dimanche 12 janvier 2014

Lone Ranger, naissance d'un héros (2013)


L'été 2013 a été meurtrier pour les blockbusters hollywoodiens. Qu'il s'agisse d'une mauvaise passe ou, plus probablement, d'un changement du modèle économique (comme annoncé par Spielberg et Lucas dans une conférence qui fit grand bruit), nombre de gros films sortis cet été n'ont pas remboursé leur budget de production. Jerry Bruckheimer, qui s'était pourtant fait le spécialiste du blockbuster (j'en veux pour preuve la série des "Pirates des Caraïbes"), a payé le prix fort avec "Lone Ranger" puisque Disney, au vu du gouffre financier que représenta ce film, le pria d'aller voir ailleurs (chez Paramount, en l’occurrence). Pendant des années, pourtant, le même Bruckheimer produisait régulièrement un film de Gore Verbinski avec Johnny Depp en tête d'affiche, et décrochait la timbale à chaque fois. Las, en 2013, la recette miracle a cessé de fonctionner. Alors, changement de comportement du public (ce dont je doute un peu) ou échec mérité au vu de la piètre qualité du film (ce que nous allons étudier maintenant) ?

 San Francisco, 1933 : dans une foire, un vieil indien, raconte à un jeune garçon comment le procureur John Reid est devenu le Lone Ranger. Après avoir assisté, impuissant, au meurtre sauvage de son frère, John Reid, laissé pour mort et sauvé par l'étrange Tonto et un tout aussi bizarre cheval, va entreprendre de faire justice. Face à la violence et à la corruption, le duo va se retrouver dans une aventure mouvementée et dangereuse, sur fond de construction du chemin de fer. 


Héros méconnu en France, le Lone Ranger est une icone de la pop-culture américaine. Issu d'un feuilleton radiophonique des années 1930, il eut droit, avant ce passage au grand écran, à une série télévisée dans les années 1950. A la faveur du succès de ses "Pirates des Caraïbes", Gore Verbinski est parvenu à convaincre les Studios Disney de financer un nouvel opus des aventures du Lone Ranger, espérant qu'il s'agisse du premier épisode d'une nouvelle série. Au vu du bide commercial, l'histoire s'arrêtera là et le producteur Jerry Bruckheimer fut d'ailleurs contraint d'aller trouver un nouvel employeur.

Le western est un genre moribond, depuis quelques années et c'est souvent en le mixant avec d'autresthèmes que les producteurs ont tenté de lui donner un second souffle. On se souviendra (ou pas) de "Cowboys et Envahisseurs" qui prouva bien que le genre se suffit à lui-même et n'a pas besoin de tels ajouts. Il n'y a pas (ou peu) de fantastique dans "Lone Ranger", mais Verbinski et ses scénaristes ont chois d'y ajouter de multiples pointes d'humour, venant ponctuer les scènes d'actions, aussi brutales soient-elles. Bien souvent, ce choix de ton étonne, voire dérange. Tentant de mêler une noirceur assumée et un ton résolument cartoon, "Lone Ranger" donne souvent l'impression d'être un film boiteux. C'est bien dommage, car il a dans sa manche quantité d'atouts qui gomment aisément la légèreté de son scénario.

Les personnages, tout d'abord, sont hauts en couleurs et extrêmement bien interprétés par un casting judicieusement choisi. En dehors du duo de tête, on notera la prestation de William Fichtner, en effrayant sadique : cet acteur mérite décidément d'être plus reconnu. Ensuite, les décors et le design général du film lui apportent une identité propre.

Devant la débauche esthétique que se permet Verbinski, on a souvent l'impression que le réalisateur s'est "lâché". Profitant que Disney regardait ailleurs (en l'occurrence, du côté de Lucasfilm) et disposant des clés du magasin de jouets, le metteur en scène (et le reste de l'équipe, d'ailleurs) s'amuse à tourner ce film étrange, souvent bancal, mais pourtant assez réussi d'un point de vue plastique. 

Au final, si l'on peut fermer les yeux sur les quelques maladresses de ce film un peu bancal, mais plutôt original, ce qu'on peut le plus reprocher à "Lone Ranger", c'est la dramatique stratégie qui prévalut à sa sortie. C'est comme si Disney ne savait pas vendre des films, mais uniquement des produits.





22 commentaires:

  1. Très bonne chronique pour ce film très largement sous-estimé ! L'un des meilleurs blockbusters de 2013 avec Pacific Rim, western revigorant qui derrière sa couverture confortable de grosse production Bruckheimer tente des choses couillues et offre une profonde réflexivité.

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    1. Il est dommage qu'il ait été, à l'image de "John Carter", sabordé par une promotion faite en dépit du bon sens par Disney : ce film aurait mérité mieux que l'accueil frileux qui fut le sien, tant il regorge de richesses esthétiques et narratives, malgré ses maladresses.
      Merci de ton indéfectible fidélité à ce blog, Max !

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  2. Je ne l'ai pas trouvé très original mais comme il contient de bons passages, il ne faut pas lui en tenir rigueur. Après, je ne comprends pas le bide qu'il a fait parce qu'il y a de pires daubes qui marchent. Apparemment c'est un problème de communication, c'est ça? vraiment dommage parce qu'un film est supposé être divertissant et Lone Ranger l'est à 100%.
    Dans le même thème (l'arrivée du chemin de fer dans l'ouest américain), je te conseille la série Hell on Wheels (j'en ferai un article, un jour, peut être ^^) parce qu'elle est vraiment passionnante

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    1. La com' de Disney, quoiqu'en grande partie responsable du bide de "Lone Ranger", n'a pas tout fait. L'originalité et l'audace aussi de ce film y sont pour quelque chose, je crois.
      Je tâcherai de jeter un oeil (voire les deux) à "Hell on Wheels" : merci du conseil !

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    2. Bien sûr c'est une face un peu plus sombre qui est montrée. ça se passe juste après la guerre de Sécession et le héros est un ancien soldat sudiste. ça montre comment les Noirs sont exploités et méprisés malgré l'abolition de l'esclavage, les jeux de pouvoir, la misère des travailleurs à qui on a vendu du rêve et qui ne trouvent que de la boue, l'extermination des Amérindiens pour leur territoire, etc. C'est intéressant et super bien joué.

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    3. Ca m'a l'air rudement intéressant, effectivement. Merci pour le tuyau !

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  3. Celui-là aussi, j'avais envie de le voir, avant que d'autres priorités lui passent devant et me privent de sa découverte. Partie remise.

    Le tandem Verbinski / Depp vient s'ajouter au duo Depp / Burton. Dans le genre western commis par les deux larrons, j'avais bien aimé "Rango". Tu l'as vu ? Si ce n'est pas le cas, je te le conseille... et peut-être même pour une chronique ici.

    Il est vrai que l'approche marketing d'un film peut lui faire beaucoup de bien ou beaucoup de mal, selon les situations. Espérons que "The lone ranger" saura trouver un public plus large que lors de sa sortie en salles, donc.

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    1. Je crois que "Lone Ranger" était d'avance condamné au bide, vu comment il a été vendu.
      Pour "Rango", c'est noté. Merci du conseil, Martin.

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  4. Perso j'ai trouvé que Disney a très bien géré sa promotion, en tous cas beaucoup mieux que sur John Carter où ils ont vraiment foiré la promo. Là il y a eu des bandes-annonces en amont (dont une très longue au superbowl), des affiches, beaucoup d'images, on ne peut pas dire que la com a fait dans l'échec. Je pense que c'est la date qui a joué. Le film devait sortir en mai il a été reculé en juillet aux USA. Et comme Disney a sorti Iron Man en mai, Disney n'allait pas sortir deux films. Manque de bol, il est sorti en pleine saison estivale bourrée à craquer et on ne pouvait pas penser que Moi, moche et méchant ferait un tel carton. Armie Hammer dit que ce serait la faute aux critiques US, en tous cas on ne peut pas dire qu'elle a été tendre. Pourtant, The Lone ranger s'impose comme un des blockbusters les plus originaux de l'année dernière et ce malgré que ce soit l'adaptation d'une série télé. Le film prend déjà le parti des indiens ce qui n'apparaît jamais dans les westerns estampillés blockbusters. Pour un PG 13, le film est plutôt impressionnant multipliant les morts notamment dans la scène du dézingage d'indiens dans la forêt. Ensuite le film multiplie les gags et notamment dans son final à la Tex Avery complètement dégénéré. Je pense que Verbinski a voulu faire aussi impressionnant que sur certaines envolées de Rango. Un vrai plaisir que je vais peut être acheté dans les prochains jours car il m'a vraiment plu.

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    1. D'accord, la promotion de ce film ne fut pas aussi maladroite de la part de Disney que celle de "John Carter". Cependant, à jouer sur tous les tableaux (c'est Disney, donc c'est familial, mais c'est sombre, donc ce n'est pas pour les plus jeunes...je caricature à peine), "Lone Ranger" arrivait avec une image plutôt nébuleuse, et l'on était en droit de se demander si Disney était réellement fier de ce film.
      Le studio aux grandes oreilles a encore beaucoup à faire pour savoir vendre un blockbuster à l'image d'autres grands studios. Bien entendu, cela n'est que mon opinion d'amateur...
      Quoiqu'il en soit, que la faute en revienne au calendrier, aux critiques, à sa promotion ou (c'est possible) à pas-de-chance, "Lone Ranger" mérite clairement une deuxième chance.
      Merci de ton passage, l'ami.

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    2. Mais The Lone ranger est un grand spectacle et arrêtons dans un sens cette hypocrisie ambiante du estampillé Disney. Gore Verbinski a signé La souris, Pirates des Caraïbes et Rango, on sait que le mec a une certaine vision du divertissement et qu'il sera loin de délivrer un film calibré (l'expérience de Pirates des Caraïbes lui a suffi je pense). Ce n'est pas le premier tocard venu qu'on éjecte là sans parachute. Quand tu as vu Rango, tu sais que le mec ne va pas te faire un western à 200 millions pour le plaisir, c'est que le mec a vraiment envie de le faire et Rango montrait déjà son amour qu'il avait pour le western. Perso sa chance je lui ai donné en allant le voir qui plus est avec mes amis et on était tous conquis alors que certains avaient beaucoup d'appréhensions sur le film. Ils ne s'attendaient pas à ça et à vrai dire moi non plus.

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    3. "The Lone Ranger" avait de quoi surprendre et je reste persuadé qu'il a été mal vendu...mais existait-il une façon plus efficace de le vendre, d'ailleurs. Je pense que ce film gagnera ses galons avec les années...

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    4. Je trouve encore une fois que Disney a fait son possible pour vendre un western grand public. C'est surtout le public qui n'était pas prêt à voir un film qui changeait des sentiers battus. Bon si le western ne marche pas, au moins il est bon.

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  5. On ne peut pas dire que Lone Ranger soit un western conventionnel ! On oscille toujours entre noirceur et situations comiques. Difficile de trouver son public dans ce cas là. J'aime beaucoup l'esthétique du film en tout cas. Malgré quelques longueurs, j'aurais bien aimé une suite...

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    1. Il s'agit effectivement d'un film pas comme les autres, et donc, difficile à vendre comme le premier blockbuster venu. Son esthétique et son ton m'ayant plu, je lui pardonne bien volontiers ses quelques erreurs...et aurait aimé voir les aventures suivantes du Lone Ranger.
      Merci de ton passage.

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  6. C'est clair, Lone Ranger est un film boiteux et trop long aussi. J'ai plus d'une fois regardé ma montre. Pourtant, on ne peut pas dire que Gore Verbinski n'est pas fait d'effort pour faire de ce film un grand divertissement.
    Enfin, je suis totalement d'accord avec le constat que tu dresses de la politique de Disney.

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    1. Il aurait peut-être fallu le sortir sous le label "Touchstone", pour se défaire de l'étiquette "enfantine" collée à Disney et assez peu adaptée à ce film.
      Merci de ta fidélité !

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  7. Par ailleurs, l'acharnement ricain continue puisqu'il est nommé plusieurs fois aux Razzies Awards. Quelle tristesse...

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    1. Oui, j'ai vu cela tout à l'heure.. c'est totalement injustifié et incompréhensible. Ca ne va pas me réconcilier avec les cérémonies en tout genre, fussent-elles parodiques.

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    2. Surtout quand on voit avec quoi il joue soit la dernière bouserie d'Adam Sandler, la dernière bouserie de Tyler Perry, After Earth et My movie project. Je m'amuse souvent avec les Razzies mais si Lone ranger gagne des prix, cela serait franchement désolant.

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  8. Pas encore vu celui-là. Il va peut-être me plaire. Merci de ton avis, c'est le "premier" que je lis qui est plutôt positif (ce film s'est fait descendre en flèche....)

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    1. Je lirai ton avis avec intérêt, si tu le publies.
      A l'occasion, je t'engage à jeter un oeil aux blogs voisins du mien : certains de mes camarades blogueurs l'ont tout aussi apprécié.

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