L'été 2013 a été meurtrier pour les blockbusters hollywoodiens. Qu'il s'agisse d'une mauvaise passe ou, plus probablement, d'un changement du modèle économique (comme annoncé par Spielberg et Lucas dans une conférence qui fit grand bruit), nombre de gros films sortis cet été n'ont pas remboursé leur budget de production. Jerry Bruckheimer, qui s'était pourtant fait le spécialiste du blockbuster (j'en veux pour preuve la série des "Pirates des Caraïbes"), a payé le prix fort avec "Lone Ranger" puisque Disney, au vu du gouffre financier que représenta ce film, le pria d'aller voir ailleurs (chez Paramount, en l’occurrence). Pendant des années, pourtant, le même Bruckheimer produisait régulièrement un film de Gore Verbinski avec Johnny Depp en tête d'affiche, et décrochait la timbale à chaque fois. Las, en 2013, la recette miracle a cessé de fonctionner. Alors, changement de comportement du public (ce dont je doute un peu) ou échec mérité au vu de la piètre qualité du film (ce que nous allons étudier maintenant) ?
San Francisco, 1933 : dans une foire, un vieil indien, raconte à un jeune garçon comment le procureur John Reid est devenu le Lone Ranger. Après avoir assisté, impuissant, au meurtre sauvage de son frère, John Reid, laissé pour mort et sauvé par l'étrange Tonto et un tout aussi bizarre cheval, va entreprendre de faire justice. Face à la violence et à la corruption, le duo va se retrouver dans une aventure mouvementée et dangereuse, sur fond de construction du chemin de fer.
Héros méconnu en France, le Lone Ranger est une icone de la pop-culture américaine. Issu d'un feuilleton radiophonique des années 1930, il eut droit, avant ce passage au grand écran, à une série télévisée dans les années 1950. A la faveur du succès de ses "Pirates des Caraïbes", Gore Verbinski est parvenu à convaincre les Studios Disney de financer un nouvel opus des aventures du Lone Ranger, espérant qu'il s'agisse du premier épisode d'une nouvelle série. Au vu du bide commercial, l'histoire s'arrêtera là et le producteur Jerry Bruckheimer fut d'ailleurs contraint d'aller trouver un nouvel employeur.
Le western est un genre moribond, depuis quelques années et c'est souvent en le mixant avec d'autresthèmes que les producteurs ont tenté de lui donner un second souffle. On se souviendra (ou pas) de "Cowboys et Envahisseurs" qui prouva bien que le genre se suffit à lui-même et n'a pas besoin de tels ajouts. Il n'y a pas (ou peu) de fantastique dans "Lone Ranger", mais Verbinski et ses scénaristes ont chois d'y ajouter de multiples pointes d'humour, venant ponctuer les scènes d'actions, aussi brutales soient-elles. Bien souvent, ce choix de ton étonne, voire dérange. Tentant de mêler une noirceur assumée et un ton résolument cartoon, "Lone Ranger" donne souvent l'impression d'être un film boiteux. C'est bien dommage, car il a dans sa manche quantité d'atouts qui gomment aisément la légèreté de son scénario.

Les personnages, tout d'abord, sont hauts en couleurs et extrêmement bien interprétés par un casting judicieusement choisi. En dehors du duo de tête, on notera la prestation de William Fichtner, en effrayant sadique : cet acteur mérite décidément d'être plus reconnu. Ensuite, les décors et le design général du film lui apportent une identité propre.
Devant la débauche esthétique que se permet Verbinski, on a souvent l'impression que le réalisateur s'est "lâché". Profitant que Disney regardait ailleurs (en l'occurrence, du côté de Lucasfilm) et disposant des clés du magasin de jouets, le metteur en scène (et le reste de l'équipe, d'ailleurs) s'amuse à tourner ce film étrange, souvent bancal, mais pourtant assez réussi d'un point de vue plastique.
Au final, si l'on peut fermer les yeux sur les quelques maladresses de ce film un peu bancal, mais plutôt original, ce qu'on peut le plus reprocher à "Lone Ranger", c'est la dramatique stratégie qui prévalut à sa sortie. C'est comme si Disney ne savait pas vendre des films, mais uniquement des produits.