout de même) et ambitieux (pour une production en partie hexagonale), aurait-il pu faire mieux ?

Bien avant que l'homme ne soit Homo sapiens, Edouard, fils oublié du Roi des Simiens, compense son physique défavorable par son ingéniosité et sa générosité. Qu'importe s'il est rejeté par ceux qui sont les siens, Edouard, en compagnie de Lucy, les guidera vers l'évolution, inventant au passage la bipédie, le feu, et l'amour, entre autres. Forcés de descendre des arbres, les Simiens vont se mettre en marche vers l'humanité...

Malgré son titre, "Pourquoi j'ai pas mangé mon père" n'est pas une adaptation du roman de Roy Lewis, loin s'en faut. Il s'agit plutôt d'une appropriation par Djamel Debbouze du matériau (qui mériterait sans doute un vrai passage à l'écran), qui en modifie notablement le message. Là où Roy Lewis moquait ses contemporains et son monde, ce film met en vedette le petit malin face à la majorité et, usant d'une recette habituelle, nous montre que la gentillesse peut triompher (c'est une fiction, je vous le rappelle). 

Derrière la caméra, Djamel Debbouze s'offre aussi le rôle principal, en incarnant Edouard, petit simien ayant beaucoup (trop, peut-être) de points communs avec son interprète. On a parfois le sentiment d'assister à un show donné par l'humoriste, au point que l'histoire s'efface souvent derrière la prestation et les vannes. Comme pour renforcer le positionnement de son film dans le registre de la comédie, Djamel Debbouze s'offre un guest de luxe en la présence du vénérable Louis de Funès, dont la gestuelle a été captée numériquement. Le résultat est troublant et pourra ravir autant que gêner les spectateurs.

Ambitieux mais turbulent, cette fausse adaptation comporte de jolis moments, mais aussi beaucoup d'agitation et de bruit. Trop, peut-être, pour revendiquer la paternité du roman, parce qu'on a souvent l'impression d'assister à une démonstration d'effets comiques (la plupart du temps efficaces, mais pas toujours, hélas). Utilisant un terrain de jeu pas forcément vendeur et revendiquant la filiation avec un classique qu'il ne respecte finalement pas, "Pourquoi j'ai pas mangé mon père" s'avère une tentative intéressante, mais bancale. 



mercredi 17 février 2021

Pas son genre (2013)


Si on se fie à son affiche, "Pas son genre", de Lucas Belvaux, ressemble fort à une comédie romantique. Ce serait mal connaître ce cinéaste venu du nord, plus habitué à explorer les âmes qu'à se réfugier dans la facilité de la romcom. Avec, en tête d'affiche, la trop rare Emilie Dequenne, ce film eut un succès d'estime (comprenez par là qu'il ne déchaîna pas les foules). Histoire de vérifier que nous ne sommes pas passés à côté d'un joli film, voire d'une grande œuvre, penchons-nous un instant sur "Pas son genre". 

Parisien dans l'âme, Clément, professeur de philosophie reconnu est affecté à Arras, où il ne connaît personne. Là-bas, alors qu'il erre, il tombe sous le charme de Jennifer, coiffeuse de profession, dont les affinités sont à mille lieues des siennes. Elle aime le karaoké et les journaux people, il s'intéresse à Kant et participe à des conférences de haut niveau. Les deux amants ont-ils un avenir ensemble ? Ou leurs différences sont-elles trop fortes ? 

En adaptant le roman éponyme de  Philippe Vilain, Lucas Belvaux n'ambitionnait sans doute pas de répondre à ces questions, mais avait l'immense mérite de les poser. Si "Pas son genre" était une véritable comédie romantique et respectait le cahier des charges du genre, les deux protagonistes finiraient pas vaincre leurs différences, au nom de l'Amour, celui qui met à bas les barrières et vainc tout. Seulement, comme je le disais en exergue, nous ne sommes pas, malgré ce que pourrait laisser penser l'affiche, dans une romcom. Loin de moi l'idée de vouloir déflorer la fin de l'histoire, mais vous aurez peu l'occasion de rire, ni même de sourire, en visionnant "Pas son genre". Lucas Belvaux, l'air de rien, pose de véritables questions, avec ce petit film plus malin qu'il n'y paraît. Peut-on aimer quelqu'un qui n'appartient pas à notre milieu social ? A-t-on un futur quand on vient de milieux diamétralement opposés ? 

Questionnant sans torturer (on l'en remercie au passage), le réalisateur belge donne surtout à ses acteurs l'occasion de livrer deux jolis numéros, chacun dans leur style. Avant de la mettre en scène dans le très militant "Chez nous", Lucas Belvaux offre ici un beau rôle, souvent poignant, à Emilie Dequenne, qui n'était pourtant pas le premier choix du réalisateur. On imagine cependant mal  le personnage central de "Pas son genre" incarné par une autre interprète, tant elle est spontanée et donne à son rôle l'épaisseur nécessaire. Face à elle, Loïc Corbery, tout en retenue et en intériorité, est également une belle surprise. 

On pourra regretter que "Pas son genre" fasse un peu de sur-place dans sa dernière partie, laissant l'impression qu'il s'agit de remplissage. Le film aurait probablement gagné à être un peu plus court, mais produit cependant son petit effet, à base de charme et d'amertume à la fois. 



mardi 22 décembre 2020

Nevada (2019)

Le cheval, plus noble conquête de l'homme, a très tôt fait partie du cinéma, relégué au rang d'accessoire, voire de second rôle. Quand certains films en firent leur élément central (je songe évidemment à "L'homme qui murmurait à l'oreille des chevaux", par exemple), témoignant de la place à part de cet animal. Laure de Clermont-Tonnerre avec "The mustang", renommé "Nevada" pour sa sortie française, a mis le cheval au centre de son film. Malgré un joli succès critique et quelques récompenses (notamment du côté du festival de Sundance), ce film n'a pas eu un succès immense dans l'hexagone. 

Incarcéré au Nevada, Roman s'est enfermé dans le mutisme et la violence. Même les visites de sa fille ne peuvent le sortir de son enfermement. Quand il intègre un programme de réhabilitation, où il devra dompter les plus sauvages des mustangs, Roman va devoir avant tout apprendre à communiquer et à contrôler sa rage.
Le cheval qui lui est confié est, lui aussi, emprisonné là, et indomptable.
Lequel des deux apprivoisera l'autre ?

Il y a quelque chose du western dans ce film où l'homme et le cheval cherchent à s'apprivoiser, et à retrouver leur liberté. Pour son premier long métrage, Laure de Clermont-Tonnerre, la réalisatrice, choisit pour raconter ce parcours, un mix inattendu. Le choix s'avère payant, le résultat donnant un film qui accroche son spectateur et ne le lâche plus ou presque. Un scénario simple, mais pas simpliste, qui aurait même sans doute gagné à être épuré (l'amorce d'intrigue secondaire relative au compagnon de cellule du héros n'apporte rien), et surtout de très belles images, alimentant une belle histoire humaine, voilà les composantes de "Nevada". 

Mathias Schoenaerts, tout en silences et en violence rentrée, donne ici la démonstration de son talent, dans un rôle qui aurait facilement pu sombrer dans la caricature. Le film repose presque exclusivement sur ses épaules, mais il n'écrase pas de sa présence les seconds rôles. On soulignera au passage les prestations toutes en équilibre de Bruce Dern, en éleveur bourru et de Jason Mitchell en compagnon de réclusion du héros. Dans l'ensemble, le casting est une réussite et apporte au film la dose d'humanité nécessaire. 

Loin d'être un énième film sur l'univers carcéral, "Nevada" raconte une rédemption, un morceau de vie. On pourra le taxer de naïveté, voire de candeur, mais c'est avant tout d'humanité qu'il traite. Le procédé est simple, qui met l'homme face à l'animal pour exprimer ses tourments, mais il fonctionne, n'étant utilisé ni avec lourdeur ni avec complexité. 

Voilà une belle surprise que ce film sur la rédemption et la liberté. Avec "Nevada", Laure de Clermont-Tonnerre livre un long métrage réussi dans un décor qu'elle avait déjà exploré dans "Rabbit", court-métrage remarqué au Sundance Festival. Sous le parrainage de Robert Redford (entre autres), la réalisatrice réussit son galop d'essai. Gageons qu'elle ne s'arrêtera pas en si bon chemin...



mardi 17 mars 2020

Des nouvelles de la planète Mars (2015)



Le réalisateur Dominik Moll, est essentiellement connu pour "Harry, un a:i qui vous veut du bien", son deuxième long métrage, qui fut un réel succès public et critique. S'attachant souvent à créer des ambiances particulières, basées sur un élément perturbateur, il a aussi œuvré du côté du petit écran, notamment avec la série "Tunnel". L'un de ses derniers films, "des nouvelles de la planète Mars", malgré un casting intéressant, ne reçut pas le succès attendu, bien qu'il fut passé par la case de la Berlinale. Avons-nous laissé passer un grand film ?

Philippe Mars, informaticien et père de famille divorcé, est sans doute trop gentil. Élevant comme il le peut ses deux adolescents d'enfants, il rencontre un jour Jérôme, un collègue particulièrement perturbé. Pour rendre service, Philippe accepte de l'héberger. La vie déjà compliquée de Philippe devient encore plus difficile, quand Jérôme s'immisce de plus en plus dans la famille Mars, en y introduisant son amie Chloé, évadée d'un hôpital psychiatrique.

Dominik Möll, qui avait déjà livré le très étonnant (et dérangeant) "Harry, un ami qui vous veut du bien", joue ici encore de l'intrusion d'un élément perturbateur et de ses conséquences dans un univers a priori bien rodé. Si, avec son opus le plus célèbre, il pratiquait l'exercice du thriller psychologique, tout en froideur et en malaise, "Des nouvelles de la planète Mars" s'aventure de temps à autre sur le territoire de la comédie, sans pour autant mettre le spectateur totalement à l'aise.

C'est un curieux film que ce "Des nouvelles de la planète Mars", qui voit son héros jongler tant bien que mal avec les péripéties du quotidien, alors que ce même quotidien se fait un malin plaisir de lui mettre des bâtons dans les roues. Si, quand il s'agit de décrire cet ordinaire qui ne le reste pas longtemps, "Des nouvelles de la planète Mars" réussit son coup, il est moins convaincant pour ce qui est de mener à bien son intrigue, si tant est qu'il en contienne vraiment une. C'est le peu de consistance de son axe principal qui est son plus grand défaut. Faute d'une vraie colonne vertébrale, le film suit tant bien que mal son petit bonhomme de chemin (pas toujours carrossable) mais peut, à l'arrivée, décevoir.


Une fois encore, c'est avec les interprètes que l'on pourra se consoler, si besoin. Tout en sobriété, François Damiens montre ses talents de comédien, face à un Vincent Macaigne remarquable, soutenu dans la seconde partie du film par l'épatante Veerle Baetens. Tous se coulent sans mal dans l'étrange univers de Dominik Moll et concourent à la crédibilité de l'ambiance, où le malaise s'instille doucement dans un univers a priori normal. Leur prestation aurait sans doute mérité une intrigue plus épaisse, mais reste l'atout principal de "Des nouvelles de la planète Mars".

S'il est quelques faiblesses dans ce film, il comporte cependant de vrais points positifs qui empêchent de mal le considérer. Pour son ambiance et ses comédiens, "Des nouvelles de la planète Mars" mérite le détour, même s'il ne laissera sans doute pas un souvenir impérissable.


jeudi 2 janvier 2020

Le Tout Nouveau Testament (2015)

Avant tout, je souhaite aux lecteurs (habitués ou non) de ce blog, une très belle année 2020. Qu'elle soit pleine de bonheur(s), petit(s) et grand(s) !


Jaco Van Dormael, connu surtout pour "Toto le héros" et "Le huitième jour", a montré plus d'une fois une véritable ambition, notamment avec "Mr Nobody", qui n'avait pas connu un franc succès. Son dernier opus, "Le Tout Nouveau Testament", dont le pitch était des plus prometteurs, mais également très risqué, fait également partie des films qui passèrent à côté de leur public. Malgré un casting remarquable, avons-nous laissé filer un grand film ? Aurions-nous dû nous presser dans les salles pour y rencontrer ce Dieu qui habite à Bruxelles ?


Dieu est un sale type, omnipotent qui plus est. Il passe son temps à créer des catastrophes et à nuire à l'humanité, sa création. Tandis que sa femme est cantonnée aux tâches ménagères, la fille de Dieu, Ea décide d'intervenir. Elle choisit d'envoyer à chaque être humain, par SMS, la date de sa mort. Ce mystère majeur levé, les hommes perdent la foi en Dieu. Puis, suivant les conseils de son frère aîné, J.-C., Ea décide de se rendre parmi les hommes, pour trouver les apôtres qui rédigeront un Tout Nouveau Testament. 

Comme vous aurez pu le comprendre, le pitch du "Tout Nouveau Testament" est plutôt gonflé et joue habilement du sacrilège (salvateur), tout en se permettant de vraies séquences burlesques (savamment dosées). Souvent absurde, parfois touchant, ce dérapage reste cependant sous contrôle du début à la fin. Corrosif et humaniste, le scénario, s'il s'égare parfois en chemin, impose un ton et une identité indéniable (c'est du belge, dirons certains). 

La mise en scène et l'image, particulièrement soignées. A l'instar de ce qu'il avait montré dans "Mr Nobody", par exemple, Jaco Van Dormael livre ici un film techniquement irréprochable, dont la mise en scène est au service de l'histoire et non l'inverse.  
L'interprétation est également de haute volée. Qu'il s'agisse de Benoît Poelvoorde, en démiurge infect, ou de ceux qui incarnent les êtres humains croisés par Ea (incarnée par la jeune Pili Groyne, qui crève l'écran), les acteurs et actrices sont convaincants, et ce n'était pas gagné d'avance, au vu du scénario. 

Si quelques séquences dispensables émaillent encore, ça et là, "Le Tout Nouveau Testament", ce long métrage est sans conteste une réussite. Si, avec "Mr Nobody", Jaco van Dormael avait fait montre (à mes yeux en tout cas) de prétention, ce film m'a permis de me réconcilier avec lui.


jeudi 21 février 2019

Mr Nobody (2010)


Jaco Van Dormael est un cinéaste rare. Son premier film, "Toto le héros", avait connu un succès certain en 1991. Ce n'est que tout récemment qu'est sorti son quatrième long métrage, "Le tout nouveau testament". Si ce dernier mériterait d'être chroniqué dans ces pages, c'est aujourd'hui à "Mr Nobody", datant déjà de presque dix ans, qu'il est question. Cette fresque intime ambitieuse, bien que récompensée ça et là, n'avait pas déchaîné les foules lors de sa sortie. Alors, sommes-nous passés à côté d'un grand film ?

2092 : Nemo Nobody a 120 ans et il est le dernier humain mortel. Alors qu'il est au crépuscule de la vie, Nemo va évoquer son existence, son enfance, la vie avec sa femme Elise, celle avec Anna, et celle avec Jeanne. Ses vies furent multiples et une. A moins que ce ne soit l'inverse. Ce faisant, Nemo Nobody va parcourir toutes les possibilités qui se sont offertes à lui, hier, aujourd'hui ou demain. 


Le gros budget de "Mr Nobody" et son ambition sautent aux yeux, dès les premières images. Pour installer l'histoire de ce héros pas comme les autres, Jaco Van Dormael, après "Le huitième jour", s'est donné les moyens : l'esthétique du film, tout comme la réalisation, sont en tous points remarquables. C'est beau, parfois même trop beau pour sembler totalement honnête, rétorqueront les esprits chagrins. 

En plus de cette redoutable efficacité plastique, "Mr Nobody" est très bien interprété. Qu'il s'agisse du magnétique Jared Leto ou de celles et ceux qui l'entourent (Diane Kruger, Sarah Polley, Lin-Dan Pham dans le rôle de ses femmes, par exemple), les acteurs se glissent avec talent dans les rôles que le réalisateur leur a confié. On notera au passage la très chouette prestation du grand Rhys Ifans, acteur souvent cantonné aux rôles un peu borderline (souvenez-vous de "Coup de foudre à Notting Hill"). 

Mais "Mr Nobody" n'est pas pour autant un film réussi, à mes yeux. Ce déchaînement visuel, ces plans techniquement remarquables ne peuvent faire oublier que son plus grand défaut est majeur : son scénario est comme une baudruche remplie d'air. La forme ne saurait compenser le fond, on l'a souvent vu. En l'occurrence, "Mr Nobody", avec son histoire aux multiples possibilités, tourne vite en rond, patinant sur place à maintes reprises, et donnant souvent l'impression de faire du remplissage. Tout ça pour ça, pourrait-on penser à la fin du visionnage.

Alors, oui, "Mr Nobody" est remarquablement filmé, parfois trop d'ailleurs, au point qu'on se sent par moments en présence d'un clip publicitaire. Oui, ses interprétes, Jarod Leto en tête, sont irréprochables. Mais c'est son scénario, confus à force de trop d'allers et retours, et donnant l'impression finale de sonner creux, qui est son plus grand défaut.


jeudi 29 novembre 2018

La tortue rouge (2016)


Le cinéma d'animation est un domaine qu'on croit souvent réservé aux enfants et pour lequel les adultes ont souvent le simple rôle d'accompagnateurs. Ils sont plus rares, les films d'animation destinés à un public pas forcément enfantin. Les artistes qui s'essaient à ce registre passent souvent loin des grandes salles et, par conséquent, n'ont pas toujours la visibilité d'un Disney ou d'un Pixar. Fruit du travail de nombreuses années, "La tortue rouge" est le premier long métrage de Michael Dudok de Wit. Coproduit par le célèbre Studio Ghibli (entre autres), ce dessin animé méritait-il un peu plus d'exposition ?

Suite à un naufrage, un homme se retrouve seul sur une île déserte, dont il va très vite vouloir s'échapper. Le radeau qu'il construit, à plusieurs reprises, va se fracasser contre un obstacle invisible, comme si quelque chose l'empêchait de quitter l'île où il a échoué. 
Il finira par découvrir une étrange tortue rouge, et une femme aux cheveux roux et, peut-être, la raison pour laquelle il est là.


Une chose est sûre : ceux qui ont emmené leur progéniture voir "La tortue rouge" ont pu s'exposer à l'étonnement de celle-ci : ne rien comprendre ou ne rien trouver à comprendre, plus exactement, voilà qui peut désarçonner. Mais "La tortue rouge", avec son histoire tout simple, à la limite du rêve éveillé (ou pas, d'ailleurs) fait partie de ces films qui laissent un souvenir, ne serait-ce que par sa beauté plastique. Le trait de Michael Dudok de Wit, déjà repéré pour ses précédents courts-métrages (toujours dans l'animation), mêlant à la fois le numérique et le fusain, emporte presque instantanément l'admiration du spectateur. 

En plus d'être esthétiquement très beau, "La tortue rouge" se paie le luxe de prendre son temps et de narrer une histoire aux frontières du rêve. Sans aucun dialogue, ce dessin animé n'est pas pour autant une oeuvre simple. Le cheminement de son héros, simple naufragé ballotté par les flots et jeté sur le sable d'une île perdue, va au-delà de sa simple survie : c'est aussi la rencontre avec sa destinée que nous narre Michael Dudok de Wit.

Alors, certes, "La tortue rouge" peut désarçonner, par ses silences et les errements de son héros, mais il peut aussi séduire parce qu'il choisit un autre moyen de conter une histoire. Si on ajoute à cela sa beauté plastique et sa réalisation remarquable, il faut reconnaître qu'on est en présence d'un des plus beaux films d'animation de ces dernières années, capable de rivaliser avec les meilleures productions venues du Japon.




Ce film a été vu dans le cadre du Movie Challenge 2018, pour la catégorie 
"Un film muet"

samedi 17 février 2018

Paris pieds nus (2017)


Souvent diffusés de façon confidentielle, les films d'Abel et Gordon ont pourtant une identité propre, un ton qui n'appartient qu'à eux. Puisant leurs inspirations dans les comiques d'antan (et par là, j'inclus autant Charlie Chaplin que Jacques Tati), c'est dans un univers burlesque, toujours tendre et assez décalé qu'ils invitent les spectateurs de leurs films. J'avais apprécié, il y a quelques années, "La fée", alors réalisé avec Bruno Romy, leur complice depuis plusieurs années. Il était logique que je me penche sur "Paris pieds nus", leur dernier opus (cette fois en duo).

Vivant dans le froid du Canada, Fiona décide un jour de rejoindre Paris, où  habite : sa tante Martha l'appelle au secours car elle craint d'être placée de force en maison de retraite. Arrivée sur place, encombrée de son gros sac à dos, Fiona n'est pas au bout de ses peines : Martha n'est pas du genre à rester en place. 
Heureusement (ou pas), elle tombe sur Dom, un sans-domicile-fixe un rien cynique mais charmeur, qui a planté sa tente au pied de la Statue de la Liberté (celle de l'île aux Cygnes, à Paris). Entre quiproquos et poursuites, Fiona va tenter de retrouver sa tante. 

On a l'impression en visionnant "Paris pieds nus" que, l'espace d'un film, la caravane du cirque d'Abel et Gordon s'est arrêtée dans la capitale française, après sa précédente halte au Havre. Le duo reste fidèle à ses modèles et convoque plus précisément le Chaplin des "Lumières de la ville".

Si l'intrigue est simple et utilise essentiellement un comique de situation, souvent poétique et burlesque, c'est avant tout la naïveté qui est à l'honneur. Vous savez quoi ? Une fois de temps en temps, aborder le monde avec candeur est salutaire. Le pas de côté que font les protagonistes de ce petit conte parisien est une parenthèse délicate et finalement utile à ceux que le trop-plein d'effets, quels qu'ils soient. 

Dans cet opus parisien, les instants de grâce sont nombreux et sont souvent le fait des acteurs, venus là pour ravir le public, fût-il confidentiel. On sera ému parce que c'est le dernier rôle d'Emmanuelle Riva, particulièrement malicieuse et canaille. L'apparition, brève mais déterminante, du grand Pierre Richard ravira les admirateurs de ce grand monsieur de la comédie (dont je suis). Et, au centre du spectacle, Fiona Gordon et Dominique Abel assurent le show, du début à la fin, maîtrisant à la fois l'émotion et le comique. 


Ce film a été vu dans le cadre du Movie Challenge 2018, pour la catégorie 
"Un film avec un acteur que j'adore (Pierre Richard)"

jeudi 14 décembre 2017

Grand froid (2017)


Sujet sensible, voire tabou, la mort est au centre de quelques longs métrages mémorables. Je songe notamment à "Harold et Maude" ou, plus près de nous, au superbe "Au revoir là haut".   En mettant en scène une entreprise de pompes funèbres, "Grand froid" et sa très belle distribution, prenait un risque : traiter de ce que deviennent les corps après leur trépas et de ceux qui en prennent soin n'était pas un sujet facile. Pour son premier film, Gérard Pautonnier a reçu un accueil public un peu frileux, malgré quelques bonnes critiques.

L'entreprise de pompes funèbres d'Edmond Zweck périclite : ses deux employés ne seront pas payés ce mois-ci. Heureusement pour eux, ils se voient chargés d'emmener un défunt vers son dernier domicile, un cimetière perdu au milieu de nulle part. Voilà donc Georges et Eddy partis enterrer un mort, suivis par sa veuve, son frère et un prêtre énergique et impatient. Ils ne sont pas au bout de leurs peine et c'est un drôle de périple qui les attend. 

Dès ses premières images, "Grand froid" donne le ton : c'est le froid qui domine (avec un titre pareil, c'est normal) et qui est omniprésent. Dans une bourgade sans doute coincée quelque part entre la Belgique et la Pologne (c'est vous dire l'exotisme), les personnages n'ont pour se tenir chaud que leur chaleur humaine. 
C'est la meilleure qui soit. 

Que ce soit par ses décors ou sa mise en scène, "Grand froid" impose un style, très rapidement et plonge son spectateur dans une ambiance unique, ou presque. Porté par ses interprètes, le film acquiert rapidement une identité propre, en grande partie grâce à ses personnages, à la fois insolites et terriblement humains. C'est encore une fois grâce à ses acteurs, tous remarquables, qu'il s'agisse de l'indispensable Jean-Pierre Bacri, d'Arthur Dupont, d'Olivier Gourmet ou des seconds rôles, dont Sam Karman ou Wim Willaert, pour ne citer qu'eux. 

Cependant, après la mise en place de son univers macabre, Gérard Pautonnier peine à conclure l'affaire. Le scénario de "Grand froid" tourne souvent à vide, et l'humour dont il se réclame ne fonctionne pas toujours, désamorcé par des scènes plus lentes et parfois même dramatiques. On pense aux frères Coen, mais on regrette de ne pas trouver ici l'absurdité ou la causticité qui aurait fait de "Grand froid" une comédie noire et grinçante comme on peut les aimer. 

Inégal, faute d'audace, ce premier film de Gérard Pautonnier vaut surtout pour ses acteurs et son esthétique. Il y fait à la fois très froid (à cause de l'ambiance) et chaud (grâce aux personnages). C'est déjà ça.





dimanche 10 septembre 2017

Chez nous (2017)


Sorti en pleine campagne présidentielle (et, à ce titre, accusé d'être partisan), le dernier film de Lucas Belvaux, "Chez nous" n'a sans doute pas eu d'effet sur les suffrages. Même si on parlât quelque peu de ce film lors de sa sortie, il n'eut pas le succès que l'on aurait pu escompter. Pourtant, il fait partie des quelques rares tentatives du cinéma d'explorer la politique française, qui plus est en prenant un angle social : ce ne sont pas les élus qui sont filmés, comme dans le remarquable "L'exercice de l'état". Avec le recul, on peut sans doute mieux juger de sa valeur en tant que film.

Infirmière à domicile à Hénart, dans le Nord, Pauline est appréciée de tous pour sa gentillesse, sa compétence et l'énergie qu'elle déploie auprès de ses patients, de ses deux enfants et de son père malade. Quand elle est approchée pour être tête de liste sous les couleurs du parti d'extrême-droite, Pauline hésite : après tout, elle est bien placée pour voir que tout ne va pas si bien, dans sa région. Le regard des autres sur Pauline change d'un coup, entre admiration et haine : une étrange machine s'est mise en marche, quitte à la dépasser.

On laissera de côté la polémique qui entoura la sortie de ce film, objet d'une tempête dans un petit verre d'eau, sans grande justification finalement. Concentrons-nous sur le long métrage et ce qu'il raconte. Sa première partie, sans doute la plus réussie, décrit l'instillation d'une idée, à la (dé)faveur d'un contexte. Comment la très humaine infirmière accepte-t-elle d'être investie par un parti aux antipodes de son patrimoine (son père fut militant communiste, en l'occurrence) ? C'est dans cette première moitié du film que Lucas Belvaux se montre le plus habile, car on comprend la démarche de Pauline, même si elle peut susciter des réactions diverses. Entre drame social et chronique politique (mais à hauteur de citoyen, ce qui fait toute la différence), "Chez nous" décrit la mécanique d'un parti pas comme les autres, d'un ton presque documentaire (et sans doute peu éloigné de la réalité). Le sentiment de réussite de l'entreprise est, hélas, tempéré par la deuxième partie du film, moins efficace, parce que plombée par une dose de romanesque finalement peu utile et une résolution décevante.

En dehors de ce bémol, il faut saluer l'autre atout de ce film engagé : la formidable Emilie Duquenne, exceptionnelle dans le rôle de Pauline, témoin d'une époque. Encore une fois remarquable, l'actrice mérite le visionnage du film à elle seule. A ses côté, on appréciera la prestation de Guillaume Gouix, tandis que celles d'André Dussolier et, surtout, de Catherine Jacob peuvent décevoir. En dirigeante d'extrême droite, cette dernière est trop caricaturale (et trop dans l'imitation d'une femme politique bien réelle, surtout) pour être crédible. 

Engagé parce qu'il décrit comment fonctionne le recrutement d'un parti et, surtout, que ce parti n'est pas n'importe lequel, "Chez nous" a nombre de vertus pédagogiques, à l'adresse tant de la célèbre "France d'en bas" qu'à ceux qui prétendent au pouvoir (et apprendraient beaucoup à regarder plus souvent vers le bas). Sans sa conclusion, qui peut paraître bâclée, surtout si on la compare à sa première partie, "Chez nous" aurait pu être un grand film. 

Ce film a été vu dans le cadre du Movie Challenge 2017, dans la catégorie "Un film engagé".



mardi 29 novembre 2016

Ne te retourne pas (2009)


Avec son affiche troublante (mais finalement pas très belle) et son pitch plus qu'intrigant, le film "Ne te retourne pas", qui mettait en scène Sophie Marceau et Monica Bellucci aurait du attirer à lui de nombreux spectateurs, avides de suspense et curieux de voir comment était traitée cette histoire de personnalités se fondant l'une dans l'autre. Il n'en fut rien et ils furent peu nombreux, ceux qui allèrent dans les salles obscures voir comment Marina de Van avait mis en scène ces deux héroïnes. 

Jeanne vient de voir son roman refusé par son éditeur et vit très mal la situation. Peu après, elle observe des changements dans son environnement. Il s'agit d'abord de petits riens : des meubles qui changent de place, des rêves troublants. Puis ce sont ses proches dont l'apparence semble altérer, et elle finit par ne plus se reconnaître elle-même. Pour comprendre ce qui se passe et avant de sombrer dans la folie, Jeanne finit par se rendre en Italie, sur la trace d'un cliché pris lorsqu'elle était enfant.

En voilà un pitch original, pouvait-on penser lors de la sortie de "Ne te retourne pas". Les quelques images, pour le moins troublantes, qu'on apercevait promettaient quelque chose d'intéressant. Deux personnalités se fondant l'une dans l'autre (ou l'inverse, allez savoir) et la folie qui guette, en tapinois. Restait à savoir quel traitement allait être appliqué à ce scénario. J'avoue être partagé, au sujet de ce film, s'aventurant autant en des territoires où plus d'un s'est égaré. S'il réussit parfois à captiver et à intéresser le spectateur, "Ne te retourne pas" pêche cependant sur nombre de séquences répétitives et inutiles, comme s'il cherchait à faire du remplissage, en dépit de toute cohérence. C'est d'autant plus dommage qu'on a souvent l'impression qu'on touche du doigt quelque chose, et que cela nous échappe juste après.

Troublant, "Ne te retourne pas" l'est assurément. Il n'est cependant pas totalement réussi. Thriller psychologique et (légèrement) fantastique (ou pas), ce film joue habilement de ses effets spéciaux (parfois complètement réussis, parfois peu crédibles) pour semer le trouble dans l'esprit du spectateur. Cependant, ils ne suffisent pas à remplir complètement le contrat. On songe par moment à ce qu'aurait pu faire de pareil pitch le grand Hitchcock, et cela joue en la défaveur de ce film, malgré ses ambitions.

On appréciera diversement la prestation des deux actrices portant le film sur leurs jolies épaules. A titre personnel, l'interprétation de Monica Bellucci m'a paru un cran au-dessus de celle livrée par Sophie Marceau, celle-ci ayant tendance à souvent surjouer. A leurs côtés, les seconds rôles sont assurés par des acteurs qui font le "job", comme on dit. 

Marina De Van, fidèle scénariste de François Ozon, et qui avait réalisé avant ce film le déjà perturbant "Dans ma peau", sait à n'en pas douter instiller le malaise. Il ne lui reste plus qu'à consolider cette intention pour confirmer l'essai. 



samedi 10 septembre 2016

Good luck Algeria (2016)


En se contentant de regarder l'affiche, on pourrait trouver à "Good luck Algeria" de faux airs de "Rasta Rockett". On pourrait croire qu'il s'agit d'un film narrant les (més)aventures d'un sportif portant les couleurs de son pays dans un sport où l'on ne l'attend pas, d’après des faits réels (puisqu'il s'agit, peu ou prou, de ce que vécut le frère du réalisateur en 2006). J'ai tendance à penser que cette affiche a fait plus de bien que de mal à ce film : ce ne fut pas la cohue lorsqu'il sortit en salles en ce début d'année. 

Samir, qui préfère qu'on l'appelle Sam et se voit plus français qu'algérien, a monté avec son ami Stéphane une entreprise qui conçoit, à l'ancienne, des skis de haute qualité. Quand le contrat qui devait assurer la pérennité de cette société capote, tous deux ne trouvent qu'une solution : inscrire Samir aux Jeux Olympiques d'hiver, en ski de fond, sous le drapeau de l'Algérie.
Entre la préparation physique, les ennuis financiers, les doutes de ses proches, Samir va devoir se dépasser, à tous les sens du terme.


Malgré ce que promet son affiche, "Good luck Algeria" n'est pas vraiment une comédie, son visionnage le confirme. On frôle même le drame social, à de nombreuses reprises, au point de parfois sentir la "patte" des frères Dardenne, présents à la production de ce film. Certes, on a quelques sourires durant ce film, mais c'est surtout l'émotion qui prédomine. Il est ici question du dépassement de soi et de la force qui réside en chaque individu, surtout quand il est porté par les siens, ses amis et sa famille. A ce titre, "Good luck Algeria" est une belle célébration de cette dernière, surtout lorsqu'elle franchit la Méditerranée.

Pour donner vie aux protagonistes de cette belle aventure à échelle humaine, Farid Bentoumi (frère de Nourredine Maurice Bentoumi, fondeur algérien aux Jeux Olympiques de 2006) a parfaitement choisi ses acteurs. Sami Bouajila, tout en énergie, solidement épaulé par le surprenant Franck Gastambide (ex-Kaïra), tient le rôle principal avec solidité et talent. Malgré l'étonnant postulat de départ, la crédibilité est là, du début à la fin. Au second plan, mais dotés de rôles tout aussi importants, il faut saluer l'interprétation de Chiara Mastroianni, d'Hélène Vincent et (surtout) de Bouchakor Chakor Djaltia, émouvant en patriarche compréhensif et humain.

Alors, certes, "Good luck Algeria" n'est pas la comédie qu'on pouvait attendre, surtout au regard de l'affiche, qui mettait en avant le télescopage de deux univers bien différents. Il s'agit d'une aventure humaine, d'une chronique sociale, (bien) filmée à hauteur d'homme et de femme. Cette approche a pu décourager des spectateurs. Ces derniers se sont, dans ce cas, privés d'un joli petit film qui aurait mérité mieux. 

Joliment filmé et parfaitement interprété (Sami Bouajila est remarquable, je me répète), "Godd luck Algeria" est porteur d'un beau message. Ce n'est pas tous les jours que le cinéma nous tire vers le haut...





lundi 5 septembre 2016

Les premiers les derniers (2016)



Le cinéma belge a déjà donné lieu, dans ces colonnes, à quelques billets consacrés à de jolies surprises, bonnes ou mauvaises. Mais le fait est qu'il se passe des choses intéressantes, sur les écrans du plat pays. Bouli Lanners, en début d'année, nous a proposé un étrange film, "Les premiers les derniers", où il tenait le haut de l'affiche aux côtés d'Albert Dupontel. L'affection que je porte à ces deux acteurs est telle que je ne pouvais passer à côté de ce film qui, malgré quelques belles critiques, ne rencontra pas son public dans les salles obscures.

Cochise et Gilou, accompagnés de leur chien, sont chasseurs de primes et ont pour mission de retrouver un téléphone portable, volé à un homme qu'on devine très important. Dans une région désolée, où la fin du monde semble plus qu'une éventualité, les deux hommes vont croiser le chemin de deux gosses perdus et abîmés par la vie, de dangereux malfrats prêts à tout, de vieillards honorables à l'orée de leurs vies, d'un prophète, d'une femme courageuse...et n'en sortiront pas intacts.

Étrange film que ce "Les premiers les derniers", sous des cieux qui témoignent de la fin d'un monde, ou de la proximité d'un cataclysme. Est-ce aujourd'hui, est-ce un demain tout proche ? Toujours est-il que le décor dans lequel évoluent les protagonistes, magnifiquement photographié, peut donner la chair de poule. Il est beaucoup question de mort, dans ce film sombre, mais aussi de renouveau, à bien y réfléchir. Le voyage qu'entreprennent les héros de ce film a beaucoup de la marche funèbre, du deuil à accomplir, d'une renaissance à entrevoir. Dans ce voyage tout intérieur, il est aussi question de religion, même si le Jésus convoqué par Bouli Lanners est du genre à multiplier plus les balles que les petits pains. Bref, vous l'aurez compris : c'est une quête intime à laquelle s'attaquent Cochise et Gilou.

L'interprétation sans faille est un des points forts de ce film de fin d'un monde : qu'il s'agisse du grand Bouli Lanners (que j'apprécie de plus en plus), d'Albert Dupontel (tout en puissance retenue, impeccable une fois de plus), ou de ceux qui les accompagnent, le casting de "Les premiers les derniers" est irréprochable : de Serge Riaboukine à Lionel Abelanski (qui gagne décidément à être bien employé), en passant par les jeunes Aurore Broutin et David Murgia, les acteurs sélectionnés par Bouli Lanners pour son film incarnent avec force et sensibilité des personnages qu'on n'oublie pas. On notera également la présence de l'immense Michael Lonsdale, impérial, ainsi que celle de Max Von Sydow (oui, vous avez bien lu), dans un rôle inattendu, mais décisif.

Western crépusculaire sur fond de monde en déliquescence, "Les premiers les derniers" a cependant un goût d'inachevé, qui l'empêche d'être aussi réussi qu'on aurait voulu. Quelques moments de creux dans l'histoire, qui peuvent donner au spectateur le temps de réfléchir, mais aussi de faire baisser la tension. Laissant au spectateur cette respiration, Bouli Lanners prend le risque de le perdre en cours de route. Néanmoins, ces petites baisses de régime mises à part, "Les premiers les derniers" est une réussite indéniable, sur le fond autant que sur la forme. Il est dommage que le public n'ait pas suivi Cochise et Gilou dans leur quête de rédemption...







jeudi 11 février 2016

Je suis mort mais j'ai des amis (2015)


Alors que son tout récent "Les premiers les derniers" est à l'affiche, il m'a paru intéressant d'évoquer un des films où apparaissait récemment Bouli Lanners, acteur pas assez connu (et reconnu) à mes yeux. Mis en scène par Guillaume et Stéphane Malandrin, "Je suis mort mais j'ai des amis" promettait un esprit rock'n roll (à tous les sens du terme) trop souvent absent des long métrages actuels. Sans doute ce film franco-belge était il trop atypique, puisqu'il ne draina pas les foules lors de sa sortie.

Ce n'est pas parce qu'on est quinquagénaire qu'il faut ranger les guitares électriques et cesser de suivre le rock'n roll way of life. 
Ce n'est pas parce que le micro rend l'âme qu'il faut arrêter de chanter. 
Ce n'est pas parce que le chanteur du groupe meurt dans un accident bête qu'il faut renoncer à une tournée américaine. 
Ce n'est pas parce que ses amis découvrent qu'il avait un amant depuis plusieurs années qu'il faut être déçu.
Quand on est rockers et amis, c'est pour la vie.

Dès les premières scènes de "Je suis mort mais j'ai des amis", le ton est donné : le groupe dont il est question est de ceux qui jouent au fond des bars, éclusent des litres de bière et sont soudés comme on l'est rarement. Ceux-là ne rempliront jamais les grandes salles ou les stades, mais resteront authentiques toute la vie, voire même après, puisque c'est le propos du film. Après la mort idiote de leur leader et chanteur, les membres survivants entraînent le spectateur dans une épopée digne des Pieds Nickelés.

Pour filmer cette odyssée faite de bric et de broc, Stéphane et Guillaume Malandrin ont choisi de filmer à hauteur d'homme, au plus près de leurs héros. Malgré un scénario qui paraît parfois improvisé et absurde (mais ce critère est ici hors de propos), on se surprend à accrocher à cette fable rock'n roll, tout sauf sérieuse, mais traitant de sujets profonds. On rit souvent, on est ému également, bref : "Je suis mort mais j'ai des amis" provoque des réactions du côté du myocarde et des zygomatiques. Nombre de films dont le budget paraîtrait pharaonique au regard de celui de ce petit film franco-belge ne peuvent se targuer de produire cet effet.

Mais le plus enthousiasmant dans "Je suis mort mais j'ai des amis" reste sa distribution : qu'il s'agisse du formidable Bouli Lanners, de Wim Willaert (que ce film m'aura permis de découvrir), de Serge Riaboukine (décidément trop rare), de Lyes Salem ou de Jacky Lambert, tous sont épatants de naturel et d'énergie. Souvent, c'est l'élan qu'ils suscitent qui confère de l'intérêt au film. Malgré leurs travers, leurs caractères, on apprend vite à aimer ces personnages, profondément humains et sans doute inspirés par de vrais rockers rencontrés ça et là.

Alors, malgré l'impression de bricolage qu'il laisse souvent, l'énergie et l'humanité de "Je suis mort mais j'ai des amis" sont communicatives, en grande partie grâce à ses interprètes. Enfin, cerise sur le gâteau, la bande originale est à la hauteur (un film qui permet d'entendre les Olivensteins ne peut être forcément mauvais).


mardi 17 novembre 2015

La tendresse (2013)


Avec une histoire simple, on peut faire un beau film, fût-il petit. Des réalisateurs ont autrefois fait la preuve qu'il n'était pas nécessaire de déployer de grands moyens pour emporter l'adhésion des spectateurs. Avec "La tendresse", Marion Hänsel (essentiellement connue pour son adaptation des "Noces barbares") nous proposait, il y a peu, une de ces histoires simples, à hauteur d'homme et de femme. En ces temps de blockbusters parfois démesurés, pareille entreprise pouvait paraître salutaire. Hélas, ils furent peu à se déplacer en salles pour "La tendresse".

Lorsque leur fils est victime d'un grave accident de ski, Frans et Lise, séparés depuis quinze ans, sont contraints de faire route ensemble de Bruxelles aux Alpes. Dans la station enneigée, ils vont rencontrer les amis de leur fils et la fiancée de celui-ci. Ce couple de divorcés, unis le temps d'un voyage et autour de leur fils blessé va-t-il profiter de l'occasion pour se redécouvrir, s'apprécier, voire s'aimer ? 
Comme on le voit au résumé ci-dessus, l'histoire que narre Marion Hänsel dans "La tendresse" est toute simple : je ne vous ai pas menti. Cela dit, cette simplicité n'est jamais transcendée par la réalisation ou par les personnages. Ne tournons pas autour du pot : "La tendresse" n'attire pas l'affection. Ses deux personnages centraux, qui passent une bonne partie de leur temps à faire l'inventaire de ce qui a changé et de ce qui n'a pas changé depuis leur séparation, n'ont qu'un capital de sympathie réduit au minimum. Conséquence immédiate : on ne s'attache pas à eux et l'envie de suivre leur voyage fond comme neige au soleil, dès les premières scènes.

Faute d'un scénario épais, c'est vers les personnages qu'on devrait pouvoir se tourner. Ici, c'est en pure perte. Pour ajouter au ratage, leur interprétation est grandement décevante. La réalisatrice Maryline Canto, particulièrement peu inspirée, incarne Lise, mais sans lui donner la chaleur humaine qu'on aurait pu attendre de pareil rôle. le jeune Adrien Jolivet semble lui aussi peu inspiré (le talent peut sauter une génération, on a vu des précédents). Heureusement, il y a l'excellent Olivier Gourmet, dont le personnage est finalement celui auquel on s'attache le plus, en grande partie parce que son interprétation est, comme souvent, remarquable, bien que son rôle soit (comme la plupart des personnages) assez mal écrit.

Mise à part la présence d'Olivier Gourmet, "La tendresse" ne mérite guère plus qu'un visionnage distrait, avant d'être vite oublié. Ce petit film belge n'est pas de ceux qui font honneur à la prolifique et intéressante moisson d'outre-Quiévrain.



mercredi 11 mars 2015

La cinquième saison (2013)


Attention, le film dont il est question aujourd'hui dans ces colonnes est un objet cinématographique étrange. C'est en tombant dessus par hasard, au hasard de pérégrinations télévisuelles (oui, ça peut arriver) que j'ai découvert son existence. Dernier volet d'une trilogie (après "Khadak" et "Altiplano") co-réalisée par Peter Brosens et Jessica Woodworth, "La cinquième saison", avec son pitch annonciateur de fin des temps, portait de belles promesses. 

Dans les Ardennes belges, un petit village est soudain frappé par une étrange calamité. C'est tout d'abord le bûcher sensé célébrer la fin de l'hiver qui refuse de s'enflammer. Puis les vaches cessent de donner du lait, les semences ne germent plus, les abeilles disparaissent.
Alice et Thomas, deux adolescents, tentent de trouver un sens à ce qui se passe autour d'eux...

"La cinquième saison" fait partie de ces films dont on peut ressortir dans différents états, qui vont de l'enthousiasme béat au rejet total. Les qualificatifs dont on peut l'affubler sont multiples : hypnotique, oppressant, lent, triste, glacial, ennuyeux, fascinant. Une chose est sûre, cependant, c'est un film qui ne peut laisser de glace, malgré la froideur de chacune de ses images (et le thème évoqué des saisons). L'hiver est là et ne veut pas partir, au point d'anéantir les autres saisons. Partant de ce postulat simpliste, et à coup de séquences souvent perturbantes, parfois sans lien les unes aux autres, Peter Brosens et Jessica Woodworth nous entraînent au cœur d'un village perdu dans le temps, où les vieilles croyances ont la peau dure.

C'est beau, souvent magnifiquement filmé, et porteur d'un propos souvent difficile à percevoir sous la couche de glace. Le cinéma belge nous avait bien caché cette facette, qui convoque les grands peintres et le vent froid, mais échouera à chuchoter à l'oreille du spectateur pas assez disposé. Car il faut être prêt à visionner "La cinquième saison" et à y voir ce que ses auteurs ont voulu évoquer. Le fait est que la majorité du public restera froid face à cet interminable hiver (oui, je sais, le mot est facile). On peut alors se contenter des images et des performances remarquables des acteurs (Aurélia Poirier en tête), quitte à avoir le sentiment de passer à côté de quelque chose.

Film à tableaux, à l'esthétique impeccable et glaciale, "La cinquième saison" est un film que ne peut pas laisser indifférent. J'avoue qu'à titre personnel, j'ai été saisi par la beauté de ses images, mais que l'histoire qui nous est (plus ou moins) contée par les réalisateurs ne m'a pas semblé à la hauteur du plumage. Mais, en ce qui concerne "La cinquième saison", c'est dans le domaine du ressenti qu'on se situe. Libre à chacun de laisser parler le sien...ou pas.